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Les tempêtes de
l’économie
En vingt ans, inflation
(1919/1931, 1936/1939) et
déflation (1931/1936) alternent. Le
franc est enfin stabilisé en 1928 au
1/5ede sa valeur-or de 1914. La
crise de 1929 en fait une monnaie
refuge dont la surévaluation nuit à la
reprise économique. Le Front
populaire doit finalement dévaluer.
Ces variations mettent la vie chère au
cœur des préoccupations populaires
d’où l’essor des coopératives de
consommation et des sociétés à
succursales multiples.
Après la crise des années
1919-1920 qu’accompagnent de
violentes grèves, la prospérité des
années folles garantit le plein emploi.
La crise mondiale ne commence à se
faire sentir en France qu’ à partir de
la fin de 1930, donnant l’illusion
d’un pays épargné. La maladroite
politique déflationniste (décrets-lois
Laval,1935) aggrave la situation. Les
faillites se multiplient, le chômage
surgit (1700 chômeurs en 1930,
260 800 en 1932, 426 000 en 1935),
le mécontentement monte. Les
mesures keynésiennes prises par le
Front populaire et les 40 heures sont
au cœur d’un débat toujours ouvert,
mais ne stoppent pas la crise.
L’inflation repart. La reprise ne
s’amorce qu’en 1938.
La Nièvre demeure un
département rural. En 1923, le
flottage du bois disparaît.
L’agriculture stagne dans les années
trente après les progrès des années
précédentes : développement des
exploitations moyennes, expansion
du charolais (fusion des herd-book
de Charolles et Nevers), essor de la
grande culture dans le nord du
département. La baisse des prix
agricoles à partir de 1930 frappe
particulièrement les petits paysans
nivernais.
L’industrie se modernise et se
concentre (La Machine, Guérigny,
Imphy, Varennes-Vauzelles,
Prémery, Clamecy, Fourchambault,
Nevers) mais la récession s’installe
en 1931 (diminution de salaires à La
Machine, chômage partiel à
Hors l’expérience du Cartel des gauches (1924-
1926), les gouvernements sont de droite entre 1919 et
1932, dominés par la personnalité de Raymond Poincaré,
Président du conseil de 1926 à 1929. Après son départ, le
retour des radicaux en 1932 coïncide avec la crise, le
chômage et les scandales.
A gauche, la révolution de 1917 provoque
l’éclatement de la SFIO. En janvier 1921, la rupture
entre socialistes et communistes est consommée dans la
Nièvre. Les socialistes s’allient sans enthousiasme aux
radicaux en 1924, alors que les communistes s’installent
dans une politique systématique d’agitation et de
contestation.
Hors l’exception de 1919, la Nièvre, malgré le
conservatisme de son principal quotidien Paris-Centre, est
plus à gauche que le pays comme le montrent les élections
de 1928. La période est marquée par le recul des radicaux
et la progression de la SFIO. Les communistes ont du mal
à s’imposer malgré leurs 35 cellules, car ils s’enferment
dans une logique de lutte classe contre classe qui fait de la
SFIO leur premier adversaire.
Cependant, en réaction au 6 février1934 et deux
jours avant Paris, le 8 février, 3000 manifestants,
communistes et socialistes mêlés, défilent à Nevers. Même
si le 12 février la grève de la Confédération Générale du
Travail est assez peu suivie (sauf par les instituteurs, les
taxis et les usines de Fourchambault et Guérigny), le
Front populaire naît dans la Nièvre dès 1934.
Fourchambault, fermeture des verreries de Saint-Léger-
des-Vignes). En 1935, la Nièvre compte 1000 chômeurs
dont 500 à Nevers.
Le temps des haines
A mort le juif Blum !
Les principales ligues sont Les Croix de Feu,
mouvement d’anciens combattants né en 1927, dirigé
par le colonel de La Rocque (200 000 adhérents en
1934, 2000 adhérents nivernais en 1936), La Ligue des
contribuables (1928), Les Jeunesses patriotes. La plus
ancienne, L’Action française née en 1898, royaliste, sous
la direction morale de Charles Maurras, perd de
l’influence depuis sa condamnation par le pape en
1927 (400 à 500 adhérents nivernais). Certaines
ligues ont un caractère nettement fasciste : Le Faisceau
de Georges Valois (1925), Le Francisme de Marcel
Bucard (1934), La Solidarité française (1933), auxquels
il faut ajouter l’inquiétante et secrète Cagoule (1935).
Toutes sont violemment antiparlementaires,
anticommunistes, xénophobes et antisémites. Elles ont
des milices qui font le coup de poing et une presse à leur
dévotion comme l’hebdomadaire Gringoire (600 000
exemplaires).
Feu sur Léon Blum ! Feu sur les ours-savants de la
sociale-démocratie ! Louis Aragon.
A gauche, la désunion règne. Jusqu’en 1934, la
propagande communiste tire à boulets rouges sur la
bourgeoisie et plus encore sur la Section Française de
l’Internationale Ouvrière (SFIO).
La mort de l’affairiste Alexandre Stavisky le 8
janvier 1934 n’est qu’un épisode de la crise
antiparlementaire qui couve. Le 6 février 1934, une
manifestation de l’extrême droite qui tourne à l’émeute
à Paris, fait 17 morts et renverse le gouvernement
Daladier. Elle provoque la naissance de comités
antifascistes et l’union des gauches dans le Front
populaire.
Dissoutes en 1936, les ligues renaissent sous la
forme de partis comme le Parti Social Français (PSF) du
colonel François de La Rocque.
Un département de
gauche 1919-1936
Affiche, Front populaire, mai 1936
Résultats des élections législatives dans la Nièvre
( 5 sièges sauf 4 en 1924)
1919 Henri REGNIER Républicain modéré
Emile BOURGIER Radical socialiste
André RENARD Radical socialiste
Etienne GEOFFROY-ST-HILAIRE Républicain modéré
Jean LOCQUIN SFIO
1924 Jean LOCQUIN SFIO
Henri GAMARD SFIO
Arsène FIE Républicain socialiste
Henri REGNIER Républicain modéré
1928 Henri GAMARD SFIO
Château-Chinon
Léopold BELLOCQ Radical socialiste
Clamecy
Arsène FIE SFIO
Cosne
Jean LOCQUIN SFIO
Nevers I
Claude GUILLON SFIO
Nevers II
1932 Félix AULOIS Républicain indépendant
Château-Chinon
Jean de NADAILLAC Union républicaine
Clamecy
Arsène FIE SFIO
Cosne
Emile PERRIN Socialiste
Nevers I
Georges POTUT Radical socialiste
Nevers II
1936 Léon BONDOUX SFIO
Château-Chinon
Raoul NAUDIN Radical socialiste
Clamecy
Arsène FIE SFIO
Cosne
Emile PERRIN Parti d’Unité Prolétarienne
Nevers I
Georges POTUT Radical socialiste
Nevers II
Les élections à Nevers, 1936