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LA FAILLITE N’ÉTEINDRA L’HYPOTHÈQUE LÉGALE QUE SI LE BIEN
GREVÉ EST DEMEURÉ DANS LE PATRIMOINE DU FAILLI (COUR D’APPEL).
En novembre 2003, des créanciers ayant obtenu jugement
contre une débitrice publient contre l’immeuble de celle-
ci une hypothèque légale résultant d’un jugement.
Plus tard, en 2006, un autre créancier consent un prêt à la
débitrice et obtient une hypothèque grevant le même
immeuble, à la garantie du remboursement du prêt. Suite
aux défauts de la débitrice, ce créancier intente des
procédures en prise en paiement et obtient jugement le 27
février 2007.
Le 23 mars 2007, la débitrice fait cession de ses biens.
Invoquant qu’en vertu de l’article 70 LFI l’hypothèque
légale est devenue sans effet, le créancier qui a obtenu
jugement en dation en paiement intente des procédures en
radiation de l’hypothèque légale qui avait été publiée
avant celle qu’il détenait. Le Juge de première instance
rejette sa requête indiquant que puisque l’hypothèque
légale a été publiée avant celle du créancier ayant repris le
bien en paiement, elle continue de grever l’immeuble,
suivant les dispositions du Code civil du Québec, et
souligne que l’article 70 LFI est inapplicable puisque
l’immeuble n’appartenait plus à la débitrice au jour de la
cession de biens.
La Cour d’appel,revoyant le tout,souligne que
l’hypothèque légale prévue au Code civil du Québec
constitue davantage une mesure conservatoire qu’une
mesure d’exécution. Toutefois, en cas de faillite, la
perspective change. Elle se qualifie de mesure
d’exécution au sens de la LFI et elle est privée d’effet en
cas de faillite, suivant l’article 70 LFI.
La LFI ne doit pas être interprétée de manière à s’étendre
au-delà de l’objectif du législateur fédéral, soit régir
l’administration des actifs du failli, les priorités entre les
créanciers, la liquidation de leur créance et les modalités
de libération du failli.
En l’espèce, le créancier a pris en paiement un immeuble
grevé d’une hypothèque légale résultant d’un jugement
dûment publié au registre des droits fonciers avant sa
propre hypothèque. Il est présumé avoir connaissance de
l’existence de ce droit réel (art. 2943 C.c.Q.) au moment
de la publication de son hypothèque. En vertu du Code
civil du Québec, la prise en paiement du créancier éteint
les hypothèques publiées après la sienne,mais non celles
publiées avant. Les rapports entre le créancier ayant
repris le bien en paiement et ceux détenant l’hypothèque
légale continuent d’être régis uniquement par le Code
civil du Québec puisque ni l’un ni les autres ne sont
insolvables et que le litige ne porte pas sur un bien déjà
dévolu à un syndic. Ces personnes ne peuvent être
assujetties à la LFI quant à leurs rapports réciproques.
Quant à l’article 70 LFI, il ne peut être lu comme
s’étendant au-delà de son objectif qui est de protéger la
masse des créanciers d’un failli en rendant sans effet
l’hypothèque légale grevant un bien de ce dernier
désormais sous la saisine du syndic, le tout au bénéfice de
la masse.
À l’occasion de cette décision, la Cour d’appel revient sur
une question qui crée souvent de la confusion : lorsqu’il
y a faillite et libération d’un failli, les créances ne sont pas
éteintes.
Le créancier qui a repris le bien en paiement prétendait
que la créance des détenteurs de l’hypothèque légale, vu
la faillite et la libération du failli, était éteinte
contrairement à la sienne, garantie et protégée suivant la
LFI. La Cour d’appel précise que la libération d’un failli,
sous réserve des exceptions prévues à l’article 178 (1)
LFI, fait que le failli ne peut être désormais poursuivi
pour les réclamations prouvables dans la faillite. Cette
prohibition signifie qu’aucun recours personnel n’est
possible contre le failli libéré, mais non que les créances
sont éteintes ; les dettes du failli libéré existent toujours,
quoiqu’elles ont perdu le statut d’obligations civiles. La
libération d’un failli en vertu de l’article 178 (2) LFI ne
fait que priver ses créanciers de tout recours personnel en
vue d’obtenir le paiement d’une réclamation prouvable.
3095-7252 Québec Inc. c. Mickeck Jacyno, C.A. 500-09-
018448-084, jugement du 14 mai 2010, Juges Pierre J.
Dalpon, Nicole Duval Hesler et Yves-Marie Morissette.