40 R É ALISATI ON m A r se Ille É TAN C HÉ I T É . I N FO #3 5 S E PT EMB RE 2 012 Cité radieuse : la coque du gymnase de nouveau étanche Soixante ans après sa construction, la toiture du gymnase imaginé par Le Corbusier bénéficie enfin de sa première grande opération de rénovation. Cinq mois de travaux ont été nécessaires pour redonner à l’ouvrage une étanchéité et surtout une protection durables. bASTIeN CANy C ’est la dernière étape d’un chantier engagé il y a près de trois ans. Après la piste d’athlétisme, le dallage en béton et le solarium, c’est au tour du gymnase de la Cité de radieuse de bénéficier d’une réfection complète de son étanchéité. Ouvrage emblématique du toit-terrasse imaginé par le Corbusier, le bâtiment était victime depuis sa construction de fuites à répétition. Baptisé « Le Forum » par les premiers occupants de l’Unité d’habitation marseillaise, le lieu a été privatisé dès les années 1950 perdant ainsi son rôle social. Entièrement réalisé en béton, l’édifice est conforme au style très sculptural de l’architecte. Son dôme, en forme de coque de bateau renversée, est l’une des nombreuses métaphores navales de cette toiture inspirée de l’esthétique des paquebots. Côté gros-œuvre, la conception des parois reprend un principe de toiture froide ventilée sans isolation. La structure porteuse est constituée d’une série de poteaux courbes reprenant un voile en béton armé (8 cm d’épaisseur) support de l’étanchéité. Au centre, l’intracoque entre chaque poteau est ventilée naturellement à l’aide d’une centaine de boîtes en acier formant en partie basse autant d’entrées d’air. Ce réseau débouche sur un conduit de ventilation installé au sommet de l’ouvrage et dessiné à la manière d’une carène de navire. SySTème de mAINTIeN À l’extérieur, la protection de l’étanchéité est assurée par une chape en béton de 5 cm d’épaisseur. Un ouvrage en apparence plutôt classique mais qui va en réalité compliquer les travaux de rénovation. « à l’origine, la chape était posée en indépendance directement sur le complexe d’étanchéité existant », explique Serge Hugon, responsable de l’agence SNA de la Ciotat en charge de l’opération. Pour la réfection, la maîtrise d’œuvre souhaitait intégrer un système de maintien de la nouvelle protection ». Première idée envisagée : intégrer dans la structure porteuse des crochets en acier inoxydable soutenant un réseau de filants métalliques. Celle-ci a toutefois été rapidement abandonnée, faute de données suffisantes sur la résistance d’un tel système. La solution ? Elle est venue d’un procédé dont l’emploi est pour le moins inédit sur un monument historique : des rails supports de modules photovoltaïques rigides. Développé par Siplast-Icopal, le dispositif (Icosun T-Fix) a été conçu dès l’origine pour s’insérer dans un complexe d’étanchéité. « Ce système est normalement constitué de deux rails, mâle et femelle, destinés à s’emboîter. Pour le gymnase, nous n’avons utilisé que la partie mâle à la manière d’une platine de fixation », comme l’explique Alain Blotière, directeur technique du fabricant, dans une note de calcul réalisée pour l’opération. Conditionnés en longueur de 2,4 m sur 250 mm de largeur, ces profils réalisés en matériaux de synthèse ont été recoupés en petits éléments de 300 mm × 250 mm. Les parties saillantes, également redimensionnées, sont percées de façon à recevoir des fers filants en acier de 8 mm de diamètre. LeS INTeRveNANTS maîtrise d’ouvrage Syndicat des copropriétaires Unité d’habitation Le Corbusier maîtrise d’œuvre Sud / Sud - Est Architectures, François Bottom Étanchéité SNA - agence de La Ciotat LeS pROduITS Étanchéité Paradiene 35 S R4 (Siplast-Icopal) TROIS LIgNeS d’ACCROChAge Plus de 130 platines vont ainsi être façonnées et fixées dans le voile porteur à travers la première couche de la nouvelle étanchéité. Installées tous les mètres, elles forment, sur chaque pan de la coque, trois lignes d’accrochage : deux situées sur les parties basses verticales et une fixée en partie haute, à un mètre sous le pied de la crête. Autre précaution souhaitée par la maîtrise d’œuvre : l’épaisseur de la nouvelle protection devait être identique au complexe d’origine afin d’éviter toutes sollicitations supplémentaires de la structure. « Il était prévu en amont le recours à un treillis soudé, note le responsable de l’agence SNA. Compte-tenu de la faible épaisseur de la chape, comprise entre 3 et 5 cm, nous avons finalement opté pour deux treillis grillagés servant d’armature au béton fibré appliqué en trois couches ». Côté étanchéité, l’entreprise a également fait le choix de la sécurité avec un système bicouche renforcée composé de deux membranes en bitume élastomère SBS, d’une épaisseur de 3,5 mm chacune (voir encadré). Soudée en plein sur l’ancien revêtement bitumineux, la première couche est fixée mécaniquement tous les 1,5 m. Les lés de la deuxième couche viennent recouvrir la platine jusqu’à la partie saillante. À ce niveau également, l’entreprise 01 Dessinés à la manière d’une coque de bateau renversé, le gymnase et sa toiture n’avaient jusqu’à présent fait l’objet d’aucune rénovation d’envergure. 02 La réfection de l’étanchéité impliquait de fait la destruction de la protection en béton. Compte-tenu des pentes de l’ouvrage, la maîtrise d’œuvre a souhaité intégrer dans le nouveau complexe un système de maintien de la chape. 03 Précaution maximale : la nouvellle étanchéité bicouche est composée de deux membranes soudées de 3,5 mm d’épaisseur chacune. ÉTANC HÉITÉ. INF O # 35 SEP T EM BRE 2 01 2 m Ar s e Il l e RÉ A LISAT ION © Ph. Besacier - SNA © Pyc © Pyc 01 02 03 41 42 R É ALISATI ON m A r se Ille É TAN C HÉ I T É . I N FO #3 5 S E PT EMB RE 2 012 © Pyc 04 © Pyc © Ph. Besacier - SNA 05 06 04 Récemment rachetés par le designer français Ora-Ito, les espaces intérieurs du gymnase devraient être transformés en galerie d’art contemporain. a joué la carte de la prudence en rapportant un renfort d’étanchéité. Chaque point singulier a ainsi été traité à l’aide d’une résine bitume-polyuréthane mise en œuvre à froid. 05 Pas moins de cent cinq boîtes en acier, jouant le rôle d’entrées d’air pour la ventilation de l’intracoque, ont été démontées et remises en état. Quinze d’entre elles ont été remplacées par des fabrications neuves. 06 Deux treillis grillagés forment l’armature de la nouvelle protection en béton fibré appliquée en trois couches. des rails transformés en platines Le redimensionnement des rails a fait l’objet d’une note de calcul afin de prendre en compte les efforts soumis sur les platines. Chaque élément supporte une surface de protection béton de 3 m2 soit un effort de 500 kg. La longueur de la partie saillante a été calculée de sorte que la contrainte de cisaillement dans la section la plus faible soit inférieure à la contrainte admissible par le matériau (25 MPa). Le résultat est une longueur de 110 mm avec un coefficient de sécurité de 2. Cotes en mm b O î T e S m É TA L L I q u e S Autre étape délicate du chantier : la remise en état des entrées d’air qui ceinturent le bâtiment. Cent cinq boîtes métalliques ont été démontées et redressées en atelier. Quinze d’entre elles, trop endommagées, ont dû être remplacées par des fabrications neuves réalisées sous le contrôle de l’architecte des monuments historiques. Seul élément ajouté : une platine soudée qui a permis d’assurer la continuité de l’étanchéité entre les boîtes et les membranes de la partie courante. L’ensemble a ensuite été remonté et scellé dans la protection. Là encore, l’étancheur a souhaité ne prendre aucun risque. « Nous avons considéré que les entrées d’air pouvaient représenter des points de faiblesse pour la chape en béton. En accord avec la maîtrise d’œuvre, il a été décidé d’intégrer un joint de fractionnement supplémentaire dans la chape », précise Serges Hugon. Achevée en juillet dernier, la rénovation de la toiture aura nécessité cinq moins de travaux. Seul contretemps : quinze jours d’arrêt du chantier suite à l’incendie qui a ravagé, en février dernier, huit logements de l’immeuble ainsi que quatre chambres de l’hôtel et une partie de la façade. Une consolation toutefois pour les copropriétaires : l’avenir de leur gymnase semble désormais assuré. Les espaces intérieurs, récemment rachetés par le désigner français OraIto, devraient être transformés dès 2013 en galerie d’art contemporain. l R É ALISATI ON r É NO VAT I O N É TAN C HÉ I T É . I N FO #3 5 S E PT EMB RE 2 012 © Christophe Resseguier 01 © Christophe Resseguier 02 © Christophe Resseguier 03 01 02 03 & 04 La couleur grise de la membrane en PVC associée aux joints debout rappelle le zinc utilisé couramment après-guerre. L’architecte des bâtiments de France a recommandé un écartement de 50 cm des joints debout. Les volumes géométriques associés à l’utilisation de la brique et du béton banché sont typiques de l’architecture de la fin des années 1960. 04 © Christophe Resseguier 44 ÉTANC HÉITÉ. INF O # 35 SEP T EM BRE 2 01 2 RÉ A LISAT ION r É N OVAT I ON du pvC pour redonner un aspect zinc à une église classée Au moment de la construction de l’église Saint-Jean-Baptiste de Rayssac (81) à la fin des années 1960, le manque de moyens n’a pas permis la mise en œuvre d’une toiture en zinc. Des contraintes économiques qui sont réapparues cinquante ans plus tard lors de sa rénovation. AdeLINe dIONISI B rique et béton banché : l’église Saint-JeanBaptiste de Rayssac (81), édifiée entre 1968 et 1971, associe les matériaux typiques de cette époque, pour une architecture qui n’est pas sans rappeler celle de Le Corbusier. Un élément manque toutefois au tableau : le zinc. Prévu à l’origine, il n’a pas pu être mis en œuvre faute de moyens. Equipés de bacs acier, les 544 m² de la toiture constitués d’un seul versant monopente de 30 % ont finalement reçu une étanchéité en membrane bitumineuse. mONumeNTS hISTORIqueS En 2005, en tant qu’édifice culturel représentatif de cette période en France, l’église est inscrite sur la liste des bâtiments protégés au titre des monuments historiques. Quelques années plus tard, l’association paroissiale de Saint-Jean-Baptiste de Rayssac, propriétaire du bâtiment, constate des défaillances au niveau de l’étanchéité de la toiture. Des travaux de rénovation s’imposent mais l’église étant classée, ils sont soumis à une autorisation délivrée par la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC). En 2009, un comité scientifique et technique, au sein duquel siègent l’architecte des bâtiments de France Patrick Gironnet et l’association paroissiale, définit les conditions dans lesquelles cette réhabilitation doit s’effectuer. L’idée d’une couverture en zinc redevient d’actualité pour donner à l’église l’aspect imaginé par ses concepteurs. Mais de nouveau, les contraintes économiques se font sentir. L’association paroissiale lance un appel aux dons qui s’avèrent insuffisants pour l’achat d’un tel matériau. L’architecte des bâtiments de France et l’entreprise d’étanchéité Soulié réfléchissent alors à une solution alternative. L’étancheur propose l’application d’une membrane PVC autoprotégée. Sa couleur grise, qui se patine avec le temps et les intempéries, lui donne un aspect zinc renforcé par le recours aux joints debout. Une épaisseur de 40 mm d’isolant en laine de roche vient parachever le système. « Nous avions deux objectifs principaux, explique Patrick Gironnet : le respect de l’architecture moderne propre à la fin des années 1960 et la pérennité du complexe d’étanchéité. » La facilité de mise en œuvre du complexe a fait également pencher la balance. « Nous avons déposé l’étanchéité existante et conservé les bacs acier, décrit James Palisse, conducteur de travaux de l’entreprise Soulié. L’isolant a été fixé mécaniquement, tout comme la membrane PVC soudée aux joints. » ÉCARTemeNT deS jOINTS debOuT Ces derniers ont fait l’objet d’une réflexion spécifique de la part de l’architecte : « Nous avons demandé à l’entreprise d’étanchéité de respecter un espacement de 50 cm, identique à celui des toitures en zinc de l’époque. » Au total, 335 mètres linéaires de joints debout en PVC sont soudés au robot. Il s’agit d’un pistolet à air chaud. Une buse dirige le flux d’air qui vient souder le profil. Quant aux rives, elles sont habillées par 84 mètres linéaires de bavettes en retombée sur lesquelles la membrane vient se positionner. Dernière précaution esthétique : la largeur des rouleaux (150 cm) a permis de positionner les joints debout au niveau des recouvrements des lés. Ainsi, comme le précise le conducteur de travaux, « les soudures ne sont donc pas visibles ». l LeS INTeRveNANTS maîtrise d’ouvrage Association paroissiale de St-Jean-Baptiste de Rayssac maître d’œuvre Atelier Roselyne Sudre Contrôle scientifique et technique Patrick Gironnet, architecte des bâtiments de France entreprise d’étanchéité Soulié étanchéité LeS pROduITS Étanchéité Monarplan (Siplast-Icopal) L’église de Rayssac : témoignage de la fin des années 1960 L’architecture, à la fin des années 1960, est marquée par la vaste politique de logement d’aprèsguerre. À cette époque, le Sud-Ouest d’Albi fait l’objet d’un plan de restructuration avec la construction d’un nouveau quartier. « L’église fait partie de cet ensemble caractéristique de la période, tant d’un point de vue architecturale qu’historique », explique l’architecte des bâtiments de France. Les autorités religieuses implantent souvent des lieux de culte au sein des nouvelles zones de logements. L’édifice, imaginé par les architectes Henri Avizou et Philippe Dubois, reflète également les tendances constructives de l’époque. Quelques-unes de ses caractéristiques sont communes avec la chapelle de Ronchamp (70) de Le Corbusier inaugurée en 1955. « Saint-Jean-Baptiste de Rayssac est conçue à partir d’un tracé régulateur géométrique. Elle est composée de deux carrés et de formes arrondies, le tout dans un volume simplifié, confirmé par la toiture monopente », décrit Patrick Gironnet. De même, l’usage de matériaux comme le béton banché ou la brique est courant en cette fin des années 1960 et renforce « la rigueur arithmétique du bâtiment ». 45