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s’ eorce d’ apparaître comme une force de paix et de concilia-
tion partout dans le monde, depuis le milieu des années 1990,
elle amasse face à l’ île qui lui échappe, une quantité croissante
d’ armements, accumulation qui est directement responsable
du resserrement des liens stratégiques entre les États-Unis et le
Japon et de la montée du syndrome de la menace chinoise, non
seulement dans ces deux pays, mais aussi dans une bonne partie
de l’ Asie. Elle met aussi au jour son incapacité à reconnaître un
statut international à l’ État (la République de Chine ou R.D.C.),
autrefois rival mais aujourd’ hui démocratique et pacique, qui
se trouve de l’ autre côté du détroit de Formose. Certes, avec
l’ élection de Ma Ying-jeou à la présidence de Taïwan et le retour
au pouvoir du Kuomintang en mars 2008, une véritable détente
s’ est fait jour dans le détroit de Formose, qui résulte pour partie
de l’ interdépendance économique croissante entre la R.P.C. et
Taïwan (125 milliards d’ échanges et plus de 100 milliards de
dollars d’ investissements taïwanais en Chine). Ayant accepté
contrairement à son prédécesseur, Chen Shui-bian, de tendance
indépendantiste, le principe de la « Chine unique » tout en
conservant sa propre interprétation (la R.D.C. et non la R.P.C.),
Ma Ying-jeou souhaite négocier un accord de paix avec Pékin.
Les relations s’ améliorent – des liaisons aériennes directes ont
été ouvertes en juillet 2008 – et Hu Jintao, contrairement à
Jiang Zemin, semble se satisfaire du statu quo et ne cherche plus
à accélérer le processus de réunication sur le même modèle
que Hong Kong et Macao, deux territoires revenus à la Chine
en 1997 et 1999 et administrés selon la formule « un pays, deux
systèmes ».
Néanmoins, cette amélioration de la situation dans le détroit
de Taïwan est encore fragile car le conit de souveraineté entre
Pékin et Taipei reste entier et l’ équation militaire – qui penche
la non-ingérence dans les aaires intérieures des autres pays car
cette notion possède à l’ évidence un caractère défensif qui lui
permet de mieux contrecarrer toute critique extérieure de son
régime politique et des atteintes graves aux droits de l’ homme
que celui-ci autorise. Cependant, depuis la crise du Kosovo
(1999), au cours de laquelle elle s’ était isolée en soutenant
ouvertement le régime serbe de Milošević, la Chine a entrepris
d’ inéchir son attitude. Aujourd’ hui son obsession est d’ éviter
de se retrouver isolée sur une question internationale majeure.
Ainsi, en matière de non-prolifération, après avoir directe-
ment contribué au programme nucléaire militaire pakistanais,
et donc indirectement au nord-coréen du fait de la coopéra-
tion secrète entre Islamabad et Pyongyang dans ce domaine, la
Chine se montre plus disposée à s’ associer aux sanctions inter-
nationales prises contre les pays qui enfreindraient les règles
en la matière, y compris contre ceux dont elle est proche. Par
exemple, avant la guerre d’ Irak (2003), elle a approuvé la résolu-
tion de l’ O.N.U. qui imposait au régime de Saddam Hussein
d’ ouvrir ses installations aux inspecteurs internationaux. Plus
récemment, en octobre 2006, elle a approuvé les sanctions
décidées par l’ O.N.U. à l’ encontre de la Corée du Nord, pourtant
un allié de longue date, après que celle-ci eut procédé pour la
première fois à un essai nucléaire souterrain. Elle s’ associe aussi
aux pressions internationales contre l’ Iran an que ce pays fasse
toute la clarté sur le programme nucléaire dans lequel il est
engagé, allant aussi jusqu’ à accepter en décembre 2006, avec les
autres membres du Conseil de sécurité de l’ O.N.U., d’ imposer
des sanctions contre ce pays.
De même, en cas de catastrophe humanitaire majeure, la
Chine ne s’ oppose plus par principe à toute intervention inter-
nationale. Et, an de démontrer sa bonne volonté, Pékin met en
avant le plus grand nombre d’ opérations de maintien de la paix
auxquelles l’ armée ou la police chinoise participent (9 en 2008,
engageant environ 2 000 soldats, à Haïti, au Congo, au Liberia
et au Liban).
Mais toute sanction ou intervention internationale doit,
aux yeux de Pékin, être approuvée par le Conseil de sécurité
de l’ O.N.U. et, si possible, par les autorités locales. D’ où sa
prudence et ses hésitations face à la tragédie du Darfour.
Depuis 2007, la Chine soutient le déploiement de la force
d’ interposition mixte O.N.U.-Union africaine (Unamid) dans
cette région occidentale du Soudan et a accru ses pressions sur
le régime de Khartoum. Mais ses étroites relations économi-
ques, énergétiques – la Chine achète les deux tiers du pétrole
soudanais – et militaires avec ce dernier la placent en porte-à-
faux et réduisent indéniablement la force de ses pressions et la
crédibilité de sa diplomatie. Pareillement, le gouvernement de
Pékin reste réticent à recourir à l’ arme des sanctions contre les
capitales qui refusent de coopérer avec la communauté interna-
tionale (Téhéran, Rangoon, Harare) et avec lesquelles il n’ hésite
pas à maintenir des rapports denses et multiples, notamment
militaires.
Comme on peut le constater, le principe de non-ingérence
et surtout les intérêts nationaux chinois continuent donc de
freiner l’ évolution amorcée en 2001. Ainsi, la Chine a refusé au
début 2008 de reconnaître l’ indépendance du Kosovo, se plaçant
avec la Russie (et quelques pays européens) dans le camp des
défenseurs de la sacralité du principe d’ intégrité territoriale des
États. On ne peut manquer évidemment de faire le lien entre
ces positions et les préoccupations de Pékin face à ses propres
régions de minorités comme le Tibet ou le Xinjiang, ou encore
à l’ égard de Taïwan.
De fait, cette crispation chinoise se retrouve avec toute
son ampleur sur cette dernière question. Alors que la Chine
Rencontre entre Vladimir Poutine et Hu Jintao, à l’ occasion de la cérémonie d’ ouverture des jeux
Olympiques de Pékin, le 8 août 2008. Les deux grandes puissances, sœurs ennemies à l’ époque
communiste, se retrouvent aujourd’ hui sur nombre de sujets dès que ceux-ci sont susceptibles
de contrer l’ hégémonie des États-Unis sur la scène internationale. (A. Maltsev/ AFP/ Getty)