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Freyssenet M., L’industrie automobile, que représente-t-elle, où va-t-elle ?, entretien Radio France
International, Les Clefs de l’Économie, 24 septembre 2004. Édition numérique, freyssenet.com, 2007,
160 Ko, ISSN 7116-0941.
Les situations des géants de l’automobile sont très contrastées : il y en a qui vont
très bien (Renault, PSA par exemple), d’autres très mal, qui sont en surcapacité et
annoncent des plans de restructurations (Ford, Opel, Fiat, Jaguar). Pourquoi ça
marche pour certains, et pas pour d’autres ?
Selon nos études, la raison en est principalement que la stratégie de profit suivie est plus
ou moins pertinente dans le contexte dans lequel évoluent les constructeurs, et les
moyens employés sont plus ou moins cohérents avec cette stratégie et plus ou moins
acceptés par les acteurs de l’entreprise.
Pour prendre un exemple immédiatement parlant, si votre marché est un marché de
haut de gamme, si vos clients veulent des produits réellement, symboliquement,
socialement distinctifs, alors vous devez miser sur les marges que vous autorisent la
qualité haut de gamme, l’innovation mécanique et de confort, vous devez recourir à des
méthodes de conception et de fabrication qui assurent qualité et innovation et avoir un
personnel attaché à la réputation haut de gamme de la marque, avec les avantages
afférents.
Ce qui est décisif dans la performance d’une firme, ce n’est pas tel ou tel indicateur :
productivité physique, durée du travail, retour sur investissement, etc. mais avant toute
chose la pertinence de la stratégie et la cohérence des moyens. Cela laisse une large
marge d’action, de négociation aux acteurs de l’entreprise.
Plus concrètement on peut passer en revue les principaux constructeurs. Les
marques françaises ne s’en sortent pas si mal, alors qu’on les disait condamnées à la
marginalité…
Les constructeurs français, après avoir connu des années 80 terribles, puis des
années 90 de redressement avec parfois des inquiétudes, nos deux constructeurs
semblent avoir atteint un niveau de performances remarquables, que les autres
constructeurs regardent avec envie. Ils arrivent à franchir les années de baisse ou de
stagnation de la demande tout en restant raisonnablement profitables, ce que ne
parviennent plus à faire d’autres constructeurs.
La raison en est, selon nos études, qu’ils ont adopté des stratégies différentes et que
toutes les deux sont viables, profitables, principalement dans le contexte européen.
Renault doit son rétablissement et ses performances actuelles à ses véhicules
conceptuellement innovants comme l’Espace, le Scenic, la Kangoo, la Twingo, demain
espérons-le la Modus, la Logan, etc. L’enjeu pour Renault va être de continuer à faire
des véhicules conceptuellement innovants, malgré les fortes contraintes qu’introduit la
mise en commun des plates-formes des véhicules, grosso modo tout ce qui ne se voit
pas, avec Nissan
Et les marques japonaises ?
Les constructeurs japonais, présentés comme ayant inventé le modèle productif du XXe
siècle et face à qui tous les autres constructeurs tremblés, ont connu en fait des fortunes
très contrastées au cours des années 90. Les quasi faillites de Nissan, Mitsubishi et
Mazda ont eu un effet de révélation. Les firmes japonaises étaient aussi diverses que les
firmes d’autres pays et continents et elles avaient aussi leurs faiblesses.