834
Depuis 1979, la diplomatie de la République populaire de
Chine est au service des quatre objectifs majeurs suivants : le
développement économique du pays, larmation et la conso-
lidation de son statut de grande puissance, la réunication de
la nation chinoise et la survie du régime actuel. Ces objectifs
peuvent sembler contradictoires, et le dernier la stabilité du
système politique dirigé par le Parti communiste instauré en
1949 reste, comme la montré le massacre de Tiananmen en
1989 ou plus récemment la préparation des jeux Olympiques de
Pékin de 2008, prioritaire. Mais en même temps, la direction
du P.C. chinois a constamment cherché à concilier lensem-
ble de ces buts. Ainsi, leondrement de lUnion soviétique en
1991 a persuadé Deng Xiaoping et ses successeurs, Jiang Zemin
puis Hu Jintao, non seulement de poursuivre les réformes et
le développement du pays mais d’ accélérer son intégration à
léconomie mondiale, seule garantie à leurs yeux de sa montée
en puissance à la fois politique et militaire.
De fait, pour la première fois depuis la première guerre de
lopium (1840), la Chine pèse à nouveau de matière détermi-
nante dans les aaires mondiales : elle deviendra la troisième
puissance économique mondiale, devant lAllemagne, en
2009 et, si sa croissance se poursuit à ce rythme, elle devrait
dépasser le Japon vers 2020 et les États-Unis aux alentours de
2040. Parallèlement, depuis 1989, lArmée populaire de libéra-
tion (A.P.L.) est engagée dans un processus sans précédent de
modernisation dont lobjectif n’ est pas datteindre une impos-
sible parité militaire avec les États-Unis mais de crédibiliser le
statut de grande puissance de la Chine, dabord en Asie, puis
progressivement dans le reste du monde.
Cela étant, la diplomatie chinoise ne s’ appuie pas unique-
ment sur cette capacité militaire croissante. Elle fonde sa force
à la fois sur limpact désormais mondial de sa modernisation
économique et sur lexercice dune « puissance douce » (so
power) selon lexpression du politologue américain Joseph Nye :
un patient travail dinuence à la fois culturel et idéologique
dont elle espère quil pourra avoir un impact sur les gouverne-
ments et les sociétés situés en dehors de la zone de rayonnement
traditionnel de la Chine.
An daccroître son ecacité, cette méthode en douceur et
la diplomatie chinoise en général doivent surmonter deux handi-
caps importants et appelés à durer : la montée en puissance et
le caractère répressif de son régime politique. Le risque pour
la Chine est évidemment que ces deux réalités soient perçues
par la communau internationale et en particulier les pays
démocratiques et développés, qui se trouvent être ses princi-
paux partenaires – comme se renforçant mutuellement. An de
battre en brèche cette perception et de rassurer les inquiétudes
des tenants du syndrome de la « menace chinoise », Pékin conti-
nue de privilégier une certaine prudence sur la scène interna-
tionale. Et, depuis son arrivée au pouvoir en 2002, Hu Jintao a
mis en avant les notions d« ascension pacique » et d« harmo-
nie », s’ eorçant autant que possible déviter les conits et de
proposer des solutions « gagnant-gagnant », tout en maintenant
sa diérence. Toutefois, la tentation du gouvernement dinstru-
mentaliser dans ses relations extérieures le nationalisme ombra-
geux qu’ il continue de cultiver à lintérieur, pour maintenir sa
légitimité au sein de la société, montre combien une fois encore
la diplomatie chinoise butte sur les contradictions inhérentes à
ses objectifs.
Les priorités de la diplomatie chinoise
après Tiananmen (1989)
Au lendemain du massacre de Tiananmen, la Chine s’ est eor-
cée de sortir de son isolement diplomatique et de s’ associer peu
à peu à un plus grand nombre dorganisations et de mécanismes
multilatéraux de négociations. Lenvoi de forces de maintien de
la paix au Cambodge en 1991 et la signature par la Chine du
traité de non-prolifération en 1992 sont les deux premiers jalons
les plus caractéristiques de cette évolution.
Cependant, parallèlement, dans le monde de laprès-guerre
froide dominé par les États-Unis, le gouvernement chinois a
fait de la multipolarité ou plus exactement de la « multipo-
larisation » (duojihua) une priorité. Destiné à aaiblir ce que
Pékin perçoit comme « lhégémonisme » américain dans les
relations internationales, ce discours a pour traduction diplo-
matico-stratégique le soutien chinois de toutes les initiatives de
nature à réduire linuence des États-Unis. Ainsi, la constitution
de nouveaux « pôles » indépendants, nationaux ou multinatio-
naux (Union européenne, Association des nations du Sud-Est
asiatique, Union africaine, Mercosur) est ouvertement appuyée
par la Chine. Poursuivant ce même objectif, Pékin renforce ses
Chine :
une diplomatie tous azimuts
835
relations avec les puissances grandes ou moyennes qui prennent
leurs distances avec Washington, refusent de s’ aligner complè-
tement sur cette capitale ou bien se montrent également favora-
bles à la multipolarité.
En 1996, Jiang Zemin signe un accord de « partenariat
stratégique » avec la Russie de Boris Eltsine. Un an après, il
établit un « partenariat global » avec la France de Jacques Chirac,
puis létend en 1998 à lUnion européenne (U.E.). En 1996
également, la Chine propose à la Russie et à ses trois nouveaux
voisins dAsie centrale (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan)
de mettre en place un groupe destiné à renforcer la sécurité des
frontières et à lutter contre les forces « séparatistes, terroristes et
extrémistes », cherchant par à endiguer plus ecacement les
mouvements dopposition ouïghours au Xinjiang. En juin 2001,
ce groupe, dit de Shanghai car il fut établi dans cette ville, est
rebaptisé Organisation de coopération de Shanghai (O.C.S.) et
accueille en son sein lOuzbékistan. De même, en 2003, kin
établit un partenariat privilégavec lAssociation des nations
du Sud-Est asiatique (A.S.E.A.N.) et renforce son partenariat
avec lUnion européenne qui devient « global et stratégique ».
Au me moment, le ministère chinois des Aaires étrangères
publie un document sans précédent et ambitieux dénissant sa
politique à légard de la me Union européenne et ses objec-
tifs de coopération avec celle-ci.
On perçoit dans cette politique une double tension : dune
part, entre la multipolarité et le multilatéralisme et, d’ autre part,
entre la multipolarité qui sert les intérêts chinois et celle qui les
dessert. Depuis le début des années 2000, tirant les leçons des
critiques qui ont pu lui être adressées, le gouvernement chinois,
du moins dans son discours, insiste plus sur le multilatéralisme
que sur la multipolarisation, quoique cette dernière tendance,
jugée irréversible, continue dêtre favorisée. Laccession de
la Chine à lOrganisation mondiale du commerce (O.M.C.)
en décembre 2001 nest évidemment pas étrangère à cette
évolution. Lunilatéralisme privilégié par ladministration de
George W. Bush non plus. Dès 2002, lirruption de la question
nucléaire nord-coréenne donne loccasion au gouvernement
chinois de mettre en pratique sa nouvelle approche. Il propose
alors la mise en place de pourparlers à six, avec la Chine, les
deux Corées, les États-Unis, le Japon et la Russie. Cette formule,
après quelques dicultés à démarrer, permit à Pyongyang et
Washington dentamer de véritables négociations, et après de
multiples rebondissements dont l’ essai nucléaire nord-coréen
du 9 octobre 2006 – dus à des changements de politique de part
et dautre, de s’ orienter vers un accord.
En même temps, la Chine se montre plus favorable à
lémergence de pôles qui ne risquent pas de lui faire ombrage
(Brésil, Afrique du Sud, Iran) que de pôles susceptibles de
concurrencer sa propre inuence régionale (Japon, Inde). Les
liens stratégiques étroits, anciens ou plus récents, entre ces deux
pays et les États-Unis accusent cette distinction. C’ est pourquoi,
aujourd’ hui, tout en atténuant de manière tactique ses critiques
publiques à légard de lunique superpuissance et redoublant
dactivisme dans les arènes multilatérales, Pékin s’ eorce de se
hisser dans un jeu bipolaire avec Washington, qui la place très
nettement au-dessus des autres capitales, y compris de Moscou
ou de Bruxelles. De fait, la faiblesse économique de la Russie
(10
e
puissance mondiale en 2007) et le caractère à bien des
égards illusoire de lEurope comme puissance régionale encou-
ragent cette nouvelle bipolarité.
Ainsi, la Chine poursuit de conserve deux objectifs indisso-
ciables : rétablir son hégémonie en Asie et, s’ appuyant sur cette
Fresque représentant l’ amiral Zheng He (1371-1433) dans un temple bouddhiste de la ville de Penang, située dans le détroit de Malacca, en Malaisie. Ne pas répéter l’ erreur commise par l’ Empire du
Milieu, qui renonça à s’ armer comme grande puissance maritime après des expéditions très prometteuses, est une obsession de la Chine contemporaine. (C. Hellier/ Corbis)
836
ment déstabilisateurs. Le régime chinois a besoin dun environ-
nement pacique pour maintenir sa stratégie de développe-
ment et garantir un accès de plus en plus vital aux produits
énergétiques et autres matières premières étrangères ainsi que
se donner le temps de renforcer sa puissance militaire avant
denvisager de déer ouvertement les autres puissances de la
zone Asie-Pacique, au premier chef desquelles les États-Unis
et le Japon. Il ne s’ agit donc pas pour la Chine aujourd’ hui de
remettre en question lordre stratégique instauré à la n de la
Seconde Guerre mondiale, mais de le faire évoluer en douceur
en « attendant son heure » (tao guang yang hui), pour repren-
dre une expression de Deng Xiaoping souvent citée par les
diplomates chinois, avant de véritablement chercher à labolir
et dimposer sa propre vision de la sécurité collective dans son
environnement immédiat et, plus largement, sur le continent
asiatique.
C’ est également la raison pour laquelle la diplomatie
chinoise est passée dun attentisme prudent à un activisme
tous azimuts, et pas uniquement à lO.N.U., elle tire pleine-
ment parti de son statut de membre permanent du Conseil
de sécurité. Il est clair que, sur le fond, la politique étrangère
chinoise reste axée autour des cinq principes de la coexis-
tence pacique mis en avant par lInde puis la Chine dans les
années 1950 : 1) respect mutuel de lintégrité territoriale et de
la souveraineté ; 2) non-agression mutuelle ; 3) non-ingérence
mutuelle dans les aaires intérieures ; 4) égalité et avantages
mutuels et ; 5) coexistence pacique. Au sein de ces principes,
Pékin insiste depuis Tiananmen et la n de la guerre froide sur
puissance régionale retrouvée, consolider progressivement sa
puissance mondiale. Forte dun indéniable décollage économi-
que, elle est bien mieux armée qu’ hier, et sans doute que tout
autre pays, pour réaliser cette double ambition. Néanmoins,
devant gérer une dépendance extérieure sans précédent et
consciente de sa durable faiblesse militaire par rapport aux
États-Unis, elle a été contrainte de faire progressivement évoluer
tant son discours et son style diplomatiques que ses positions
sur un certain nombre de questions internationales.
Discours, style et stratégie diplomatiques
de la Chine
Il est caractéristique que, désormais plus inuente, en particu-
lier sur le plan économique et commercial, la Chine ait décidé
de modérer son discours et de policer le style de sa politique
étrangère. Alors qu’ hier elle cultivait lexistence même de
menaces et dennemis, aujourdhui tout se passe comme si la
République populaire n’ avait plus d’ ennemis. La rhétorique
sur lhégémonisme s’ est émoussée, « lascension pacique »
(heping jueqi), un temps promue par Wen Jiabao et Hu Jintao
en 2003-2004, a laissé la place au plus prudent « développement
pacique » (heping fazhan) de la Chine, une Chine qui prône, à
lintérieur comme à l’ extérieur de ses frontières, « lharmonie »,
le compromis et la résolution pacique des diérends.
Cette stratégie dévitement des conits traduit un besoin
de curité évident, au moment même le pays connaît
dimportants bouleversements économiques et sociaux, forcé-
Le délé militaire organisé place Tiananmen à loccasion du cinquantième anniversaire de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1999, fut particulièrement imposant et exprima sans
ambages la volonté de puissance de la Chine. (R. Beck/ AFP/ Getty)
837
s’ eorce dapparaître comme une force de paix et de concilia-
tion partout dans le monde, depuis le milieu des années 1990,
elle amasse face à lîle qui lui échappe, une quantité croissante
darmements, accumulation qui est directement responsable
du resserrement des liens stratégiques entre les États-Unis et le
Japon et de la montée du syndrome de la menace chinoise, non
seulement dans ces deux pays, mais aussi dans une bonne partie
de lAsie. Elle met aussi au jour son incapacité à reconnaître un
statut international à lÉtat (la République de Chine ou R.D.C.),
autrefois rival mais aujourdhui démocratique et pacique, qui
se trouve de lautre côté du détroit de Formose. Certes, avec
lélection de Ma Ying-jeou à la présidence de Taïwan et le retour
au pouvoir du Kuomintang en mars 2008, une véritable détente
s’ est fait jour dans le détroit de Formose, qui résulte pour partie
de linterdépendance économique croissante entre la R.P.C. et
Taïwan (125 milliards déchanges et plus de 100 milliards de
dollars dinvestissements taïwanais en Chine). Ayant accepté
contrairement à son prédécesseur, Chen Shui-bian, de tendance
indépendantiste, le principe de la « Chine unique » tout en
conservant sa propre interprétation (la R.D.C. et non la R.P.C.),
Ma Ying-jeou souhaite négocier un accord de paix avec Pékin.
Les relations s’ améliorent des liaisons aériennes directes ont
été ouvertes en juillet 2008 – et Hu Jintao, contrairement à
Jiang Zemin, semble se satisfaire du statu quo et ne cherche plus
à accélérer le processus de réunication sur le même modèle
que Hong Kong et Macao, deux territoires revenus à la Chine
en 1997 et 1999 et administrés selon la formule « un pays, deux
systèmes ».
Néanmoins, cette amélioration de la situation dans le détroit
de Taïwan est encore fragile car le conit de souveraineté entre
Pékin et Taipei reste entier et léquation militaire qui penche
la non-ingérence dans les aaires intérieures des autres pays car
cette notion possède à lévidence un caractère défensif qui lui
permet de mieux contrecarrer toute critique extérieure de son
régime politique et des atteintes graves aux droits de lhomme
que celui-ci autorise. Cependant, depuis la crise du Kosovo
(1999), au cours de laquelle elle s’ était isolée en soutenant
ouvertement le régime serbe de Milošević, la Chine a entrepris
dinéchir son attitude. Aujourd’ hui son obsession est déviter
de se retrouver isolée sur une question internationale majeure.
Ainsi, en matière de non-prolifération, après avoir directe-
ment contribué au programme nucléaire militaire pakistanais,
et donc indirectement au nord-coréen du fait de la coopéra-
tion secrète entre Islamabad et Pyongyang dans ce domaine, la
Chine se montre plus disposée à s’ associer aux sanctions inter-
nationales prises contre les pays qui enfreindraient les règles
en la matière, y compris contre ceux dont elle est proche. Par
exemple, avant la guerre dIrak (2003), elle a approuvé la résolu-
tion de lO.N.U. qui imposait au régime de Saddam Hussein
douvrir ses installations aux inspecteurs internationaux. Plus
récemment, en octobre 2006, elle a approuvé les sanctions
décidées par l’ O.N.U. à lencontre de la Corée du Nord, pourtant
un allié de longue date, après que celle-ci eut procédé pour la
première fois à un essai nucléaire souterrain. Elle s’ associe aussi
aux pressions internationales contre l’ Iran an que ce pays fasse
toute la clar sur le programme nucléaire dans lequel il est
engagé, allant aussi jusquà accepter en décembre 2006, avec les
autres membres du Conseil de sécurité de lO.N.U., dimposer
des sanctions contre ce pays.
De même, en cas de catastrophe humanitaire majeure, la
Chine ne s’ oppose plus par principe à toute intervention inter-
nationale. Et, an de démontrer sa bonne volonté, Pékin met en
avant le plus grand nombre dopérations de maintien de la paix
auxquelles larmée ou la police chinoise participent (9 en 2008,
engageant environ 2 000 soldats, à Haïti, au Congo, au Liberia
et au Liban).
Mais toute sanction ou intervention internationale doit,
aux yeux de Pékin, être approuvée par le Conseil de curité
de lO.N.U. et, si possible, par les autorités locales. Doù sa
prudence et ses hésitations face à la tragédie du Darfour.
Depuis 2007, la Chine soutient le déploiement de la force
dinterposition mixte O.N.U.-Union africaine (Unamid) dans
cette région occidentale du Soudan et a accru ses pressions sur
le régime de Khartoum. Mais ses étroites relations économi-
ques, énergétiques la Chine achète les deux tiers du pétrole
soudanais et militaires avec ce dernier la placent en porte-à-
faux et réduisent indéniablement la force de ses pressions et la
crédibilité de sa diplomatie. Pareillement, le gouvernement de
Pékin reste réticent à recourir à larme des sanctions contre les
capitales qui refusent de coopérer avec la communauté interna-
tionale (Téhéran, Rangoon, Harare) et avec lesquelles il nhésite
pas à maintenir des rapports denses et multiples, notamment
militaires.
Comme on peut le constater, le principe de non-ingérence
et surtout les intérêts nationaux chinois continuent donc de
freiner lévolution amorcée en 2001. Ainsi, la Chine a refuau
début 2008 de reconnaître lindépendance du Kosovo, se plaçant
avec la Russie (et quelques pays européens) dans le camp des
défenseurs de la sacralité du principe dintégrité territoriale des
États. On ne peut manquer évidemment de faire le lien entre
ces positions et les préoccupations de Pékin face à ses propres
régions de minorités comme le Tibet ou le Xinjiang, ou encore
à légard de Taïwan.
De fait, cette crispation chinoise se retrouve avec toute
son ampleur sur cette dernière question. Alors que la Chine
Rencontre entre Vladimir Poutine et Hu Jintao, à l’ occasion de la cérémonie d’ ouverture des jeux
Olympiques de Pékin, le 8 août 2008. Les deux grandes puissances, sœurs ennemies à l’ époque
communiste, se retrouvent aujourd’ hui sur nombre de sujets dès que ceux-ci sont susceptibles
de contrer l’ hégémonie des États-Unis sur la scène internationale. (A. Maltsev/ AFP/ Getty)
838
du Sud, qui sont également des partenaires commerciaux essen-
tiels de la Chine (203 et 160 milliards de dollars déchanges en
2007 respectivement). Cependant, elle s’ est rapidement étendue
à ses voisins continentaux, comme la Russie, les nouveaux États
indépendants dAsie centrale et l’ Inde. Enn, aujourd’ hui la
diplomatie chinoise s’ attache aussi à développer des relations de
plus en plus nourries avec des régions du monde où, dans un
passé récent, elle était encore très peu inuente, telles lAfrique,
lAmérique latine et le Moyen-Orient. On le sait, elle y trouve
une part croissante du pétrole, des matières premières, du bois
et des produits agricoles dont son économie a besoin. Mais cet
activisme diplomatique nest pas uniquement commercial, il
est aussi politique et stratégique : il est destià consolider le
statut de très grande puissance de la Chine et son image de seul
pays capable de véritablement rééquilibrer, sur tous les plans,
y compris en matière culturelle, la domination américaine. La
multiplication des instituts Confucius, créés sur le modèle des
Alliances françaises (environ 150 en 2008), témoigne de cette
nouvelle ambition.
Les relations avec les États-Unis sont pour la Chine primor-
diales mais diciles. Fascinée par la puissance économique et
militaire aricaine, la société et les responsables chinois rêvent
de rattraper, voire de dépasser lunique superpuissance de la
planète. Mais, en même temps, la Chine est consciente de son
retard et de la nécessité de coexister de manière pacique avec
un pays qui reste largement responsable de la sécurité en Asie
orientale. Elle sait aussi que son interdépendance économique
croissante avec les États-Unis en 2007, excédent commercial
de 256 milliards pour des échanges s’ élevant à 387 milliards
de dollars, et réserves en devises de plus de 1 300 milliards de
dollars, dont une grande partie en bons du trésor américain
permet à cette relation de demeurer relativement stable en dépit
des insurmontables diérends qui opposent les deux capitales.
Le plus grave dentre eux demeure Taïwan, question sur laquelle,
depuis leur normalisation en 1979, Pékin et Washington
s’ accordent sur le maintien dun statu quo dont ils ne contrôlent
pas complètement lévolution, tout en entretenant une confron-
tation militaire qui réduit dans une large mesure les options qui
irmédiablement en faveur de la première capitale, mais conti-
nue dêtre rééquilibrée par le soutien stratégique apporté de fait
par Washington à la seconde – n’ a pas commencé à recevoir un
début de solution.
Une tension similaire se retrouve autour de lorganisation
par la Chine des jeux Olympiques de 2008. À trop vouloir
utiliser cette rencontre internationale pour promouvoir non
seulement la réussite économique du pays mais ce qu’ il appelle
la « renaissance » de la nation chinoise, le Parti communiste
chinois a contribué à politiser outre mesure lévénement,
attirant sur lui les critiques de lensemble des mouvements qui
avaient quelque chose à lui reprocher (Darfour, Tibet, droits de
lhomme), et ceci en dépit du fort courant de solidarité interna-
tionale que le tremblement de terre du Sichuan, survenu en mai
2008, a pu momentanément susciter.
On touche donc à la contradiction principale de la politi-
que internationale de Pékin. Tactiquement ouverte et exible,
mais sur le fond intraitable et avant tout désireuse de défen-
dre la légitimité de son régime politique autoritaire, la Chine
populaire reste plus à même déviter les conits internationaux
qui la touchent que de les résoudre.
Les principaux partenaires de la Chine
Les principaux partenaires de la Chine sont et resteront les
États-Unis, dabord, puis le Japon, pour des raisons à la fois
économiques et stratégiques. Avec lUnion européenne, ces
pays constituent les principaux marchés extérieurs de la R.P.C. :
ils écoulent près des trois quarts des exportations chinoises ; ils
constituent aussi pour léconomie chinoise une source essen-
tielle dinvestissements extérieurs et de technologies modernes.
Mais, en même temps, la Chine baigne dans un environnement
régional dans lequel elle s’ eorce de s’ intégrer à la fois écono-
miquement et politiquement, mettant en avant depuis le début
des années 2000 une diplomatie de « bon voisinage » qui a porté
ses fruits. Celle-ci s’ est avant tout concentrée sur les dix pays de
lA.S.E.A.N. – avec lesquels elle a mis entre parenthèses le conit
territorial de la mer de Chine méridionale en 2002 – et la Corée
Une étape importante dans l’ ouverture
du marché bancaire chinois. En juin 2005,
les dirigeants de la Bank of China fêtent
l’ introduction à la Bourse de Hong Kong
de leur établissement, deuxième banque
du pays. (S. Sin/ AFP)
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