Groupe de Brauer non-ramifié d`espaces homogènes à - IMJ-PRG

Groupe de Brauer non-ramifié d’espaces
homogènes à stabilisateurs finis
Cyril Demarche
Résumé
On s’intéresse dans ce texte au groupe de Brauer d’une compactification
lisse d’un espace homogène d’un groupe semi-simple simplement connexe à
stabilisateurs finis, sur un corps de nombres, ainsi qu’aux liens existants entre
l’obstruction de Brauer-Manin à l’approximation faible sur un tel espace ho-
mogène et la cohomologie galoisienne du stabilisateur. On montre notamment
une formule décrivant ce groupe de Brauer, dit non-ramifié, et on construit
des familles d’exemples et de contrexemples pour lesquels ce groupe de Brauer
non-ramifié coïncide ou non avec le sous-groupe du groupe de Brauer formé
des éléments localement constants en presque tout place. Enfin, on démontre
que le fait que l’obstruction de Brauer-Manin à l’approximation faible soit la
seule est équivalent à une condition simple sur la cohomologie galoisienne du
stabilisateur.
1 Introduction
On s’intéresse ici aux espaces homogènes d’un groupe algébrique semi-simple
simplement connexe sur un corps de nombres, dont le stabilisateur (géométrique)
est fini. On s’intéresse notamment au groupe de Brauer non-ramifié de ces espaces.
Plus précisément, étant donné un corps de nombres k, et Gun k-groupe algébrique
fini, on se donne un plongement de Gdans SLn,k (dans toute cette construction,
on peut remplacer SLnpar GLn, les variétés obtenues étant alors k-stablement
birationnelles), et on définit l’espace homogène quotient X:= SLn/G. Cette variété
ne dépend pas, à k-stable-birationalité près, de la représentation fidèle de Gchoisie
(c’est le lemme sans nom, voir par exemple [6], corollaire 3.9). De plus, Xest une
k-variété lisse géométriquement intègre. On s’intéresse à l’arithmétique de la variété
X. On sait qu’en général, la variété Xne vérifie pas l’appoximation faible, c’est à dire
que l’adhérence de X(k)dans X(k) := QvkX(kv)(muni de la topologie produit
direct des topologies v-adiques, vcrivant l’ensemble kdes places de k) n’est
pas toujours l’ensemble X(k)tout entier. Pour étudier le défaut d’approximation
1
1 INTRODUCTION 2
faible, on utilise l’obstruction de Brauer-Manin : si Brnr(X)est le groupe de Brauer
cohomologique 1d’une compactification lisse de X, on dispose d’un accouplement
naturel (voir par exemple [26], section 5.2)
X(k)×Brnr(X)Q/Z
((Pv), A)7−→ hA, (Pv)iBM := Pvkjv(A(Pv))
tel que l’adhérence de X(k)dans X(k)soit contenue dans le noyau à gauche
X(k)Brnr(X)de cet accouplement (pour ce résultat, voir par exemple [26], pages
102-103).
Étant donné un sous-groupe Bde Brnr(X), on se demande alors si l’obstruction
de Brauer-Manin relative à Bà l’approximation faible est la seule pour X, c’est-à-
dire si l’adhérence de X(k)dans X(k)coïncide avec l’ensemble
X(k)B:= {(Pv)X(k) : hA, (Pv)iBM = 0 pour tout AB}
Dans le cas le groupe Gest connexe ou abélien, ce résultat est connu et dû à
Borovoi en prenant pour Ble sous-groupe Bω(X)formés des éléments localement
constants (voir [4], corollaire 2.5 par exemple). En revanche, quand le groupe Gest
fini, peu de résultats sont connus : on sait que si le groupe Gest abélien fini, alors
l’obstruction de Brauer-Manin sur Xest la seule (voir par exemple [23], lemme 1.4),
et on sait que la variété Xvérifie l’approximation faible si Gest constant résoluble
d’ordre impair sur Q(c’est un résultat dû à Neukirch, voir [18], corollaire 9.3, et
[19], corollaire 2). Mais le problème général reste ouvert : en fait, hormis les résultats
cités et les cas traités dans [10], il semble qu’on ne dispose d’aucun résultat sur le
sujet, notamment par exemple pour les groupes constants non-abéliens d’ordre pair
(en particulier dans le cas des groupes finis parfaits). L’une des motivations pour
étudier ce problème pour des groupes Gfinis est le problème de Galois-inverse,
comme expliqué dans la section 4 de [10]. Dans ce texte, on s’intéresse au groupe de
Brauer non-ramifié de ces variétés, dans d’autres cas que ceux considérés jusqu’ici.
Dans tout ce texte, kdésigne une clôture algébrique de k,Γkest le groupe de
Galois absolu du corps k, à savoir Γk:= Gal(k|k). Si Xest une k-variété et si K/k
est une extension de corps, on note XK:= X×kKla K-variété obtenue à partir
de Xpar extension des scalaires de kàK. On définit également X:= X×kk, et
Br1(X) := Ker(Br XBr X). On notera également Brnr(X)le groupe de Brauer
non-ramifié de X, c’est-à-dire le groupe de Brauer d’une compactification lisse de
X, et Brnr1(X)le noyau de Brnr(X)Brnr(X).
Si X:= SLn/G est le quotient de SLn,k par un k-sous-groupe fini G, on définit Z
comme le quotient de SLnpar le sous-groupe dérivé D(G)de G.Zest un X-torseur
1Dans tout le texte, le groupe de Brauer d’une k-variété Yest par définition le groupe Br(Y) :=
H2
ét(Y, Gm)
1 INTRODUCTION 3
sous Gab, et on a le diagramme suivant :
SLn
D(G)
!!
C
C
C
C
C
C
C
C
G
Z
Gab
}}z
z
z
z
z
z
z
z
X
On note Mest le Γk-module dual de Gab, défini par M:= Homk(Gab,k), avec
l’action de Γksuivante : (γϕ)(h) := γ(ϕ(γ1h)) pour tout γΓk,ϕMet h
Gab(k). On sait (voir par exemple [26], théorème 4.1.1) que le groupe Br1(X)/Br(k)
s’identifie à H1(k, M)et que tout élément de Br1(X)s’obtient comme un cup-produit
a[Z] + α0, pour aH1(k, M)et α0Br k, où [Z]désigne la classe de Zdans
H1(X, Gab). On note Bω(X)le sous-groupe de Br1(X)correspondant au sous-groupe
X1
ω(k, M)de H1(k, M)formé des éléments de H1(k, M)dont la restriction est nulle
dans H1(kv, M)pour presque toute place vde k(dans tout le texte, l’expression
"pour presque toute place de k" signifie "pour toutes les places de k, sauf un nombre
fini d’entre elles"). C’est un sous-groupe de Brnr1(X)(cf [9], théorème 2.1.1), qui
correspond aux éléments αBr1(X)tels que αvBr1(Xkv)provienne de Br(kv)
pour presque toute place vde k.
On cherche ici à calculer explicitement les groupes Bω(X)et Brnr1(X)dans des
cas particuliers, ainsi que les obstructions à l’approximation faible correspondantes,
à savoir les ensembles X(k)Brnr1(X)et X(k)Bω(X), le premier étant naturellement
contenu dans le second.
Ainsi les questions que l’on se pose sont les suivantes : l’obstruction de Brauer-
Manin algébrique à l’approximation faible est-elle la seule sur X, i.e. l’adhérence de
X(k)dans X(k)est-elle exactement X(k)Brnr1(X)? Les ensembles X(k)Brnr1(X)et
X(k)Bω(X)coïncident-ils ? Les groupes Brnr1(X)et Bω(X)sont-ils égaux ? Comme
mentionné plus haut, très peu de résultats sont connus à propos de ce problème,
notamment dans les cas où le groupe Gest fini, non-abélien et d’ordre pair. Dans ce
texte, on cherche à décrire le groupe Brnr1(X), à le comparer au groupe Bω(X), et à
interpréter l’obstruction associée à Brnr1(X)en terme de la cohomologie galoisienne
du groupe G.
Dans la première partie, on va montrer une formule reliant le groupe de Brauer
non-ramifié de Xà la cohomologie galoisienne de G, formule généralisant la propo-
sition 4 de [10]. Dans la deuxième partie, on exploite cette formule dans le cas des
groupes Gfinis constants, et on montre dans la partie 3 un résultat de trivialité pour
Brnr1(X)dans le cas où Gest un p-groupe constant d’un certain type. Dans la section
4, on compare les groupes Brnr1(X)et Bω(X), sous certaines hypothèses concernant
le cardinal du groupe fini Get les racines de l’unité dans k. Dans la cinquième par-
2 FORMULE GÉNÉRALE POUR LE GROUPE DE BRAUER NON-RAMIFIÉ4
tie, on répond à une question de Harari (voir [10], question avant la proposition 4)
en construisant un p-groupe (fini) constant Gpour lequel Bω(X)est trivial, mais
Brnr1(X)ne l’est pas, et pour lequel X(k)Brnr1(X)$X(k)Bω(X)=X(k): en
cela le cas des espaces homogènes à stabilisateurs finis diffère nettement du cas des
espaces homogènes à stabilisateurs connexes ou abéliens, cas dans lequel les deux
groupes Bω(X)et Brnr1(X)coïncident (voir par exemple [5], théorème A). L’exem-
ple de cette partie est donc d’une nature assez nouvelle : c’est un espace homogène
ne vérifiant pas l’approximation faible, et pour lequel l’obstruction de Brauer-Manin
associée au groupe Bω(X)est insuffisante pour expliquer ce défaut d’approximation
faible ; toutefois, pour cet exemple, l’obstruction à l’approximation faible associée
au groupe Brnr1(X)est bien la seule. Dans la partie 6, on donne au théorème 7.1 une
formule permettant de calculer explicitement l’obstruction de Brauer-Manin sur X
relative à Brnr1(X), en termes de la cohomologie galoisienne de Get de son abélian-
isé Gab. Enfin, dans la dernière partie, on traite l’exemple particulier du groupe
G=Q16, groupe des quaternions d’ordre 16, vu comme groupe constant sur Q.
Remarque 1.1. Dans tout ce texte, les groupes finis seront toujours considérés
comme des groupes algébriques constants.
2 Formule générale pour le groupe de Brauer non-
ramifié
Dans l’introduction, on a considéré des espaces homogènes de SLnqui sont quo-
tients de SLn,k, c’est-à-dire des espaces homogènes admettant un point rationnel. On
va donner ici (voir le théorème 2.1) une formule générale pour le groupe de Brauer
non-ramifié d’un espace homogène quelconque à stabilisateur fini, que celui-ci ad-
mette ou non un point rationnel.
Avant d’énoncer le résultat, on rappelle que, si vest une place de k,Mest un Γkv-
module fini, et Mest son module dual, on dispose de l’accouplement local obtenu
grâce au cup-produit :
H1(kv, M)×H1(kv, M)Br kv
jv
Q/Z
jvest l’invariant donné par la théorie du corps de classes local (jvest un mor-
phisme injectif pour toute place vde k, et c’est un isomorphisme si vest une place
finie). Cet accouplement est un accouplement non-dégénéré de groupes finis (voir
par exemple [21], théorème 7.2.9). En outre, si le module Mest non-ramifié en la
place v, les sous-groupes H1
nr(kv, M)et H1
nr(kv, M)sont les orthogonaux respectifs
l’un de l’autre pour cet accouplement (voir par exemple [25] section 5.5, pour la
définition des groupes de cohomologie non-ramifiée).
2 FORMULE GÉNÉRALE POUR LE GROUPE DE BRAUER NON-RAMIFIÉ5
Théorème 2.1. Soit kun corps de nombres, G/k un groupe algébrique semi-simple
simplement connexe. Soit Xun espace homogène de G,Gle stabilisateur d’un point
ométrique de X, que l’on supposera fini. On note également Gab la k-forme du
quotient de Gpar son sous-groupe dérivé canoniquement associée à X, et Mle
Γk-module dual de Gab. Alors :
Pour presque toute place vde k,Xkvest kv-isomorphe à un quotient de G
kv
par un sous-groupe fini Gvde G
kv
Il existe un isomorphisme naturel r:Br1(X)/Br(k)H1(k, M)tel qu’un
élément αBr1(X)est non-ramifié si et seulement si pour presque toute
place v,r(α)vH1(kv, M)est orthogonal à Im(H1(kv, Gv)H1(kv, Gab))
(pour l’accouplement donné par le cup-produit).
Ce résultat généralise la proposition 4 de [10], qui fournit la formule suivante
dans le cas où X(k)6=:
Théorème 2.2 (Harari).Avec les notations du théorème 2.1, et sous l’hypothèse
supplémentaire que X(k)6=, le groupe Brnr1(X)/Br(k)s’identifie au sous-groupe
de H1(k, M)formé des éléments atels que : pour presque toute place vde k, la
restriction avH1(kv, M)est orthogonale (pour le cup-produit) au sous-ensemble
Im(H1(kv, G)H1(kv, Gab)) de H1(kv, Gab).
Démonstration : Suivant Springer, on considérera le k-lien LXsur Gassocié à X,
et la classe de Springer de X:αXH2(k, LX)(voir par exemple [3], (5.1) ou [7],
7.7 pour les définitions de LXet αX). En remarquant que le sous-groupe dérivé
de G, noté D(G), est invariant par les automorphismes semi-linéaires de G, on en
déduit que le lien LXinduit un k-lien L
Xsur le quotient Gab := G/D(G), qui est
un groupe abélien, et donc ce lien définit une k-forme Gab de Gab.Mdésigne alors
le Γk-module dual du groupe Gab.
Considérant la situation géométrique, on a un diagramme sur k:
G
?
?
?
?
?
?
?
?
G
Z
Gab
X
Get Xétant géométriquement intègres, on dispose de la suite exacte suivante (voir
par exemple [26], section 2.2, suite exacte (2.8)) :
1k[X]/kk[G]/kMPic(X)Pic(G)
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