PRÉVENIR LES DIFFICULTÉS... ET JOUER LA SOLIDARITÉ?

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ment de l’économie solidaire, est bien placé pour le savoir : il est
rare que ses antennes régionales soient sollicitées par les associations
quand tout va bien... alors que c’est à ce moment-là qu’il aurait été
le plus facile d’apporter un financement et de prévenir les difficultés
de trésorerie. Au moment où la trésorerie plonge, il devient difficile
d’intervenir car une trésorerie négative ou tendue peut être le reflet
de situations financières radicalement différentes : du simple décalage de paiement d’une subvention aux signes avant-coureurs d’une
cessation des paiements, en passant par une crise de croissance, le
symptôme sera identique mais le mal ne sera pas de même nature et
il faudra le traiter de manière adaptée à la situation.
On distinguera notamment les
La gestion de la trésorerie demande au dirigeant
interventions agissant simpleassociatif de mobiliser à bon escient les services que peuvent
ment sur la trésorerie, telles que
lui proposer les banques tels que la couverture des besoins quand
la facilité de caisse ou l’avance
la trésorerie est mise à mal ou des placements lorsqu’elle est
de trésorerie, des interventions
excédentaire. Tout cela suppose un minimum d’analyse.
plus lourdes qui s’attachent au
renforcement de la structure
financière globale de l’associaAUTEUR
Denis Dementhon
tion. En complément, il sera
TITRE
Responsable du CNAR Financement
parfois nécessaire d’intervenir de
à France Active
manière à redresser un déséquilibre du modèle économique,
c’est-à-dire quand les produits ne
couvrent pas les charges. Pour
éviter une solution inadaptée,
un diagnostic pertinent doit
être fait : il devra bien évideme nombreuses associations évaluent en premier ment s’intéresser aux mouvements de trésorerie, encaissements et
lieu leur santé financière à l’aune de leur trésorerie. décaissements, mais on ne fera pas l’économie d’un examen de la
Avoir une trésorerie négative et dépendre de sa banque pour les « structure financière ». C’est cet examen qui permettra de savoir si,
paiements courants est certes plus inconfortable que de disposer de au-delà des événements conjoncturels, la trésorerie de l’association
placements. Néanmoins, s’il est un indicateur important, le niveau est « structurellement négative » ou « structurellement positive ».
de trésorerie ne dit pas tout de la situation économique : une trésorerie positive peut masquer une fragilité de la structure financière BIEN DIAGNOSTIQUER POUR TROUVER LE BON
et, inversement, un pic de trésorerie négatif peut être le reflet d’une REMÈDE : COMPRENDRE LA « STRUCTURE FINANCIÈRE »
On appelle « structure financière » l’ensemble des grandeurs qui
croissance rapide, sans remise en cause du modèle économique.
permettent d’apprécier la solidité financière de l’association. Ainsi,
TENSIONS DE TRÉSORERIE
une association qui perd de l’argent sur un exercice pourra s’en
Un grand nombre d’associations consultent leurs interlocuteurs sortir si elle dispose d’une bonne structure financière. À l’inverse,
financiers en situation de trésorerie tendue, voire négative, pour une structure financière trop légère ou déséquilibrée soumettra
tenter de trouver une solution. France Active, réseau de finance- une association à des risques de rupture de trésorerie même
TRÉSORERIE
PRÉVENIR LES
DIFFICULTÉS... ET
JOUER LA SOLIDARITÉ ?
D
15 novembre 2010 - jurisassociations 428
Article extrait de jurisassociations n° 428 du 15 novembre 2010. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris Éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr
GESTION
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ARTICLE
L’ESSENTIEL
 Les excédents de trésorerie
d’une partie du monde associatif
peuvent être mobilisés, dans des
conditions de sécurité avérées,
au bénéfice d’initiatives bâties
sur des valeurs qu’il partage.
Article extrait de jurisassociations n° 428 du 15 novembre 2010. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris Éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr
GESTION
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quand elle équilibre ses comptes. Pour apprécier la structure
financière, les dirigeants d’une association doivent se référer au
bilan. Le bilan est le document financier établi à la fin de chaque
exercice comptable, qui rend compte du patrimoine de l’association
et de la manière dont il est financé. Sans devenir un expert financier, il est important pour un trésorier d’association d’en maîtriser les
principales clés de lecture : ce sont ces mêmes clés que son banquier
regardera pour répondre à une demande de crédit de trésorerie !
Le bilan permet notamment de calculer deux notions
incontournables :
 le fonds de roulement (FR), qui est la différence entre les capitaux permanents et les immobilisations. Il caractérise la marge
de manœuvre restant à l’association après qu’elle a financé ses
investissements ;
 le besoin en fonds de roulement (BFR), qui est la différence
entre les créances d’exploitation et les dettes d’exploitation. Plus
les encaissements sont tardifs, plus le besoin en fonds de roulement
sera important : une association financée par un programme européen devra s’attendre à avoir un besoin en fonds de roulement très
important.
Schématiquement, quand le fonds de roulement est supérieur au
besoin en fonds de roulement, la trésorerie est structurellement
positive (voir schéma de droite) : d’éventuels besoins de trésorerie survenant dans l’année seront des pics de trésorerie ponctuels relativement faciles à traiter avec les financements court terme bancaires
existants. D’autre part, si l’excédent de trésorerie est permanent,
l’association peut commencer à s’intéresser aux produits d’épargne.
Inversement, si le fonds de roulement ne couvre pas le besoin en
fonds de roulement, la trésorerie est structurellement négative
(voir schéma de gauche). La solution devra plutôt être recherchée du
côté d’un renforcement des capitaux permanents : rechercher
de nouveaux apports en fonds propres1, réaliser des excédents
d’exploitation réguliers, recourir à des emprunts pour financer ses
investissements.
DES OUTILS POUR ANTICIPER :
LE « KIT DU TRÉSORIER PRÉVOYANT »
Le trésorier d’association doit se doter d’un plan de trésorerie
prévisionnel2, qui lui permettra de déterminer et de quantifier les
périodes d’excédent et d’insuffisance de trésorerie. Mais il devra
compléter cette vision dynamique, si besoin avec l’appui de son
expert-comptable, par une analyse de l’évolution de la structure
financière d’une année sur l’autre :
 une augmentation du besoin en fonds de roulement peut traduire
une modification dans le rythme des encaissements : les partenaires
paient avec plus de retard... Cela peut aussi traduire un développement normal de l’activité. Dans un cas comme dans l’autre, il faudra
chercher à augmenter le fonds de roulement pour adapter la structure financière à la nouvelle donne ;
 une diminution du fonds de roulement d’une année sur l’autre
pourra traduire une mauvaise stratégie de financement : on aurait,
par exemple, réalisé un investissement sans avoir recours à un
emprunt bancaire. Elle pourra aussi être la conséquence d’une
perte d’exploitation : l’association aurait fait un déficit sur un ou
plusieurs exercices. Dans ce dernier cas, il est clair qu’aucune solution financière ne pourra être recherchée indépendamment d’une
réflexion sur le retour à l’équilibre d’exploitation.
Dans les cas de trésorerie structurellement positive, le plan de trésorerie permet d’évaluer le potentiel d’épargne à moyen ou long terme
que l’association pourra se permettre de souscrire.
DES SOLUTIONS POUR AMÉLIORER LE PROFIL
DE TRÉSORERIE OU POUR PASSER UN CAP
On distinguera schématiquement trois types de solutions.
BILAN FINANCIER
Fonds de
roulement
Besoin
en fonds de
roulement
Les solutions « court terme »
Fonds de
roulement
Trésorerie
négative
jurisassociations 428 - 15 novembre 2010
Besoin
en fonds de
roulement
Trésorerie
positive
Principalement distribuées par les banques, ces lignes de financement permettent, sur une durée de quelques mois maximum,
d’attendre le retour à une situation de trésorerie positive. Découvert,
avance de trésorerie, cession de créances, elles sont utiles mais ne
résoudront pas durablement les difficultés liées à une structure
financière déséquilibrée.
1. Voir le guide « Associations et fonds
propres » du CNAR Financement.
2. On en trouve un exemple
dans la rubrique « Outils » du
portail www.solfia.org.
 Une perspective qui
justifie que les trésoriers
s’intéressent à la question.
LES RÉFÉRENCES
Les solutions « moyen terme »
Elles peuvent être mobilisées auprès des banques, notamment
quand il s’agit de financer des investissements par emprunt. Mais
on peut aussi les trouver auprès des organismes de finance solidaire. France Active a ainsi développé une gamme d’outils de
financement qui vont du prêt participatif à l’apport remboursable.
L’ensemble des solutions moyen terme agissent sur la structure
financière, rendent l’association moins vulnérable face aux incidents de trésorerie et lui permettent de porter son projet de développement plus sereinement.
Les solutions non financières
Rappelons enfin que les solutions ne sont pas uniquement financières. Un bon système de relance des créanciers ou la négociation en amont de délais auprès des fournisseurs suffisent parfois à
résoudre les difficultés.
ET QUAND LA TRÉSORERIE EST STRUCTURELLEMENT
POSITIVE ?
On estime que les associations, qui représentent un chiffre d’affaires
global en France évalué à 65 milliards d’euros annuels, génèrent
des dépôts stables auprès de leurs banques de l’ordre de 1 milliard
 Sur les guides et outils cités dans l’article : www.solfia.org.
 Sur les solutions de financement moyen terme et les placements
solidaires : www.franceactive.org.
 Sur les placements solidaires : www.finansol.org.
limité mais très sécurisé. Jusqu’à 75 000 euros de placement, le
traditionnel livret A est aussi une solution souvent privilégiée ;
 le rendement, généralement inversement proportionnel au
critère précédent, doit néanmoins être pris en compte ;
 la liquidité, point important, car seules des réserves stables pourront être investies sur des durées dépassant un an. Pour des excédents
ponctuels, des placements liquides seront proposés par les banques.
Mais l’association étant un acteur naturellement porté vers l’utilité
sociale et l’impact sociétal, nous nous autorisons à penser qu’une
orientation de son épargne peut être guidée par un autre critère,
celui de la solidarité. Depuis 20 ans, plusieurs banques ont mis en
place, en partenariat avec des acteurs de l’économie solidaire, des
produits de placement spécifiques. Ce mouvement de l’épargne
solidaire prend de l’ampleur année après année. Selon le baromètre 2009 de Finansol, organisme qui labellise les acteurs
financiers solidaires, l’encours
de placement sur ce type de
produit représente près de
2,5 milliards d’euros. Ces placements peuvent donner lieu :
 à des dons effectués grâce
au partage des intérêts du
placement que le souscripteur
oriente vers une association de
son choix ;
 à des investissements directs
dans des initiatives d’économie solidaire aussi diverses que la production de logements adaptés, l’insertion professionnelle de personnes
éloignées de l’emploi ou la solidarité internationale.
Les fonds communs de placement (FCP), créés par le réseau
France Active en partenariat avec le groupe BPCE, ont par exemple
permis d’investir plus de 30 millions d’euros dans des entreprises et
associations de l’économie solidaire. 
L’association étant un acteur naturellement
“
porté vers l’utilité sociale et l’impact sociétal, nous
nous autorisons à penser qu’une orientation de son
épargne peut également être guidée par le critère de
la solidarité
”
d’euros... ce qui justifie pleinement l’intérêt des banques pour
cette clientèle ! À partir d’un certain volume de trésorerie excédentaire stable, la question de l’optimisation des placements se pose.
Comme pour tout épargnant, le choix d’un placement s’appuiera
sur une analyse de trois critères :
 la sécurité, critère généralement privilégié par les associations, qui
se tournent alors vers des placements monétaires, au rendement
Cet article a été rédigé avec le concours de France Active
et du CNAR Financement.
15 novembre 2010 - jurisassociations 428
Article extrait de jurisassociations n° 428 du 15 novembre 2010. Reproduction interdite sans l’autorisation de Juris Éditions © Éditions Dalloz – www.juriseditions.fr
OUTILS ET GUIDES
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