Les mécanismes anatomiques de la continence chez l

FORMATION MÉDICALE CONTINUE Progrès en Urologie (1997), 7, 1028-1036
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Les mécanismes anatomiques de la continence chez l’homme
Brigitte MAUROY, Xavier STEFANIAK
Service Universitaire d’Urologie, CH Roubaix, France
RESUME
Le rôle de l’appareil vésico-sphinctérien est, selon la
formule classique, de contenir sans faiblesse et d’ex-
pluser sans effort.
Etre continent sans être dysurique est le résultat :
- des propriétés biomécaniques de la paroi vésicale
qui lui confèrent :
* la visco-élasticité expliquant sa compliance,
* la contractilité lui permettant d’expulser son
contenu.
- de l’action des structures cervicales et des méca-
nismes passifs urétraux qui dans les conditions nor-
males assurent pratiquement à eux seuls la conti-
nence passive. C’est le tonus des fibres musculaires
qui collabe l’urètre pendant la phase de continence
et ferme le col vésical en créant une angulation vési-
co-urétrale. La disposition de ces fibres musculaires
tant au niveau du col qu’au niveau de l’urètre rend
compte d’une fonction sphinctérienne sur toute la
hauteur de ces deux structures.
- du sphincter externe constitué de fibres muscu-
laires striées émanées des muscles périnéaux au
niveau desquelles la rééducation trouve son champ
d’application.Le rôle principal du sphincter à l’état
normal est de s’opposer à une contraction vésicale
non souhaitée ou d’interrompre rapidement une
miction en cours et son action est relative dans la
continence passive.Il prend toute son importance
après la chirurgie prostatique, qu’il s’agisse du trai-
tement chirurgical de l’adénome ou de celui du can-
cer.Le sphincter strié reste alors le seul élément
susceptible de s’opposer aux forces de pression qui
tendent à expulser l’urine de la vessie.
Mots clés : Sphincter de l’urèthre, continence chez l’homme,
HBP, prostatectomie radicale.
Progrès en Urologie (1997), 7, 1028-1036.
Le rôle de l’appareil vésico-sphinctérien est, selon la
formule classique, de contenir sans faiblesse et d’ex-
pulser sans effort. Etre continent sans être dysurique
est le résultat :
- des propriétés bio-mécaniques de la paroi vésicale,
- de 2 mécanismes anatomiques synergiques.
• Un mécanisme horizontal constitué par :
- les structures cervicales,
- les mécanismes passifs urétraux,
- le sphincter strié.
• Un mécanisme vertical représenté par les connexions
fibro-musculaires des structures précédentes aux apo-
névroses pelviennes et de Denonvilliers.
Il va de soi qu’une continence normale implique l’absen-
ce de troubles de la compliance sicale, cest-à-dire la
conservation des proprs bio-caniques du trusor.
MECANISMES DE CONTINENCE (Figure 1)
Mécanisme horizontal
Le col vésical, c’est-à-dire la base vésicale (Figure 2)
La vessie est constituée de fibres musculaires lisses
superposées en trois plans qui forment la calotte, ou
partie mobile de la vessie :
- externe longitudinal,
- moyen circulaire,
- interne plexiforme.
Au niveau de la base
Les fibres longitudinales externes proviennent de la
couche externe du détrusor et sont concentrées sur les
versants antérieur et postérieur en larges faisceaux :
- le faisceau longitudinal antérieur s’étend de l’apex
vésical, ou sommet de la vessie, à la lèvre antérieure du
col,
- le faisceau longitudinal postérieur est plus large et se
termine essentiellement sur les faces latérales du col.
Au niveau de la base, elles adoptent une disposition
particulière; les deux parties latérales du faisceau lon-
gitudinal postérieur se rejoignent en avant et en bas
pour former une anse superficielle à concavité posté-
rieure : c’est l’anse du détrusor.Sur la partie antérieu-
re de l’anse s’amarre le plan superficiel du faisceau
longitudinal antérieur.
Manuscrit reçu : avril 1997, accepté : juillet 1997.
Adresse pour correspondance : Pr.B. Mauroy, Service Universitaire d’Urologie,
Hôpital Victor Provo, Boulevard Lacordaire, B.P. 359, 59056 Roubaix Cedex 1.
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Les fibres circulaires moyennes constituent le plan
moyen, prolongeant la couche moyenne du détrusor.
Celle-ci est formée d’anneaux musculaires circulaires
superposés de l’apex à la base vésicale.
En se rapprochant du col, ils s’orientent vers le bas et
l’avant, et sont de plus en plus denses jusqu’au niveau
de l’orifice vésico-urétral. Ils constituent ainsi l’armatu-
re de la base. Ils forment ici des anneaux concentriques
plus étendus en arrière et latéralement. En avant, ils
s’entrelacent avec les fibres profondes du faisceau lon-
gitudinal antérieur, si bien que la disposition concen-
trique s’efface au niveau de l’orifice vésico-urétral.
C’est ainsi que se trouve constituée l’armature de la
base plate de Hutch sur laquelle s’épanouit le trigone.
Les fibres internes, de direction longitudinale, rejoi-
gnent les fibres superficielles du muscle trigonal et
convergent vers l’orifice vésico-urétral. Certaines se
fixent sur l’armature circulaire. D’autres se prolongent
vers l’urètre.
Au niveau du trigone vesical, ou base plate de HUTCH
[4] est ainsi limité en avant par l’orifice vésico-urétral,
en arrière par les orifices urétéraux. Il présente sous sa
muqueuse, dans la couche sous-muqueuse, le muscle
trigonal, émané de la musculature urétérale prolongée
jusqu’au niveau du col sur la face postérieure de l’urè-
thre et terminée au niveau du colliculus séminal (= veru
montanum).
Les fibres glissent de chaque côté du méat et s’étalent
contre le muscle vésical en soulevant la muqueuse du
trigone. En haut, les fibres sont très denses et forment
le muscle inter-urétérique. En bas, le muscle trigonal
s’engage dans l’orifice vésico-urétral et se prolonge sur
toute la paroi postérieure de l’urètre. L’axe du trigone
forme, avec celui de l’urètre, l’angle urétro-trigonal ou
vésico-urétral.
Les mécanismes passifs urétraux : ainsi dénommés
car constitués de fibres musculaires lisses, indépen-
dantes de la volonté, par opposition aux fibres muscu-
laires striées constituant le sphincter strié, qui vient en
partie les doubler extérieurement.
La musculature lisse de l’urètre se compose d’un plan
longitudinal interne et d’un plan circulaire externe
(Figure 3) prolongeant les fibres vésicales.
Le plan longitudinal interne prolonge la musculature
vésicale. Ce sont les fibres vésico-urétrales ou vésico-
cervicales de Gil Vernet et les fibres longitudinales du
muscle trigonal.
Le plan circulaire externe est constitué de fibres peu
denses; juste sous le col, elles sont clairsees et forment
un anneau incomplet autour du col. Elle sont beaucoup
plus denses au niveau du sphincter str de lurètre
elles constituent un anneau relativement important.
Le sphincter strié (Figure 3)
Encore appelé rhabdo-sphincter, sphincter strié intra-
mural ou sphincter externe. Il comprend deux parties
d’origine embryologique différentes :
Le sphincter péri-uréthral.Il fait partie du plancher
pelvien et est séparé de la paroi de l’urèthre par un plan
de tissu conjonctif [3]; c’est ce que l’on appelle «le
sphincter urétral externe» classiquement décrit dans les
livres. Il est situé entre les deux feuillets de l’aponé-
vrose périnéale moyenne sous le bec de la prostate.
Le sphincter para-uréthral ou intra-mural : ensemble
de la musculature striée allant du col vésical à l’aponé-
vrose moyenne du périnée. Il est intimement associé à
la musculature urétrale et forme un manchon doublant
extérieurement le sphincter lisse. On peut lui décrire
trois parties :
- une partie caudale formant un anneau complet autour
de l’urètre membraneux, sous l’aponévrose périnéale
moyenne. Ses fibres émanent des muscles bulbo-spon-
gieux (et à un degré moindre des muscles ischio-caver-
neux).
Ce muscle bulbo-spongieux (Figure 4), anciennement
appelé bulbo-caverneux, est resté jusqu’ici le parent
pauvre des descriptions anatomiques. Il s’agit pourtant
d’un muscle tout à fait essentiel dans les mécanismes de
continence. Chez l’homme, il constitue presqu’exclusi-
vement la partie caudale du sphincter strié para-urétral
ou intra-mural et forme une fronde à concavité posté-
rieure entourant l’urètre périnéal juxta-bulbaire [5].
C’est la raison pour laquelle la stimulation du réflexe
bulbo-spongieux provoque une augmentation de pres-
sion intra-urétrale sur l’urètre membraneux et le col au
niveau duquel on retrouve d’ailleurs des fibres muscu-
laires striées.
Son rôle est par ailleurs fondamental dans le mécanis-
me d’arrêt de miction.
- une partie centrale : du bec de la prostate au feuillet infé-
rieur de lapovrose moyenne du périe. Cest la partie
la plus importante du point de vue fonctionnel.Elle forme
un manchon de 1 cm de haut et de 5 mm d’épaisseur.
- la partie craniale comprend deux parties :
- un segment intra-prostatique entourant les fibres
musculaires lisses de l’urètre et s’amincissant de haut
en bas; il s’arrête en avant au niveau du colliculus
séminal. Le segment rétro-uréthral sous-colliculaire est
grêle.
- un segment pré-prostatique recouvrant les faces
antérieure et latérale de la prostate et s’arrêtant au voi-
sinage du col vésical. Les fibres sont de plus en plus
obliques en haut et en arrière. Au niveau du col, elles
entrent en connexion avec les fibres du détrusor.
Mécanisme vertical
Il existe des connexions vésico-prostato-urétrales.De la
partie inférieure du faisceau longitudinal antérieur, des
fibres s’étendent sur la face antérieure de la prostate et
se terminent au niveau du sphincter strié sur l’urètre
membraneux. De même des fibres se détachent de l’an-
se du détrusor, glissent sur les faces latérales de la pros-
tate jusqu’au sphincter strié et l’ensemble constitue un
amarrage du détrusor à l’urètre et au sphincter strié.
ANATOMIE FONCTIONNELLE
Rôle de la base vésicale et du sphincter lisse : ils sont
essentiels dans la continence passive.
Il existe au niveau du col deux systèmes antagonistes,
qui rendent compte d’une fonction sphinctérienne :
- un système constricteur formé par :
- la disposition circulaire des fibres au niveau de
l’orifice vésico-urétral interne,
- la tonicité de l’anse du détrusor qui collabe l’ori
fice du col,
- un système dilatateur formé par les faisceaux
longitudinaux externe et interne, antérieur et
postérieur.
Rôle du col vésical et de l’urètre dans la continence
C’est le système sphinctérien lisse cervical qui assure la
continence passive. Le tonus de la musculature circu-
laire s’exerce vers le centre et ferme le col, en créant
une angulation vésico-urétrale. Toute pression exté-
rieure s’exerçant sur la vessie tend à augmenter l’angu-
lation vésico-urétrale. L’urètre est collabé par la tonici-
té de sa musculature lisse et la pression urétrale aug-
mente au fur et à mesure que la réplétion vésicale croît.
Ces phénomènes s’inversent lors de la miction, qui
dépend de la contraction du détrusor : une phase de
contraction isométrique augmente la pression intra-
vésicale. Sous l’effet de la mise en tension des fibres
longitudinales, l’axe de la vessie se rapproche de celui
de l’urètre; l’angle vésico-urétral s’ouvre et le col s’éva-
se en entonnoir, car le faisceau longitudinal antérieur
tire vers l’avant et le haut, alors que le faisceau longitu-
dinal postérieur tire vers l’arrière et le haut (Figure 2).
Ces contractions sont transmises à tous les segments de
lurètre, puisque nous avons vu quil existait une conti-
nuité entre le trusor et la portion distale de lurètre.
Parallèlement cesse lactivité tonique du sphincter str.I l
en résulte une chute de la pression urétrale et une expul-
sion de l’urine par inversion du gradient de pression.
Une notion importante se dégage de ces explorations :
il existe une synergie entre le détrusor et le système
sphinctérien; la contraction isotonique du trusor
n’est efficace que si le système musculaire s’appuie sur
l’orifice cervical. Ce faisant, il ouvre le col et l’urètre.
Si l’appui se fait mal, le col s’ouvre mal. A l’inverse et
pour en revenir aux mécanismes de continence, le col
peut rester béant si les fibres ne se contractent plus.
En résumé, la continence passive dépend :
- du tonus vésical, déterminé par la proportion de fibres
élastiques et collagènes,
- du tonus cervico-urétral.
- normalement le col n’est jamais ouvert même
lors de la poussée abdominale,
- l’urètre n’est pas seulement un vecteur, il a sur
toute sa longueur une fonction sphinctérienne.
Ce sont les fibres musculaires qui le constituent,
qui assurent le tonus. On sait que ce tonus est
modulé par le système orthosympathique dorso-
lombaire (la stimulation sympathique provoque
un relâchement du détrusor et la contraction cer-
vico-urétrale).
Rôle du sphincter strié
Le rôle principal du sphincter est de s’opposer à une
contraction vésicale non souhaitée ou d’interrompre
rapidement une miction en cours.
Mécanisme d’arrêt de la miction (Figure 5)
L’arrêt de la miction s’accompagne d’une compression
et d’une élongation de l’urètre avec élévation du col
vésical.
- le sphincter strié para-urétral étrangle l’urètre mem-
braneux,
- la musculature péri-urétrale actionne deux bras de
levier autour d’un point fixe «O» situé dans l’aponé-
vrose périnéale moyenne.
- les faisceaux pubo-coccygiens du muscle
élévateur de l’anus tirent vers le haut et
l’avant,
- les muscles bulbo-spongieux tirent vers l’arriè-
re : l’urètre s’allonge et le col s’élève d’environ
3 mm.
Participation du sphincter strié à la continence passi -
ve et au cycle mictionnel
Continence passive
Elle est surtout liée à la compétence du col et à la mus-
culature lisse urétrale.
- Adaptation au changement de position et à l’effort.
- en orthostatisme, il existe une augmentation de
la pression urétrale.
- la toux entraîne une contraction réflexe de la
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Figure 1. Coupe sagittale normale du pelvis chez l’homme.
1. Aponévrose de Denonvilliers.
2. Rectum.
3. Muscle recto-uréthral.
4. Sphincter externe de l’anus.
5. Attache antérieure du sphincter anal.
6. Raphé ano-bulbaire.
7. Centre tendineux du périnée.
8. Muscle bulbo-spongieux.
9. Diaphragme uro-génital (= aponévrose périnéale moyenne).
10. Corps spongieux.
11. Corps caverneux.
12. Urèthre.
13. Veine dorsale profonde de la verge.
14. Prostate.
15. Pubis.
Figure 2. Architecture de la base vésicale (d’après S.
Juskiewenski et coll., 1980).
FLA : faisceau longitudinal antérieur.
FLP : faisceau longitudinal postérieur.
FLP I : portions latérales du FLP.
FC : fibres circulaires moyennes.
FI : fibres longitudinales internes.
Ad : anse du détrusor.
T : trigone.
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Figure 3. Coupe sagittale de la prostate. Le sphincter lisse et
le sphincter strié de l’urèthre.
(-) sphincter lisse
(-) prostate
(-) sphincter péri-uréthral (= «sphincter uréthral externe»)
(-) sphincter intra-mural (= «sphincter para-uréthral»)
Sphincter trié (a = partie craniale
(b = partie centrale
(c = partie caudale
1 : Fibres longitudinales internes (plexiformes)
2 : Fibres longitudinales externes
3 : Feuillet supérieur du diaphragme uro-génital (= aponé -
vrose périnéale moyenne)
4 : Feuillet inférieur du diaphragme uro-génital (= aponévro -
se périnéale moyenne)
Figure 4. Le muscle bulbo-spongieux.Vue inférieure du
plancher périnéal chez l’homme. Ablation de l’aponévrose
superficielle périonée sur la partie droite du schéma.
Figure 5. Mécanisme d’arrêt de miction.
EA : muscle élévateur de l’anus
BS : muscle bulbo-spongieux
EA (p-c) : f. pubo-coccygien de l’élévateur.
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