dit « je » et rappelle à sa mémoire des lieux, des personnes, des rencontres, des
conversations et ses propres expériences. C’est ainsi qu’il aborde l’histoire de sa vie.
« Celui qui raconte est le même que celui qui est raconté3 », écrit Tadié, qui poursuit : « ou
plutôt, il serait le même s’il n’y avait le temps : un je présent raconte un moi passé4 ».
Ainsi, ce narrateur raconte l’histoire de sa relation avec Albertine, une jeune fille qu’il a
rencontré à Balbec, une petite station balnéaire de la côte normande. Il la retrouvera à Paris.
Il se sait amoureux et espère une liaison durable et stable. Il entreprend de la conquérir avec
des rendez-vous, des sorties, des cadeaux… Malheureusement, l’amoureux ne connaît du
désir que la frustration : Albertine se dérobe sans cesse et, en bout de ligne, le narrateur ne
parvient pas à l’aimer. Entre-temps, il espère, il exige qu’elle vienne le rejoindre chez lui.
Les malentendus sont nombreux et les rendez-vous, très souvent compliqués, sont presque
toujours manqués. À une de ces occasions, le narrateur rentre assez tard d’une soirée et
compte retrouver Albertine, attendant, chez lui. Mais lorsqu’il arrive, il constate qu’elle
n’est pas venue. En vain, il épie l’arrivée possible d’Albertine :
Comme, chaque fois que la porte cochère s’ouvrait, la concierge appuyait sur un bouton
électrique qui éclairait l’escalier, et comme il n’y avait pas de locataires qui ne fussent
rentrés, je quittai immédiatement la cuisine et revins m’asseoir dans l’antichambre,
épiant, là où la tenture un peu étroite, qui ne couvrait pas complètement la porte vitrée de
notre appartement, laissait passer la sombre raie verticale faite par la demi obscurité de
l’escalier. Si tout d’un coup cette raie devenait d’un blond doré, c’est qu’Albertine
viendrait d’entrer en bas et serait dans deux minutes près de moi; personne d’autre ne
pouvait plus venir à cette heure-là5.