Les mécanismes anatomiques de la continence chez l

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◆ F ORMATION MÉDICALE CONTINUE
Progrès en Urologie (1997), 7, 1028-1036
Les mécanismes anatomiques de la continence chez l’homme
Brigitte MAUROY, Xavier STEFANIAK
Service Universitaire d’Urologie, CH Roubaix, France
• Un mécanisme horizontal constitué par :
RESUME
- les structures cervicales,
Le rôle de l’appareil vésico-sphinctérien est, selon la
formule classique, de contenir sans faiblesse et d’expluser sans effort.
Etre continent sans être dysurique est le résultat :
- des propriétés biomécaniques de la paroi vésicale
qui lui confèrent :
* la visco-élasticité expliquant sa compliance,
* la contractilité lui permettant d’expulser son
contenu.
- de l’action des structures cervicales et des mécanismes passifs urétraux qui dans les conditions normales assurent pratiquement à eux seuls la continence passive. C’est le tonus des fibres musculaires
qui collabe l’urètre pendant la phase de continence
et ferme le col vésical en créant une angulation vésico-urétrale. La disposition de ces fibres musculaires
tant au niveau du col qu’au niveau de l’urètre rend
compte d’une fonction sphinctérienne sur toute la
hauteur de ces deux structures.
- du sphincter externe constitué de fibres musculaires striées émanées des muscles périnéaux au
niveau desquelles la rééducation trouve son champ
d’application. Le rôle principal du sphincter à l’état
normal est de s’opposer à une contraction vésicale
non souhaitée ou d’interrompre rapidement une
miction en cours et son action est relative dans la
continence passive. Il prend toute son importance
après la chirurgie prostatique, qu’il s’agisse du traitement chirurgical de l’adénome ou de celui du cancer. Le sphincter strié reste alors le seul élément
susceptible de s’opposer aux forces de pression qui
tendent à expulser l’urine de la vessie.
Mots clés : Sphincter de l’urèthre, continence chez l’homme,
HBP, prostatectomie radicale.
Progrès en Urologie (1997), 7, 1028-1036.
Le rôle de l’appareil vésico-sphinctérien est, selon la
formule classique, de contenir sans faiblesse et d’expulser sans effort. Etre continent sans être dysurique
est le résultat :
- des propriétés bio-mécaniques de la paroi vésicale,
- de 2 mécanismes anatomiques synergiques.
- les mécanismes passifs urétraux,
- le sphincter strié.
• Un mécanisme vertical représenté par les connexions
fibro-musculaires des structures précédentes aux aponévroses pelviennes et de Denonvilliers.
Il va de soi qu’une continence normale implique l’absence de troubles de la compliance vésicale, c’est-à-dire la
conservation des propriétés bio-mécaniques du détrusor.
MECANISMES DE CONTINENCE (Figure 1)
Mécanisme horizontal
Le col vésical, c’est-à-dire la base vésicale (Figure 2)
La vessie est constituée de fibres musculaires lisses
superposées en trois plans qui forment la calotte, ou
partie mobile de la vessie :
- externe longitudinal,
- moyen circulaire,
- interne plexiforme.
Au niveau de la base
• Les fibres longitudinales externes proviennent de la
couche externe du détrusor et sont concentrées sur les
versants antérieur et postérieur en larges faisceaux :
- le faisceau longitudinal antérieur s’étend de l’apex
vésical, ou sommet de la vessie, à la lèvre antérieure du
col,
- le faisceau longitudinal postérieur est plus large et se
termine essentiellement sur les faces latérales du col.
Au niveau de la base, elles adoptent une disposition
particulière; les deux parties latérales du faisceau longitudinal postérieur se rejoignent en avant et en bas
pour former une anse superficielle à concavité postérieure : c’est l’anse du détrusor. Sur la partie antérieure de l’anse s’amarre le plan superficiel du faisceau
longitudinal antérieur.
Manuscrit reçu : avril 1997, accepté : juillet 1997.
Adresse pour correspondance : Pr. B. Mauroy, Service Universitaire d’Urologie,
Hôpital Victor Provo, Boulevard Lacordaire, B.P. 359, 59056 Roubaix Cedex 1.
1028
• Les fibres circulaires moyennes constituent le plan
moyen, prolongeant la couche moyenne du détrusor.
Celle-ci est formée d’anneaux musculaires circulaires
superposés de l’apex à la base vésicale.
En se rapprochant du col, ils s’orientent vers le bas et
l’avant, et sont de plus en plus denses jusqu’au niveau
de l’orifice vésico-urétral. Ils constituent ainsi l’armature de la base. Ils forment ici des anneaux concentriques
plus étendus en arrière et latéralement. En avant, ils
s’entrelacent avec les fibres profondes du faisceau longitudinal antérieur, si bien que la disposition concentrique s’efface au niveau de l’orifice vésico-urétral.
C’est ainsi que se trouve constituée l’armature de la
base plate de Hutch sur laquelle s’épanouit le trigone.
• Les fibres internes, de direction longitudinale, rejoignent les fibres superficielles du muscle trigonal et
convergent vers l’orifice vésico-urétral. Certaines se
fixent sur l’armature circulaire. D’autres se prolongent
vers l’urètre.
Au niveau du trigone vesical, ou base plate de H UTCH
[4] est ainsi limité en avant par l’orifice vésico-urétral,
en arrière par les orifices urétéraux. Il présente sous sa
muqueuse, dans la couche sous-muqueuse, le muscle
trigonal, émané de la musculature urétérale prolongée
jusqu’au niveau du col sur la face postérieure de l’urèthre et terminée au niveau du colliculus séminal (= veru
montanum).
Les fibres glissent de chaque côté du méat et s’étalent
contre le muscle vésical en soulevant la muqueuse du
trigone. En haut, les fibres sont très denses et forment
le muscle inter-urétérique. En bas, le muscle trigonal
s’engage dans l’orifice vésico-urétral et se prolonge sur
toute la paroi postérieure de l’urètre. L’axe du trigone
forme, avec celui de l’urètre, l’angle urétro-trigonal ou
vésico-urétral.
Les mécanismes passifs urétraux : ainsi dénommés
car constitués de fibres musculaires lisses, indépendantes de la volonté, par opposition aux fibres musculaires striées constituant le sphincter strié, qui vient en
partie les doubler extérieurement.
La musculature lisse de l’urètre se compose d’un plan
longitudinal interne et d’un plan circulaire externe
(Figure 3) prolongeant les fibres vésicales.
Le sphincter strié (Figure 3)
Encore appelé rhabdo-sphincter, sphincter strié intramural ou sphincter externe. Il comprend deux parties
d’origine embryologique différentes :
• Le sphincter péri-uréthral. Il fait partie du plancher
pelvien et est séparé de la paroi de l’urèthre par un plan
de tissu conjonctif [3]; c’est ce que l’on appelle «le
sphincter urétral externe» classiquement décrit dans les
livres. Il est situé entre les deux feuillets de l’aponévrose périnéale moyenne sous le bec de la prostate.
• Le sphincter para-uréthral ou intra-mural : ensemble
de la musculature striée allant du col vésical à l’aponévrose moyenne du périnée. Il est intimement associé à
la musculature urétrale et forme un manchon doublant
extérieurement le sphincter lisse. On peut lui décrire
trois parties :
- une partie caudale formant un anneau complet autour
de l’urètre membraneux, sous l’aponévrose périnéale
moyenne. Ses fibres émanent des muscles bulbo-spongieux (et à un degré moindre des muscles ischio-caverneux).
Ce muscle bulbo-spongieux (Figure 4), anciennement
appelé bulbo-caverneux, est resté jusqu’ici le parent
pauvre des descriptions anatomiques. Il s’agit pourtant
d’un muscle tout à fait essentiel dans les mécanismes de
continence. Chez l’homme, il constitue presqu’exclusivement la partie caudale du sphincter strié para-urétral
ou intra-mural et forme une fronde à concavité postérieure entourant l’urètre périnéal juxta-bulbaire [5].
C’est la raison pour laquelle la stimulation du réflexe
bulbo-spongieux provoque une augmentation de pression intra-urétrale sur l’urètre membraneux et le col au
niveau duquel on retrouve d’ailleurs des fibres musculaires striées.
Son rôle est par ailleurs fondamental dans le mécanisme d’arrêt de miction.
- une partie centrale : du bec de la prostate au feuillet inférieur de l’aponévrose moyenne du périnée. C’est la partie
la plus importante du point de vue fonctionnel. Elle forme
un manchon de 1 cm de haut et de 5 mm d’épaisseur.
- la partie craniale comprend deux parties :
• Le plan longitudinal interne prolonge la musculature
vésicale. Ce sont les fibres vésico-urétrales ou vésicocervicales de Gil Vernet et les fibres longitudinales du
muscle trigonal.
- un segment intra-prostatique entourant les fibres
musculaires lisses de l’urètre et s’amincissant de haut
en bas; il s’arrête en avant au niveau du colliculus
séminal. Le segment rétro-uréthral sous-colliculaire est
grêle.
• Le plan circulaire externe est constitué de fibres peu
denses; juste sous le col, elles sont clairsemées et forment
un anneau incomplet autour du col. Elle sont beaucoup
plus denses au niveau du sphincter strié de l’urètre où
elles constituent un anneau relativement important.
- un segment pré-prostatique recouvrant les faces
antérieure et latérale de la prostate et s’arrêtant au voisinage du col vésical. Les fibres sont de plus en plus
obliques en haut et en arrière. Au niveau du col, elles
entrent en connexion avec les fibres du détrusor.
1029
Mécanisme vertical
Il existe des connexions vésico-prostato-urétrales. De la
partie inférieure du faisceau longitudinal antérieur, des
fibres s’étendent sur la face antérieure de la prostate et
se terminent au niveau du sphincter strié sur l’urètre
membraneux. De même des fibres se détachent de l’anse du détrusor, glissent sur les faces latérales de la prostate jusqu’au sphincter strié et l’ensemble constitue un
amarrage du détrusor à l’urètre et au sphincter strié.
sphinctérien; la contraction isotonique du détrusor
n’est efficace que si le système musculaire s’appuie sur
l’orifice cervical. Ce faisant, il ouvre le col et l’urètre.
Si l’appui se fait mal, le col s’ouvre mal. A l’inverse et
pour en revenir aux mécanismes de continence, le col
peut rester béant si les fibres ne se contractent plus.
En résumé, la continence passive dépend :
- du tonus vésical, déterminé par la proportion de fibres
élastiques et collagènes,
- du tonus cervico-urétral.
ANATOMIE FONCTIONNELLE
- normalement le col n’est jamais ouvert même
lors de la poussée abdominale,
- l’urètre n’est pas seulement un vecteur, il a sur
toute sa longueur une fonction sphinctérienne.
Ce sont les fibres musculaires qui le constituent,
qui assurent le tonus. On sait que ce tonus est
modulé par le système orthosympathique dorsolombaire (la stimulation sympathique provoque
un relâchement du détrusor et la contraction cervico-urétrale).
Rôle de la base vésicale et du sphincter lisse : ils sont
essentiels dans la continence passive.
Il existe au niveau du col deux systèmes antagonistes,
qui rendent compte d’une fonction sphinctérienne :
- un système constricteur formé par :
- la disposition circulaire des fibres au niveau de
l’orifice vésico-urétral interne,
- la tonicité de l’anse du détrusor qui collabe l’ori
fice du col,
- un système dilatateur formé par les faisceaux
longitudinaux externe et interne, antérieur et
postérieur.
Rôle du sphincter strié
Le rôle principal du sphincter est de s’opposer à une
contraction vésicale non souhaitée ou d’interrompre
rapidement une miction en cours.
Mécanisme d’arrêt de la miction (Figure 5)
Rôle du col vésical et de l’urètre dans la continence
C’est le système sphinctérien lisse cervical qui assure la
continence passive. Le tonus de la musculature circulaire s’exerce vers le centre et ferme le col, en créant
une angulation vésico-urétrale. Toute pression extérieure s’exerçant sur la vessie tend à augmenter l’angulation vésico-urétrale. L’urètre est collabé par la tonicité de sa musculature lisse et la pression urétrale augmente au fur et à mesure que la réplétion vésicale croît.
Ces phénomènes s’inversent lors de la miction, qui
dépend de la contraction du détrusor : une phase de
contraction isométrique augmente la pression intravésicale. Sous l’effet de la mise en tension des fibres
longitudinales, l’axe de la vessie se rapproche de celui
de l’urètre; l’angle vésico-urétral s’ouvre et le col s’évase en entonnoir, car le faisceau longitudinal antérieur
tire vers l’avant et le haut, alors que le faisceau longitudinal postérieur tire vers l’arrière et le haut (Figure 2).
Ces contractions sont transmises à tous les segments de
l’urètre, puisque nous avons vu qu’il existait une continuité entre le détrusor et la portion distale de l’urètre.
Parallèlement cesse l’activité tonique du sphincter strié. Il
en résulte une chute de la pression urétrale et une expulsion de l’urine par inversion du gradient de pression.
L’arrêt de la miction s’accompagne d’une compression
et d’une élongation de l’urètre avec élévation du col
vésical.
- le sphincter strié para-urétral étrangle l’urètre membraneux,
- la musculature péri-urétrale actionne deux bras de
levier autour d’un point fixe «O» situé dans l’aponévrose périnéale moyenne.
- les faisceaux pubo-coccygiens du muscle
élévateur de l’anus tirent vers le haut et
l’avant,
- les muscles bulbo-spongieux tirent vers l’arrière : l’urètre s’allonge et le col s’élève d’environ
3 mm.
Participation du sphincter strié à la continence passi ve et au cycle mictionnel
• Continence passive
Elle est surtout liée à la compétence du col et à la musculature lisse urétrale.
- Adaptation au changement de position et à l’effort.
Une notion importante se dégage de ces explorations :
il existe une synergie entre le détrusor et le système
1030
- en orthostatisme, il existe une augmentation de
la pression urétrale.
- la toux entraîne une contraction réflexe de la
Figure 1. Coupe sagittale normale du pelvis chez l’homme.
1. Aponévrose de Denonvilliers.
2. Rectum.
3. Muscle recto-uréthral.
4. Sphincter externe de l’anus.
5. Attache antérieure du sphincter anal.
6. Raphé ano-bulbaire.
7. Centre tendineux du périnée.
8. Muscle bulbo-spongieux.
9. Diaphragme uro-génital (= aponévrose périnéale moyenne).
10. Corps spongieux.
11. Corps caverneux.
12. Urèthre.
13. Veine dorsale profonde de la verge.
14. Prostate.
15. Pubis.
Figure 2. Architecture de la base vésicale (d’après S.
Juskiewenski et coll., 1980).
FLA : faisceau longitudinal antérieur.
FLP : faisceau longitudinal postérieur.
FLP I : portions latérales du FLP.
FC : fibres circulaires moyennes.
FI : fibres longitudinales internes.
Ad : anse du détrusor.
T : trigone.
1031
Figure 4. Le muscle bulbo-spongieux. Vue inférieure du
plancher périnéal chez l’homme. Ablation de l’aponévrose
superficielle périonée sur la partie droite du schéma.
Figure 3. Coupe sagittale de la prostate. Le sphincter lisse et
le sphincter strié de l’urèthre.
(-) sphincter lisse
(-) prostate
(-) sphincter péri-uréthral (= «sphincter uréthral externe»)
(-) sphincter intra-mural (= «sphincter para-uréthral»)
Sphincter trié
(a = partie craniale
(b = partie centrale
(c = partie caudale
1 : Fibres longitudinales internes (plexiformes)
2 : Fibres longitudinales externes
3 : Feuillet supérieur du diaphragme uro-génital (= aponé vrose périnéale moyenne)
4 : Feuillet inférieur du diaphragme uro-génital (= aponévro se périnéale moyenne)
Figure 5. Mécanisme d’arrêt de miction.
EA : muscle élévateur de l’anus
BS : muscle bulbo-spongieux
EA (p-c) : f. pubo-coccygien de l’élévateur.
1032
Figure 7. Effet anatomique de la prostatectomie radicale.
Figure 6. Effet anatomique de la chirurgie de l’adénome pros tatique. a : vue sagittale de la prostate normale, b : vue sagit tale d’une prostate hypertrophiée (HBP)
c : vue sagittale après exérèse de l’HBP
Figure 8. Préservation des mécanismes de continence dans la
prostatectomie radicale.
a : préservation du col, b : préservation du sphincter strié,
c : adénocarcinome prostatique.
1033
musculature striée et la pression augmente
d’abord dans l’urètre distal. Cette contraction
intervient comme un second verrou de sécurité,
non indispensable [3].
- En phase de remplissage, il existe une augmentation de
la pression urétrale distale liée au sphincter strié [1, 3].
Cycle mictionnel normal et jeux des sphincters : la
miction débute par une relaxation du strié. C’est cette
inhibition volontaire du strié qui déclencherait secondairement la contraction du détrusor.
Le rôle du sphincter strié dans la continence est minime dans les conditions normales. Ce rôle minime dans
les conditions normales devient essentiel dans l’urgence mictionnelle où il assure presqu’entièrement la
continence vésicale [1].
MECANISMES DE CONTINENCE APRES
CHIRURGIE VESICO-PROSTATIQUE
La continence est le résultat de 3 mécanismes :
- La compliance vésicale qui est cette propriété de la
vessie de se laisser distendre sans élever ses pressions.
- Les mécanismes sphinctériens proximaux : musculature urétrale lisse et col vésical, à commande autonome orthosympathique qui assurent à eux seuls l’essentiel de la continence physiologique.
- Enfin, le sphincter distal, muscle strié à commande
volontaire. A l’état normal, nous avons vu qu’il
n’agissait que comme «verrou de sécurité» doublant
le sphincter lisse. Lors de la chirurgie prostatique, il
reste le seul mécanisme de continence qu’il va donc
falloir «surentraîner». Or, il est en continuité et en
partie constitué par les muscles pelvi-périnéaux (élévateur de l’anus et bulbo-spongieux).
Adénomectomie par voie haute et résection transurétrale (Figure 6)
L’adénome prostatique opéré par résection trans-urétrale ou énucléation chirurgicale est situé dans la partie
haute et médiale de la glande. Après exérèse chirurgicale, la loge prostatique va se rétracter progressivement mais le sphincter lisse est nécessairement détruit.
Le sphincter strié, situé sous le colliculus séminal que
le geste préserve, n’est pas lésé. L’incontinence définitive est rare, inférieure à 1%.
Si l’adénome est très dysectasiant, il peut toutefois
mettre le sphincter «au repos». Après l’exérèse, la suppression brutale de l’obstacle laisse un sphincter «sidéré», peu entraîné à élever ses pressions, au contraire du
détrusor qui s’est hypertrophié en amont de l’obstacle.
La prostatectomie totale pour cancer (Figure 7) correspond à l’exérèse monobloc de la glande suivie d’une
suture entre le col vésical et l’urètre membraneux.
Elle va donc, immanquablement, détruire les mécanismes verticaux et ne laisser subsister que les mécanismes horizontaux :
- le col, quand il est conservé,
- l’urètre membraneux.
L’exérèse radi cale de la glande détruit le sphincter
lisse. La section de l’urètre à l’apex de la prostate
menace l’intégrité du sphi ncter strié dont l a partie
restante devra seule assurer l a continence. La fréquence de l’incontinence tot al e après prostatectomie
radicale varie de 0 à 15% des cas dans la littérature
mais s’avère beaucoup plus él evée si l’on prend en
compte des fuites moins import antes. Différentes
techniques proposent de préserver autant que faire se
peut l es mécanismes de continence. L’amélioration
des techniques échographique s a permi s une
mei lleure visualisation des cancers localisés. On
peut ainsi proposer en fonction de la localisation de
l’adénocarcinome une exérèse ménageant soit l e col
vésical , s’il s’agit d’un cancer de l’apex, soit une
technique de préservat ion du système sphi nctérien à
l’apex prostatique en cas de localisati ons néoplasiques hautes. Ces techniques ne sont envisageables
que pour des lésions très limit ées et dont la topographie a été évaluée précisément, compte tenu du
risque de marge positive.
Dans ces conditions le col vésical peut être conservé en
utilisant, lors de la prostatectomie radicale, le plan de
clivage physiologique inter-vésico-prostatique. La section de l’urètre est alors faite 1 cm sous le col, ce qui
permet de respecter parfaitement le trigone et l’orifice
cervical.
A l’inverse, pour un cancer localisé et haut situé, la
dissection apicale doit suivre l’apex prostatique sans
laisser de tissu glandulaire, c’est-à-dire longer la prostate jusqu’à la lèvre antérieure de l’apex et prendre
contact avec l’urètre membraneux, ce qui permet de
respecter la majeure partie du sphincter strié (Figure
8). Le recrutement des fibres musculaires striées par la
rééducation permet alors d’assurer la continence, en
particulier à l’effort par verrouillage périnéo-sphinctérien.
Encore une fois, ces techniques sont envisagées ici
d’un point de vue fonctionnel. La discussion sur les
marges positives est un autre débat...
Le traitement du cancer de vessie est plus mutilant
encore puisqu’il emporte la vessie, le col, le bloc prostato-séminal et le sphincter lisse. Lorsqu’un remplacement vésical est possible, la détubulation digestive permet d’obtenir un réservoir à basse pression. Cette néovessie ne possèdera toutefois jamais de réel fonctionnement synergique avec la partie basse du sphincter strié
sur laquelle va reposer là encore la continence; c’est
cette partie du sphincter qu’il faut donc chercher à
ménager tout en étant carcinologiquement satisfaisant.
1034
CONCLUSION
té neurophysiologique est bien différente notamment sur la participation du sphincter strié dans le tonus sphinctérien «passif».
Le rôle de soutien du périnée antérieur est essentiel dans
la continence. Ce rôle s’explique par l’importance des
connexions musculaires entre périnée antérieur (muscles
élévateur et bulbo-spongieux notamment) et urètre.
De nombreux travaux prouvent la participation du sphincter strié
au tonus permanent de l’urèthre :
REFERENCES
1. B UZELIN J.M. Bases anatomiques de la physiologi e vésico-sphinct érienne. Urodynami que bas apparei l urinai re. Ed. Masson, Paris, 1988.
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urétral. Etude descriptive et analytique. Rev. Neurol., 1996, 175,
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3. GOSLING J.A., DIXON J.S., HILARY O.D., THOMPSON C.,
THOMPSON S.A. A comparative study of the human external
sphincter and peri-urethral elevator ani muscles. Brit. J. Urol., 1981,
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4. HUTCH J.A. Anatomy and physiology of the bladder, trigone and
urethra. Appleton Century-Crofts, New York, 1972.
5. MAUROY D., DEVILLERS P., BRAIZE C., AUDRIN O. Le muscle
bulbo-spongieux, une nouvelle technique de rééducation. Kin. Sci.,
1993, 328, 40-44.
Commentaire du premier lecteur (A. Leriche, Pierre Bénite)
La continence de l’homm e e st en fait surtout due à la portion
sous- montanale de l’ur èthre qui se mélange au sphincte r strié,
vé ritable sphinc ter lisse. La clinique e n est bien la preuve
da ns la bonne continenc e des adénomectomie s, des ré sec tions, des lipom es intra-sacr és et des moelles attachées qui ne
pr ése ntent une inc ontinence que quand la pression intra-vésicale est trop éle vée . Le col vésical n’est donc pas l’élément
essentie l dans la continence de l’homme . On pe ut voir des
incontinenc es majeur es ave c des sphincters striés de très
bonne qualité avec de s pressions pouvant atteindr e 200 c m
d’eau. C ela prouve bien qu’il n’est pas l’éléme nt essentiel
da ns la continenc e et qu’ il travaille vraiment comme un
muscle strié, c ’est-à -dire rapide ment avec force mais qu’il se
fatigue très vite r éponda nt à la loi de fatigabilité des fibres
striées. Par contre, ce sphincter strié pe ut a voir un rôle essentiel dans la disparition de l’instabilité vésic ale en utilisa nt le
réflexe strié détrusoro-inhibiteur. La contraction maintenue
du sphincter strié inhibe le centre mé dullaire S2-S3-S4 si elle
est mainte nue suffisamme nt longtemps. Cela se traduit en
cystométrie par la disparition de la c ontraction vésic ale et clinique ment par la disparition du besoin impérieux. Cependant,
se uls 30% des homme s ayant un bon sphincter sont c apa bles
de réalise r cet e xer cic e. C’est le biofeedback vésic al. C’ est c e
mécanism e qui per met à l’enfant de passer du besoin im pé rieux à la contine nc e parf aite.
Commentaire du deuxième lecteur (L. Le Normand, Nantes)
Cet article de formation continue fait une description détaillée et
fort utile des structures anatomiques vésicales et sphinctériennes.
Le rôle fonctionnel attribué à chacune de ces structures suit une
théorie mécaniciste ancienne qui est très approximative. La réali-
Les études de G OSLING [1] qui ont été confirmées et affinées
récemment par L IGHT [2] montrent que la contraction du sphincter strié n’est pas uniquement volontaire, sa composante para-uréthrale, faite de fibres non fatigables à contraction lente (Type 1),
assure une activité tonique permanente [3]. Ce fait est prouvé
expérimentalement car la suppression de l’innervation du sphincter strié par blocage du nerf pudendal provoque une nette réduction de la pression sphinctérienne [4] (environ 50% chez la
femme).
Si le sphincter strié ne pouvait se contracter que par la volonté,
on comprendrait mal comment il pourrait être efficace en permanence après chirurgie vésico-prostatique.
REFERENCES
1. GOSLING J.A., DIXON J.S., CRITCHLEY H.O.D., THOMPSON
S.A. Comparative study of the human external sphincter and periurethral levator ani muscles. Br. J. Urol., 1981, 53, 35-41.
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sphincter : muscle fibre types and distribution in the prostatic capsule. Br. J. Urol., 1997, 79, 539-542.
3. BUZELIN J.M. Urodynamique bas appareil urinaire. Masson, 1988.
4. THIND P. The significance of smooth and striated muscle in the
sphincter function of the urethra in healthy women. Neurourol.
Urodyn., 1995, 14, 585-618.
Réponse des auteurs
La théorie mécaniciste ne reflète effectivement pas à elle seule
la totalité de la fonction sphinctérienne de l’urètre. Mais si la
composante para-urétrale du sphincter strié est effectivement
faite de fibres à contraction lente, de type 1, donc plus puissante, moins fatigable, plus susceptible de tenir dans le temps, il est
actuellement absolument non démontré que le sphincter strié
assure une activité tonique permanente. Par ailleurs on sait que
l’élévation de pression urétrale liée au sphincter strié intervient
en fin de remplissage par réflexe myotatique.
La connaissance des mécanismes anatomiques de la continence
est néanmoins essentielle :
- parce que la chirurgie que nous utilisons les modifie et qu’elle
a toute chance d’être plus efficace si leur restauration est la plus
proche possible de l’anatomie normale,
- parce que cette théorie est au moins en partie fondée; sinon,
comment expliquer que les suites immédiates de certaines prostatectomies radicales soient marquées par une incontinence totale, nocturne et diurne que l’on guérit en recrutant par la rééducation les fibres du sphincter. Leur «surstimulation» devient
ainsi un facteur clef de continence.
Un des messages que cet article doit transmettre paraît parfaitement illustré par la phrase suivante : «le sphincter strié n’est pas
indispensable à la continence tant que le tonus cervical est suffisant, mais dans le cas contraire, il devient le dernier barrage
contre l’incontinence» (Buzelin - Urodynamique Bas appareil
urinaire. Masson, 1988, p. 29).
1035
SUMMARY
Anatomical mechanisms of continence in man.
According to classical concepts, the role of the vesicosphincteric
apparatus is to contain without weakness and to expel without
effort.
Continence without dysuria is the result of:
- biomechanical properties of the bladder wall which confer:
* viscoelasticity accounting for its compliance,
* contractility allowing expulsion of its contents.
-the action of bladder neck structures and passive urethral
mechanisms which, under normal conditions, are practically
sufficient to ensure passive continence. Muscle fibre tone col lapses the urethra during the continence phase and closes the
bladder neck by creating vesicourethral angulation. The arran gement of these muscle fibres in the bladder neck and urethra
accounts for the sphincter function over the entire length of these
two structures.
- the external sphincter composed of striated muscle fibres deri ved from perineal muscles, which are amenable to retraining.
The main role of the sphincter under normal conditions is to oppo se an unwanted bladder contraction or to rapidly interrupt
ongoing micturition and it only has a relatively limited role in pas sive continence. It is particularly important after prostatic surgery,
either for benign prostatic hyperplasia or for cancer, when the
striated sphincter remains the only structure able to oppose the
pressure forces which tend to expel urine from the bladder.
Key words : Urethral sphincter, continence in man, BPH, radi cal prostatectomy.
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