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Réanimation 15 (2006) 412–417
http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Mise au point
Particularités des nouvelles drogues
Distinctive features of illicit drugs
F. Lapostollea,*, F. Fleschb
a
Samu 93, EA 3409, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France
b
Centre Antipoison, hôpitaux universitaires, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France
Disponible sur internet le 21 juillet 2006
Résumé
La consommation de drogues telles cocaïne, opiacés, ecstasy, acide gamma-hydrobutyrique (GHB), datura, psilocybe, kétamine, peut induire
des manifestations cliniques sévères. L’hyperthermie est constamment associée aux intoxications graves par cocaïne et ecstasy et peut engendrer
d’autres effets cliniques graves voire mortels. Le traitement de l’hyperthermie par les techniques physiques usuelles de refroidissement relève de
l’extrême urgence et est une étape décisive dans la prévention de la mortalité. Le traitement de ces intoxications est, par ailleurs, principalement
symptomatique. L’utilisation de la naloxone peut être une alternative pour éviter une intubation–ventilation en cas d’intoxications par les opiacés;
son utilisation est néanmoins délicate et non recommandée en cas d’intoxication par la buprénorphine.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Severe acute adverse effects may following ingestion of drugs such cocaine, opiates, ecstasy, gamma hydroxybutyric acid (GHB), datura,
psilocybe, ketamine. Hyperthermia , which can induce other associated clinical problems and occasionally death, is always associated with severe
intoxications by cocaine and ecstasy. Rapid and agressive control of hyperthermia by general cooling measures is a significant step in preventing
mortality . The treatment of illicite drugs intoxications is mainly symptomatic. The use of naloxone may be an alternative to avoid intubation/
ventilation in opiates poisonings; nevertheless the use of naloxone is tricky and is not recommended in cases of buprenorphine poisoning.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Cocaïne ; Opiacés ; Ecstasy ; Acide gamma-hydrobutyrique (GHB) ; Datura ; Psilocybe ; Kétamine ; Hyperthermie ; Naloxone
Keywords: Cocaine; Opiates; Ecstasy; Gamma hydroxybutyric acid (GHB); Datura; Psilocybe; Ketamine; Hyperthermia; Naloxone
1. Cocaïne et Crack
La cocaïne, benzoylméthylecgonine, est extraite de la feuille
d’une plante, la coca, Erythroxylon coca [1,2]. Le « crack » est
un dérivé de cocaïne obtenu par mélange avec du bicarbonate
de sodium donnant par chauffage un précipité cristallisé qui se
fume [3]. Une liposolubilité importante lui confère une biodisponibilité très élevée.
La toxicité de la cocaïne et du crack est essentiellement psychiatrique, neurologique et cardiovasculaire [4,5]. La plupart
* Auteur
correspondant.
Adresses e-mail : [email protected] (F. Lapostolle),
[email protected] (F. Flesch).
des symptômes, y compris les plus graves relèvent d’un traitement symptomatique.
Compte tenu du mode usuel de consommation de la cocaïne
[qui se sniffe] et du crack [qui se fume], les techniques d’épuration n’ont pas leur place dans cette intoxication.
1.1. L’hyperthermie
Elle est constamment associée aux intoxications symptomatiques. Elle constitue un facteur pronostic indépendant des intoxications par la cocaïne. Elle doit être rapidement jugulée [6,7].
Les différents composants de l’hyperthermie doivent être
considérés. Aucune technique spécifique de refroidissement
n’a montré sa supériorité dans cette indication. Les techniques
1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.07.002
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417
physiques usuelles de refroidissement sont indiquées : refroidissement des axes vasculaires par de la glace, vaporisation
d’air frais, lavage gastrique à l’eau froide voire perfusion de
solutés refroidis. L’efficacité de ces techniques n’a pas été
comparée.
Les benzodiazépines participent à réduire la température. La
sédation induit une réduction de l’activité motrice, principale
source de thermogenèse, qui rend compte de l’impact des benzodiazépines sur la mortalité dans ces intoxications [8]. Le
bénéfice des autres traitements sédatifs semble moindre. Le
dantrolène ne semble pas utile dans cette indication.
Le contrôle de l’homéostasie doit être associé. Une déshydratation, souvent présente, compromet l’efficacité du contrôle
de la température en limitant l’évaporation cutanée, principale
source de thermolyse physiologique.
1.2. Les états d’agitation
Ils sont traités en première intention par les benzodiazépines. Outre le bénéfice sur l’activité motrice évoqué précédemment, les benzodiazépines agissent positivement sur les symptômes cardiovasculaires, tachycardie et hypertension. En outre,
l’utilisation de benzodiazépines limite les complications si
l’agitation est due à une autre cause [intoxication éthylique,
sevrage, lésion du système nerveux central, etc.]. Le diazépam
ou le midazolam peuvent être utilisés dans cette indication. Les
doses requises pour obtenir les effets désirés sont parfois élevées.
En cas d’échec, le recours aux neuroleptiques est logique
mais doit être entouré de précautions en raison du risque d’hyperthermie.
1.3. Les convulsions
Elles sont traitées conformément aux recommandations, en
première intention par les benzodiazépines. Seuls le contrôle de
la température et l’administration de diazépam permettaient,
expérimentalement de contrôler les convulsions et de réduire
la mortalité de chiens intoxiqués par la cocaïne [8]. En cas
d’échec, le recours au phénobarbital est proposé.
1.4. Les accidents vasculaires cérébraux
Les accidents vasculaires cérébraux des intoxications par la
cocaïne peuvent être ischémiques ou hémorragiques. Ils favorisent les convulsions. Il n’existe pas de données sur les traitements spécifiques de ces complications neurologiques centrales.
1.5. Les manifestations cardiovasculaires
Les manifestations cardiovasculaires des intoxications par la
cocaïne sont les poussées hypertensives, ischémie myocardique, tachycardie et troubles du rythme [9,10]. Ces tableaux
sont efficacement traités par les benzodiazépines [9,10]. Elles
413
permettent de réduire la pression artérielle, la fréquence cardiaque et la consommation en oxygène.
1.5.1. Les poussées hypertensives
Elles sont traitées, en première intention, par des sédatifs.
En seconde intention ou d’emblée en cas de poussée hypertensive sévère, sont utilisés les dérivés nitrés ou les inhibiteurs
calciques injectables. Les molécules antagonistes bêtaadrénergiques sont actuellement déconseillées dans cette indication [9–11].
1.5.2. Les syndromes coronaires aigus
Les syndromes coronaires aigus ne relèvent pas de traitements spécifiques. Comme dans les syndromes coronaires
aigus classiques, les dérivés nitrés doivent être largement utilisés [12]. Ils réduisent la douleur thoracique en réduisant la
pression artérielle [13]. L’administration d’aspirine est aussi
indiquée, en l’absence d’argument pour un accident vasculaire
cérébral hémorragique [9]. L’intérêt des inhibiteurs calciques
est controversé. Leur utilisation n’est donc licite qu’en cas
d’échec des autres traitements. Fibrinolyse et angioplastie ont
été utilisées avec succès au cours des infarctus du myocarde
secondaires à la consommation de cocaïne. Toutefois, l’angioplastie est préférable lorsqu’elle est réalisable dans un délai
court, afin de limiter les risques hémorragiques dans ce
contexte propice à l’hypertension artérielle et aux hémorragies
cérébrales [9].
1.5.3. Les troubles du rythme
Ils sont le plus souvent contrôlés par le traitement de l’agitation, de la température, la réhydration et le contrôle des troubles hydroélectrolytiques [9]. Dans le cas contraire, ils sont
traités, selon leur nature, conformément aux recommandations
[9,10]. Les troubles du rythme supraventriculaires sont traités
par inhibiteurs calciques : diltiazem ou verapamil [9,14]. Les
anomalies électrocardiographiques évocatrices d’un effet stabilisant de membrane : élargissement des complexes QRS dans
un contexte d’allongement de l’espace QT peuvent être imputés à un effet de type antiarythmique de classe I de la cocaïne et
traités par administration de soluté salé hypertonique [15].
Enfin, les tachycardies ventriculaires sont traitées par amiodarone ou lidocaïne [9,16]. Il n’a pas été rapporté de toxicité liée
à l’administration d’un anti-arythmique de classe I à un patient
intoxiqué par la cocaïne.
1.6. L’utilisation d’un curare dépolarisant
L’utilisation d’un curare dépolarisant est déconseillée dans
les intoxications par cocaïne et crack. Leur dégradation par les
cholinestérases, qui dégrade aussi la cocaïne, risque d’en
majorer la toxicité. Les autres médicaments potentiellement
synergiques avec la cocaïne doivent être évités dont les sympathomimétiques, les vasoconstricteurs, les antidépresseurs tricycliques, les anticholinestérasiques, les anesthésiques locaux, le
pancuronium, la kétamine, la naloxone…
414
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2. Opiacés
L’introduction des stratégies de substitution a considérablement réduit l’incidence des intoxications opiacées, leur morbimortalité et leur profil [17]. Le nombre d’overdoses par injections d’héroïne a considérablement diminué et elles ont été
partiellement remplacées par les intoxications par la méthadone
et la buprénorphine (Subutex®) [18,19].
La toxicité des opiacés est essentiellement neurologique et
respiratoire. Dans tous les cas, le tableau clinique est identique.
Il associe coma, bradypnée et myosis [20]. En revanche, la
méthadone et la buprénorphine ont une demi-vie beaucoup
plus longue que celle de l’héroïne ce qui influence les choix
thérapeutiques (Tableau 1) [20–23].
Compte tenu du mode usuel de consommation de l’héroïne
(injectée) les techniques d’épuration n’ont pas leur place dans
cette intoxication. Au cours des intoxications par ingestion de
méthadone ou de buprénorphine, l’épuration digestive est indiquée dans la première heure, conformément aux recommandations en vigueur [24,25].
À l’exclusion des complications dues au coma, un traitement symptomatique par intubation et ventilation est, dans
tous les cas suffisant, dans l’attente de l’élimination du toxique.
Le traitement par antidote (antagoniste compétitif), la naloxone
est une alternative qui a pour objectif d’éviter le recours à l’intubation et à la ventilation [26].
Cependant, l’utilisation de la naloxone est délicate car l’obtention du réveil du patient, généralement toxicomane, est le
plus souvent suivie de sa fuite et l’expose à la réapparition de
la symptomatologie et du risque respiratoire. Le réveil du
patient ne doit donc pas être l’objectif à atteindre lors de l’utilisation de la naloxone. L’obtention d’une fréquence respiratoire supérieure à 10/minute qui met à l’abri d’une apnée est
l’objectif à atteindre. Pour atteindre cet objectif sans réveiller le
patient, il faut titrer la naloxone : dilution de 0,4 mg (une
ampoule) dans 10 ml soit une concentration de 0,04 mg/ml.
L’administration de 1 ml toutes les 2 à 3 minutes avec un
contrôle constant de la fréquence respiratoire permet le
contrôle de l’état respiratoire du patient en évitant son réveil
et sa fuite [26]. Il est ensuite nécessaire, compte tenu de la
courte demi-vie de la naloxone, de prendre le relais par une
administration continue. Celle-ci se fait à la seringue électrique
en utilisant une posologie (en mg/heure) proche de celle (en
mg) ayant permis le contrôle de la fréquence respiratoire du
patient. Cette posologie est ensuite décroissante en fonction
de l’évolution de la fréquence respiratoire. L’observation des
patients doit se poursuivre au moins 6 heures au décours de
ce traitement. L’objectif principal de ce traitement étant d’éviter l’intubation des patients, il n’est pas logique d’utiliser la
naloxone lorsque l’intubation est indiquée pour une autre complication respiratoire. Cela est évident en cas d’arrêt cardiocirculatoire ou de pneumopathie d’inhalation qui rendent nécessaires le recours à l’intubation et à la ventilation.
Cette stratégie thérapeutique est indiquée au cours des intoxications par l’héroïne. L’intoxication par la méthadone, s’inscrit aussi, parfaitement, dans ce cadre. Le traitement par naloxone est efficace et permet le plus souvent d’éviter l’intubation
et la ventilation. La mise en route d’un traitement d’entretien et
une surveillance prolongée sont requis en raison de la longue
demi-vie de la méthadone [27]. Compte tenu de la demi-vie de
la méthadone, il n’est pas certain que cette option thérapeutique soit la meilleure. Aucune étude ne permet à ce jour de
choisir entre l’intubation pour la ventilation et le traitement
par antidote. Ce choix se fait en fonction du patient, de sa
situation clinique et des moyens disponibles.
L’efficacité de la naloxone lors des intoxications par la
buprénorphine (Subutex®) n’est pas suffisante pour en recommander l’utilisation. La naloxone peut reverser la toxicité de la
buprénorphine mais au prix de doses très élevées et d’un délai
d’efficacité le plus souvent incompatible avec l’urgence [28].
Dans ce cas, l’intubation et la ventilation constituent le traitement de première intention.
3. Ecstasy
L’ecstasy (ou MDMA) est un dérivé amphétaminique
obtenu par N-méthylation de la méthylène dioxyamphétamique
(MDA). L’ecstasy se vend sous forme de capsules ou comprimés de couleurs et de formes variées qui renferment entre 50 et
150 mg de MDMA.
3.1. Cinétique
Après prise orale, la MDMA est absorbée en 20 à 60 minutes. Le pic plasmatique est atteint en 2 à 3 heures. L’élimination est urinaire. Sept à dix pour cent de la MDMA sont Ndéméthylés en MDA au niveau hépatique. La MDA est le
Tableau 1
Méthadone et buprénorphine : principales données pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
Pharmacodynamique
Méthadone
Agoniste des récepteurs μ
Voie d'administration
Dose initiale de substitution
Coût journalier moyen
Biodisponibilité (%)
Délai d'apparition pic de concentration (h)
Métabolisme
Élimination
Demi-vie d'élimination (h)
Per os
20 mg
1,14 à 1,61 €
80
3
Hépatique
Urinaire > fécès
25
Buprénorphine (Subutex®)
Agoniste des récepteurs μ
Antagoniste des récepteurs k
Sublinguale
0,8 mg
3,41 €
50
3
Hépatique
Fécès (70 %) > urines (25 %)
20–25
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417
métabolite principal. La sévérité des symptômes ne semble pas
corrélée à la dose ingérée.
3.2. Mécanismes d’action
L’ecstasy et les molécules apparentées [MDEA : 3,4méthylène dioxyéthylamphétamine - MDBD : 2-methylamino1-(3,4-methylenedioxyphenyl)butane] ont une structure méthylène dioxyamphétamine, proche de la mescaline avec une forte
affinité pour les récepteurs sérotoninergiques et moindre pour
les récepteurs dopaminergiques et adrénergiques. Les mécanismes de toxicité de la MDMA sur les terminaisons sérotoninergiques sont complexes et ne sont encore qu’incomplètement compris [29].
415
3.4. Prise en charge thérapeutique
Le traitement est symptomatique avec maintien d’une ventilation efficace, traitement des convulsions, correction des troubles hémodynamiques, traitement de l’hyperthermie. Le traitement de l’hyperthermie par les techniques physiques usuelles
de refroidissement relève de l’extrême urgence. L’efficacité du
dantrolène n’a pas été prouvée par des études randomisées ;
son utilisation éventuelle n’est donc fondée que sur la publication de cas ponctuels [35–37] et le résultat de quelques études
expérimentales L’utilisation d’antagonistes des récepteurs sérotoninergiques (cyproheptadine, chlorpromazine, methysergide,
propranolol⋯) n’est pas recommandée.
4. GHB
3.3. Effets cliniques
Les principaux effets décrits dans les cas d’intoxications
sévères sont [30] :
3.3.1. L’hyperthermie [31–33]
De nombreux cas d’hyperthermie ont été rapportés dans la
littérature. Cette hyperthermie est constante dans les tableaux
graves. Elle est favorisée par la combinaison d’efforts physiques intenses et prolongés dans des lieux à température
ambiante élevée, souvent associés à une hydratation insuffisante.
3.3.2. Effets neurologiques
Les convulsions sont une complication des intoxications
sévères et sont la conséquence d’une hyperthermie majeure
ou d’un œdème cérébral dû à une hyponatrémie profonde,
elle-même consécutive à une intoxication à l’eau.
3.3.3. Effets cardiovasculaires
Hypertension et tachycardie sont fréquemment signalées.
Dans les intoxications sévères on peut noter un collapsus
ainsi que des troubles du rythme, type tachycardie ou fibrillation ventriculaire.
3.3.4. Effets hépatiques
L’hépatotoxicité de l’ecstasy ne semble liée ni à la dose, ni à
la durée cumulée de l’exposition. L’évolution de l’atteinte
hépatique est variable, de la résolution spontanée au décès, et
sa physiopathologie controversée [34].
3.3.5. Rhabdomyolyse
Elle est fréquemment observée chez les patients présentant
une hyperthermie et/ou des convulsions.
3.3.6. Effets biologiques
Dans les intoxications graves sont souvent observées :
CIVD, acidose métabolique, hyponatrémie, hyperkaliémie.
Le GHB (gamma hydroxybutyrate ou gamma-OH, encore
appelé « liquid ecstasy ») est une substance GABA mimétique
qui a été utilisée comme anesthésique ainsi que dans le traitement de la narcolepsie, du sevrage alcoolique et des symptômes de la fibromyalgie.
Le GHB est un constituant endogène de l’organisme dont le
rôle principal serait le contrôle de l’activité de certaines synapses GABA du système nerveux central [38].
Du fait de ses propriétés, le GHB a été détourné de ses indications thérapeutiques; il est devenu populaire dans les années
1980 auprès des body builders californiens pour son effet supposé d’accroissement de la masse musculaire.
À partir de 1990 son utilisation à des fins récréatives s’est
répandue chez les participants aux rave-parties en raison de ses
propriétés sédatives, anxiolytiques et euphorisantes. Son administration à l’insu des victimes en a également fait une drogue
de soumission pour les agresseurs sexuels.
Sa classification au tableau des stupéfiants en France (JO du
5 mai 1999) a induit la consommation substitutive de 1,4butanediol (BD) et de gamma butyrolactone (GBL) [39].
GBL est un solvant industriel présent dans certaines peintures et dissolvants. Après ingestion, il est métabolisé en GHB et
sa biodisponibilité est supérieure à celle du GHB. BD est un
alcool aliphatique utilisé dans la fabrication des polymères et
polyuréthanes. Sa métabolisation en GHB est inhibée par l’alcool, vraisemblablement par un mécanisme de compétition
avec l’alcool déshydrogénase.
Les manifestations cliniques induites par le GHB et ses précurseurs comprennent [39] :
● des troubles neurologiques : confusion, agitation, myoclonies, troubles de la conscience, coma avec dépression respiratoire. Les convulsions, exceptionnellement rapportées par
certains auteurs, n’ont pas été mises en évidence en expérimentation animale et sont probablement en rapport avec une
hypoxie secondaire à une intoxication sévère ou à une prise
associée d’amphétamines ou de cocaïne ;
● des troubles de la régulation de la température centrale ont
été notés. L’incidence de l’hypothermie dans les cas d’into-
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F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417
xication au GHB a été estimée à 30 % dans certaines séries,
mais non rapportée dans d’autres séries ;
● des troubles digestifs (nausées et vomissements) ont été
notés après ingestion, mais également après administration
intraveineuse, suggérant la participation d’un effet central ;
● myosis ou mydriase ont été indifféremment rapportés ;
● des troubles cardiovasculaires décrits sont variables : bradycardie ou tachycardie, hypo- ou hypertension. Des modifications non spécifiques de l’ECG ont été observées : bloc de
branche droit, fibrillation auriculaire transitoire, inversion de
l’onde P, aspect d’onde U.
Le traitement est symptomatique avec une surveillance
continue de l’ECG, de la pression artérielle et de l’oxymétrie
de pouls. En raison de l’absorption digestive rapide, une évacuation digestive n’est pas recommandée. L’efficacité du charbon activé n’a pas été étudiée.
Certains antidotes ont été étudiés dans le but de réverser les
signes cliniques de l’intoxication au GHB (naloxone, physostigmine et flumazenil) mais aucun n’a prouvé son efficacité et
ne peut donc être préconisé.
Une intubation avec ventilation artificielle peut s’avérer
nécessaire même si la durée de la dépression respiratoire est
généralement brève (3 à 6 heures).
5. Datura (Datura stramonium L.) [40]
Il s’agit d’une plante appartenant à la famille des Solanacées, largement cultivée pour son aspect décoratif. La consommation de cette plante dans un but addictif sous forme de
décoction ou d’ingestion de graines est actuellement le mode
d’intoxication le plus fréquent. Le nombre de graines ingérées
peut varier de 7 à 200.
Toutes les parties de la plante sont toxiques et renferment
des alcaloïdes qui sont : l’hyocyamine (alcaloïde principal), la
scopolamine et l’atropine présentes en faible quantité. Le
datura est, comme la belladone, un parasympatholytique mais
dont l’effet est plus intense.
L’intoxication se traduit par un syndrome anticholinergique
à symptomatologie essentiellement neuropsychique avec excitation psychomotrice, propos incohérents, hallucinations
visuelles, angoisse, désorientation, agressivité. La présence
d’une mydriase bilatérale est constante alors que les autres
signes anticholinergiques sont inconstants : sécheresse buccale,
tachycardie sinusale, hyperthermie, rétention urinaire, vomissements. Dans les cas graves, on peut observer : coma, convulsions et détresse respiratoire.
Le traitement est avant tout symptomatique et comporte une
surveillance clinique et l’administration de benzodiazépines.
L’efficacité de la décontamination digestive n’a pas été
évaluée. Dans les intoxications sévères certains auteurs ont
préconisé l’administration de physostigmine, inhibiteur de
l’acétylcholinestérase qui a la propriété, contrairement à la
néostigmine, de traverser la barrière hématoencéphalique. Ce
médicament n’est plus disponible en France et son utilisation
est controversée.
6. Psilocybes [41]
Plus de cent vingt espèces de champignons hallucinogènes
ont été identifiées. Parmi ceux consommés le plus fréquemment on trouve des
psilocybes
(P. semilanceata,
P. bohemica…) et des panéoles (paneolus subalteatus)
La psilocine et la psilocybine sont les principes actifs de la
plupart des champignons hallucinogènes. Ils renferment tous
deux un noyau indole. La psilocybine est déphosphorylée en
psilocine dans l’organisme sous l’action d’une déphosphorylase. Seule la psilocine passe la barrière hématoméningée.
Son mécanisme d’action reste mal connu ; elle agirait en bloquant les récepteurs sérotoninergiques post-synaptiques.
Les symptômes apparaissent après 30 minutes à 1 heure,
durent pendant 2 à 4 heures puis rétrocèdent généralement en
une douzaine d’heures. Ils se caractérisent par des troubles de
l’humeur (euphorie ou anxiété), des hallucinations principalement visuelles ainsi que des troubles de la perception temporospatiale.
Des manifestations somatiques peuvent être associées :
tachycardie, mydriase, troubles digestifs, somnolence, dysesthésies… Des complications graves (convulsions, coma, infarctus, décès) ont été exceptionnellement rapportées et sont toujours en rapport avec une ingestion massive. Les symptômes
régressent généralement spontanément en quelques heures.
L’administration d’un sédatif peut-être nécessaire en cas d’anxiété importante.
7. Kétamine [42]
La kétamine est un anesthésique non barbiturique d’action
rapide, analogue structural de la phéncyclidine, utilisée en
médecine humaine et vétérinaire. Elle a été commercialisée
en France depuis 1970 et son usage récréatif a été signalé dès
1992 dans le milieu médical et dès 1996 dans le cadre de raveparties. Elle a été classée comme stupéfiant par arrêté du 8 août
1997. Sa consommation se fait principalement par sniff (60 à
100 mg) mais parfois également par voie orale (200 mg) ou
voie intramusculaire (50 mg). Les effets sont dose dépendants,
de durée brève (4 heures) et se traduisent par des manifestations dissociatives et hallucinogènes. Des cas de décès liés à
la consommation exclusive de kétamine ont été exceptionnellement rapportés. Les symptômes présentés généralement par
les patients hospitalisés ont été (hormis les troubles psychiques) : tachycardie, mydriase, nystagmus, anxiété, rhabdomyolyse.
Le traitement est symptomatique avec administration de
benzodiazépines en cas d’agitation et/ou d’anxiété importante.
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