
avouer que celle-ci résiste au doute méthodiquement conduit ?
Descartes va aussi révoquer en doute les certitudes rationnelles à l’aide d’un argument pouvant
paraître fantaisiste. Et si, se dit-il, un mauvais génie se plaisait à me tromper lorsque je raisonne ?
Le doute cartésien devient, à cet instant, hyperbolique. En réalité, Descartes pose un vrai problème.
Qu’est-ce qui peut nous assurer que la raison soit une faculté plus fiable que les sens pour fonder la
certitude ? Il se peut qu’elle nous abuse tout autant qu’eux.
Les certitudes rationnelles ne semblent donc pas plus solides que les certitudes sensibles. Elles
aussi sont laminées par le doute. Il faut faire le vide et admettre que tout ce que je sens et ce que je
conçois rationnellement est douteux.
Or, c’est précisément au moment où Descartes a fait le vide le plus intégral qu’il découvre qu’il
peut douter de tout sauf de lui-même en tant qu’il doute. Pour que le mauvais génie me trompe,
il faut que je pense. Je peux douter de tout mais je ne peux pas douter du fait que moi qui doute je
suis. « Je suis, j’existe » dit la Seconde Méditation Métaphysique ; « je pense, donc je suis » dit le
Discours de la méthode.
Etienne Gilson commente : « Je voulais penser que tout était faux et il se pouvait en effet que tout
fût faux (monde, Dieu, corps). Mais il ne se pouvait pas que moi, du moins, qui pensais cela ne
fusse pas quelque chose. Donc, moi qui pense, j’existe ».
Telle est la première certitude, modèle de toutes les autres, fondement de l’édifice du savoir que
Descartes par la seule force de sa pensée a su établir.
On ne rendra jamais assez hommage à cette clarification. Car que fait-on, quand la frontière entre
le réel et le rêve se brouillant, on dit que l’on se pince ? En fait on s’assure de sa propre existence,
on revient à soi comme point fixe sans lequel aucune expérience ne serait possible, pas même celle
du vertige, du brouillage des ordres ou des illusions.
I) Le sens du cogito.
Réponse à la question : « Qu’est-ce que je peux tenir pour certain ? » le cogito est à la fois
l’affirmation d’une existence et d’une essence.
L’existence c’est le fait d’être. L’existence s’éprouve, se constate, se rencontre, elle ne se prouve
ni ne se déduit. Il y a bien une dimension existentielle du cogito. Au moment où je pense, je me sens
exister. « Je suis, j’existe : cela est certain, mais combien de temps ? A savoir autant de temps que je
pense ; car peut-être se pourrait-il faire, si je cessais de penser, que je cesserais d’être ou d’exister ».
Méditation seconde.
L’essence d’un être c’est sa nature, ce qui fait qu’il est ce qu’il est. C’est ce quelque chose que
Descartes va nous demander d’examiner avec attention. Car dans l’état actuel de la méditation, je ne
peux pas me définir par ce que je sais de moi-même par l’intermédiaire de mes sens, la certitude
sensible ayant été suspendue. Je ne puis donc point prétendre être « cet assemblage de membres que
l’on appelle le corps humain (…) puisque j’ai supposé que tout cela n’était rien, et que, sans
changer cette supposition, je trouve que je ne laisse pas d’être quelque chose ». Méditation seconde.
Que suis-je donc ? « Je connus de là que j’étais une substance dont toute l’essence ou la nature
n’est que de penser, et qui, pour être, n’a besoin d’aucun lieu, ni ne dépend d’aucune chose
matérielle. En sorte que ce moi, c’est-à-dire l’âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement
distincte du corps, et même qu’elle est plus aisée à connaître que lui, et qu’encore qu’il ne fût point,
elle ne laisserait pas d’être tout ce qu’elle est ». Discours de la méthode IV.
Je me découvre un être, une réalité ontologique. C’est ce que connote la notion de substance. Une
substance c’est ce qui existe en soi, ce qui sert de substrat à des qualités accidentelles, ce qui ne