
Cancer – Ensemble pour mieux prévenir, soutenir et soigner
L’infirmière pivot en oncologie : vers des interactions optimales 3
Avec du recul, je réalise que face à cette croissance qui provoquait beaucoup d’attentes, j’ai probablement
appliqué ce que Paul Watslawick appelle une « ultrasolution », et ai donc fait plus de la même chose.
Pourtant, tout le monde sait que deux fois plus n’est pas nécessairement deux fois mieux. Nous avons donc
tous fonctionné à plein régime, et particulièrement l’infirmière pivot, pendant deux bonnes années. C’était
ignorer les désagréments des réactions compensatoires des systèmes en période de croissance : plus vous
dépensez de l’énergie pour améliorer une situation, plus vous devez en dépenser. Plus vous allez dans un
sens, plus le système vous ramène dans l’autre.
Lorsque la situation a semblé rendue à sa limite, l’équipe a fait une pause et est remontée en amont des
situations problématiques.
L’équipe médicale s’est « ré-inspirée » du Programme québécois de lutte contre le cancer, comme outil
d’analyse (qui au fait, par ses visites, est d’une aide précieuse à l’équipe en place). Le chef du Département
de médecine interne a été mandaté par la direction générale pour revoir la structure organisationnelle du
programme.
Deux grands constats découlent de notre analyse : un problème dans la définition des rôles et un problème
en rapport avec la délégation de pouvoir aux différents acteurs. La direction du centre hospitalier, pour des
raisons de fusion et de restructuration, n’avait été que peu engagée dans la construction de notre nouveau
réseau en oncologie. La mise en place du poste d’infirmière pivot s’est négociée entre l’Agence et la partie
plus administrative de notre pyramide organisationnelle. Mais il nous manquait l’engagement concret du
niveau stratégique de notre organisation. Grave erreur, nous diraient de bons stratèges militaires. Par
conséquent, le pouvoir a été partagé entre des gens qui ne le détenaient pas ou peu. Comme le souligne
un rapport de recherche réalisé par le GRIS sur les réseaux intégrés en oncologie de la Montérégie, le
leadership d’un réseau doit reposer sur des leaders professionnels solides et convaincus. Son élaboration
doit toutefois être appuyée et pilotée par tous les niveaux de la direction, surtout dans le cas d’une
approche interpellant plusieurs acteurs de différentes disciplines, qui par surcroît sont souvent
géographiquement éloignés. Nous avons constaté également l’importance du leadership médical, élément
crucial à la réussite d’un réseau de services intégrés en oncologie.
Afin de voir à la mise en place des recommandations de fonctionnement structurel émises par le chef du
Département de médecine interne, des rencontres interdisciplinaires ont débuté dès la présentation du plan
de relance aux membres de la direction.
Comment aider au mieux une équipe à se construire ? Selon David Bohm et Peter Senge, c’est ici
qu’intervient le pouvoir créatif du langage. Tous les mots sont des symboles et, en tant que tels, des
abstractions. Ils ont souvent des sens différents selon les individus. Donc, il faut prendre le temps de
discuter et dialoguer en équipe élargie, et recentrer la pensée, le concept.
Travailler en interdisciplinarité exige de nombreux efforts, suppose une harmonisation des actions
proposées, mais également, la reconnaissance de la compétence de chacun. L’amélioration du dialogue et
la pratique de l’art de la discussion sont des moyens que nous avons privilégiés afin d’atteindre une
meilleure cohésion. Donc, les réunions d’équipe visant l’élaboration de plans de services se sont enrichies
des partenaires des soins à domicile. Nous avons également décidé d’inviter à nos rencontres midi, en plus
du directeur, tous les acteurs touchant les services en oncologie. Ainsi, les responsables de la radiologie,
du laboratoire, de la salle d’opération et du centre de rendez-vous se joignent régulièrement à l’équipe,
dans la recherche de solutions.
Le deuxième grand constat se rapporte à la théorie du rôle, telle que décrite dans le modèle de Katz et
Kahn. Nous nous sommes aperçus que plusieurs membres de l’équipe jouaient le rôle d’autres membres,
sans en avoir le pouvoir légitime. Par exemple, l’infirmière pivot jouait souvent une partie du rôle de la