Les citadins à l`assaut des terrasses

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numéro 18
Étanchéité INFO
L E M A G A Z I N E D E S P R O F E S S I O N N E L S D E L’ É T A N C H É I T É E T D E L’ I S O L AT I O N w w w. e t a n c h e i t e . c o m
ÉDITORIAL
J U I N
2 0 0 8
PA G E 3
Un sens nouveau
à notre intervention
RÉVISION
PA G E 1 4
Le DTU 43.3 passe à l’heure
européenne
TOITURES-TERRASSES INACCESSIBLES PAGE 32
Comment fixer les garde-corps
permanents
ALAIN DECORNIQUET
PA G E 3 6
Vision d’expert sur l’étanchéité
RÉFECTION
PA G E 3 4
MARCHÉ
L’Arche soigne
son point de vue
Depuis janvier 2008, l’Arche de La Défense est
engagée dans une vaste opération de réfection de
sa toiture. Des travaux d’étanchéité qui interviennent
quatre ans après l’arrivée d’un nouveau gestionnaire
et une série de travaux d’aménagement.
ISSN : 1958-3575
Les citadins à
l’assaut des terrasses
Un jardin en plein ciel : le rêve de millions d’urbains en manque
de verdure. Le moindre mètre carré de béton à l’air libre se
négocie désormais à prix d’or. Du coup, certains n’hésitent plus
à coloniser des terrasses jusque-là inaccessibles.
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ÉDITO >
est une publication trimestrielle
de l’Association pour la promotion
des métiers de l’étanchéité APMEPROMETHÉE, éditée sous l’égide
de la CSFE.
6-14, rue La Pérouse, 75784 Paris cedex 16
Un sens nouveau
à notre intervention
Tél. : 01 56 62 13 20 - Fax : 01 56 62 13 21
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Directeur de la publication :
Philippe Driat
Comité de rédaction : Catherine Bon,
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Abonnement gratuit sur simple
demande, tél. : 01 56 62 13 20
Étanchéité.info est éditée par Pyc Édition
16-18, place de la Chapelle, 75018 Paris
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assistante commerciale
Impression :
Edips (Quetigny)
Routage :
GL Routage (Quetigny)
Dépôt légal à parution
Photo de couverture : DR
est une première à laquelle
le monde de l’étanchéité ne
peut rester insensible. Dans
le Gard, la plus grande centrale photovoltaïque intégrée en toiture s’apprête
à voir le jour avec 30 000 m2 de membranes synthétiques intégrant des capteurs solaires. Fait remarquable : le projet n’a été supporté par aucune
subvention. Autour de la table, uniquement des acteurs privés, qu’il s’agisse
du maître d’ouvrage, FM Logistic, ou
de l’investisseur, une société française
spécialisée dans le financement et
l’exploitation de centrales de production d’énergies renouvelables. Or, on
imagine mal ces grosses structures
commerciales se lancer dans une telle
opération sans de sérieuses garanties
quant à la viabilité et la rentabilité de
la toiture. À en croire l’analyse faite par
un autre grand acteur de la construction industrielle, GSE, la rentabilité de
l’investissement dans le photovoltaïque intégré serait aujourd’hui
proche de celle de l’immobilier, soit 6 à
8 % grâce au contrat signé avec EDF
sur vingt ans. À condition toutefois de
se situer de préférence au sud de la
ligne Bordeaux-Lyon-Grenoble. Ce qui
ouvre encore de belles perspectives.
L’expérience gardoise vient nous le rappeler une nouvelle fois : il est important que l’étanchéité s’investisse dans
cette évolution en s’intéressant à tous
C’
ses aspects. Le défi énergétique lancé
par l’Europe et la France – atteindre en
2020 une part d’énergies renouvelables d’au moins 20 % dans la
consommation finale – place le bâtiment et notre métier au cœur d’enjeux
qui donnent un sens nouveau et sans
précédent à notre intervention. À nous
de saisir cette opportunité. Mais pas
n’importe comment ! Il reste encore
une multitude de questions soulevées
par ces technologies. Quelles sont les
performances de ces nouvelles membranes ? Quelles garanties devonsnous ou pouvons-nous donner ?
Comment s’appliquent nos assurances
décennales sur ces ouvrages ? Qui assure leur maintenance ? Quelles responsabilités pour l’étancheur ? Ou encore quelles relations doivent s’établir
entre les fournisseurs et ceux qui mettront en œuvre les revêtements photovoltaïques ? Il est capital
d’apporter rapidement des
réponses. C’est d’ailleurs en
partie le rôle de la commission Photovoltaïque récemment créée au sein de
la CSFE. Dans le cas
contraire, nous pourrions manquer un tournant décisif pour
l’évolution de notre métier. Et nul
doute alors que d’autres le prendraient à notre place.
Le défi
énergétique
lancé par
l’Europe et
la France place
le bâtiment et
notre métier au
cœur d’enjeux
qui donnent un
sens nouveau et
sans précédent
à notre
intervention.
JEAN PASSINI, PRÉSIDENT DE LA CSFE
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ACTUALITÉS >
N O M I N AT I O N
EN BREF…
Un nouveau président pour la FFB
Didier Ridoret, 56 ans, a été élu président de la Fédération française
du bâtiment au cours du conseil d’administration du vendredi 14 mars
2008. Sa prise de fonctions interviendra le 13 juin 2008, à l’issue du CA.
Il succèdera à Christian Baffy qui occupait le poste depuis 2002. Didier
Ridoret est cogérant du groupe Ridoret, une entreprise industrielle de
menuiserie à La Rochelle. Précédemment vice-président de la
FFB, délégué aux affaires sociales, il a été président du Conseil
national de la sous-traitance et conseiller de la Banque de
France. Un des axes qu’il compte développer dans ses nouvelles fonctions est la valorisation de la rentabilité des entreprises du bâtiment.
RECRUTEMENT
Le bâtiment en campagne
a Fédération française du bâtiment
(FFB) a lancé en février une importante campagne de communication à la télévision, à la radio et sur
Internet, dont le slogan est « Le bâtiment,
1 200 000 passionnés ». Elle a pour objectif de promouvoir l’image des métiers,
des salariés, des entrepreneurs et des artisans du secteur auprès du grand public.
Cette campagne, la FFB l’a voulue forte et
vraie. C’est pourquoi elle s’appuie sur dix
portraits de dirigeant(e)s et de salarié(e)s. Ces acteurs d’un jour racontent
de vraies histoires, de vraies passions…
les leurs ! Une dizaine de thèmes sont déclinés : l’alliance passion/métier, les
femmes du bâtiment, une profession qui
embauche, la réalisation
d’ouvrages emblématiques,
les avantages sociaux de la
profession, etc. Cette opération de communication est
largement relayée en région
et dans les départements.
Des affiches et des autocollants sont mis à la disposition des 57 000 adhérents
de la FFB pour qu’ils puissent exprimer, eux aussi,
L
TV
leur passion de construire, tandis qu’un
site Internet (www.lebatiment.fr) constitue la vitrine web de la campagne. « Le
bâtiment est un des tout premiers secteurs
économiques en France, a rappelé
Christian Baffy, président de la FFB. Son
image mérite d’être valorisée aux yeux du
plus grand nombre. Avec cette campagne,
la FFB a l’ambition d’aider les entreprises à
relever le double défi de construire
500 000 logements par an et de répondre
aux attentes des Français en matière
d’environnement. Nous devons nous donner tous les moyens pour continuer à recruter chaque année les 120 000 personnes
dont nous allons avoir besoin pendant les
dix ans à venir. »
> Le maire socialiste du XIVe arrondissement
de Paris, Pierre Castagnou, a été réélu mardi
à la présidence de la Régie immobilière
de la Ville de Paris (RIVP), la plus grande
société d’économie mixte immobilière locale
de France.
> Le décret fixant le montant du
plafonnement de l’assurance responsabilité
décennale (RCD) hors habitation pourrait
paraître avant l’été. Dans l’état actuel
du projet de décret, il s’établirait à hauteur
de la valeur d’ouvrage déclarée par le maître
d’ouvrage.
> La ministre de l’Enseignement supérieur
et de la Recherche, Valérie Pécresse, vient
de signer un protocole d’accord avec
le Conseil général des Yvelines prévoyant
la construction de 3 000 logements d’ici
à trois ans.
> Le décret 2008-407 du 28 avril modifie
l’article 98 du code des marchés publics.
Il impose désormais un délai global
de paiement de 30 jours pour l’État
et ses établissements publics autres que
les hôpitaux et ceux ayant un caractère
industriel et commercial.
Pour les collectivités locales et leurs
établissements, le délai reste fixé à 45 jours
et, pour les hôpitaux, à 50 jours.
> La société Schüco vient d’obtenir
le premier Avis technique pour un procédé
photovoltaïque. Le produit concerné est
un module en verre/polymères destiné
à être incorporé en toiture.
> BTP Banque et l’OPPBTP ont signé une
convention de partenariat mettant en avant
l’amélioration des conditions de travail des
salariés du bâtiment et des travaux publics.
Les PME/PMI et artisans du BTP pourront
bénéficier d’un prêt à taux bonifié pour
l’achat d’équipements permettant
l’amélioration de l’hygiène, de la sécurité
et des conditions de travail sur les chantiers
et dans les ateliers.
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ACTUALITÉS >
CHANTIER
C O M M U N I C AT I O N
Soprema travaille
pour le Pentagone
« Un jeune, un jour,
une entreprise »
oprema vient de
réaliser près de
10 000 m2 d’étanchéité au sein du plus
vaste immeuble de bureaux du monde : le
Pentagone, aux ÉtatsUnis. Les travaux se
sont déroulés dans une
zone confinée du bâtiment avec des accès
très limités, entre deux
étages, où circulent
gaines
techniques,
conduits d’évacuation
et réseaux électriques.
La société a réalisé la
mise en œuvre d’une
membrane fixée méca© Department of Defense
niquement sur un support béton existant. Les recouvrements ont été scellés avec une
colle polyuréthanne bicomposante. La membrane et les relevés
ont ensuite été recouverts d’un système d’étanchéité liquide sans
solvants ni odeur conformément aux exigences des responsables
du Pentagone.
a FFB a organisé le 1er avril
la quatrième édition de
l’opération « Un jeune, un
jour, une entreprise ». Cette action exceptionnelle de communication vise à faire découvrir des
métiers du bâtiment à de jeunes
collégiens et lycéens ainsi qu’aux
conseillers d’orientation et aux enseignants. Cette année, ce sont
près de 5 000 participants qui ont
été accueillis par des chefs
d’entreprise du secteur.
S
INVESTISSEMENT
Nouvel actionnaire
majoritaire pour Etanco
un des leaders français des solutions de fixation pour
l’enveloppe du bâtiment, Etanco, a signé en février dernier un accord d’acquisition des deux tiers de ses actions
avec le fonds d’investissement suédois Industri Kapital (IK).
L’entreprise basée au Pecq (78) a été créée en 1952 par la famille
Lebraut et emploie aujourd’hui près de 600 personnes pour un
chiffre d’affaires de 130 millions d’euros. Selon Ronan Lebraut,
actuel PDG, « nous avons choisi IK pour nous accompagner dans la
mise en œuvre de notre stratégie de croissance volontariste ». Un développement qui devrait renforcer les positions d’Etanco.
L’entreprise compte pas moins de 80 000 références, aussi bien
sur ses marchés nationaux qu’internationaux.
L’
6·
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 18 · JUIN 2008
L
ENVIRONNEMENT
La construction grosse
productrice de déchets
elon une étude exhaustive de l’Ifen (Institut français de
l’environnement) rendue publique en mai, le secteur du
BTP aurait engendré en 2004 près de 83 % des déchets
produits en France. 343 millions de tonnes (dont 97 % inertes)
seraient issues de l’activité construction et travaux publics sur
un total national de 414 millions de tonnes, comprenant
les déchets ménagers et
ceux des activités industrielles. À noter que les résidus de la construction sont
recyclés et transformés aux
deux tiers et que seuls 2 %
sont considérés comme non
inertes et non dangereux. Ce
sont généralement des matériaux mélangés ou indifférenciés. 1 % des déchets du
BTP sont considérés comme
dangereux et sont majoritairement constitués de bois
traités, de terres et de boues
polluées et d’huiles usagées.
S
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ÉLECTRICITÉ SOLAIRE
Une toiture photovoltaïque géante
de Sika-Sarnafil sur lequel
viennent s’intégrer les modules
solaires souples en silicium
amorphe.
© Pyc
© Pyc
pour un entrepôt du Gard
Un investissement
de 8,85 millions d’euros
Dès le mois de juillet, la plus grande centrale
photovoltaïque d’Europe intégrée en toiture
sera opérationnelle à Laudun-l’Ardoise, dans
le Gard. Avec ses 30 000 m2 de modules
solaires, la centrale va produire l’équivalent
de la consommation annuelle de 500 ménages.
À
Fixés
mécaniquement sur
les bacs acier,
les lés d’étanchéité
sont ensuite
simplement soudés
entre eux
à l’air chaud.
>
20 km d’Avignon, l’un des leaders de la logistique achève actuellement la construction
d’une plate-forme géante avec sur son toit pas
moins de 30 000 m2 d’étanchéité photovoltaïque. Une
surface qui fera de ce projet la plus grande centrale européenne de production d’électricité solaire intégrée en
toiture. Avec une puissance installée de 1,4 mégawattcrête, elle devrait produire chaque année près de
1 650 MWh qui seront entièrement injectés dans le réseau EDF au tarif 2008 de 57 centimes d’euro le kilowattheure. Conçus par NG Concept pour le compte de
FM Logistic, ces entrepôts accueilleront dans un premier temps l’ensemble des flux des produits non alimentaires du groupe Carrefour pour le Sud de la
France. À la tête du projet, la société montpelliéraine
Urbasolar a suivi l’intégralité de l’opération, de
l’ingénierie technique jusqu’au montage financier en
passant par les procédures administratives. C’est également elle qui a fourni l’étanchéité photovoltaïque.
Distribuée en France par Urbasolar et produite aux
États-Unis par Solar Integrated, cette membrane est fabriquée sur la base d’un revêtement synthétique FPO
Sur les 54 000 m2 que compte
la toiture, 30 000 seront ainsi
réalisés avec cette membrane
photovoltaïque, les surfaces
non actives étant étanchées par
un revêtement FPO traditionnel. Fixés mécaniquement sur
les bacs acier, les lés
d’étanchéité sont ensuite simplement soudés entre eux à
l’air chaud. Au-delà de ses dimensions, l’autre grande particularité de cette opération réside dans son montage
financier faisant intervenir un tiers investisseur. En
clair : le maître d’ouvrage n’a strictement rien déboursé
pour l’étanchéité de sa toiture. La totalité de
l’investissement, 8,85 millions d’euros, a été prise en
charge par la Caisse des dépôts, à hauteur de 1,17 million d’euros, et par Akuo Energy, société française spécialisée dans le financement et l’exploitation de centrales de production d’électricité à partir de ressources
renouvelables. Le principe : à travers un bail emphytéotique, le propriétaire des bâtiments met sa toiture à disposition des investisseurs qui financent l’intégralité de
la centrale et de l’étanchéité en contrepartie de la vente
de l’électricité à EDF durant vingt ans. Pour la Caisse
des dépôts, cet investissement dans une centrale photovoltaïque intégrée à un ensemble tertiaire en métropole
est une première. Jusqu’alors, elle s’était uniquement
engagée dans le financement de la toiture d’un bâtiment public (stade Geoffroy-Guichard à Saint-Étienne)
ou de centrales en sol en région PACA. Le seul précédent avait été la réalisation d’une toiture de bâtiments
logistiques, hors métropole, à la Réunion. BC
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ACTUALITÉS >
EUROPE
Un Français élu à la tête
de la BWA
Président de Siplast-Icopal, Jean-François Pion a été élu en octobre dernier à la tête de la BWA.
Rencontre avec le nouveau président de la Bitumen Waterproofing Association qui revient sur
les grands dossiers européens de la profession.
vec 46 pays représentés, la BWA est aujourd’hui l’association professionnelle qui regroupe les principaux fabricants de membranes bitumineuses européens ainsi que les syndicats
professionnels nationaux. Elle exerce deux missions
principales : assurer la promotion des techniques
d’étanchéités bitumineuses mais aussi et surtout représenter la profession dans l’élaboration des normes
européennes, notamment dans les domaines de
l’environnement, du feu extérieur des toitures
(ENV 1187) ou encore dans la mise en place de la
directive Reach.
A
Étanchéité.Info : La BWA regroupe au niveau européen
les industriels et associations autour d’un objet : les
étanchéités bitumineuses. Pourquoi ne pas élargir à
l’ensemble des techniques d’étanchéité ?
Jean-François Pion : Il y a quelques années encore, nous
étions dans cette situation à travers l’International
Waterproofing Association [ancien nom de
l’organisme]. Mais ce modèle d’association est loin
d’être le plus efficace. Il est difficile de jouer cartes
sur table et d’évoquer sans faux-semblants les caractéristiques de nos métiers lorsque vous réunissez des
fabricants utilisant des techniques concurrentes. Le
fait de limiter notre représentation aux étanchéités
bitumineuses permet de travailler dans une logique
fédératrice. Et cette démarche est essentielle. La
BWA est associée à l’ensemble des comités de normalisation où les intérêts du secteur peuvent être engagés. Notre action vis-à-vis de ces comités suppose
déjà d’atteindre un consensus entre les membres de
l’association. D’autant plus que nous nous fixons systématiquement des objectifs précis. Parfois, il s’agit
par exemple d’intervenir pour modifier certaines dispositions européennes, sur le sujet du feu notam-
ment où nous souhaitons que l’Europe revoie sa position pour les toitures. Ceci se fait dans ce cas en
pleine collaboration avec les fabricants de membranes synthétiques, au sein d’un groupe de travail
commun très efficace.
É.I : Existe-t-il des différences notables entre les pays en
termes de produits et de pratiques de mise en œuvre ?
JFP : D’une manière générale, on peut considérer que
les revêtements bitumineux et les techniques
d’application sont relativement proches d’un pays à
l’autre. Aujourd’hui, la quasi-totalité des membranes
sont soudées ou fixées mécaniquement. Le collage au
bitume à chaud a disparu ou est en voie de disparition
dans la plupart des pays d’Europe à l’exception du
Royaume-Uni. Il faut dire qu’outre-Manche, l’influence
américaine s’exerce même sur le créneau de
l’étanchéité et qu’aux États-Unis le collage au bitume
représente encore près de 40 % du marché de
l’étanchéité bitumineuse. Ailleurs, ce que l’on pourrait
appeler « l’étanchéité à l’allemande », autrement dit
deux couches de membranes bitumineuses de 4 mm
d’épaisseur chacune, s’est largement imposée. Quant
à la France, elle est de loin le pays qui met en
œuvre les produits les plus minces. Une particularité qui s’explique en partie par notre approche performancielle de la qualité qui diffère, par exemple, de la démarche normative,
très descriptive, qui prévaut en Allemagne.
Les industriels français ont toujours
cherché à obtenir le meilleur résultat
avec le produit le plus optimisé. Ce qui,
compte tenu de l’envolée des prix
des matières premières, se révèle aujourd’hui une stratégie plutôt payante.
« Limiter notre
représentation
aux étanchéités
bitumineuses
permet de
travailler dans
une logique
fédératrice. »
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ACTUALITÉS >
É.I : Ces dernières années, le marquage CE des produits
de construction a représenté un chantier titanesque
pour les fabricants européens. Quelle est la prochaine
étape sur ce dossier ?
JFP : La Commission européenne a lancé d’importants
travaux sur les normes environnementales. À terme,
l’objectif est d’introduire des données sur ce sujet au
sein des référentiels « produits » et donc d’en faire
l’un des critères d’obtention des attestations de
conformité et du marquage CE. Néanmoins, pour le
moment, nous ne savons pas encore ni comment, ni
sous quelle forme s’effectuera cette intégration. Une
chose est sûre : ces données resteront d’ordre général afin d’éviter des phénomènes de benchmarking
qui seraient un non-sens sur ces questions.
Et surtout, le contexte change. Reach arrive à grands
pas. La directive sur l’évaluation des substances chimiques pourrait nous réserver quelques surprises.
Certaines vont disparaître, d’autres seront limitées
avec à la clé des impacts encore difficilement prévisibles. Cela suppose d’être prudents sur l’utilisation
de ces évaluations environnementales. Ces incertitudes expliquent également pourquoi nous allons
prochainement publier un nombre restreint (trois)
de Fiches de déclaration environnementale et
sanitaire qui concerneront uniquement des revêtements monocouches d’étanchéité et non des systèmes plus complets à l’instar des FDES établies par
la CSFE.
ricains et européens en liaison avec le Centre international de recherche sur le cancer, chargé
d’identifier et de classer les substances cancérigènes.
Actuellement, une monographie sur les fumées de
bitume est en cours de révision, l’objectif étant de
clarifier leurs impacts sur la santé. Comme pour la
plupart des matériaux organiques, ces fumées
contiennent des polycycliques aromatiques pour lesquels il est nécessaire de déterminer des seuils de
dangerosité. Si les études sont en cours, on peut toutefois déjà affirmer que dans les conditions et les
températures normales d’utilisation des produits,
par exemple la soudure au chalumeau, il n’y a ni inquiétude, ni remise en cause à attendre.
PROPOS RECUEILLIS PAR BASTIEN CANY
É.I : Les fabricants d’étanchéités bitumineuses ont-ils
des raisons de s’inquiéter des conséquences de Reach ?
JFP : Environ 100 000 substances sont répertoriées,
30 000 sont visées par Reach et 8 000 pourraient disparaître. Parmi ces dernières, une ou deux devraient
directement concerner nos produits d’étanchéité. Or,
pour celles-ci, nous savons d’ores et déjà que des alternatives existent. En fait, c’est plus le champ
d’application de la directive qui est aujourd’hui une
source de préoccupation. Car si elle s’applique aux
substances chimiques utilisées par les fabricants
européens, elle n’impose malheureusement aucune
exigence pour les articles importés en Europe.
É.I : L’évaluation des substances chimiques suppose
d’examiner les produits sous l’angle de leur impact sur
la santé. Qu’en est-il aujourd’hui des questions soulevées sur les fumées de bitume ?
JFP : Nous travaillons sur ce sujet avec Eurobitume,
Arma et les associations regroupant les routiers améÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 18 · JUIN 2008
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ACTUALITÉS >
RÉVISION
© Claude Vasconi, arch.
Les tôles d’acier nervurées dépendent
désormais des référentiels européens
(NF EN 10326, NF EN 10169-2 et 3).
Le DTU 43.3 passe à l’heure
européenne
Publié en avril 2008, le nouveau DTU 43.3 est le troisième
de la série à devenir « eurocompatible ». Une première mise
à jour qui sera suivie d’ici à quatre ans d’une révision
complète du texte décrivant la mise en œuvre des toitures
en tôles d’acier nervurées avec revêtement d’étanchéité.
abord la forme, ensuite le fond : c’est ce principe qui guide depuis deux ans les travaux de
révision du DTU 43.3 encadrant la réalisation
des bacs étanchés. Une mise à jour en deux temps dont
la première étape vient de s’achever avec la publication
en avril dernier d’une version désormais « eurocompatible » du document. La sous-commission Acier bardage
s’est donc dans un premier temps attachée à mettre en
conformité ce texte avec les exigences du plan Europe.
Une opération qui implique de revoir l’architecture du
texte et surtout d’y intégrer les normes européennes
existantes avant de s’attaquer dans un deuxième temps
au fond du document et à l’actualisation des techniques.
Cette dernière étape fera l’objet d’une seconde publication dans un délai de trois à quatre ans.
En lieu et place du Cahier des clauses techniques, le-
D’
14 ·
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 18 · JUIN 2008
quel comprenait des chapitres de définition de matériaux et de mise en œuvre, le DTU 43.3 comprend dorénavant deux documents séparés, en complément du
Cahier des clauses spéciales : le Cahier des clauses techniques types (CCT, NF DTU 43.3 P1-1) qui renvoie en
son article 4 à la deuxième partie intitulée Critères généraux de choix des matériaux (CGM, NF DTU 43.3 P1-2).
Cette nouvelle présentation, d’ores et déjà appliquée
aux DTU 43.1 et 43.6, doit permettre à terme de gérer
plus aisément les éventuels amendements ou révisions,
notamment pour des modifications simples affectant
les matériaux.
Intégration des référentiels européens
Ce DTU 43.3 nouvelle version renvoie pour la première
fois aux référentiels européens, du moins lorsqu’ils
existent. Les tôles d’acier nervurées doivent ainsi être
conformes aux normes NF EN 10326 (tôles galvanisées) ou NF EN 10169-2 et 3 pour les tôles prélaquées.
Des guides GA A 36-335, 36-351 et 36-355 figurant au
catalogue de l’Afnor permettent de faire le lien avec les
normes XP P 34-301 et 34-310. Pour les isolants, la
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ACTUALITÉS >
règle est simple : ces matériaux relèvent de normes
européennes harmonisées et doivent donc dès lors afficher le marquage CE et éventuellement disposer de
Documents techniques d’application du CSTB. Même
exigence pour les feuilles d’étanchéité à base de bitume
modifié par élastomère SBS qui sont également marquées CE suivant la norme EN 13707, avec des exigences particulières affectant le revêtement complet bicouche, notamment en matière de résistance au
poinçonnement. Quant à l’asphalte, il est défini par
rapport à la norme NF EN 12970 non harmonisée.
Enfin, pour le dimensionnement des tôles, s’agissant
d’éléments non structurels, les documents de référence
restent les normes NF P 06-001 et 004 ainsi que les
règles N 84 et NV 65 avec leurs modificatifs, et non pas
les Eurocodes.
Les DOM exclus du champ d’application
Cette révision aura également permis de lever certaines
ambiguïtés. C’est le cas pour la notion de territorialité :
désormais, la mise en œuvre dans les départements
d’outre-mer est clairement exclue du champ
d’application du DTU. Une décision qui entraîne de fait
l’élaboration d’un nouveau référentiel, en cours de rédaction par le GS 5 au CSTB, tenant compte des spécificités des chantiers réalisés dans les DOM. Autre sujet
nécessitant des clarifications : la charge de dépression
L’actualisation des zones de vent, intervenant
dans le choix des supports et le calcul des densités
de fixations des tôles et panneaux isolants, reprend
celle du dernier additif des règles NV 65.
>
>
Publié en 1995, le précédent DTU avait déjà été entièrement revu. Il ne souffrait donc pas d’anomalies marquantes. Néanmoins, cette révision a permis de supprimer des matériaux devenus rarissimes ou des
techniques obsolètes et d’y intégrer des exigences récentes. Ainsi, la possibilité de recourir aux tôles galvanisées Z 450 pour les locaux à hygrométrie forte et éventuellement très forte a été définitivement supprimée,
ces tôles n’étant pas disponibles sur le marché français.
Les écrans pare-vapeur pour locaux à forte hygrométrie,
les feuilles d’étanchéité, les équerres de renfort et les
feuilles pour relevés en bitume oxydé, tombés en désuétude, sortent également du cadre de ce DTU. Les feuilles
seront donc désormais exclusivement à base de bitume
élastomère SBS ou élastomérique avec autoprotection
métallique pour les relevés. Autre nouveauté au chapitre
des matériaux : l’obligation, d’ores et déjà inscrite dans
les DTA et aujourd’hui reprise dans le DTU, de recourir
à des fixations mécaniques solides au pas dans le cas de
présence d’isolant thermique de résistance à la compression à 10 % inférieure à 100 kPa.
© DR
Prise en compte des pratiques actuelles
Le dimensionnement des tôles relève
des normes NF P 06-001 et 004 ainsi que
des règles N 84 et NV 65.
due au vent permettant la détermination des charges
ascendantes (voir paragraphe C3.2 de la partie 1-1).
Elle est désormais définie selon les deux principes suivants : pour les tôles, il doit être tenu compte du vent
parallèle aux génératrices du bâtiment en appliquant la
majoration de rives à l’ensemble de la toiture. Pour les
fixations, c’est le vent perpendiculaire aux génératrices
du bâtiment qui devra être considéré. Quant à
l’actualisation des zones de vent, elle reprend simplement celles du dernier additif des règles NV 65. Ces
zones interviennent directement dans le choix des supports et dans le calcul des densités de fixations des tôles
et des panneaux isolants.
Dernière précision et non des moindres : le nouveau
Cahier des clauses administratives spéciales types
(CCS) intègre dorénavant une note au paragraphe 5.3
signalant que si la toiture est inaccessible,
l’intervention d’autres entreprises pendant et après la
réalisation des ouvrages d’étanchéité est interdite. Une
précaution – les étancheurs l’auront compris – purement formelle et sans doute non suivie d’effets dans la
réalité mais qui aura au moins le mérite de rappeler
qu’une toiture inaccessible n’est ni une zone de stockage, ni un plan de travail et encore moins un support
pour antennes et autres paraboles. Une évidence que
certains corps de métier ne semblent pas encore avoir
parfaitement intégrée. BC
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ACTUALITÉS >
I N N O VAT I O N
Le bardage acier
monte en gamme
C’est une innovation industrielle qui ouvre de nouvelles perspectives à l’utilisation des produits plats en
acier, notamment dans l’enveloppe du bâtiment. Avec l’arrivée des techniques d’application en continu de
particules métalliques sous atmosphère plasma, le bardage acier accède désormais à des niveaux de finition
et des qualités de surface jusqu’alors réservés à des opérations exceptionnelles.
atmosphère plasma, Arceo innove en réussissant cette
opération de façon continue. En résumé, il s’agit de
dérouler d’un côté du process la bobine d’acier carbone ou d’inox et de l’enrouler de l’autre après l’avoir
fait passer dans un sas placé sous vide grâce à de puissantes pompes de tirage. Un plasma est créé et entraîne une réaction en chaîne de projections d’atomes
et d’électrons qui ont pour conséquence soit de nettoyer radicalement la tôle, soit d’y déposer un revêtement de quelques dizaines de nanomètres à quelques
microns. Finis les bains chimiques et les émanations
gazeuses, voire les effluents qui leur sont associés.
Cette méthode, certes forte consommatrice d’énergie,
présente l’avantage de fonctionner à sec et sans déchets résiduels.
Un exemple >
spectaculaire de
traitement aux nitrures
de titane qui confère à
l’inox un aspect doré :
l’intérieur du cratère
du parc Vulcania
en Auvergne.
© Bastien Cany
Des fonctions actives pour la tôle d’acier
vec la gamme de solutions développées il y a
peu par Arceo, filiale liégeoise du groupe
ArcelorMittal, on ne verra plus la tôle acier
prélaquée du même œil. Celle-ci a en effet réalisé une
prouesse technologique et industrielle qui consiste à
appliquer sur l’acier carbone et sur l’inox des traitements particuliers et durables qui donnent, pour certains, des fonctions inédites aux produits plats.
Utilisant la technique du PVD (plasma vapor deposition), une application de particules sur acier sous
A
Cette production en continu de produits plats revêtus
par plasma sous vide est en fait une première mondiale. Cela explique sans doute la discrétion du géant
de l’acier quant aux moyens exacts mis en œuvre autour de cette performance. Les applications et la valorisation du produit plat se sont brusquement sensiblement élargies. Et les enjeux économiques semblent
considérables. Par exemple, pour l’application de traitement anticorrosion sous PVD à partir de particules
de zinc et de magnésium, l’industriel a pris la décision
d’injecter plus de 7 millions d’euros dans une
deuxième phase de développement qui sera, elle,
principalement orientée vers la clientèle automobile.
ArcelorMittal avait déjà investi 7,5 millions d’euros
dans la première phase. La création en continu d’acier
électrozingué revêtu de magnésium par plasma aura
pour résultat direct de faire baisser les coûts de production des véhicules tout en assurant une durabilité
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ACTUALITÉS >
De nouvelles applications en projet
Cette rupture technologique ouvre de nouvelles perspectives à un produit, la tôle acier prélaquée, arrivé à
maturité et dont la valorisation devenait difficile.
Cette application en continu, extrêmement fine et
précise, de particules de métaux à la base très coûteux
ouvre des terrains d’exploration intéressants pour la
construction. D’ores et déjà les traitements PVD actuels permettent de réaliser des tôles avec un puissant
< Grâce à la fabrication
en continu et aux gains
de productivité qui en
découlent, l’avenir
du Ti-Gold s’annonce
radieux.
Pour des produits arrivés
en bout de course
comme la tôle acier
prélaquée, une telle
rupture technologique
ouvre de nouvelles
perspectives.
>
accrue de la protection contre la corrosion. Il n’est pas
impossible que ces produits plats plus résistants puissent assez rapidement trouver des applications dans
le bâtiment. En particulier pour les enveloppes en milieu agressif ou en bord de mer. Il en va de même pour
les tôles revêtues de TiO2 (dioxyde de titane). Ce traitement qui, sous l’effet photocatalytique des rayons
UV, confère une meilleure nettoyabilité et des propriétés antisalissure, a déjà été commercialisé par les industriels du verre et
Il n’est pas
impossible que trouve désormais une utilisation
pour
les
tôles
employées
ces produits
en
couverture
et
en
bardage.
Pour
plats plus
ce produit appelé Duraclean,
résistants
ArcelorMittal n’abuse heureusement
puissent assez
pas du terme « autonettoyant »
rapidement
comme l’ont fait en leur temps les
trouver des
verriers. Le sidérurgiste est
applications
conscient de la nécessité d’une comdans le
binaison entre les rayons UV et un
bâtiment.
ruissellement d’eau (de pluie en
l’occurrence) pour que les salissures puissent se détacher seules de la surface.
Autre innovation qui concerne le bâtiment : les traitements aux nitrures de titane qui donnent à l’inox un
aspect doré et ce quasiment sans aucune usure.
Jusque-là cette solution était réalisée de manière
« artisanale » par Mecachim et les marchés de ce produit très coûteux se limitaient à la décoration ou à des
opérations très particulières (le cratère du volcan du
parc Vulcania en Auvergne, par exemple). Désormais,
avec la fabrication en continu et les gains de productivité qui en découlent, il est possible d’envisager un
avenir commercial plus radieux au « Ti-Gold », notamment dans la façade. Notons cependant que l’inox
ainsi traité ne pourra pas être soudé, même sur la face
non visible, car l’échauffement dénature de manière
irrémédiable l’aspect de surface. Pour le pliage, le roulage ou le perçage, il n’y a en revanche aucune contreindication.
taux de réflexion lumineuse. On parle aussi de surfaces bactériostatiques pour la réalisation de containers alimentaires et de chambres froides. Ou encore
de tôles fortement conductrices de chaleur grâce à la
projection de fines particules de cuivre. Ces derniers
éléments peuvent servir à la fabrication de toitures
complètes destinées à recevoir des serpentins de production d’eau chaude. Enfin, d’une façon plus globale
et indépendamment de l’approche « développement
durable », il s’agit ici d’optimiser (au micron près)
l’utilisation de matières premières dont les cours ne
sont pas près de baisser dans les décennies à venir. JM
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ACTUALITÉS >
ENVIRONNEMENT
Bâtiment économe
≤ 50*
A
51 à 90*
91 à 150*
Le Grenelle entre
B
dans sa phase législative
C
D
151 à 230*
231 à 330*
331 à 450*
451 à 590*
Fin avril, le ministre de l’Écologie présentait le premier projet
de loi issu du Grenelle de l’environnement. Un texte d’orientation qui
traduit en termes législatifs les grands principes et les objectifs fixés
E
en octobre dernier par le Grenelle. Pour plus de détails sur
les modalités techniques d’application et le financement de
F
ces mesures, il faudra toutefois attendre encore deux autres
textes à paraître avant l’été.
G
* exprimée en kWh d'énergie primaire par mètre carré par an
Bâtiment énergivore
d’orientation qui décline en 47 articles les conclusions
arrêtées fin octobre. Les deux autres, à venir avant
l’été, devraient quant à eux développer les modalités
techniques d’application et surtout détailler les principes du financement. Pour les valeurs de performance énergétique s’appliquant aux bâtiments, le
texte reste à peu de choses près conforme aux objectifs annoncés lors du Grenelle.
BBC obligatoire dès 2012
>
Isolation,
végétalisation...
les mesures
permettant
d’appliquer
les nouvelles
obligations feront
l’objet de deux
prochains projets
de loi.
près les ONG et les experts, c’est désormais au
tour des parlementaires de se pencher sur le
Grenelle de l’environnement. En publiant, le
30 avril, le premier projet de loi relatif à la mise en
œuvre des conclusions du Grenelle, le ministre de
l’Écologie a donné le coup d’envoi d’une phase législative qui s’annonce longue et délicate pour le gouvernement. D’ores et déjà, l’accouchement de ce texte
attendu depuis plusieurs mois s’est révélé difficile,
Jean-Louis Borloo déclarant s’être battu « pied à pied
et ligne à ligne » pour maintenir l’intégrité du projet
malgré les réticences des autres ministères. Ce projet
de loi, le premier d’une série de trois, est un texte
A
Dans le neuf, les constructions faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de
la fin 2012, quelles qu’elles soient, devront répondre à
la norme BBC (Bâtiments basse consommation) correspondant à 50 kWh/m2 par an. Pour les bâtiments
publics et tertiaires, cette disposition sera applicable
dès 2010. Quant aux logements, l’idée d’un passage
anticipé à la norme « Très haute performance énergétique » d’ici à 2010 a finalement été retirée du projet
définitif. Enfin, dès 2020, la règle sera la même pour
tous : à partir de cette date, l’ensemble des constructions neuves sera soumis aux prescriptions du référentiel « Bâtiment à énergie positive ». Pour le parc existant, l’ambition est de réduire les consommations
énergétiques d’au moins 38 % d’ici à 2020. Là encore,
l’objectif intermédiaire d’une réduction de 12 % avant
2012 a disparu du texte gouvernemental. Sur ce créneau, Jean-Louis Borloo souhaite toutefois montrer
l’exemple. La loi reprend l’obligation de réaliser un
audit énergétique sur les bâtiments de l’État et ses
établissements publics avec en ligne de mire une
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ACTUALITÉS >
© Soprasolar
diminution d’au moins 40 % des consommations
d’énergie et de 50 % des émissions de gaz à effet de
serre dans un délai de dix ans. Du côté des collectivités territoriales, le texte joue la prudence tout en les
incitant à participer à l’effort. Concernant
les HLM, l’objectif de rénover avant la fin 2020
les 800 000 logements dépassant les 230 kWh/m2 est
repris pour les ramener à moins de 150. Reste le parc
privé existant. En dehors de
quelques incitations financières, le
Pour le parc
texte n’introduit, contrairement à
existant,
l’avant-projet, aucun objectif de rél’ambition est
novation ni aucune échéance pour
de réduire les
cette catégorie de bâtiments, qu’ils
consommations
soient à vocation résidentielle ou
d’au moins
tertiaire. Quant aux mesures per38 % d’ici
mettant la mise en application de
à 2020.
ces nouvelles obligations, il faudra
encore attendre la publication des
prochains projets de loi pour en découvrir la teneur.
Seules pistes pour le moment : les recommandations
publiées en début d’année 2008 par les Comités opérationnels du Grenelle (voir encadré). Idem pour les
financements évacués du premier texte et renvoyés au
deuxième projet de loi. Sur ce point, les données sont
encore vagues. Et sans avancer de chiffrage global, le
ministre s’est contenté d’annoncer que les investissements seraient financés par les économies qu’ils permettront de réaliser. BC
B Â T I M E N T S N E U F S : S I X A X E S D E T R AVA I L
En mars 2008, le Comop n° 1 publiait un rapport d’une quarantaine de pages
présentant notamment six axes de travail pour la mise en application
des objectifs du Grenelle dans les bâtiments neufs publics et privés.
> 1. Mise en place immédiate de labels réglementaires certifiés (Bâtiments
basse consommation BBC, Bâtiment à énergie positive Bepos, Haute qualité
environnementale et énergétique HQEE). Ces labels définis par arrêté, délivrés
dans le cadre de certifications privées, ont vocation à préfigurer et diffuser
les pratiques devant servir de base aux futures exigences réglementaires.
> 2. Réserver de puissantes incitations fiscales et financières aux constructions
de la génération 2012 de bâtiments afin qu’elles s’imposent sur le marché.
Il importe que des opérations se réalisent très rapidement avec ces objectifs
de consommation afin que les filières se mettent en place.
> 3. Adaptation des règles d’urbanisme afin d’éliminer les freins à la
construction de bâtiments performants. À noter que le rapport contient une
proposition de modification de l’article L 111-X du code de l’urbanisme en
précisant qu’« aucune autorisation d’urbanisme ne pourra interdire l’installation
des systèmes solaires, (…) les toitures végétalisées ou retenant les eaux
pluviales, sauf délibération spécifique du Conseil municipal. » Le Comop propose
également d’intensifier le dialogue à tous les niveaux avec les communes
et les services départementaux de l’architecture et du patrimoine pour basculer
vers une situation où les Architectes des bâtiments de France intégreraient
les critères environnementaux.
> 4. Organisation d’un programme de recherche et d’innovation à vocation
préopérationnelle. Une des mesures suggérées vise à faciliter l’innovation,
avec la création d’un « Pass innovation » qui rappelle l’Atex actuel, et le passage
à l’Avis technique (reconnaissance d’agréments techniques étrangers et mise en
place d’un système d’avance de trésorerie remboursable). Il est également prévu
une action auprès des assureurs pour faire de leur offre un vecteur de promotion
et d’innovation. Le comité souligne que bien souvent les produits innovants sont
démontables et ne devraient donc induire que des surprimes d’assurance
minimes.
> 5. Adaptation de l’appareil de production et garantie des résultats. Le Comop
recommande une rénovation complète des règles de conception et des règles de
l’art structurée autour d’un programme FFB/Capeb/AQC/CSTB. Il est également
proposé d’aller vers des certifications d’acteurs (maîtres d’œuvre, entreprises).
> 6. Maintien de la qualité de l’air intérieur. Il est capital que la maîtrise de
>
À partir de la fin 2012, les constructions neuves devront répondre
à la norme BBC (50 kWh/m2 par an).
l’énergie ne se traduise pas par une détérioration de la qualité de l’air intérieur,
d’où :
- des actions sur la santé,
- une proposition de l’interdiction dès 2008 des substances CMR 1 et 2 dans
les produits de construction et de décoration et la mise en place de l’étiquetage
des composés organiques volatils,
- un étiquetage sanitaire et environnemental obligatoire de tous les produits
dès 2012, et dès 2010 pour les produits en contact direct avec l’air intérieur.
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DOSSIER >
MARCHÉ
Les citadins à l’assaut
des terrasses
Un jardin en plein ciel :
le rêve de millions d’urbains
en manque de verdure.
Le moindre mètre carré de
béton à l’air libre se négocie
désormais à prix d’or.
Du coup, certains n’hésitent
plus à coloniser des terrasses
jusque-là inaccessibles.
© DR
ardiniers, pépiniéristes et
paysagistes se frottent les
mains. Les citadins rêvent de
jardins. Et pour réaliser ce rêve, ils
sont prêts à payer le prix fort. Le
marché explose. Entre 1990 et
2000, les ventes de végétaux à
destination des terrasses ont
augmenté de 52 %, la plus forte
progression sur le créneau des
plantes extérieures. Si bien
qu’aujourd’hui, elles représentent
J
pas moins de 30 % des ventes du
secteur. Depuis, leur part de marché gagne chaque année environ
0,5 point. Et ce ne sont pas les
géraniums qui en profitent. Le traditionnel bac à fleurs pendu aux
rebords des fenêtres ne suffit plus
à contenter ces nouvelles aspirations horticoles. Désormais, le
comble du végétal en appartement ressemble plus à une terrasse « babylonienne » façon jardin
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DOSSIER >
© DR
<
© DR
<
La terrasse en ville, symbole de luxe : les promoteurs l’ont bien compris et la plupart
des constructions neuves intègrent désormais quelques mètres carrés de béton à aménager
sur l’extérieur, même pour les plus petites surfaces.
<
suspendu. Les images de ces édens
urbains ont envahi les magazines
de décoration. Plus que jamais, la
terrasse en ville s’impose comme
symbole de luxe. Les professionnels de l’immobilier l’ont bien
compris. Dans le neuf, rares sont
les programmes à ne pas systématiquement
prévoir
quelques
mètres carrés de béton à aménager sur l’extérieur, même pour les
plus petites surfaces. Plus significatif encore : en quelques années,
pas moins de quatre agences se
sont spécialisées sur le filon. Créée
il y a neuf ans par Benoît-Henri
Vitu, Terrasses et Jardins a été la
première à se positionner sur ce
créneau à Paris. Quelques années
plus tard, deux de ses anciens col-
Végétaux,
jardinières ou encore
mobilier : il existe
aujourd’hui un
véritable marché
pour la décoration
et l’aménagement
des terrasses.
Et pour leur petit
coin de verdure,
les propriétaires
sont prêts à payer
le prix fort.
lègues faisaient le même pari en
lançant leur propre agence,
Terrasses en vue. Il faut dire que le
marché est plutôt lucratif. L’accès
au ciel reste un privilège rare,
convoité et donc forcément coûteux. À peine 3 % des appartements parisiens disposent d’une
terrasse digne de ce nom.
Résultat : dans la capitale, ce type
de biens se vend, selon la vue,
entre 20 et 35 % plus cher.
Difficile dans ces conditions de
contenter tout le monde. Du coup,
face à l’envolée des prix de
l’immobilier, de nombreux particuliers ont commencé à porter un
regard différent sur leur toiture.
De nouvelles convoitises
Ce qui n’était jusque-là qu’une
simple surface gravillonnée passe
désormais pour une véritable
mine d’or. Et suscite de nouvelles
ambitions. Quitte à percer un mur
ou une trémie, certains n’hésitent
plus à coloniser des toitures-terrasses jusque-là inaccessibles.
Entre 2000 et 2004, la Direction
de l’urbanisme de Paris a reçu
655 dossiers d’aménagement de
terrasses de particuliers, 35 % de
plus qu’au cours des cinq dernières années. Des chiffres auxquels il faut encore ajouter les
opérations qui ne nécessitent pas
de permis de construire. Selon
l’Atelier parisien d’urbanisme
(Apur), la capitale compterait plus
de 3 millions de mètres carrés de
toitures-terrasses inaccessibles,
potentiellement aménageables. En
tête des arrondissements les plus
prometteurs : le XVe (plus de
450 000 m2), le XVIe (400 000 m2),
le XXe (390 000 m2), le XIIIe
(270000 m2) et le XIVe (250000 m2).
Au plan juridique, les choses apparaissent relativement claires.
Qu’elles soient accessibles ou non,
les toitures-terrasses sont de
toutes façons comprises dans la
surface hors œuvre brut (SHOB)
d’un bâtiment et restent, dans les
deux cas, exclues des calculs de
surfaces nettes (SHON).
La plupart du temps, les travaux
d’aménagement ne nécessitent
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Les citadins ne se contentent plus du traditionnel géranium.
Ils se lancent dans de véritables plantations et n’hésitent pas à installer
arbustes, cyprès et même, dernière tendance, palmiers et oliviers.
Modularité, atouts esthétiques…
ce type de protection a largement
profité du nouvel engouement
pour la terrasse privative, aussi
bien dans le neuf que pour les
opérations importantes de rénovation. Il y a toutefois un revers à la
médaille. Face à leur terrasse si
chèrement acquise, les propriétaires ont désormais bien
l’intention d’en profiter, au risque
souvent d’en faire trop. Assimilés à
une pièce à vivre, ces salons à ciel
ouvert sont très souvent surexploités avec parfois à la clé quelques
mauvaises surprises. L’inoffensif
pot de géraniums laisse aujourd’hui la place à des jardinières toujours plus imposantes. Avec leurs
envies de déjeuners sous la canopée et leur nouvelle passion pour
le jardinage, les citadins ne se
contentent plus de quelques
rosiers. Ils se lancent dans de véritables plantations. Tout y passe,
cyprès, arbustes à fleurs et même,
plus récemment, palmiers et oliviers. Conséquence : le poids des
bacs explose. Avec des dimensions
de 100 x 40 x 40 cm, une jardinière
en terre cuite peut frôler les
300 kg ! Or, les particuliers sont
rarement informés des limites
d’utilisation de leur terrasse, ni
des règles d’entretien à respecter
alors que la présence de végétaux
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 18 · JUIN 2008
© DR
Des terrasses surexploitées
suppose quelques précautions
supplémentaires. Face à ce
constat, la CSFE éditait en 2006
une notice de bonnes pratiques à
l’attention des propriétaires*. Une
série de douze recommandations
qui fixe notamment un poids
acceptable pour les jardinières
posées sur dalles sur plots : pas
plus de 90 kg. Au final, l’objectif
vise moins à prévenir d’éventuels
désordres qu’à éviter de petites
nuisances – dalles cassées, mauvaises odeurs – qui pourraient
gâcher ce mini coin de paradis
urbain. Syndics de copropriétés,
étancheurs et paysagistes sont
bien sûr en première ligne pour
diffuser ce document. Mais depuis
peu, un nouvel acteur pourrait
également
faire
passer
le
message : les jardineries qui ont
désormais leur place au cœur des
villes. BC
Les dalles sur plots
se sont imposées
comme un standard
dans l’équipement
des terrasses
accessibles. Pour
éviter à leurs
propriétaires
quelques nuisances,
la CSFE a édité
en 2006 un guide
de bonnes pratiques
d’utilisation
et d’entretien.
<
30 ·
de partie commune. Au plan technique, outre la mise en place de
garde-corps adaptés, ce genre de
transformation implique pour
l’étancheur de privilégier des
revêtements sur plots (platelages
ou
dalles
préfabriquées).
Contrairement aux revêtements
posés à sec ou sur mortier, ils
offrent l’avantage de pouvoir être
implantés sur des supports à pente
nulle.
<
donc qu’une déclaration préalable
(modification de l’aspect extérieur) auprès des services de
l’urbanisme. Le reste est souvent
affaire de négociation avec les
syndicats de copropriétaires. Car
avant de profiter des joies de la
botanique, ceux qui lorgnent sur
leur toiture devront d’abord obtenir un précieux sésame : le droit
de jouissance exclusive. Il est perpétuel et ne peut être accordé qu’à
la majorité des deux tiers des voix.
Dans les discussions, trois
points d’accord sont inévitables.
Premièrement : le partage des responsabilités entre le syndic et le
titulaire quant à l’entretien et aux
réparations nécessaires ultérieurement sur l’étanchéité d’une part
et, d’autre part, sur la protection
circulable.
Deuxièmement : l’imputation du
coût de l’enlèvement et des réinstallations de la
protection en cas
Assimilés
de réfection du
à une pièce
c o m p l e x e
à vivre, ces
(en principe le
salons à ciel
copropriétaire).
ouvert sont
Enfin, troisièmetrès souvent
ment, les limitasurexploités
tions d’usage de
avec parfois à
la terrasse, qu’il
la clé quelques
s’agisse du poids
mauvaises
et de la nature
surprises.
des
aménagements ou des
interdictions éventuelles visant à
préserver l’aspect extérieur de
l’immeuble. Seulement voilà, on
n’attrape pas les mouches avec du
vinaigre. Et les plus malins savent
trouver
des
compensations.
Généralement, la stratégie la plus
efficace consiste à prendre en
charge l’intégralité des travaux.
Y compris ceux qui touchent à
l’étanchéité, même si la toitureterrasse ne perd pas son caractère
© DR
DOSSIER >
* www.etancheite.com,
rubrique Publications
EI18_P34-35:EI10_version
26/05/08
15:45
Page 34
© Pyc
© Pyc
R É A L I S AT I O N >
Repris il y a quatre ans par un nouveau gestionnaire, le toit de l’Arche de
La Défense espère concurrencer les autres grands belvédères parisiens en
franchissant la barre des 200 000 visiteurs.
RÉFECTION
L’Arche soigne son point de vue
Depuis janvier 2008, l’Arche de La Défense est engagée dans une vaste opération de réfection de sa toiture.
Des travaux d’étanchéité qui interviennent quatre ans après l’arrivée d’un nouveau gestionnaire et une série
de travaux d’aménagement. L’objectif : doper une fréquentation touristique qui n’a jamais réellement décollé.
C’
est sans doute l’un des plus beaux panoramas
de la capitale. À 110 mètres au-dessus du sol,
posé au milieu des tours du quartier de
La Défense, le toit de la Grande Arche offre une perspective unique sur l’axe historique de Paris avec en point
de mire la place de l’Étoile et le musée du Louvre. Rien
ne manque pour la photo souvenir. Si ce n’est les appareils photo eux-mêmes. Car avec un peu plus de
200 000 visiteurs par an, les chiffres de fréquentation ne
sont pas à la hauteur des grands belvédères de la capitale – 600 000 entrées annuelles pour la tour
Montparnasse – et restent loin derrière les records enregistrés par l’Arc de triomphe avec 1,3 million de visiteurs en 2007. Promis à un avenir prestigieux par
François Mitterrand qui avait en 1989 confié son exploitation à la fondation de l’Arche de la fraternité afin d’y
organiser des manifestations sur les Droits de l’homme,
le 35e et dernier étage de l’édifice n’a jamais trouvé sa
vocation culturelle et populaire. Au point que la société
en charge de sa gestion a dû jeter l’éponge en 2003.
Trop de charges, pas assez de visiteurs. Repris il y a
quatre ans par Stéphane Cherki, copropriétaire du
théâtre Bobino et dirigeant de la société Tir groupé, le
34 ·
toit de la Grande Arche tente depuis de reconquérir les
touristes : réaménagement des salles d’exposition, installation d’un musée de l’informatique, ouverture d’un
nouveau restaurant et travaux de rénovation... À commencer par le belvédère et son étanchéité qui commençait, vingt ans après sa mise en œuvre, à montrer des
signes de faiblesse.
Déconstruire sans casser
Cette surface d’à peine 2 200 m2 se présente en réalité
comme une succession d’escaliers. Ils sont huit au total, répartis en cinq zones donnant accès au chemin
de ronde longeant la face est de la toiture. Soit environ 2 000 marches et autant de contremarches recouvertes par des plaques de granit scellées au mortier.
LES INTERVENANTS
Maîtrise d’ouvrage : Ministère de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement
durable
Maîtrise d’œuvre : PMC Ingénierie
Étanchéité : Etancheco
Produits d’étanchéité : Axter / Soprema
ÉTANCHÉITÉ.INFO · NUMÉRO 18 · JUIN 2008
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Date butoir: été 2008
Pour la nouvelle étanchéité, l’entreprise a joué la carte
de la sécurité en optant pour un système bicouche avec
une autoprotection en aluminium. Quant à la remise en
place des dalles de circulation, elle a été réalisée conformément au DTU 43.1 avec la pose d’un enduit de mortier armé d’un grillage de type « cage à poules ». Seule
variante à ce système : l’étanchéité des supports de
rampe, assurée à la fois par des chevilles chimiques et
l’application d’une résine semi-liquide adaptée. Débuté
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1- Tout l’enjeu du chantier consiste à desceller et réutiliser les pierres d’habillage en limitant
les dégâts.
2- Les 2 200 m
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de toiture se répartissent en 2 000 marches qui seront étanchées avec un complexe
adhérent.
3- Système bicouche et autoprotection en aluminium : l’étancheur a joué la sécurité.
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© Pyc
Ici, pas question de tout casser pour recommencer. Pour
Etancheco, en charge des travaux, l’enjeu du chantier va
donc consister à desceller et réutiliser les pierres
d’habillage en place avec un minimum de dégâts. Un jeu
de déconstruction et de reconstruction où le droit à
l’erreur est limité. « Nous avons dû mettre au point une
technique de dépose qui permette non seulement de préserver les dalles mais aussi et surtout de répondre aux
conditions du marché qui tolérait seulement 15 % de
casse », explique Érick Gouin, directeur commercial de
l’entreprise. Plus contraignante encore, la gestion des relevés d’étanchéité protégés par des coques en béton : « Il
était économiquement impossible de reproduire ces éléments de finition. Nous n’avions pas le choix, nous devions
les conserver en l’état. » À l’arrivée, le bilan reste acceptable, à l’exception des contremarches. Moins épaisses
et donc plus fragiles, elles n’ont pas résisté à l’opération.
« Finalement, cette obligation de réemploi ne présentait
pas que des inconvénients. Elle nous a aussi permis de limiter la manipulation des matériaux, ce qui représentait
un atout non négligeable vu la configuration de la toiture. » Car sur le toit, rien n’a été conçu pour faciliter
l’organisation d’un chantier. Et encore moins son approvisionnement et son évacuation. Pour descendre les
400 tonnes de gravats, les équipes doivent traverser les
salles d’exposition jusqu’à un monte-marche exigu où se
concentre la totalité des flux entrants et sortants du bâtiment. Des contraintes auxquelles sont venus s’ajouter
les aléas immuables d’un chantier de grande hauteur
sur un espace ouvert au public et dont le propriétaire
n’est autre que l’État, à travers le ministère de l’Écologie.
« Outre la prise en charge d’un agent de sécurité avant
l’ouverture du site, il nous était demandé de limiter les
poussières et le bruit durant les périodes d’affluence sur la
toiture. » D’où un phasage forcément précis des travaux
segmentés en cinq zones avec, tour à tour, des étapes de
dépose et de nettoyage des dalles, de démolition des
mortiers et enfin d’arrachage de l’ancien revêtement
tout en conservant le hors-d’eau.
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© Pyc
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R É A L I S AT I O N >
en janvier, le chantier devra nécessairement s’achever
en juin avec le début de la saison touristique estivale. Il
faut dire que la société d’exploitation du toit de la
Grande Arche compte bien dépasser cette année la barre
des 300 000 visiteurs, notamment grâce à l’arrivée du
musée de l’informatique. Et pour doper la fréquentation
du site, son directeur Francis Bouvier ne manque pas
d’idées. Parmi les plus ambitieuses, celle de transformer
l’héliport, qui n’a jamais fonctionné, en restaurant panoramique d’été. BASTIEN CANY
4- La remise en
place des dalles
est effectuée
conformément
au DTU 43.1 avec
la mise en œuvre
d’un mortier armé
d’un grillage.
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T ÉAMCOTIUNA>L I T É S >
ALAIN DECORNIQUET
Vision d’expert
sur l’étanchéité
>
Responsable du pôle étanchéité et couverture au sein de la direction technique
de Saretec, Alain Decorniquet nous livre sa vision d’expert sur les grands
dossiers de la profession.
« On constate bien
souvent que
le sinistre ou
le désordre est
la conséquence
d’un manque de
réflexion préalable,
soit au niveau
du déroulement
du chantier,
soit au niveau
des techniques
proposées. »
Étanchéité.Info: Du point de vue de l’expert, quelle a été
l’évolution la plus marquante des vingt dernières années
dans le domaine de l’étanchéité ?
Alain Decorniquet: À mon sens, elle concerne les produits
eux-mêmes. Depuis la disparition des bitumes oxydés et
l’avènement des membranes à base de bitume élastomère, nous ne constatons plus réellement de problèmes
imputables à une défaillance des matériaux
d’étanchéité. Les derniers grands sinistres de nature sérielle qui impliquaient les panneaux isolants en polyuréthanne ont été définitivement réglés. Désormais, on
peut considérer que l’étanchéité met en œuvre des matériaux performants et fiables.
É.I : Ces dernières années, les DTU ont introduit de nouvelles dispositions visant à améliorer encore la fiabilité
des systèmes. Quelle a été, selon vous, la mesure la plus
efficace ?
AD: On ne dispose pas encore d’un recul suffisant pour
juger concrètement l’efficacité des dernières innovations normatives. Toutefois, je citerai à titre d’exemple
l’obligation d’utiliser des fixations dites « solides au pas »
sur les toitures acier, obligation qui constitue à mon sens
l’une des nouveautés les plus profitables du point de vue
de la fiabilité. La perforation de l’étanchéité par les têtes
de vis des fixations était en effet jusque-là une pathologie plutôt fréquente.
É.I: Selon une enquête de l’AQC, 23 % des désordres sur les
relevés d’étanchéité seraient liés à une adhérence insuffisante du revêtement et 50 % à une défaillance des protections en tête. Le récent amendement au DTU 20.12 exige
désormais que les bandes de solin et les becquets préfabriqués fassent l’objet d’un Avis technique. Quel regard portez-vous sur ces dispositifs ?
AD: Sur le terrain, on constate finalement que si les
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bandes de solin métalliques mériteraient bien souvent
plus d’attention, ce ne sont pas elles qui posent à
l’arrivée le plus de problèmes. Dans ce domaine des protections en tête, les pathologies les plus importantes ont
été observées avec des becquets béton préfabriqués.
Récemment encore, j’ai été amené à constater des infiltrations généralisées avec plus d’une centaine de fuites
sur plusieurs milliers de mètres carrés de toiture-terrasse d’un même bâtiment. L’investigation a directement
mis en cause les becquets qui n’ont pas joué leur rôle en
laissant l’eau s’infiltrer jusqu’aux relevés. Je ne doute
pas que l’arrivée d’Avis techniques sur ces produits permette désormais de disposer de garanties quant à leur
fiabilité. Mais encore faut-il ensuite que la qualité
d’exécution soit à la hauteur.
É.I: Peut-on aujourd’hui considérer que la réduction des
désordres passe prioritairement par l’amélioration de la
qualité des supports ?
AD: C’est en partie vrai, notamment pour les relevés
d’étanchéité. Et c’est la raison pour laquelle le dernier
amendement au DTU 20.12 introduit des dispositions
strictes en termes de conception de gros œuvre, avec
l’obligation de recourir uniquement au béton pour la
réalisation des reliefs, acrotères, costières et souches. En
revanche, en partie courante, l’état du support ne représente pas toujours le même enjeu. La faible adhérence
d’un pare-vapeur sur une terrasse inaccessible ne sera
pas considérée comme une anomalie fondamentale.
À l’inverse, la mauvaise préparation du support ou un
séchage insuffisant peuvent avoir des conséquences très
graves pour les étanchéités directement circulables, sur
les parkings notamment, surtout pour les systèmes
adhérents. De même, le développement récent de techniques d’étanchéité liquide demande d’après nous une
exigence particulière quant à la qualité du support afin
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de garantir la meilleure adhérence possible du revêtement. D’une manière générale, dès que l’on travaille
avec une étanchéité adhérente ou semi-adhérente, le
support doit être adapté : pas trop lisse, pas de laitance,
pas d’hydrocarbures, pas de produits de cure… Tous ces
produits devront être éliminés avant la mise en œuvre.
É.I: La réception du support représente donc une étape critique pour l’étancheur. Pourtant, il est souvent placé devant le fait accompli et on peut s’interroger sur sa capacité
à influer sur le travail du gros œuvre. Quelle attitude doitil adopter ?
AD: Si l’étancheur estime que l’état du support est tel
qu’il générera forcément des complications, il est de son
devoir d’exiger une mise en conformité. Pour ce faire, il
doit informer l’entreprise de gros œuvre, mais aussi le
maître d’œuvre et le contrôleur technique : il existe en
effet une chaîne contractuelle sur un chantier qui doit
être respectée et que les experts exploitent ensuite pour
imputer les responsabilités lors d’un sinistre. Dans le
cadre de sa mission de suivi d’exécution, le maître
d’œuvre assume une obligation de moyens et de résultats. S’il a connaissance d’un problème, c’est à lui de
prendre les mesures nécessaires pour le régler sans se
défausser sur les entreprises. Il revient au maître
d’œuvre d’imposer la bonne réalisation d’un ouvrage ou
d’exiger le respect d’une norme en s’appuyant notamment sur le contrôleur technique dont la mission est de
rappeler le contexte réglementaire. Ce n’est pas à
l’étancheur d’exercer ce pouvoir coercitif, mais il doit informer la direction de chantier des difficultés qu’il rencontre dans l’exécution de ses travaux.
É.I: L’obligation d’entretien des toitures-terrasses étanchées
figure dans les DTU. Et pourtant, le non-respect de ces exigences ne semble pas être réellement pris en compte
lorsque des désordres ou des sinistres surviennent…
AD : En réalité, la non-garantie du fait d’un défaut
d’entretien avéré est assez souvent invoquée même si ce
n’est effectivement pas toujours suffisant. À la lumière
de certains dossiers d’expertise, notamment sur des problèmes d’effondrement de toitures industrielles, on
constate que les obligations du maître d’ouvrage sont
généralement examinées avec un œil relativement tolérant à la fois par les experts judiciaires et par les juges. Il
faut vraiment être en présence d’ouvrages exempts de
tout vice pour imaginer que la responsabilité des entreprises soit totalement dégagée. La moindre non-conformité va prêter à interprétation, notamment par les avocats, pour stigmatiser la responsabilité du constructeur.
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É.I: L’étanchéité est l’un des ouvrages les plus exposés durant les travaux. Quelles précautions peut prendre
l’étancheur pour prévenir les dégradations occasionnées
par d’autres corps d’état lors du chantier ?
AD: Pour l’entreprise d’étanchéité, la difficulté repose
sur le fait qu’elle arrive relativement tôt dans la
construction, à la fin du gros œuvre et au moment où le
second œuvre se met en route pour intervenir de façon
parfois assez lourde sur les terrasses. On entre ici dans
des débats complexes parce que l’étancheur n’est pas en
mesure d’assurer une veille permanente de ses ouvrages, de même qu’il ne peut en interdire complètement l’accès. Et pourtant, en termes de responsabilité,
tant que la toiture-terrasse n’est pas réceptionnée, c’est
l’entreprise qui reste gardienne de son ouvrage. Dans le
laps de temps qui sépare l’achèvement des travaux et
leur réception, l’ouvrage n’est pas couvert par
l’assurance décennale et l’étancheur devra prendre à sa
charge le coût d’éventuelles réparations. Dans le cas où
d’autres corps de métier occasionneraient des dégradations, les actions à suivre seraient engagées sur le fondement de la responsabilité civile. Et le mode de fonctionnement de ce type de responsabilités implique que
l’étancheur apporte la preuve qu’un tiers est à l’origine
des dommages sur l’ouvrage.
Il est envisageable, c’est d’ailleurs prévu par les textes,
de réaliser des mises en eau et de les faire constater par
le maître d’œuvre avant même la réception. Là encore,
l’étancheur doit savoir apprécier les risques à venir. S’ils
sont importants, mieux vaut prévenir que guérir et en-
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>
Par ailleurs, il importe de ne pas oublier que dans le
domaine de l’expertise, ces derniers sont présumés
responsables. Si un ouvrage s’effondre, c’est à eux
d’apporter la preuve du défaut d’entretien. Il est donc
important que l’étancheur ait une action directe à destination du maître d’ouvrage en proposant systématiquement un contrat d’entretien et en lui détaillant les
risques auxquels il s’expose en cas de défaut de maintenance. Cette démarche existe déjà pour les bâtiments
neufs avec le Dossier d’intervention ultérieure sur
l’ouvrage (DIUO) mais il n’est pas forcément suffisant. Il
est également essentiel que l’étancheur apporte un peu
de valeur ajoutée à l’entretien en allant au-delà du DTU
et en adaptant son offre en fonction du contexte, du
type de revêtement et de la localisation de la toiture.
Apporter la preuve que vous avez bel et bien exercé
votre devoir de conseil sera déjà un élément important
à faire valoir en cas de sinistre même si cela ne vous dégage pas de la présomption de responsabilité.
© Pyc
TÉMOIN >
Lorsque
les risques de
coactivités sont
importants, il est
toujours possible
de réaliser une mise
en eau de l’ouvrage
et de la faire
constater par
la maîtrise d’œuvre.
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gager une discussion avec les acteurs du chantier sur la
méthodologie à adopter. J’ai en tête un exemple de terrasses techniques où l’étanchéité a dû être refaite trois
fois en cours de chantier. Et ce aux frais de l’étancheur !
Avec un peu de réflexion, ce genre de mésaventures doit
normalement pouvoir être évité, par exemple en phasant différemment les travaux, voire en changeant de
technique (toiture inversée par exemple). On se trouve
typiquement dans la situation où il n’y a aucun dialogue
avec la maîtrise d’œuvre. Dans un certain nombre de
dossiers, on constate bien souvent que le sinistre ou le
désordre est la conséquence d’un manque de réflexion
préalable, soit au niveau du déroulement du chantier,
soit au niveau des techniques proposées.
É.I: Est-ce que les désordres que vous avez été amené à expertiser durant ces six dernières années auraient pu être
aisément évités ?
AD: Dans neuf cas sur dix, je dirais oui ! Depuis que
j’exerce ce métier, à l’exception de quelques rares opérations, je n’ai jamais été confronté à un problème
d’expertise réellement compliqué. La plupart du temps,
l’expérience montre qu’il aurait suffi de lire et
d’appliquer les documents techniques, et surtout
d’informer les équipes ou les sous-traitants qui exécutent le travail sur le chantier. La non-qualité dans le bâtiment en général et dans l’étanchéité en particulier est
une source de manque à gagner et de pertes importantes. Or, bien souvent, on constate que son origine réside dans un manque d’information sur le terrain et de
formation du personnel. Il me semble primordial de redonner le goût du chantier et du contact à
l’encadrement : il s’agit de la richesse même de ces métiers du bâtiment. Nous avons tout à y gagner car la qualité des travaux dépend directement de celle des
échanges humains.
PROPOS RECUEILLIS PAR BASTIEN CANY
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