Homélie de la fête du Saint Sacrement
du Corps et du Sang du Christ
La fête du Saint Sacrement est née au 13ème siècle où les fidèles avaient une crainte du Saint
Sacrement et ne communiaient que très rarement. C'est ce qui explique paradoxalement cet
ancien nom de « Fête-Dieu » où on fêtait Dieu en donnant au regard et à l'adoration des
fidèles l'hostie qu'ils ne mangeaient pas souvent.
Le nom que la réforme liturgique de Vatican II a donné à cette fête « La fête du Saint
Sacrement du Corps et du Sang du Christ » convient beaucoup mieux parce qu'il dit l'aspect
essentiel du mystère eucharistique qui est nourriture, même si la contemplation et
l'adoration des saintes espèces reste à promouvoir. Jésus ne nous dit-il pas : « Si vous ne
mangez pas la chair de l'homme. . . » C'est à cet aspect essentiel que nous nous attarderons
aujourd'hui à la suite de l'évangile que nous venons d'entendre où Jésus vient de dire : « Le
pain que je vous donnerai, c'est ma chair ».
D'emblée, nous pensons , comme les gens à l'époque de Jésus, que Jésus nous invite à
manger son corps dans l'eucharistie sans nous rendre compte qu'il parle au futur;il se situe
au futur, par anticipation.
Mais avant de comprendre le sens de ces paroles, précisons d'abord qu'aujourd'hui, nous
avons une conception dualiste de l'homme. Nous, nous concevons l'être humain comme un
corps, l'élément matériel, et comme un esprit, une âme immortelle, l'élément spirituel,
intellectuel.
Mais dans la conception juive, il en va tout autrement. Jésus s'exprimait en araméen et s'est
servi du mot « bisra » que St Jean traduit par « chair » (sarx en grec). Dans ce message
sémitique, le mot bisra-chair désigne tout l'homme, la personne toute entière. Quand Jésus
dit qu'il donne sa chair à manger, il dit très exactement qu'il se donnera, en tant que
personne terrestre, avec tout ce qu'il est, et toute sa vie, la croix et la résurrection incluses.
Ici, nous sommes au coeur du message de Jésus.
Ici, nous sommes au coeur du message de Jésus qui révèle aux hommes que Dieu les aime et
qu'il veut graver cet amour en nous, dans notre chair. Dieu est comme un père ou une mère
de famille qui voyant son enfant malade, le voit dépérir et qui voudrait arracher une part de
sa propre vie pour la donner à son enfant pour qu'il vive. Mais hélas, l'homme ne peut le
faire. Mais Dieu bien. Il peut donner une part de sa vie, sans rien perdre de lui-même.
Mais pour ce faire, Dieu passe par l'humanité de Jésus puisque notre condition humaine
passe par la corporéité. Par ce biais-là, il est venu dans le monde - « Et le Verbe s'est fait
chair » -, et par là aussi, il donne sa vie. D'où le lien qu'il crée entre l'homme Jésus et le
pain-nourriture. Ce que Jésus nous propose, ce n'est pas de le manger dans son humanité
passagère – ce serait du cannibalisme -, mais bien dans son Verbe incarné. « Et le Verbe
s'est fait chair ». Audacieux programme que seul Dieu peut se permettre, lui pour qui rien
n'est impossible.
Oui, le miracle est grand. La réalité est sublime. Le mystère reste entier. Du pain et du vin
d'abord, en tant que nourriture, et la Parole de Dieu fait le reste. Elle donnera à ce pain de