L’observation
Madame D., 84 ans, est suivie depuis quelques mois pour
un syndrome démentiel débutant associé à une psychose
hallucinatoire chronique à type d’hallucinations auditives
invalidantes car limitant le sommeil et s’accompagnant
d’une agitation anxieuse. Après avis spécialisé en
géronto-psychiatrie, un traitement antipsychotique par
halopéridol est instauré, permettant la disparition des hal-
lucinations. Trois semaines après le début du traitement
NLP, la patiente consulte pour asthénie et fièvre accompa-
gnées d’un syndrome dyskinétique majeur devant lequel
le médecin traitant interrompt le NLP. Deux jours après, la
patiente est adressée au service d’accueil des urgences car,
malgré cette adaptation thérapeutique, elle reste prostrée
au lit. Le score de Glasgow est à 12/15. Une hyperthermie
à 39 °C est notée, sans trouble hémodynamique. Aucun
foyer infectieux n’est retrouvé à l’examen clinique ; la
radiographie thoracique est normale.
Le bilan biologique réalisé montre :
–une hyperleucocytose modérée à 10,6 G/L (valeurs
usuelles : 4 à 10 G/L) ;
–une augmentation de la concentration plasmatique de la
CRP : 281 mg/L (valeurs usuelles : < 10 mg/L) qui
témoigne d’un syndrome inflammatoire sévère ;
–une augmentation de l’activité créatine kinase (CK)
plasmatique : 1 289 U/L (valeurs usuelles : < 180 U/L) ;
–les prélèvements bactériologiques ne révèlent aucune
anomalie : l’examen cytobactériologique des urines
(ECBU) et les hémocultures s’avèrent négatifs.
Le traitement symptomatique comporte une réhydratation
intraveineuse et un traitement antipyrétique, mais aucune
antibiothérapie n’est débutée.
La patiente est transférée le lendemain en unité de géria-
trie aiguë. À son arrivée, elle est vigile, score de Glasgow
15/15, la tension artérielle est à 103/68 mmHg, la fré-
quence cardiaque à 95/min, l’oxymétrie à 100 % en air
ambiant. La température est à 38,4 °C malgré le paracéta-
mol administré aux urgences et la patiente frissonne, ce
qui fait évoquer un syndrome septique avec « décharges
bactériémiques ». L’auscultation cardiopulmonaire est
normale, la palpation abdominale est indolore. Il n’ya
pas de signe fonctionnel urinaire. Une recherche par ban-
delette urinaire de leucocytes et de nitrites témoins
d’infection urinaire est négative, et l’absence de germes
est confirmée par un nouvel ECBU. L’examen neurolo-
gique retrouve un ralentissement psychomoteur sans
confusion, une hypertonie majeure des quatre membres
qui n’existait pas lors d’une hospitalisation dans le service
un mois plus tôt. Il n’y a pas de raideur de nuque, pas de
phono-photophobie, ni de signe neurologique de localisa-
tion.
Le bilan biologique confirme la présence d’un syndrome
inflammatoire franc avec une concentration sérique de la
CRP à 344 mg/L, sans hyperleucocytose (leucocytes :
8,7 G/L). En l’absence d’argument suffisant pour affirmer
un processus infectieux, un syndrome malin des NLP est
évoqué compte tenu du traitement par halopéridol pris
depuis trois semaines. Le traitement symptomatique, asso-
ciant hydratation et antipyrétiques par voie parentérale, est
poursuivi. Aucun traitement antibiotique probabiliste n’est
prescrit en l’absence de point d’appel infectieux.
Le lendemain, la PCT sérique est dosée, en considérant
que ce biomarqueur des infections bactériennes peut être
discriminant quant à l’utilisation des antibiotiques.
La concentration de la PCT (2,1 μg/L), ne permet pas
d’éliminer le diagnostic différentiel de syndrome septique,
mais il est décidé de ne pas modifier la prise en charge.
L’évolution clinique se fait vers un amendement de la fiè-
vre en 48 heures et une résolution progressive de la rigi-
dité extrapyramidale en quelques jours. Sur le plan biolo-
gique, on observe la disparition du syndrome
inflammatoire avec normalisation des concentrations séri-
ques de la CRP, de la PCT, et de la CK (figure 1).
Compte tenu du tableau clinicobiologique initial et de
l’évolution spontanément favorable à l’arrêt de l’halopéri-
dol, nous concluons au diagnostic de syndrome malin des
NLP. Après plusieurs semaines, l’état neurologique est
revenu à l’état initial, rendant possible un retour au domi-
cile avec suivis gériatrique et psychiatrique réguliers.
Le point de vue du clinicien
Le syndrome malin des NLP a été décrit pour la première
fois en 1960 par Delay et al. sous le nom de « syndrome
akinétique hypertonique ». Sa physiopathologie reste mal
connue, l’hypothèse majoritairement retenue étant un blo-
cage des récepteurs dopaminergiques centraux [1]. Sont
aussi évoquées des perturbations d’autres neurotransmet-
teurs, sérotonine et noradrénaline, et des anomalies au
niveau du muscle strié squelettique d’où l’analogie pos-
sible avec l’hyperthermie maligne ou coup de chaleur.
Le syndrome malin peut survenir avec n’importe quel
NLP, quelles que soient la posologie et la voie d’adminis-
tration. Les critères diagnostiques, selon la classification
DSM-IV, sont une hypertonie musculaire sévère associée
à une hyperthermie majeure, survenant dans un contexte
de prise récente d’un NLP, et avec au moins deux des
signes suivants : sueurs, tremblements, troubles de la
conscience allant de la confusion au coma, tachycardie,
tension artérielle élevée ou labile, dysphagie, hyperleuco-
cytose, rhabdomyolyse objectivée par une élévation de la
concentration sérique de la CK [1]. Biologiquement, peu-
vent aussi être notés des élévations des transaminases et
pratique quotidienne
698 Ann Biol Clin, vol. 67, n
o
6, novembre-de
´cembre 2009
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