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Journal Identification = IPE Article Identification = 0930 Date: May 24, 2012 Time: 3:41 pm
Mesurer les durées d’hospitalisation : note méthodologique
de 1970 pour celle de 2000. Fonder aujourd’hui des
décisions sur cette idée, c’est agir non pas en fonction de
la situation actuelle, mais par rapport à celle de 1970. Il
n’y a plus de donnée nationale sur la durée médiane de
séjour depuis 1978. Une enquête conduite en 2000 par la
Caisse régionale d’assurance maladie dans l’ensemble de
la région Aquitaine a montré que la moitié des patients
admis en service sectorisé de psychiatrie pendant l’enquête
étaient sortis après un séjour de 13 jours au plus [1].
Le choix du modèle théorique
La moyenne et la médiane représentent des situations
typiques. Mais, la mesure des durées d’hospitalisation
s’intéresse aussi aux situations atypiques. C’est le cas
notamment des séjours de longue durée, qui ont occasionné
plusieurs enquêtes et des débats animés. Si les patients
de long séjour suscitent tant d’attention, c’est parce que
parmi eux, une proportion notable est sensée relever non
pas du secteur sanitaire mais du secteur médicosocial (mai-
son d’accueil spécialisée, foyer d’accueil médicalisé, etc.).
Le choix de transférer des personnes du secteur sanitaire
vers le secteur médicosocial est un choix politique qu’on
peut approuver ou non, mais qui ne soulève pas en lui-même
de difficulté méthodologique. La difficulté méthodologique
est ailleurs.
À la base de cette politique se trouve l’idée, selon
laquelle une fois que les patients de long séjour ont quitté
les services de psychiatrie, il est possible de fermer un
nombre de lits analogue au nombre de personnes transfé-
rées, et donc de réduire les coûts. Cette politique reste un axe
majeur de la planification des équipements psychiatriques.
Selon la Mission nationale d’appui en santé mentale, elle
pourrait toucher le quart voire le tiers des lits sectorisés
[6]. Elle repose sur une hypothèse implicite : une fois que
les personnes sont dans le secteur médicosocial, rien ne se
passe dans les services de psychiatrie. C’est une représenta-
tion semblable à celle des vases communicants. Ce modèle
est statique, quasi mécanique. Il est trompeur. Les faits le
contredisent souvent.
En pratique, que se passe-t-il ? Dans de nombreux cas,
et de plus en plus fréquemment, lorsqu’un lit est « libéré »
par la sortie d’un patient de long séjour, ce lit est aussitôt
occupé par un autre patient. Bien plus, parmi ces nouveaux,
certains deviennent à leur tour des patients de long séjour
[2]. Le modèle des vases communicants est trompeur,
car la population hospitalisée est en renouvellement
constant. Son principal caractère n’est pas d’être statique,
mais au contraire d’être dynamique. Cette dynamique est
complexe. Ainsi, il ne faut pas se tromper sur l’effet des
soins psychiatriques qui se déroulent en dehors de l’hôpital.
Selon le modèle des vases communicants, les soins ambu-
latoires ou à temps partiel ont un effet d’« alternative à
l’hospitalisation ». De fait, certaines hospitalisations sont
évitées grâce à des soins mieux adaptés, et d’autres sont rac-
courcies parce que les soins se poursuivent sous une autre
forme. Toutefois, une conséquence du vaste développement
des soins ambulatoires et à temps partiel est l’accroissement
considérable du nombre de personnes ayant accès aux soins
psychiatriques et donc du nombre de celles qui sont suscep-
tibles d’être hospitalisées. D’autres facteurs jouent dans le
même sens, comme la plus grande tendance à se reconnaître
en souffrance psychique, la présence de psychiatres dans les
services d’urgence, etc. Le modèle des vases communicants
ne prend pas du tout en compte ces phénomènes. De plus, en
raison de la disparité des équipements de soins d’un lieu à
l’autre, mais aussi de la diversité des pratiques à l’hôpital et
autour de l’hôpital, ces dynamiques varient elles aussi forte-
ment dans le temps et dans l’espace. Il convient pourtant de
mesurer toutes les dimensions de la situation empirique, si
l’on veut comprendre la variété des dynamiques et dégager
des axes d’amélioration adaptés à la diversité des situations.
À côté des longs séjours, l’autre situation atypique est
celle des séjours très courts. Selon le modèle des vases
communicants, il n’y a pas de raison de s’y intéresser. Pour-
tant, il n’est pas indifférent dans la vie d’une personne d’être
hospitalisée en psychiatrie, même si c’est pour en sortir
presque aussitôt. De plus, les hospitalisations très courtes
font appel à la disponibilité et à l’énergie des soignants
et les restreignent pour les autres patients. Leur fréquence
actuelle n’est pas connue mais elle est sans doute notable,
car en 1978, un malade sorti sur cinq était resté moins
de huit jours hospitalisé en psychiatrie [4]. L’étude des
hospitalisations très courtes sera riche d’enseignements.
Pourvu qu’elle soit conduite selon une méthodologie rigou-
reuse, elle permettra de connaître les cas dans lesquels les
professionnels eux-mêmes pensent que l’admission n’est
pas justifiée et elle éclairera la diversité des facteurs ayant
conduit néanmoins à l’admission, ce qui permettra ensuite
d’agir de manière appropriée à chaque situation. Malgré
tout cela, les séjours très courts suscitent peu d’intérêt :
est-ce parce qu’ils ne concernent qu’un faible nombre de
journées et que par conséquent aucune économie financière
immédiate n’est à attendre de leur côté ?
Conclusion
Que soit formulé le choix politique d’imposer certaines
limites aux soins hospitaliers, c’est un sujet légitime de
débat démocratique. Que ces limites soient décidées sur
la base de méthodes fausses et de théories inappropriées,
c’est une erreur méthodologique qui a deux conséquen-
ces. D’une part, les solutions proposées portent à faux
dans la mesure où elles reposent sur une connaissance
erronée des situations qu’elles visent à modifier. D’autre
part, les préoccupations financières prennent une place
disproportionnée aux dépens du souci du sort des per-
sonnes. Pour mieux connaître le sort des personnes, pour
L’INFORMATION PSYCHIATRIQUE VOL. 88, N◦5 - MAI 2012 383
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