La crise, une opportunité
pour changer le monde
La tribune fonda - fé vrier 2010 - n°201
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Pour comprendre la crise systémique du capitalisme actuel, il faut la
replacer dans l’histoire de la pensée économique. L’école libérale de
l’après-guerre a fondé sa réflexion sur une science économique neu-
tre, amorale et dépourvue de toute recherche de sens. Pour ses théori-
ciens, les lois économiques sont assimilables à de lois mathématiques
qui régissent les mécanismes du marché et les comportements de ses
intervenants : producteurs, salariés, consommateurs et épargnants. La
répartition des richesses résulte d’une belle mécanique qu’il faut lais-
ser libre d’évoluer hors de toute ingérence, à commencer par celle des pouvoirs
publics. L’économie n’est plus « politique », elle s’intitule science économique.
Adam Smith, Marx ou Keynes sont remplacés par les boys de l’école de Chicago.
Dans cette vision, l’épargne des rentiers est le moteur de la croissance. Il était
donc normal de la rémunérer par des rendements financiers très élevés, de l’or-
dre de 15 % au détriment des salaires. Il était criminel de la fiscaliser. Bien
entendu cette vision conduisait à un strict équilibre des finances publiques et à
un affaiblissement du rôle de l’État. Quant aux ménages, il fallait les pousser à
consommer. Pour compenser la faiblesse de leurs salaires, un endettement exces-
sif était mathématiquement acceptable puisque les patrimoines, comme n’im-
porte quelle rente ne pouvaient qu’augmenter en théorie. D’ailleurs les fonds de
pension, devenus les premiers actionnaires du système capitaliste, garantissaient
les retraites de ces consommateurs–salariés hyper endettés. Bref, les modèles
mathématiques laissaient augurer que le salarié d’aujourd’hui, mal payé, mais
endetté pouvait répondre à toutes les sollicitations de la consommation, profiter
d’un habitat confortable et en même temps bénéficier d’une belle retraite pour
achever une vie économique de rêve !
Ce mythe, raconté depuis plus de trente ans, a été pris au sérieux par l’ensemble
des dirigeants politiques et économiques du monde entier y compris par ceux
des anciens pays communistes. Qui aurait pu oser aller à l’encontre de la
construction d’un marché global sans aucune entrave pour les biens, les services
et les capitaux ? En matière financière, les hedge funds et les paradis fiscaux
étaient nécessaires à cette économie–casino, bien que reconnus comme des lieux
de toutes les perditions et le refuge des mafias en tout genre. Ils contribuaient à
l’enrichissement général alors que ces systèmes spéculatifs étaient dépourvus de
fondement économique, sans parler de leur immoralité. L’appât du gain a touché
toutes les catégories sociales. Il est assez inouï de constater que les élections
démocratiques ont fait gagner systématiquement ces dernières décennies des
majorités conservatrices favorables à ce système ou des majorités « social-démo-
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