Fêtes du 14 juillet… A la conquête du droit de vivre

LE PATRIOTE RÉSISTANT
N° 910 - juillet-août 2016 11
mémoire
M
essieurs, le 14 juillet, c’est la fête
humaine. Cette gloire est don-
née à la France, que la grande
fête française, c’est la fête de toutes les nations.
Fête unique. Ce jour-là, le 14 juillet, au-dessus
de lAssemblée nationale, au-dessus de Paris
victorieux, sest dressée, dans un resplendisse-
ment suprême, une gure plus grande que toi,
Peuple, plus grande que toi, l’Humanité ! » (1)
Entre lAssemblée nationale et le Sénat, les
débats furent âpres, à lissue desquels fut
promulguée la loi du 6 juillet 1880 instituant
le 14 juillet, fête nationale de la République
française.
Fallait-il célébrer le 14 juillet 1789, prise
de la Bastille, symbole de larbitraire, par le
peuple de Paris ? Constitué en milices sous la
menace de troupes étrangères, manifestant
pour du blé les jours précédents, il incendiait
les barrières de loctroi, pillant le couvent
Saint-Lazare ! Fallait-il glorier cette multi-
tude victorieuse, qualiée par Chateaubriand
d’« ivrognes heureux, déclarés conquérants
au cabaret » (2) ? Ou le 14 juillet 1790, fête de
la Fédération proposée par Lafayette pour
commémorer lunité de tous les Fraais, à
loccasion de ce premier anniversaire ? Cette
fête grandiose précédée dune messe, ne vit-
elle pas les fédérations de gardes nationaux
monter des provinces au Champ de Mars
pour entendre le roi prêter serment, s’en-
gageant solennellement devant la Nation à
maintenir la Constitution et la loi ? Ne fut-
elle pas loccasion dembrassades remplies
despoir ? Le symbole resta double : à la fois
celui dun peuple émancipé de larbitraire,
citoyen conscient d’être acteur de sa propre
Histoire, et celui dune Nation fédérée.
Les débats n’étaient pas clos le 14 juillet
1919. La veille du « délé de la victoire »,
Jore, Foch et Pétain recevaient leur épée
de maréchal avant de conduire un cortège
de militaires comptant symboliquement
1 000 mutilés et gueules cassées. Une pho-
to prise ce jour-là place de la Concorde -
moigne de lhécatombe : une foule noire du
deuil des veuves, orphelines, sœurs ou an-
cées… Les socialistes, critiques sur le Traité
de Versailles, dénoncent alors le mot « vic-
toire », appelant à une morale publique fon-
dée sur le respect des disparus, tandis que les
catholiques dénoncent une fête laïque et que
les anarchosyndicalistes fustigent son milita-
risme. Lheure est à la conquête de la loi des
8 heures, arrachée n avril après nombre de
grèves engagées dès le XIXe siècle.
Un nouveau mot,
le fascisme
En Europe, un nouveau mot s’arme
trois ans plus tard. Fin octobre 1922,
Mussolini a marché sur Rome avec ses
chemises noires. Le fascisme a instal
un régime dexception, interdit tous les
partis politiques autres que lui-même,
déchu tous les députés, pourchassant dé-
mocrates et syndicalistes avec sa police
secrète, transformant lAlbanie en une
sorte de protectorat avant de loccuper
en 1939, après avoir envahi l’Éthiopie.
En Pologne, après le coup dÉtat de 1926,
le ministre de la guerre Pilsudski règne
sur le gouvernement nationaliste autori-
taire. En Lituanie, un autre coup d’Etat a
choisi pour premier ministre Augustinas
Voldemaras, chef du groupuscule fasciste
« Les Loups de fer ». En Roumanie, le roi
Carol, dictateur depuis 1930, nance « La
Garde de fer ». En Yougoslavie, monarchie
absolue depuis 1920, les oustachis, ouver-
tement fascistes, attendent leur heure,
tandis qu’en Hongrie, règne la « terreur
blanche »… L’Espagne a vécu la dictature
militaire de Diégo de Rivera entre 1923
et la proclamation de la République en
1931. En 1933, une coalition formée par
des catholiques conservateurs proches
des fascismes montants, muselle dans le
sang les mouvements sociaux.
Dès 1921, les Sections dAssaut sèment la
terreur dans les rues dAllemagne. Le parti
nazi, nancé par lanticommunisme des
grands industriels, se veloppe jusqu’à
remporter les élections. Nommé chance-
lier en janvier 1933, Hitler tire parti dun
nouveau média, la TSF, et obtient vite
les pleins pouvoirs, ouvrant les premiers
camps de concentration pour ses oppo-
sants réels ou supposés, sous la garde des
SA et des SS…
Venus de partout, nombre de juifs et de
démocrates pourchassés se réfugient au
« pays des droits de l’homme », le crash
boursier se fait déjà sentir.
Ici, la SFIO et les communistes ont fait scis-
sion en 1920. Le Cartel des gauches asso-
cie bien socialistes et radicaux, mais les
socialistes, toujours marxistes,
nentrent pas au gouvernement (3).
Les congrès pour la paix et
le désarmement se multiplient
sans s’unir. Fin mai 1932, Henri
Barbusse et Romain Rolland
lancent dans LHumanité un
« Appel pour un Congrès mon-
dial contre la guerre impéria-
liste ». Il s’adresse « à tous les
hommes et toutes les femmes
sans tenir compte de leurs a-
liations politiques et toutes les
organisations ouvrières, cultu-
relles, sociales, syndicales ».
Lappel sollicite aussi les syn-
dicats, quils soient aliés à la
Section Internationale Rouge
ou à la Fédération Syndicale
Internationale dAmsterdam.
Un comité de préparation de
26 membres est fondé, qui réu-
nit toutes les tendances, du
monde universitaire aux ou-
vriers et paysans. Les 27 et
28 août suivants, à Amsterdam,
le Congrès mondial de lutte
contre la guerre rassemble 53 %
de personnes non syndiquées.
Il fusionnera avec le Congrès européen
contre le fascisme et la guerre, tenu Salle
Pleyel à Paris du 4 au 6 juin 1933.
Lépoque est divisée, instable, incer-
taine. En 1933, des néo-socialistes comme
Marcel Déat, ont fait scission avec la SFIO.
Ils veulent un socialisme national. Blum
réagit : « je vous dirai simplement que la
propagande socialiste nest pas une pro-
pagande dautorité, qu’elle nest même pas
une propagande dordre au sens où vous
lentendez, mais quelle est une propagande
de liberté et une propagande de justice. »
Député-maire communiste de Saint-Denis,
Jacques Doriot clame : « Devant le fascisme
qui nous menace, c’est dans nos rangs que
se trouve votre place. En avant, Saint-Denis,
en avant ! ». Mis en minorité par sa sec-
tion, il démissionne de ses mandats avant
dêtre exclu par son parti en juillet 1934 (4).
Entre mai 1932 et février 1934, la France
a connu 6 gouvernements. Conclu en
octobre 1932, le traité franco-soviétique
de non-agression sera suivi dun traité
dassistance mutuelle signé en mai 1935.
La République en danger
Lantiparlementarisme est attisé par les
nombreux scandales politico- nanciers,
dont laaire Stavisky reste embléma-
tique. Les temps sont aux ligues aux
allures de plus en plus militaires. Dès
début janvier 1934, lAction française,
les Camelots du roi, les Jeunesses pa-
triotes et leurs « groupes mobiles », la
Ligue des contribuables se rejoignent
dans la rue conjuguant royalisme, anti-
communisme, antisémitisme et haine des
francs-maçons. Le 27 janvier, les commu-
nistes, eux aussi dans la rue, scandent « des
soviets partout ! ». Ce jour-là, sous la p-
sidence dAlbert Lebrun, le gouvernement
dirigé par Chautemps, radical-socialiste
et franc-maçon, se termine. Il convient
d’écarter tous ceux qui ont pu sembler
mêlés à laaire Stavisky. Le 6 février, le
nouveau gouvernement doit être présen-
à la Chambre lors de linvestiture de
Daladier, autre radical, futur initiateur
au Congrès de Nantes du slogan des 200
familles : « 200 familles sont maîtresses de
léconomie française, et de fait, de la po-
litique française ». La droite cherche une
occasion de se débarrasser du Cartel des
gauches, majoritaire depuis 1932. Les
phalanges universitaires pensent quune
révolution dextrême gauche se prépare
à lAssemblée. LAction française et les
Camelots du roi veulent « renverser la
gueuse ». Ceux de Solidarité française,
nancée par le parfumeur Coty et les
membres de la francisque se joignent à eux.
Ce 6 février, aux cris de « A bas les
voleurs », 50 000 manifestants et émeu-
tiers font face aux gardes-mobiles place de
la Concorde. La police tire. Plus de quinze
morts seront comptés au matin. Daladier a
démissionné dans la nuit pour former un
gouvernement dunion nationale, essen-
tiellement composé de gures de droite,
parmi lesquelles Pétain au ministère de
la Guerre.
Après la contre-manifestation du
9 février, lon plore cinq morts, la
CGT et la CGTU appellent ensemble
à la grève générale dans tout le pays le
12 février. Chacun de son côté, la SFIO
et les communistes appellent à manifes-
ter à Paris. Spontanément, les cortèges
se rassemblent et fusionnent aux cris de
« Unité, Unité ». Pressée par les argu-
ments de Maurice orez et Eugène Fried,
l’Inter nationale de Dimitrov nira par
Fêtes du 14 juillet…
A la conquête du droit de vivre
De l’institution de la fête nationale au serment du Front populaire de 1936, de la Résistance clandestine à la victoire sur le fascisme,
les 14 juillet nont cessé d’armer la vitalité de la démocratie républicaine.
La journée du serment. Manifestation du
14 juillet 1935 de la Bastille à Vincennes.
© Photographie de Fred Stein. fredstein.com
«
lll
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accepter lunion. Le 27 juillet 1934,
le pacte dunité daction est signé avec la
SFIO. Trois jours plus tard, les deux partis
commémorent ensemble l'assassinat de
Jaurès. En octobre 1934, le Parti radical
nit par rejoindre le pacte. Un élan popu-
laire sans précédent se prépare. La per-
ception dun danger fasciste menaçant la
République, a dépassé les « chapelles ».
En Allemagne, la date choisie pour voter
les lois sur leugénisme et le parti unique,
le 14 juillet 1933, permet à Goebbels
dannoncer : « Nous avons eacé 1789 de
l’Histoire ». Le Duce n’avait-il pas écrit
du fascisme : « il est contraire à toutes les
utopies et innovations jacobines. Il ne croit
pas à la possibilité du “bonheur” sur la
terre, comme le voulait la littérature des
économistes du 18e siècle » ?
Disposer de droits, non par commu-
nauté de castes, mais par libre choix
de faire société ? Pour lextrême droite
comme pour lensemble des dictatures,
1789 représente un symbole à abattre, in-
surrection de la « racaille » contre laris-
tocratie de « race ».
Un symbole retrou
14 juillet 1935. Au vélodrome du stade
Bualo de Montrouge, se prépare une
étape décisive. Victor Basch, président de
la Ligue des Droits de l’Homme, ouvre
le meeting réunissant 48 organisations,
dont les radicaux-socialistes, la SFIO et
la section française de l’Internationale
communiste, lAssociation des Écrivains
et Artistes Révolutionnaires fondée en
1932 par Paul Vaillant-Couturier et Léon
Moussinac, alors dirigée par Louis Aragon,
la Fédération Sportive et Gymnique du
Travail, née en décembre 1934 de lunion
de la FST à tendance communiste, et de
lUSGT à tendance socialiste, le Comité
de vigilance des intellectuels antifascistes
ainsi que la CGT et la CGTU qui s’uniront
en mars 1936… Jean Perrin, Prix Nobel
de physique
(5)
, donne lecture du serment
unitaire : « Nous faisons le serment solennel
de rester unis pour défendre la démocra-
tie, pour désarmer et dissoudre les ligues
factieuses, pour mettre nos libers hors
datteinte du fascisme. Nous jurons, en
cette journée qui fait revivre la première
victoire de la République, de défendre les
libers démocratiques conquises par le
peuple de France, de donner du pain aux
travailleurs, du travail à la jeunesse et au
monde entier, la grande paix humaine. »
La foule scelle lengagement, entonnant
la Marseillaise et lInternationale.
Jusque-là, les communistes avaient per-
çu le 14 juillet comme une parade des
forces armées de la bourgeoisie. Cette
fois, le peuple s’empare des symboles ré-
publicains. Jacques Duclos déclare : « Et
si limmense foule chante non seulement
notre hymne despérance et de lutte lIn-
ternationale, mais aussi La Marseillaise,
nous noublions pas que La Marseillaise
est un chant révolutionnaire dont nous
reprenons lappel vibrant. »
Dans la manifestation qui suit, près
de 500 000 personnes empruntent sym-
boliquement le même parcours que le
12 février 1934. Dirigé par Victor Basch,
son Comité dorganisation se prolonge
en Comité national pour le rassemble-
ment populaire chargé d’élaborer un
programme commun et des accords
de désistement, en vue des élections du
printemps à venir.
« Une joie pure »
14 juillet 1936. Léon Blum, désormais
président du Conseil, a échappé de peu
à un lynchage antisémite le 13 février (6).
Il se consacre tout entier à la direction
dun gouvernement de Front populaire,
siègent trois secrétaires d’Etat pri-
vées du droit de vote : Suzanne Lacore
à la Santé publique, chargée de la pro-
tection de lenfance, Irène Joliot-Curie
à la Recherche scientifique et Cécile
Kahn-Brunschvicg à l’Éducation natio-
nale, chargée de lhygiène et de la santé
scolaire. De jeunes ministres tels Jean
Zay à l’Éducation na-
tionale, dont dépend
le secrétariat d’Etat
de Léo Lagrange aux
Sports et aux Loisirs,
qui appelle Auguste
Delaune, secrétaire-
néral de la FSGT, au
Conseil supérieur de
lÉducation physique
et des sports. A lAir,
Pierre Cot a pris à ses
côtés un certain Jean
Moulin… Tout en lui
assurant son total sou-
tien, le Parti commu-
niste refuse dentrer au
gouvernement.
Trois jours de fête
mémorable s’ouvrent
après les bals de la
veille, par le défilé mi-
litaire aux Champs-
Élysées, complétés de
manifestations dans
tout le pays. Partout,
la joie salue le serment
prononcé un an plus tôt. La plupart ont
vécu, occupant les usines, lexpérience
dont témoigne Simone Weil : « Une joie
pure. () Joie de vivre parmi les ma-
chines muettes, au rythme de la vie hu-
maine – le rythme qui correspond à la
respiration, aux battements de cœur, aux
mouvements naturels de l’organisme hu-
main – et non à la cadence imposée par
le chronométreur ». (7)
La victoire du Front populaire est
confortée par des acquis jusqu’alors
impensables. Le peuple sest emparé de
son histoire, imposant avec les accords
de Matignon des augmentations de sa-
laires de 7 à 15 %, l’élection de délé-
gués du personnel dans les entreprises,
y compris par les femmes, la signature
de conventions collectives dans toutes
les branches industrielles, la semaine de
travail fixée à 40 heures au lieu de 48,
la création d’au moins quinze jours de
congés payés par an.
A la Banque de France, le Conseil de
régence, dominé par les 200 familles
laissera place, dans les dix jours, à une
assemblée générale élargie, dirigée par
des membres nommés par l’État. Mais
le Sénat opposera son véto à sa natio-
nalisation, de même qu’il refusera la ré-
forme du fermage et du métayage, ainsi
que lextension des conventions collec-
tives aux ouvriers agricoles. Jean Monnet,
ministre de lAgriculture, réussira pour-
tant au mois daoût, à fonder un Office
national interprofessionnel du blé, sou-
lageant les paysans après des années de
baisse des prix. Dans un mois, la natio-
nalisation des industries de larmement
sera acquise. La scolarisation obligatoire
est prolongée à 14 ans.
Sur les 36 635 communes dalors, 35 490
ne disposent daucun stade ni terrain
de sport. Quà cela ne tienne ! Les clubs
sportifs et larmée seront mis à contri-
bution pour que, dès lécole primaire,
l’Éducation physique et sportive soit
obligatoire. De nombreux lycées de filles
Dans les pages de publications aux
graphismes novateurs, héritiers du
constructivisme et du Bauhaus, Vu,
fondé par Lucien Vogel, Regards,
mis en pages par le peintre Edouard
Pignon, Voilà, dirigé par les frères
Kessel, serviront la photographie
avec brio.
Le photographe des années 30 saisit
la haine glaciale des saluts fascistes
dans les délés d’extrême droite ;
la misère de la grande dépression
et la dignité conquise. Avec Ciné-
Liber, la classe ouvrière entre au
cinéma. Jean Renoir pourra tourner
La Marseillaise avec les visages du
peuple, grâce à une souscription
sans précédent, lancée en 1936 par
la CGT.
Parmi ces jeunes qui révèlent
leurs contemporains, nombre
de militants à l’Association
des Écrivains et Artistes
Révolutionnaires, tel David
Seymour, dit Chim, exilé de
Pologne en 1932, de son vrai nom
Dawid Szymin, qui travaille comme
beaucoup au magazine Regards
avec Marie-Claude Vaillant-
Couturier. Il sera en Espagne,
reporter de guerre avant d’émigrer
aux USA. André Kertesz, arrivé de
Hongrie en 1925, parti pour New-
York en 1936 ; le photojournaliste
Fred Stein venu d’Allemagne
en 1933. Interné avec sa famille
dans un camp pour « étrangers
ennemis », il réussira à s’enfuir avec
elle vers les États-Unis en 1941.
Robert Capa, arrivé de Hongrie par
Berlin en 1933, couvrira après la
guerre d’Espagne le débarquement
en Normandie ; France Demay,
ouvrier métallurgiste, membre de
la FSGT, saisit les entraînements
de ses camarades pour les
Olympiades de Barcelone, avant
de les y accompagner. Marcel Cerf,
membre de Camping et Culture,
deviendra après la Résistance,
un spécialiste et militant de la
Commune. Pierre Jamet chante
pour les ouvriers en grève dans
une chorale de l’AEAR. Lié au
groupe Octobre et à Prévert, il
va fonder celle des Auberges de
Jeunesse et devenir après guerre
un des piliers des « Quatre Barbus »
A 24 ans, Willy Ronis ne rate pas
une manifestation et participe aux
expositions La photographie qui
accuse et Regards sur la vie sociale
avec Henri Cartier-Bresson, lui aussi
photographe à Regards, qui adhère
à Ci-Liber, devenant assistant
de Jean Renoir
n Un univers à redécouvrir à l’Hôtel
de Ville de Paris jusqu’au 27 juillet,
à la bibliothèque Marguerite Duras,
115 rue de Bagnolet, 75020 Paris
jusquau 25 septembre et au Musée
d’Histoire vivante de Montreuil,
Parc Montereau, jusqu’au
31 décembre.
Images
A gauche : Fête du Front populaire. Stade Buffalo. Montrouge (Hauts-de-Seine), 14 juin 1936.
A droite : Manifestation du Front populaire, le 14 juillet 1936, place de la Bastille.
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© Photographie de Gaston Paris / Roger-Viollet
© Photographie de Robert Capa / Magnum photos
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se construisent. Et même si la droite
lappelle « ministre de la paresse », Léo
Lagrange défend le « droit au temps
libre », construisant son contenu. Il peut
compter sur la richesse dun mouvement
associatif unissant intellectuels, artistes,
sportifs et ouvriers, pour une culture
revendiquée universelle dès lenfance.
Conjuguant sport populaire, arts plas-
tiques, photographie, cinéma, littérature
et partage de tous les savoirs, lexpé-
rience des occupations, marquées par les
spectacles du groupe Octobre, les bals
improvisés, les chorales, a transformé
les usines en écoles de la vie. LAEAR
est devenue Association des Maisons
de la culture, dirigée par Aragon. Dans
les cortèges savamment scénographiés,
s’affirme la diversité des formes dex-
pression dun vrai mouvement cultu-
rel. Bénéficiaires de billets à tarifs
réduits
(8)
, les premiers « Congés payés »
entonnent, sur les paroles de Jeannette
Perrin, « Allons au devant de la vie ».
Les associations, telles Camping et
Culture, comme les plus de 200 Auberges
de Jeunesse s’ouvrent à leurs jeunes
adhérents. Sur les décors de Picasso,
le Théâtre de lAlhambra accueille
les représentations du « 14 juillet », de
Romain Rolland.
LEspagne républicaine prépare les
contre-Jeux olympiques de Barcelone,
face à limminence des Jeux de Berlin.
Parmi les militants qui défilent, nombre
de sportifs ne savent pas encore qu’ils
rejoindront les Brigades internationales
pour tenter, malgré « la non-interven-
tion raisonnée », de se dresser contre
les fascismes en Espagne.
Certes, pour la première fois, un Noir,
Félix Éboué, sera nommé gouverneur en
Guadeloupe. Mais pour les peuples colo-
nisés qui défilent, eux aussi, ce 14 juillet
1936 en France comme à Oran ou Dakar,
le bilan sera différent. 5 jours de congés
payés, le travail forcé et lusure théori-
quement interdits, le bagne de Cayenne
fermé, la journée de 9 heures, ne leur
donneront en rien le statut de citoyens.
En Algérie, le projet Blum-Violette, qui
espérait le droit de vote pour une mi-
norité dindigènes, avortera devant la
levée de boucliers des colons.
14 juillet 1939. On lattendait, ce cent-
cinquantième anniversaire de 1789 ! On
le préparait. Il sera, lui aussi, loccasion
de trois jours de fête. Bien sûr, les bals,
la revue militaire ; bien sûr, le défià
la Bastille. Ils neffacent ni les morts
de la place Clichy, ni les licenciements
pour faits de grève, ni, après lAnschluss
de mars 1938, le « lâche soulagement »
des accords de Munich, abandonnant
la Tchécoslovaquie aux troupes hit-
riennes. Et si, comme à Montreuil au
Parc Montereau après louverture du
Musée dHistoire vivante, lélan des t-
teaux populaires redonne vie aux héros
républicains, les spectacles dons au
Palais de Chaillot, le sont sous légide
dune fête de lempire colonial. Il fau-
dra attendre 1946, pour que le travail
forcé soit supprimé de fait dans les colo-
nies. Depuis les hauts de Belleville, des
spectateurs du feu dartifice pensent à
un bombardement…
Fin mai, Hitler et Mussolini ont scel
leur pacte dAcier. En août, suit le pacte
germano-soviétique. Début septembre,
lAngleterre et la France entreront en
guerre contre lAllemagne.
De la Résistance
à la reconstruction
14 juillet 1940. Un symbole ? Depuis
exactement un mois, les troupes nazies
sont entrées dans Paris. Le maréchal
Pétain, investi des pleins pouvoirs par
le Parlement depuis le 10 juillet, a trans-
formé la République en « État français ».
La journée, déclarée de « deuil natio-
nal », interdit bals et manifestations, en
ces temps de débâcle. « Le 14 juillet ne
marque pas seulement la grande douleur
de la patrie. Cest aussi le jour d’une pro-
messe que doivent se faire tous les Français
par tous les moyens dont chacun dispose
pour résister à lennemi, moment triom-
phant an que la France, la vraie France,
puisse être présente à la victoire », rétorque
le général de Gaulle sur les ondes de la
BBC. A Londres où est placardé l Appel
du 18 juin, il dépose une couronne à la
statue du maréchal Foch, avant de pas-
ser en revue les 800 premiers volontaires
de la France Libre. A Paris, Les Amis
dAlain Fournier fondent le jour-même
leur mouvement
de Résistance
dans la biblio-
thèque tenue
par Yvonne
Oddon. Ce mou-
vement maquil
en société lit-
raire, sera plus
connu sous le nom
de réseau du Musée
de lHomme.
14 juillet 1941.
Dans toute la
France, en zone dite
« libre » comme en
zone occupée, des
initiatives bravent
linterdiction.
Jusqu’au fond des pri-
sons et des camps, on
chante la Marseillaise.
A Paris, un groupe
détudiants autour
de Philippe Viannay,
Hélène Mordkovitch et
Robert Salmon sort le journal clandestin
Défense de la France.
14 juillet 1942. Presse clandestine,
papillons, tracts et gratis célèbrent la
Révolution française et ses symboles.
Radio Londres a donné consigne de
se promener dans les grandes avenues
jusqu’au moment de la manifestation.
A Marseille, zone encore dite « libre »,
lache du peintre Antoine Serra ar-
bore un bonnet phrygien. Elle appelle
à manifester « pour le peuple de France,
pour la République, pour la Liberté contre
les ennemis de la République Pétain,
Laval et tous les Hitlériens pour lindé-
pendance de la France ». Les promeneurs
se rendent au siège du PPF, qui tire sur la
foule. Deux femmes sont tuées.
En ces 14 juillet 1943 et 1944, les ci-
toyens, gloriant Valmy, rivalisent din-
géniosité pour s’acher tricolores. A
Londres puis à Alger, les revues des Forces
Françaises Libres complètent une mani-
festation républicaine qui ne peut encore
être une fête.
Mais un an plus tard, un 14 juillet 1945
consacré à l’Humanité entière, célèbre
la victoire trois jours durant. Parties de
Vincennes, les troupes délent à travers
une tempête dacclamations avant dêtre
passées en revue place de la Nation par
le général de Gaulle. Laprès-midi, les
membres de toutes les organisations de
résistance sont ovationnés de la Concorde
à la Bastille. Dans les cortèges, des groupes
de jeunes en costumes de sans-culottes.
Partout en France, bals et fêtes expri-
ment la joie retrouvée. Dans les villes
dAlsace et de Lorraine, un oce à la
mémoire des victimes de la guerre ouvre
les cérémonies. Les déportés, prisonniers
survivants, les orphelins et les familles
décimées sont-ils vraiment de la fête ?
Etonnés dêtre en vie, les rescapés des
Maisons de la Culture se retrouvent à
la Maison de la Pensée Française et se
mettent à rêver dune Renaissance cultu-
relle, voisineraient « le pain et les
roses »
Adopté en 1944, il
était tit Les Jours
heureux. Dans une
publique recon-
quise, lapplication
du Programme du
Conseil National
de la Résistance
est à lordre du
jour, complétant
celui du Front
populaire avec
notamment la
nationalisa-
tion de l’Éner-
gie et le Statut
des électriciens
et gaziers,
construits
avec Marcel
Paul. Bientôt,
les Comités
dentreprises
seront réalité,
avec leur projet
social et cultu-
rel. La Sécurité sociale naîtra, elle aus-
si, pour fonder une vraie santé publique.
Le pays tout entier est à reconstruire.
hélène aMBlard
1) Victor Hugo, troisième discours au Sénat
pour lamnistie, séance du 3 juillet 1880.
2) Mémoires d’Outre-Tombe crit entre 1809-
1841).
3) La section française de l’Internationale com-
muniste (futur PCF) est née en 1920 de la scis-
sion de la Section Française de l’Internationale
Ouvrière (SFIO), dont la minorité refuse dad-
rer à la III
e
Internationale, issue de la Révolution
soviétique. Cette scission entraîne celle de la
CGT et de la CGTU.
4) Après avoir fondé le Parti Populaire Français,
Doriot mourra sous luniforme nazi de la Légion
des Volontaires Français en Allemagne en 1945.
5) Militant dreyfusard dès la fondation de la
LDH avec Émile Borel, Marie Curie et Paul
Langevin, Jean Perrin est, comme eux, acteur
des premières universités populaires. Il sera fon-
dateur du Palais de la découverte à l’occa sion de
l’Exposition universelle de 1937.
6) « Un détritus humain (…) un homme à fusiller
mais dans le dos », a écrit de lui Charles Maurras
en 1935 dans LAction française, tiré à des mil-
liers dexemplaires.
7) Article paru le 10 juin 1936 dans La Révolution
prolétarienne. Simone Weil, normalienne, aggée
de philosophie, a travaillé chez Alsthom et Renault
pour étudier la condition ouvrière. Brigadiste, puis
résistante en France et en Angleterre, elle meurt
tuberculeuse au sanatorium dAshford en 1943.
8) En août 1937, la fondation de la Socié
Nationale des Chemins de Fer sauvera de la
ruine les Compagnies privées minées par la
concurrence, accordant aux cheminots un statut
national.
Depuis mai 1943, la colonie d'Izieu accueille des enfants juifs originaires
de toute l'Europe. Eux aussi fêtent le 14 juillet. Raflés le 6 avril 1944 par la
Gestapo, aucun des 44 enfants ne reviendra de déportation.
Un tract typographié des MUR :
« Le 14 juillet 1943 sera le dernier
14 juillet d'esclavage ! ».
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