GAZETTE DU PALAIS - mArdi 26 juillet 2016 - NO 2812
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PÉNAL
Quelle approche par le juge des enfants du phénomène
de « radicalisation » ? 272b9
Réflexions à partir du cas d’ Amir X.
L’essentiel
Comment le juge des enfants doit-il appréhender l’audition d’un mineur «radicalisé»? Quelques pistes sont
ici proposées à partir d’un cas concret.
Amir (1) est âgé de 15ans.
Après 48 heures de
garde à vue, il est déféré
devant le juge des enfants.
Il lui est reproché d’avoir
téléchargé sur l’ordinateur
familial des photographies de décapitation et abordé avec
dérision les attentats commis sur le sol français avec plu-
sieurs interlocuteurs et sur différents réseaux sociaux
(Facebook et Telegram). Il lui est également reproché
d’avoir évoqué, lors de ces mêmes conversations privées,
la possibilité de prendre part à des attentats, ou encore de
menacer de «radicaliser» sa petite sœur.
S’il accepte volontiers de répondre aux questions du
juge, chacune de ses réponses laisse apparaître un cer-
tain détachement. Durant toute l’audition, l’adolescent ne
montre aucun signe de nervosité apparent. Ses réponses
sont le plus souvent ambivalentes pour ne pas dire in-
quiétantes. Àrebours des déclarations faites devant les
services de police, Amir explique avoir pris beaucoup
de recul et s’être trompé. Mais ses explications ne sont
guère convaincantes… Il faut dire que le profil de ce jeune
homme interroge: «né» musulman, avant de devenir
athée, il déclare ensuite s’être «(re)converti» à l’Islam à
l’âge de 13ans. Ne craignant aucune contradiction, il pré-
tend enfin s’être idéologiquement rapproché d’AlQaida,
puis du régime syrien de Bachar el-Assad, et de Daesh,
avant d’être revenu à la pratique d’un islam qu’il définit
lui-même comme rigoriste.
Un parcours de vie pour le moins singulier, qui le conduit
donc devant le juge des enfants et qui va déboucher sur sa
mise en examen pour apologie de terrorisme (2).
NDA1 : L’occasion nous est ainsi donnée d’adresser nos plus sincères remerciements
au magistrat de nous avoir permis d’assister à cette audience.
NDA2 : «Le terme “radicalisation” (étymologiquement: “retour aux sources”), est
employé ici à des fins de commodité de langage. Un autre terme lui serait assuré-
ment préférable tel que “extrêmisation”».
(1) Le prénom du mineur a été modifié.
(2) C.pén., art.421-2-5: «Le fait de provoquer directement à des actes de ter-
rorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans
d’emprisonnement et de 75000 d’amende». Depuis la loi n°2016-731 du
3juin 2016 (entrée en vigueur le 5juin dernier), un tel comportement est sus-
ceptible de tomber sous le coup des articles421-2-5-1 (extraction, reproduction
et transmission intentionnelle de données faisant l’apologie publique d’actes de
terrorisme) et421-2-5-2 du Code pénal (consultation habituelle d’un service de
communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images
ou représentations soit provoquant directement à la commission d’actes de ter-
rorisme, soit faisant l’apologie de ces actes).
Àpartir du cas particulier de ce mineur, il peut être inté-
ressant de s’interroger sur l’appréhension par le juge des
enfants de l’audition d’un mineur «radicalisé».
Comprendre ou expliquer n’est évidemment ni excuser,
ni justifier… Comment peut-on sérieusement prétendre
lutter contre un tel fléau sans tenter de prendre la me-
sure de toutes les difficultés posées par le phénomène de
«radicalisation»?
En effet, comment la justice des mineurs peut-elle espé-
rer apporter une réponse juridique adaptée sans avoir, au
préalable, saisi les termes du problème qui lui est posé?
Comprendre les aspirations de tous ceux qui s’aban-
donnent à ce type d’idéologie violente constitue
assurément l’étape préparatoire à la recherche de solu-
tions efficaces.
Que sait-on réellement de la «radicalisation»? (3)
On sait d’abord que, très souvent, c’est par la petite ou
moyenne délinquance et/ou à la suite d’itinéraires de vie
complexes que de jeunes gens, en manque de repères et
d’aspirations, finissent par adhérer à ce type d’entreprises
criminelles. Nos sociétés occidentales semblent basculer
dans «l’ère du vide» (4) de sorte que les grands projets
ou les grands récits ont peu à peu été remplacés par la
culture du narcissisme (5). Les individus sont désormais
appréhendés comme autant de « particules élémen-
taires» qui composent la société. C’est dans ce contexte
que prospèrent les mouvements déviants et sectaires;
ceux-ci peuvent apparaître comme une forme de «débou-
ché» à destination d’individus en quête de références
puissantes pour se sentir exister (6).
On sait ensuite que le risque de «radicalisation» concerne
essentiellement des jeunes âgés de15 à25ans, qui se
situent dans une période de leur vie qui les rend réceptifs
à ce type d’offre (7). Et pour recruter des adolescents et
jeunes adultes, les groupes terroristes usent de véritables
techniques de manipulation mentale. Internet apparaît, à
cet égard, comme l’une des premières sources de «radi-
calisation»: vidéos, images, textes traduits en français…
(3) MorvanP., «Le terrorisme djihadiste: regard criminologique», JCPG 2016,
doctr.34.
(4) LipovestkyG., L’ère du vide. Essai sur l’individualisme contemporain, 1989, Gal-
limard, Folio essais.
(5) LaschC., La culture du narcissisme, 2010, Flammarion, Champs essais.
(6) Boutih M., Génération radicale, rapp., Juin 2015.
(7) LebretonD., «Jeunesse et djihadisme», Le Débat, 2016/1 (n°188), p.119.
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Libre propos par
Younes BERNAND
Docteur en droit –
Auditeur de justice
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GAZETTE DU PALAIS - mArdi 26 juillet 2016 - NO 28 13
Daesh a su se doter d’un service multimédia, au sein
duquel, Al Hayat Media, vise plus particulièrement une
audience occidentale. Les vidéos de propagande peuvent
être librement téléchargées à partir de Youtube. On y-
crit une société d’abondance, lieu de réalisation de tous
les fantasmes, où, en tant que combattant, il est possible
de les vivre pleinement. Cette forme d’embrigadement
sectaire a pour but d’amener ces jeunes à renier ce qui
les entoure afin de les isoler et de les placer sous l’em-
prise d’un discours «radical». Àpartir d’une approche
totalement dévoyée de la religion, l’individu se trouve du
même coup détaché de tout héritage culturel et de tout
environnement familial ou social. Il s’agit d’un «proces-
sus de compartimentage émotionnel progressif », où
«les émotions sont partagées entre les nouveaux frères
et sœurs, avec lesquels un lien très fort s’installe» et «les
liens émotionnels avec la famille et surtout la mère sont
coupés» (8).
Enfin, la «radicalisation» de jeunes gens se dessine sou-
vent en creux de phénomènes de délinquance, qui peuvent
prendre plusieurs visages: délinquance initiatique (par la
découverte d’un certain goût de la transgression), délin-
quance d’exclusion (impliquant un public issu de quartiers
sensibles ou de milieux les plus défavorisés) et délin-
quance pathologique (par les difficultés individuelles et
souvent familiales). Le profil d’Amir s’inscrit parfaitement
dans ce paradigme. L’adolescent n’a pour ainsi dire reçu
aucune éducation religieuse. Sa mère se définit comme
«agnostique». Son père, musulman «pratiquant peu
assidu», regrette de ne pas avoir su inculquer à son fils
les préceptes de l’islam, et ne pas avoir su lui donner les
repères nécessaires pour éviter qu’il ne s’égare. C’est
ce que s’attache à relever chaque adulte (juge, avocat et
parents) durant l’audience.
Déscolarisé depuis l’âge de 14ans, sans véritable pers-
pective d’avenir, Amir est un adolescent «perdu» qui
passe ses journées et ses nuits enfermé dans sa chambre
sur les réseaux sociaux… Ses parents ont divorcé alors
qu’il n’avait que dixans. La séparation s’est faite dans un
contexte si conflictuel qu’il a peu à peu perdu tout contact
avec son père. Il le retrouve le jour de l’audience après
deux ans d’absence.
Quel positionnement pour le juge? Pour le juge, il paraît
difficile d’appréhender un tel phénomène en éludant tota-
lement les considérations de type théologique. Certes, le
terrorisme réduit son approche de la religion à sa superfi-
cie la plus caricaturale, et la connaissance du fait religieux
par les jeunes radicalisés frise très souvent le néant (9).
Il suffit pour s’en convaincre d’analyser le corpus idéo-
logique des groupes terroristes pour se rendre compte
de l’indigence intellectuelle qui les anime. Pour autant,
ces entreprises criminelles sont bien perpétrées au nom
(8) Leman J., « L’évolution vers un djihadisme militant militaire », JDJ 2016,
nos351 et352, p.17.
(9) C’est cette absence de références religieuses solides et ancrées qui en fait d’ailleurs
des proies d’autant plus vulnérables. Pourtant, selon certains hadiths authen-
tiques rapportés des paroles du prophète de l’islam, les ancêtres dAl Qaida et
de Daesh (dénommés les «Khârijites») sont décrits en ces termes: « ils sont les
pires créatures », « ils appellent au livre d’Allah (le Coran) alors qu’ils n’ont rien
à voir avec le livre d’Allah ».
d’une instrumentalisation de la «foi» dans la mesure où
elles empruntent à l’Islam certains de ses codes et de ses
références.
C’est pourquoi, il est important de faire la part des choses
et se garder d’assimiler ou de confondre la pratique d’un
culte ou l’exercice de la liberté religieuse avec les dé-
rives sectaires ou les entreprises terroristes. Ainsi, une
approche «fondamentaliste» de la religion n’est pas en
soi répréhensible dès lors qu’elle est inscrite dans une
perspective non violente… S’il peut parfois interroger le
principe de laïcité, l’Islam dit «traditionnel» (10), c’est-
à-dire l’application littérale des textes religieux, n’est
constitutif d’aucune infraction pénale.
Le juge des enfants doit donc composer avec toute la
diversité du fait religieux (11), et appréhender pleinement
les convictions religieuses des justiciables dans sa déci-
sion (12). Il peut difficilement s’extraire d’une approche
culturaliste, si la pratique d’un culte s’inscrit dans le cadre
d’un exercice de la liberté religieuse respectueux de la
loi (13). Certes, dans la conception française, la religion re-
lève de la sphère privée, et l’État et ses institutions doivent
affirmer leur indépendance et leur neutralité à l’égard de
la religion. Pour autant, la liberté religieuse ne se limite
pas à la liberté de croire ou de ne pas croire, elle implique
aussi une certaine extériorisation, qu’il s’agisse de l’exer-
cice du culte ou tout simplement de l’expression d’une
croyance religieuse. Nier ces éléments qui composent
l’identité de la personne reviendrait à rendre incertaine
l’efficacité de la décision (14).
Le juge doit s’évertuer à qualifier
l’engagement spirituel du jeune
Évidemment, en tant qu’autorité étatique et représentant
du peuple français, le juge doit aussi être en capacité de
positionner son action dans une approche universaliste, au
besoin, en rappelant que les règles sont les mêmes pour
tous et que la loi est d’application générale. Le juge doit
ainsi veiller à ce que l’adhésion à des normes religieuses
par la cellule familiale ou l’un de ses membres n’ait pas
pour effet de marginaliser l’enfant de la société, ni de le
menacer dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, son
éducation et son développement.
La problématique est toute autre en présence d’un mineur
qui se réclame de l’islam «radical», ou dont le mode de
vie laisse à penser qu’il yadhère. Il n’est alors plus ques-
tion de liberté religieuse, mais d’instrumentalisation de la
(10) V. not. Seyyed Hossein Nasr, L’islam traditionnel face au monde moderne, Ed.
L’Age d’Homme, 1993.
(11) Wurtz C., Le juge des enfants face à la diversité culturelle, Mémoire, H. Fulchi-
ron (dir.), Lyon 3, 2016.
(12) L’article1200 du Code de procédure civile précise, à cet égard, que «dans
l’application de l’assistance éducative, il doit être tenu compte des convictions
religieuses ou philosophiques du mineur et de sa famille» (CPC, art.1200).
(13) Delmas C., «Du rejet de tout préjugé dans l’appréciation de l’intérêt de l’en-
fant en matièred’éducation religieuse», Dr. fam. n° 3, 2016, comm. 51.
(14) SultanC., Je ne parlerai qu’à ma juge. Voyage au cœur de la justice des enfants,
2013, Seuil : «Il arrive que la méconnaissance réciproque entre les références
de l’institution judiciaire et les conceptions culturelles d’une famille soit si
profonde qu’elle empêche toute action efficace et conduise au blocage ou au
conflit».
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GAZETTE DU PALAIS - mArdi 26 juillet 2016 - NO 2814
religion qui, comme on le sait, peut conduire à sa perte et
à celle de la société.
Pour faire la part des choses, le juge doit être attentif aux
différents signes qui peuvent s’inscrire dans une logique
de «radicalisation» (15). Quels sont-ils? Généralement,
le jeune se méfie de ses anciens amis, il rejette certains
membres de sa famille, il abandonne l’école, sa formation
professionnelle ou son emploi, il fréquente assidûment les
réseaux sociaux à caractère radical ou extrémiste, et plus
largement, il se replie sur lui-même, tient des propos aso-
ciaux, rejette toute forme de vie en société (16)
Au-delà de ce diagnostic de «radicalisation», le juge doit
également s’évertuer à qualifier l’engagement spirituel du
jeune. Mener ce type d’entretien requiert bien évidemment
un certain niveau de connaissances du fait religieux. Àtitre
de suggestions, il peut être utile d’aborder certaines ques-
tions (17)du type :
Que pensez-vous des États musulmans où la Charia
n’est pas appliquée? Les adeptes d’un «islam intégriste»
opèrent généralement un tri entre les bons et les mau-
vais musulmans… Pour ces derniers, qualifiés d’apostats
(également kuffar, c’est-à-dire mécréants), qui regroupent
l’écrasante majorité des musulmans, prêter allégeance à
l’État islamique est en contrariété absolue avec leur foi.
Comment définiriez-vous le Djihad ? Il existe deux
conceptions du Djihad: l’une guerrière, qui a la préférence
des «intégristes», ou qui ne peut être pensée que dans
les règles établies par le droit islamique de la guerre (que
réprouvent les adeptes de Daesh) et une autre spirituelle
(le «Djihad intérieur», traduction arabe de l’abnégation)
privilégiée par les musulmans. En assimilant les terro-
ristes à des «djihadistes», on opère un grave contresens
qui n’est pas sans conséquences dans la bataille des mots
et des idées avec ces derniers…
Que vous inspirent les attentats commis en Occident?
Au Moyen-Orient? Cette question peut permettre de véri-
fier si le mineur est en capacité de faire preuve d’empathie
ou de compassion devant l’horreur suscitée par le mas-
sacre d’innocents.
Dans notre cas d’espèce, comment le juge met-il en
œuvre ce faisceau d’indices? Il commence par préciser
qu’il n’entend nullement entrer dans une discussion de
type théologique. Il s’attache néanmoins à interroger les
parents sur leur degré de religiosité et l’influence qu’ils
pourraient exercer en la matière sur leur fils. Il s’attache
ensuite à savoir où l’adolescent se situe au plan de la pra-
tique de la religion. Le mineur peine à expliquer qu’il est
un simple adepte d’un islam traditionnel, d’autant que
l’évocation par le juge de l’abjection suscitée par les pho-
tos de décapitations le laisse sans réaction.
Pour lui, tout ceci ne semble être qu’un jeu… Aucun regret,
aucune compassion à l’endroit des victimes ne transpa-
raît dans son discours. Sa «radicalisation» ne fait guère
(15) L’École nationale de la magistrature est sensible à cette difficulté. Les futurs
juges des enfants, qui pourront être confrontés à des dossiers de radicalisation,
bénéficient d’une séquence pédagogique qui doit leur permettre de repérer
ces situations en étant en capacité de décrypter et décoder un certain nombre
d’indicateurs pendant une audience.
(16) www.stop-djihadisme.gouv.fr.
(17) Sous réserve d’une dissimulation par l’intéressé de ses véritables convictions
(en arabe: «taqiya»).
de doute et son comportement est constitutif du délit
d’apologie de terrorisme. Il appartient au juge des enfants
d’adopter toutes les mesures nécessaires.
Quelles solutions? Si le juge n’est qu’un maillon d’une
longue chaîne (18), il doit toutefois prendre toute sa part
dans la lutte contre le phénomène de «radicalisation» (19).
D’abord, lors de l’audition, il doit s’évertuer à rappeler au
mineur et à ses parents les principes qui vont structurer
la décision. Il doit être en capacité d’opposer au mineur
un système de valeurs en tout point antagoniste à celui
auquel ce dernier prétend adhérer… Ce contre-discours (20)
ne suffira certainement pas à désintoxiquer l’enfant du
système de justification de la violence auquel il s’est
abandonné. Il s’agit tout de même de s’évertuer à réins-
crire l’adolescent dans le réel pour tenter de l’extraire
du monde «sans foi ni loi» qui nourrit les pires de ses
fantasmes. Au-delà du caractère délictuel de ses actes,
le mineur doit prendre conscience de la nocivité d’un tel
comportement.
Le juge doit être en position
d’articuler une réponse urgente avec
des solutions dont les effets seront
bénéfiques à long terme
Ensuite, les solutions apportées par le droit ne peuvent
se réduire à de simples vues court-termistes. Le juge doit
être en position d’articuler une réponse urgente avec des
solutions dont les effets seront bénéfiques à long terme…
En l’espèce, conformément à l’article10-2 de l’ordonnance
n°45-174 du 2février 1945 relative à l’enfance délin-
quante, le juge des enfants décide de placer Amir sous
contrôle judiciaire, lequel est assorti des obligations sui-
vantes: d’une part, le mineur doit suivre de façon régulière
une scolarité ou une formation professionnelle jusqu’à sa
majorité (finalité longue). Il s’agit là d’enjoindre Amir à
s’inscrire dans un processus de réinsertion. Sans retour
à un emploi ou à une formation, les perspectives de sortie
de la logique d’embrigadement dans laquelle le jeune s’est
enfermé seront nulles. D’autre part, Amir doit respecter
les conditions d’un placement dans un centre éducatif
fermé (finalité courte). Les centres éducatifs fermés sont
des établissements publics dans lesquels les mineurs font
l’objet de mesures de surveillance et de contrôle permet-
tant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé
et adapté à leur personnalité. Ces établissements ac-
cueillent un petit groupe de six àhuitmineurs délinquants.
Concrètement, la prise en charge du mineur repose sur un
encadrement éducatif permanent dans tous les actes de la
vie quotidienne comme dans les activités et sur la mise en
place de séjours de rupture favorisant la mobilisation et
(18) V. not. les 40 propositions formulées par la commission d’enquête relative
aux moyens mis en œuvre par l’État pour lutter contre le terrorisme depuis
le 7janvier 2015.
(19) V. déjà CA Lyon, 24 mars 2015, n°14/00295: BACALy (revue électronique)
obs. Delmas C.
(20) Ce travail doit s’accompagner d’une pédagogie sur la doctrine islamique: ce
qu’est l’Islam, Daesh, etc. V. GoulamineK., « Les radicalisations, les com-
prendre, en sortir, les enjeux», JDJ 2016, nos351 et352, p.25.
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l’apprentissage de règles. L’un des objectifs de ces ses-
sions, dont la durée ne peut excéder six mois, est de créer
une rupture temporaire du mineur tant avec son environ-
nement qu’avec son mode de vie habituel. En l’écartant
ainsi du contexte qui lui rappelle sa condition de «radica-
lisé», l’on peut espérer que le mineur s’éloigne peu à peu
de l’idéologie véhiculée par Daesh. Àl’issue du placement
en centre éducatif fermé, le juge des enfants peut prendre
toutes les mesures permettant d’assurer la continuité de
la prise en charge éducative du mineur en vue de sa réin-
sertion durable dans la société.
C’est le propre de l’acte de juger que de cultiver le souci
du présent (trancher un litige, mettre un terme à un
conflit, sanctionner et faire cesser un trouble à l’ordre so-
cial, répondre à un besoin de justice actuel…), sans perdre
de vue les enjeux ou les implications de la décision sur le
long terme (21). Dans nos sociétés où domine une certaine
culture de l’instantanéité et de l’accélération, la magis-
trature incarne une poche de résistance, au travers de
l’articulation du court, du moyen et du long terme (22). C’est
à cette condition que la justice des mineurs peut contri-
buer à lutter contre le phénomène de «radicalisation»…
(21) RicoeurP., «L’acte de juger», Esprit juill.1992, p.20.
(22) Sur le renouvellement contemporain des catégories temporelles, v. BernandY.,
Les temporalités en droit de la famille, FulchironH. (dir.), thèse, Lyon, 2015.
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