Réalisation des sûretés, insolvabilité et réorganisations ÉTÉ 2010 CONTENU DÉCHÉANCE DE TERME ET PRESCRIPTION : CONSÉQUENCES DIFFÉRENTES SELON QUE LA DÉCHÉANCE EST OPTIONNELLE OU NON (COUR D’APPEL) ……………………………………. 1 LA FAILLITE N’ÉTEINDRA L’HYPOTHÈQUE LÉGALE QUE SI LE BIEN GREVÉ EST DEMEURÉ DANS LE PATRIMOINE DU FAILLI (COUR D’APPEL) …………………………………………….. 3 LE SYNDIC QUI INVITE LE CRÉANCIER HYPOTHÉCAIRE À RÉALISER SA GARANTIE EN DISANT NE PAS AVOIR D’INTÉRÊT DANS L’IMMEUBLE RENONCE-T-IL À SES DROITS DANS L’IMMEUBLE? …………………………………………………………………………………… 4 VENTE D’ACTIFS EN COURS DE RESTRUCTURATION : MÊME EN PRÉSENCE D’UNE OFFRE AU MONTANT PLUS ÉLEVÉ QUE CELLE RETENUE, LE TRIBUNAL N’INTERVIENDRA PAS SI LE PROCESSUS SUIVI A ÉTÉ RIGOUREUX, JUSTE ET TRANSPARENT ………………………………. 5 UNE CLAUSE D’ARBITRAGE, MÊME PARFAITE, NE PEUT EMPÊCHER LE RECOURS JUDICIAIRE EN LIQUIDATION (COUR D’APPEL) ……………………………………………………………… 6 L’ARGENT EST ESSENTIELLEMENT UN BIEN FONGIBLE. POUR LE REVENDIQUER, IL FAUT L’IDENTIFIER ET LE RETRACER DE FAÇON SPÉCIFIQUE (COUR D’APPEL) ……………………. 8 VENTE D’IMMEUBLE ET GARANTIE LÉGALE DU VENDEUR : LES LIMITATIONS DE DROIT PUBLIC, VOUS CONNAISSEZ? ……………………………………………………………………. 9 ME ROBERT TESSIER, RÉDACTEUR MILLER THOMSON POULIOT Téléphone : 514-871-5474 Télécopieur : 514-875-4308 Courriel : [email protected] 1155, boul. René-Lévesque Ouest 31ième étage Montréal (Québec) H3B 3S6 SENCRL DÉCHÉANCE DE TERME ET PRESCRIPTION : CONSÉQUENCES DIFFÉRENTES SELON QUE LA DÉCHÉANCE EST OPTIONNELLE OU NON (COUR D’APPEL). Un emprunt hypothécaire est devenu remboursable à compter de juillet 2002. Les débiteurs n’ont effectué aucun paiement et le 7 juin 2006, le créancier procédait à l’inscription d’un préavis d’exercice du droit hypothécaire de prise en paiement. Le recours est intenté le 13 juin 2008. La distinction entre une clause établissant la déchéance du terme automatique et une clause établissant la déchéance du terme au choix ou à l’option du créancier est très importante, entre autres, lorsqu’il s’agit de déterminer le moment où la créance est devenue exigible aux fins du calcul de la prescription ou de la survenance de la compensation. En première instance, les questions suivantes se sont posées : a) b) Dans l’affaire étudiée, la Cour d’appel nous réfère à la clause « défauts » de l’acte de prêt pour y lire : quand la prescription a-t-elle commencé à courir en l’espèce ? « Advenant tout cas de défaut, le prêteur aura le droit, sous réserve de ses autres droits et recours : le recours est-il prescrit ? a) d’exiger le paiement immédiat de la totalité de sa créance, en capital, intérêts, frais et accessoires ; […] c) d’exercer les recours hypothécaires que lui reconnaît la loi […] » Le Juge de première instance constate que l’acte contient la clause suivante : « Le seul écoulement du temps pour accomplir l’une quelconque des obligations prévues aux présentes constituera l’emprunteur en défaut, sans nécessité d’aucun avis ou mise en demeure. » Cette clause doit se combiner à la clause de mise en défaut de l’emprunteur (citée plus haut) pour une compréhension correcte. Le Juge y voit une clause de déchéance du terme qui rend le montant du prêt exigible le 1er août 2002, date du premier défaut et, en conséquence, ce recours hypothécaire étant prescriptible par trois ans, il aurait dû être entrepris avant le 2 août 2005. Intenté tardivement, il est irrecevable. Le créancier avait donc, à compter du 22 septembre 2003, la faculté d’exiger paiement immédiat ou de ne pas le faire. Il s’est abstenu de le faire et, en conséquence, il n’y a pas eu déchéance du terme et il n’y a pas prescription de toute la créance. La Cour d’appel revoit le tout. Elle réfère à l’arrêt Goulet c. Dessureault 1 et à son énoncé suivant : Toutefois, en l’instance, certains versements mensuels sont devenus prescrits. Le créancier a intenté son recours le 13 juin 2008. Ceci interrompait la prescription extinctive de la créance alors exigible. Cependant, certaines des mensualités devenaient exigibles longtemps avant le 13 juin 2008 et toutes celles qui devenaient exigibles avant le 13 juin 2005 étaient prescrites avant que l’appelante n’intente son recours. « Le point de départ de la prescription coïncide avec la date d’éligibilité de la créance. Selon les termes du contrat intervenu, l’exigibilité de la créance est subordonnée à la décision du créancier de recourir à la clause de déchéance du terme. Une telle clause ne constitue pas une renonciation à la prescription parce que, tel que convenu, l’exigibilité de la dette dépendait d’une condition, c’est-à-dire la décision du créancier d’en exiger le remboursement, ce qui ne va pas à l’encontre de l’article 2884 du Code civil du Québec. » Le créancier peut à son choix décider de ne pas se prévaloir de la déchéance du terme et cela le favorise sur le plan de la prescription, mais, en revanche, les versements qui sont devenus prescrits doivent être soustraits de l’établissement de la créance totale. La Cour d’appel, dans l’arrêt Goulet, a précisé que lorsque l’exigibilité de la créance est subordonnée à la décision du créancier de recourir à la clause de déchéance du terme, la déchéance du terme ne saurait être qualifiée d’automatique et l’exigibilité de la dette est fonction de l’exercice par le créancier de sa faculté de provoquer la déchéance. 1 Corporation financière Suisse Canada Capital c. Turcotte, C.A. 500-09-019008-085, jugement du 31 mai 2010, Juges François Pelletier, Yves-Marie Morissette et Nicole Duval Hesler. Goulet c. Dessureault, B.E. 2003BE-40 (C.A.). -2- LA FAILLITE N’ÉTEINDRA L’HYPOTHÈQUE LÉGALE QUE SI LE BIEN GREVÉ EST DEMEURÉ DANS LE PATRIMOINE DU FAILLI (COUR D’APPEL). En novembre 2003, des créanciers ayant obtenu jugement contre une débitrice publient contre l’immeuble de celleci une hypothèque légale résultant d’un jugement. l’existence de ce droit réel (art. 2943 C.c.Q.) au moment de la publication de son hypothèque. En vertu du Code civil du Québec, la prise en paiement du créancier éteint les hypothèques publiées après la sienne, mais non celles publiées avant. Les rapports entre le créancier ayant repris le bien en paiement et ceux détenant l’hypothèque légale continuent d’être régis uniquement par le Code civil du Québec puisque ni l’un ni les autres ne sont insolvables et que le litige ne porte pas sur un bien déjà dévolu à un syndic. Ces personnes ne peuvent être assujetties à la LFI quant à leurs rapports réciproques. Quant à l’article 70 LFI, il ne peut être lu comme s’étendant au-delà de son objectif qui est de protéger la masse des créanciers d’un failli en rendant sans effet l’hypothèque légale grevant un bien de ce dernier désormais sous la saisine du syndic, le tout au bénéfice de la masse. Plus tard, en 2006, un autre créancier consent un prêt à la débitrice et obtient une hypothèque grevant le même immeuble, à la garantie du remboursement du prêt. Suite aux défauts de la débitrice, ce créancier intente des procédures en prise en paiement et obtient jugement le 27 février 2007. Le 23 mars 2007, la débitrice fait cession de ses biens. Invoquant qu’en vertu de l’article 70 LFI l’hypothèque légale est devenue sans effet, le créancier qui a obtenu jugement en dation en paiement intente des procédures en radiation de l’hypothèque légale qui avait été publiée avant celle qu’il détenait. Le Juge de première instance rejette sa requête indiquant que puisque l’hypothèque légale a été publiée avant celle du créancier ayant repris le bien en paiement, elle continue de grever l’immeuble, suivant les dispositions du Code civil du Québec, et souligne que l’article 70 LFI est inapplicable puisque l’immeuble n’appartenait plus à la débitrice au jour de la cession de biens. À l’occasion de cette décision, la Cour d’appel revient sur une question qui crée souvent de la confusion : lorsqu’il y a faillite et libération d’un failli, les créances ne sont pas éteintes. Le créancier qui a repris le bien en paiement prétendait que la créance des détenteurs de l’hypothèque légale, vu la faillite et la libération du failli, était éteinte contrairement à la sienne, garantie et protégée suivant la LFI. La Cour d’appel précise que la libération d’un failli, sous réserve des exceptions prévues à l’article 178 (1) LFI, fait que le failli ne peut être désormais poursuivi pour les réclamations prouvables dans la faillite. Cette prohibition signifie qu’aucun recours personnel n’est possible contre le failli libéré, mais non que les créances sont éteintes ; les dettes du failli libéré existent toujours, quoiqu’elles ont perdu le statut d’obligations civiles. La libération d’un failli en vertu de l’article 178 (2) LFI ne fait que priver ses créanciers de tout recours personnel en vue d’obtenir le paiement d’une réclamation prouvable. La Cour d’appel, revoyant le tout, souligne que l’hypothèque légale prévue au Code civil du Québec constitue davantage une mesure conservatoire qu’une mesure d’exécution. Toutefois, en cas de faillite, la perspective change. Elle se qualifie de mesure d’exécution au sens de la LFI et elle est privée d’effet en cas de faillite, suivant l’article 70 LFI. La LFI ne doit pas être interprétée de manière à s’étendre au-delà de l’objectif du législateur fédéral, soit régir l’administration des actifs du failli, les priorités entre les créanciers, la liquidation de leur créance et les modalités de libération du failli. En l’espèce, le créancier a pris en paiement un immeuble grevé d’une hypothèque légale résultant d’un jugement dûment publié au registre des droits fonciers avant sa propre hypothèque. Il est présumé avoir connaissance de 3095-7252 Québec Inc. c. Mickeck Jacyno, C.A. 500-09018448-084, jugement du 14 mai 2010, Juges Pierre J. Dalpon, Nicole Duval Hesler et Yves-Marie Morissette. -3- LE SYNDIC QUI INVITE LE CRÉANCIER HYPOTHÉCAIRE À RÉALISER SA GARANTIE EN DISANT NE PAS AVOIR D’INTÉRÊT DANS L’IMMEUBLE RENONCE-T-IL À SES DROITS DANS L’IMMEUBLE? Un débiteur détenant une maison en copropriété fait faillite. Le syndic publie son titre sur l’immeuble après la libération du failli. Il s’adresse au tribunal par requête pour directives pour faire déclarer que le produit de l’assurance doit bénéficier à la masse des créanciers. Le syndic, ne voyant pas d’équité pour la masse, avise comme suit le créancier hypothécaire : Le failli qui, bien sûr, y voit un intérêt important, conteste la requête du syndic et invoque principalement le désistement par le syndic de ses droits dans l’immeuble et donc dans l’indemnité qui en résulte suite à l’incendie. « Suite à la faillite du dossier mentionné en titre, nous vous confirmons par les présentes notre désistement et(ou) notre mainlevée sur le ou les actif(s) suivant(s) : Le tribunal considère que le syndic n’a pas renoncé à tout droit à l’encontre du failli quant à l’immeuble par son avis donné au créancier hypothécaire. Une telle renonciation ne peut être invoquée à l’encontre d’un syndic, particulièrement par le failli, que s’il n’y a aucune ambiguïté et que si elle est publiée au registre de la publicité des droits réels immobiliers. […] Advenant que la réalisation de l’actif soit supérieure à vos créances, nous vous prions d’avoir l’amabilité de remettre l’excédent à la masse des créanciers. Le présent désistement et(ou) mainlevée dégage le syndic de toute responsabilité sur cet actif. Dans le présent cas, le syndic en écrivant au créancier hypothécaire permet à celui-ci de réaliser ses droits réels sans qu’il ne s’y objecte, mais il prend la peine de préciser que tout surplus de réalisation doit lui être acheminé pour le bénéfice des créanciers. Le syndic laisse donc aller le créancier hypothécaire pour qu’il réalise ses droits ; il ne mentionne toutefois aucunement au failli qu’il renonce en sa faveur et ne publie rien à cet égard. […[ Le syndic se désintéresse donc de cet actif. Toutefois, il n’a jamais publié son titre quant à cet actif et, par la suite, n’a jamais publié de désistement ou d’abandon et n’a pas non plus cédé ou remis de façon formelle le bien au failli. Le tribunal conclut que le syndic a droit à l’indemnité d’assurance pour les biens du failli et qu’il n’a pas renoncé à ses droits dans l’immeuble en faveur du failli par la lettre adressée au créancier hypothécaire. Dans les mois qui suivent, un incendie détruit entièrement l’immeuble et son contenu. Cet incendie survient avant la libération du débiteur failli. L’immeuble est assuré et des indemnités assez importantes doivent être versées par l’assureur. Le syndic fait alors des représentations à l’assureur et au failli quant à sa volonté d’exiger l’indemnité pour la part des biens détruits qui sont la propriété du failli et sur laquelle le syndic invoque sa saisine. Lapierre (Syndic de), C.S. 480-11-000003-088, jugement du 12 avril 2010, Juge Martin Bureau. -4- VENTE D’ACTIFS EN COURS DE RESTRUCTURATION : MÊME EN PRÉSENCE D’UNE OFFRE AU MONTANT PLUS ÉLEVÉ QUE CELLE RETENUE, LE TRIBUNAL N’INTERVIENDRA PAS SI LE PROCESSUS SUIVI A ÉTÉ RIGOUREUX, JUSTE ET TRANSPARENT. Un groupe de débitrices en restructuration suivant la LACC, oeuvrant dans l’industrie forestière demande au tribunal la permission de vendre en bloc quatre moulins, libres de charges. Ces moulins seraient vendus tels quels en vue de réduire les frais d’opérations des débitrices et de mitiger leurs risques quant aux responsabilités environnementales dans le cas de destruction ou démantèlement, risques estimés à la somme de 10 000 000$. b) l’efficacité, l’intégrité et la transparence du processus suivi ; c) les intérêts des parties ; d) le processus suivi a-t-il engendré quelque injustice ? La Cour puise l’énoncé de ces critères dans la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Soundair 1 et souligne que le critère le plus important est celui de l’intégrité du processus. Les débitrices invoquent que la vente envisagée est le résultat de négociations de bonne foi et à distance avec l’acquéreur pressenti. Elles considèrent qu’aucun autre offrant n’a démontré de façon satisfaisante sa capacité d’accomplir une transaction dans les délais et suivant des conditions financières qui leurs soient acceptables. Les débitrices invoquent que la vente envisagée s’intègre bien dans leur stratégie de restructuration, que ces moulins ne sont pas nécessaires pour la continuation de leurs opérations ni pour leur restructuration, que la vente envisagée les soulagera des responsabilités environnementales et de frais de maintien importants, leur procurera des liquidités additionnelles et que les créanciers en recevront un bénéfice et n’en souffriront aucun préjudice. Le tribunal ne voit rien à reprocher au processus suivi qu’il considère adéquat, suffisant, transparent et intègre et retient que les débitrices, avec l’accord du contrôleur, ont retenu l’offre présentée au tribunal pour les raisons suivantes : § le prix d’achat est raisonnable et correct suivant une appréciation du marché ; § l’offre comprend une formule de partage pouvant produire des retombées intéressantes pour les débitrices ; § l’offrant a confirmé que la vérification diligente était terminée ; Le contrôleur supporte la demande et recommande la vente à l’offrant retenu. Les principaux créanciers supportent également cette demande ou s’en remettent simplement à la décision du tribunal. Aucun créancier ne s’oppose à la demande, y compris ceux qui pourraient être affectés par les conclusions de radiations de droits conséquentes au « Vesting Order ». § l’offrant a établi, à la satisfaction des débitrices et du contrôleur, sa capacité de supporter les responsabilités environnementales reliées aux moulins vendus ; Cependant, un soumissionnaire concurrent s’oppose à la demande prétendant que son offre est d’un montant beaucoup plus élevé que celle qui a été retenue et qu’il a perdu l’opportunité d’acheter ces moulins du fait du caractère injuste et inéquitable du processus suivi. Cet autre soumissionnaire demande le rejet de la requête et une déclaration à l’effet que son offre est la plus haute et la meilleure pour ces quatre moulins. Les débitrices, avec l’accord du contrôleur, n’ont pas retenu l’offre tardive de la partie contestante, même plus élevée, celle-ci n’ayant pas démontré sa capacité financière à conclure la transaction et les débitrices ne voulant pas mettre en péril l’offre retenue. § l’offre n’est pas conditionnelle à l’obtention de quelque financement et l’offrant a démontré sa capacité financière pour conclure la transaction. Le tribunal rappelle que le devoir applicable dans un processus de vente en restructuration n’est pas d’obtenir le meilleur prix possible absolument, mais de faire ce qui est raisonnablement possible en vue d’obtenir le meilleur prix. Le montant en argent de l’offre n’est pas pertinent à moins qu’il ne puisse servir à démontrer que les débitrices, avec l’assistance du contrôleur, ont agi de La Cour revoit soigneusement le processus suivi et rappelle les critères qu’elle doit considérer : a) y a-t-il eu suffisamment d’efforts pour obtenir le meilleur prix et les parties ont-elles agi de façon adéquate ? 1 Royal Bank of Canada c. Soundair Corp, [1991] 7 C.B.R. (3d), 1. -5- façon irresponsable ou inappropriée en acceptant l’offre retenue plutôt qu’une autre. sans obstacle. Le tribunal opine en « obiter dictum » et après revue de la jurisprudence sur ce sujet que la partie contestante n’aurait pas de « qualité », « standing » pour contester, n’étant pas un créancier ni un intéressé véritable autrement que pour son bénéfice commercial d’offrant voulant conclure une transaction avantageuse pour lui. Il n’appartient pas au tribunal de substituer son jugement d’affaires à celui des débitrices et du contrôleur et un tribunal n’interviendra pas à la légère dans l’exercice du jugement d’affaires et commercial en matière de vente d’éléments d’actif alors que le processus suivi a été juste, raisonnable, transparent et efficace. Une offre subséquente plus élevée ne constitue pas nécessairement une raison valable pour mettre de côté un processus de vente, en l’absence de preuve d’inéquité. AbitibiBowater Inc. (Arrangement relatif à), C.S. 500-11036133-094, jugement du 3 mai 2010, Juge Clément Gascon. Le tribunal fera donc droit à la requête malgré la contestation, soulignant que la contestation de l’autre offrant a retardé le processus d’approbation de l’offre et a apporté un degré d’incertitude dans un processus où les parties avaient un intérêt certain à conclure une affaire UNE CLAUSE D’ARBITRAGE, MÊME PARFAITE, NE PEUT EMPÊCHER LE RECOURS JUDICIAIRE EN LIQUIDATION (COUR D’APPEL). Le capital-actions d’une compagnie est détenu en parts égales entre deux groupes d’actionnaires et une convention entre actionnaires prévoit l’arbitrage obligatoire comme suit : Les relations se détériorent entre les deux groupes d’actionnaires et un avis formel d’arbitrage est signifié. Les intimés, sur l’avis d’arbitrage, rétorquent en déposant en Cour supérieure une demande en liquidation judiciaire de la compagnie soutenant que le développement de la compagnie est paralysé depuis deux ans en raison des conflits opposant les actionnaires et qu’il s’agit là d’une situation d’impasse irrémédiable qui, combinée à la perte de confiance des parties l’une à l’égard de l’autre, justifie nécessairement la liquidation judiciaire. L’autre groupe dépose une exception déclinatoire demandant le renvoi à l’arbitrage de cette requête en liquidation judiciaire. Deux questions se posent au Juge : « 31- Advenant un désaccord ou une dispute entre les Parties ou tout autre problème relativement à la Compagnie, que ce soit quant à son interprétation ou son fonctionnement ou quant aux droits et obligations respectifs des Parties, ce sujet devra, à l’exclusion de tout recours devant les tribunaux de droit commun, être tranché définitivement par voie d’arbitrage, selon les articles 940 et suivants du Code de procédure civile du Québec en vigueur au moment de la signature des présentes et auxquels les parties déclarent adhérer. 1) la clause compromissoire en l’espèce constitue-t-elle une clause d’arbitrage parfaite et, le cas échéant, son effet peut-il être contré par le paragraphe 7 de la convention ? 7- Nonobstant le paragraphe 31, toute contravention à l’une des dispositions des présentes, sans préjudice à tout autre recours ou remède y prévu ou envisagé par la loi, donnera ouverture aux recours mandatoire et injonctif, ce à quoi les parties consentent expressément et irrévocablement. » 2) la liquidation judiciaire d’une compagnie constitue-telle une question qui touche l’ordre public et qui est donc soustraite à l’arbitrage par l’effet de l’article 2639 C.c.Q. ? -6- Le Juge de première instance a conclu qu’il ne s’agissait pas en l’espèce d’une clause compromissoire parfaite et que, en conséquence, le recours en liquidation judiciaire était soustrait à la procédure d’arbitrage. Il a aussi décidé qu’un tel recours ne pouvait être soumis à un arbitre puisqu’il s’agit d’une question intéressant l’ordre public. nomination ou de remplacement des liquidateurs (article 25), suspension de toute poursuite ou procédure pendante contre la compagnie (article 26), ordonnance de paiement des créanciers garantis (article 27), ne saurait être exercé par l’arbitre sans le consentement des actionnaires, lequel, de toute évidence, est plus douteux qu’hypothétique. De plus, sans un tel consentement, on voit difficilement comment un arbitre pourrait, d’une part, « recommander » la liquidation et en déterminer les modalités sans le consentement des parties ou sans un jugement de la Cour supérieure entérinant sa sentence à la demande de l’une des parties et, plus probablement qu’autrement, avec la contestation de l’autre et les droits d’appel qui en découlent. La Cour d’appel, dans sa revue de la décision de première instance, décide que la clause compromissoire en question constitue une clause parfaite, au sens donné à ce terme par la Cour Suprême dans l’affaire de Zodiac International c. Polish People’s Republic 1 et correspondant en tous points à la notion de convention d’arbitrage définie par le législateur à l’article 2638 C.c.Q. Par ailleurs, la Cour d’appel revoit la jurisprudence quant à la question de savoir si la liquidation judiciaire d’une compagnie est une question intéressant l’ordre public. La jurisprudence est partagée sur cette question et la Cour conclut que, contrairement à ce que décide le Juge de première instance, la liquidation judiciaire d’une compagnie ne se qualifie pas nécessairement à titre de question intéressant l’ordre public. Il importe peu que la convention entre actionnaires ait conféré à l’arbitre une juridiction exclusive d’entendre un recours en liquidation judiciaire forcée ou encore de déterminer qu’une telle question intéresse l’ordre public. La Cour d’appel est d’avis que le recours prévu à la Loi sur la liquidation des compagnies en matière de liquidation forcée ne peut être exercé que devant un Juge de la Cour supérieure, car aucune convention entre actionnaires ne peut porter atteinte à la compétence conférée à la Cour supérieure aux termes de la Loi sur la liquidation des compagnies, lorsqu’il s’agit d’une liquidation forcée. Cependant, la Cour note que l’impasse est totale entre les parties et qu’aucune sentence arbitrale concernant l’obligation et la méthode d’une liquidation volontaire de la compagnie ne sera susceptible d’une exécution volontaire. Or, aucun arbitre saisi d’une demande de liquidation volontaire n’aurait le pouvoir de nommer un ou plusieurs des liquidateurs (article 5 de la Loi) 2, non plus que de pourvoir à leur remplacement le cas échéant, sans l’accord des actionnaires, ou sans s’adresser à la Cour supérieure à défaut d’accord (article 8). Aucun des pouvoirs conférés spécifiquement au Juge, dans le cadre de la procédure en liquidation judiciaire, soit ceux de Investissement Charlevoix c. Gestion Pierre Gingras Inc., C.A. 200-09-006870-098, jugement du 21 juin 2010, Juges André Brossard, André Rochon et Paul Vézina. 1 Zodiac International c. Polish People’s Republic [1983] 1 R.C.S. 529. 2 Loi sur la liquidation des compagnies (L.R.Q, c.L-4) -7- L’ARGENT EST ESSENTIELLEMENT UN BIEN FONGIBLE. POUR LE REVENDIQUER, IL FAUT L’IDENTIFIER ET LE RETRACER DE FAÇON SPÉCIFIQUE (COUR D’APPEL). Une débitrice conclut un contrat pour l’établissement d’un régime d’assurance collective au bénéfice de ses employés. Les primes sont payables en totalité une fois par mois. La débitrice fait des prélèvements directement sur la paie de ses employés et transmet le paiement total constitué de ces prélèvements et de sa propre participation vers le 21 ou le 22 de chaque mois. Le contrat d’assurance ne prévoit pas la façon dont la débitrice doit comptabiliser les primes payées par ses employés de sorte que les prélèvements demeurent dans le compte de revenus de la débitrice. Entre le 1er janvier 2005 et le 10 mars 2005, la débitrice déduit du salaire de ses employés les primes payables à l’assureur, mais omet de les lui transmettre et ne verse pas la portion des primes qu’elle assume pour cette assurance collective. La Juge de première instance a rejeté les prétentions de l’assureur fondées sur un droit de propriété des sommes perçues des employés et a conclu que, de toute façon, même si l’assureur en était propriétaire, il ne serait pas en mesure de les identifier puisque l’argent est un bien fongible et que celui qui revendique, en vertu de l’article 81(1) LFI, a le fardeau de démontrer que les biens qu’il réclame sont identifiables et repérables à la date de la faillite. La Cour d’appel considère deux questions : 1) les sommes perçues des adhérents appartenaient-elles à la faillie ? 2) sinon, ont-elles été confondues, malgré tout, avec les autres actifs de la débitrice ? La débitrice fait cession de ses biens. L’assureur dépose deux preuves de réclamation auprès du syndic, la première à titre de créancier pour la partie des primes qui incombe à la débitrice et la deuxième en vertu de l’article 81(1) LFI dans laquelle il réclame un droit de propriété à l’égard de la portion de primes perçues de la débitrice sur la paie de ses employés pour un total de 241 330,45$. La Cour d’appel estime que les primes perçues n’appartenaient pas à la débitrice, celle-ci détenant ces sommes à titre de mandataire des adhérents au régime. Quant à la deuxième question, la Cour d’appel estime que l’assureur confond l’identification des primes et le repérage (« tracing ») des dépôts dans le compte bancaire de la débitrice. Les adhérents n’ont pas versé en une seule occasion 241 300,45$ dans le compte de la débitrice, laquelle aurait fait une ségrégation de cette somme par rapport à ses opérations courantes. Plutôt, la débitrice poursuivait l’exploitation de son entreprise et percevait les revenus provenant de ses ventes de titres de transport qui étaient versés dans son compte de revenus. Le litige fait appel aux dispositions suivantes de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité : 81(1). Lorsqu’une personne réclame des biens, ou un intérêt dans des biens, en la possession du failli au moment de la faillite, elle doit produire au syndic une preuve de réclamation attestée par affidavit indiquant les motifs à l’appui de la réclamation et des détails suffisants pour permettre l’identification des biens. […] L’argent est un bien fongible et il n’est pas possible d’isoler les sommes retenues sur le salaire des adhérents pour le paiement des primes de celles provenant des autres revenus de la débitrice. Bien que l’argument de l’assureur à l’effet que le compte de banque n’a jamais affiché un solde négatif durant la période pertinente soit intéressant, cela ne règle pas la question de confusion des sommes déposées dans le compte de revenus. 67(1). Les biens d’un failli, constituant le patrimoine attribué à ses créanciers, ne comprennent pas les biens suivants : a) les biens détenus par le failli en fiducie pour toute autre personne ; Les conditions de constitution d’une fiducie énoncées à l’article 1260 C.c.Q. sont rappelées : […] Le litige consiste à déterminer si la somme réclamée est un bien détenu en fiducie (article 67(1)a) LFI) ou s’il s’agit d’un bien qui n’appartient pas à la faillite et s’il peut-être revendiqué. 1260. La fiducie résulte d’un acte par lequel une personne, le constituant, transfère de son patrimoine à un autre patrimoine qu’il constitue, des biens qu’il affecte à une fin particulière et qu’un fiduciaire s’oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à administrer. -8- Pour que l’on puisse considérer qu’il y a fiducie, il faut qu’il y ait une ségrégation des sommes pour qu’elles puissent être identifiées ou il faut, à tout le moins, que les sommes puissent être précisément identifiées ou retracées. comptables générales applicables en pareilles circonstances. Si le compte peut être reconstitué sans équivoque, l’opération d’identification et de retraçage peut alors être accomplie. Comme l’indique la Cour Suprême dans l’affaire British Columbia c. Henfrey Samson Bélair Ltd 1, la ségrégation de la somme dans un compte séparé est sans doute fort utile, mais n’est pas essentielle. Il faut cependant pouvoir analyser le contenu du compte bancaire ou du compte des valeurs et constater si les sommes qui s’y trouvent peuvent être identifiées et reliées à des dépôts provenant des sommes perçues, le tout conformément aux normes En l’espèce, la somme de 241 330,45$ ne peut être revendiquée. Corporation Jetsgo (Syndic de), C.A. 500-09-018701086, jugement du 7 juillet 2010, Juges André Forget, Yves-Marie Morissette et Jacques Dufresne. VENTE D’IMMEUBLE ET GARANTIE LÉGALE DU VENDEUR : LES LIMITATIONS DE DROIT PUBLIC, VOUS CONNAISSEZ? Une décision de la Cour des petites créances nous rappelle les subtilités de la notion de garantie légale du vendeur. Le vendeur n’est pas tenu à cette garantie lorsqu’il a dénoncé ces limitations à l’acheteur lors de la vente, lorsqu’un acheteur prudent et diligent aurait pu les découvrir par la nature, la situation et l’utilisation des lieux ou lorsqu’elles ont fait l’objet d’une inscription au bureau de la publicité des droits. Les vendeurs d’une propriété résidentielle sont poursuivis par les acquéreurs en raison de la présence d’hydrocarbures dans le terrain de la propriété vendue. Un réservoir à l’huile inutilisé est enfoui dans le sol, les vendeurs l’ont déclaré et ont déclaré que ce réservoir a été vidé et rempli d’une substance absorbante suivant les recommandations du fournisseur d’huile. et le Juge estime qu’en l’espèce, la présence d’hydrocarbures dans le terrain constitue une violation de la Loi sur la qualité de l’environnement qui elle-même constitue avec ses règlements, une limitation d’ordre public. Malgré la dénonciation de la présence du réservoir, la Cour condamne les vendeurs et, outre les arguments de chacune des parties, le motif suivant de cette décision retient l’attention : Rappelons que la garantie légale du vendeur se divise en deux éléments : « Les arguments et la jurisprudence relatifs aux conditions d’ouverture au recours fondé sur la garantie contre les vices cachés ne peuvent écarter l’application de la garantie contre la limitation de droit public prévue à l’article 1725 C.c.Q., […] » 1) la garantie du droit de propriété (1723 C.c.Q.), qui comprend les éléments suivants : L’article 1725 C.c.Q. se lit comme suit : 1725. Le vendeur d’un immeuble se porte garant envers l’acheteur de toute violation aux limitations de droit public qui grèvent le bien et qui échappent au droit commun de la propriété. a) la garantie que le bien est libre de tous droits, sauf ceux déclarés ; b) la garantie à l’égard des empiètements, sauf ceux déclarés ; c) la garantie à l’égard des limitations de droit public sauf celles dénoncées, évidentes ou publiées. 2) la garantie de qualité qui vise les vices cachés. __________________________ ________________________ 1 British Columbia c. Henfrey Samson Bélair Ltd [1989] 2 R.C.S. 24. -9- garantie de qualité est de convenir que l’acheteur achète à ses risques et périls. Les parties peuvent, par convention, ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets, ou l’exclure entièrement. L’article 1733 C.c.Q. précise que le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s’il n’a pas révélé les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien. Cette règle reçoit exception lorsque l’acheteur achète à ses risques et périls d’un vendeur non professionnel. Ce rappel de la subtilité des notions de la garantie légale du vendeur est utile surtout lorsqu’on sait que des sousacquéreurs peuvent exercer des recours contre un vendeur antérieur lorsque leur recours direct contre le vendeur immédiat est impraticable quand celui-ci est introuvable, insolvable ou inexistant, comme l’a indiqué la Cour d’appel dans l’affaire Hay c. Jacques 2. L’article 1442 C.c.Q. : L’exclusion de la garantie de qualité (vices cachés), comme on la retrouve dans plusieurs conventions de vente, n’est pas suffisante pour exonérer le vendeur de la garantie du droit de propriété qui comporte la garantie à l’égard de toute violation aux limitations de droit public. 1442. Les droits des parties à un contrat sont transmis à leurs ayants cause à titre particulier s’ils constituent l’accessoire d’un bien qui leur est transmis ou s’ils lui sont intimement liés. Dans l’affaire Roussell c. Caisse Desjardins de SainteFoy 1, la Cour d’appel a souligné qu’une violation de la Loi sur la qualité de l’environnement constitue une violation aux limitations d’ordre public et que le terme « limitations de droit public » réfère notamment à la Loi sur la qualité de l’environnement et à de nombreuses autres lois, par exemple, la Loi sur les biens culturels, la Loi sur la sécurité dans les édifices publics, le Code de la construction, etc. permet la poursuite de vendeurs antérieurs quant à la garantie de propriété ou de qualité et cet article ne distingue pas selon que le recours est exercé relativement à un bien meuble ou un immeuble. Dans l’arrêt Hay c. Jacques, la Cour d’appel indique que le recours direct en garantie contre des vendeurs antérieurs s’applique en matière immobilière. Décision du 2 août 2010, Virgile Buffoni, J.C.Q., affaire X contre X, 505-32-024259-088. Pour le vendeur non professionnel, la façon la plus sûre de se dégager de la garantie de droit de propriété et de la L’équipe du droit de la réalisation des sûretés, Insolvabilité et réorganisations de Miller Thomson Pouliot sencrl Robert Tessier Louis Coallier Stéphane Hébert Yves Robillard Marie-Hélène Fandrich Julien Tardif Marie-Hélène Gay Fadi Amine MILLER THOMSON POULIOT, SENCRL Été 2010 _______________________________ 1 Roussell c. Caisse Desjardins de Sainte-Foy, [2004] CanLII 39113 (QC C.A). 2 Hay c. Jacques [1999] R.J.Q. 2318 (C.A.) - 10 - INSCRIPTION/MODIFICATION Inscription Modification S’il s’agit d’une inscription, veuillez compléter les renseignements suivants. S’il s’agit d’une modification, veuillez indiquer les renseignements tels qu’ils doivent apparaître après la correction ou la modification. NOM : NOM DE L’ENTREPRISE : ADRESSE POSTALE COMPLÈTE : COURRIER ÉLECTRONIQUE : Retourner à : MILLER THOMSON POULIOT sencrl À l’attention de : Hélène Groleau Par courriel : [email protected] Par la poste : Tour CIBC, 31e étage 1155, boul. René-Lévesque Ouest Montréal (Québec) H3B 3S6 Téléphone : (514) 871-5381 Télécopieur : (514) 875-4308 - 11 -