Mise au point
Particularités des nouvelles drogues
Distinctive features of illicit drugs
F. Lapostolle
a,*
, F. Flesch
b
a
Samu 93, EA 3409, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France
b
Centre Antipoison, hôpitaux universitaires, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France
Disponible sur internet le 21 juillet 2006
Résumé
La consommation de drogues telles cocaïne, opiacés, ecstasy, acide gamma-hydrobutyrique (GHB), datura, psilocybe, kétamine, peut induire
des manifestations cliniques sévères. Lhyperthermie est constamment associée aux intoxications graves par cocaïne et ecstasy et peut engendrer
dautres effets cliniques graves voire mortels. Le traitement de lhyperthermie par les techniques physiques usuelles de refroidissement relève de
lextrême urgence et est une étape décisive dans la prévention de la mortalité. Le traitement de ces intoxications est, par ailleurs, principalement
symptomatique. Lutilisation de la naloxone peut être une alternative pour éviter une intubationventilation en cas dintoxications par les opiacés;
son utilisation est néanmoins délicate et non recommandée en cas dintoxication par la buprénorphine.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Severe acute adverse effects may following ingestion of drugs such cocaine, opiates, ecstasy, gamma hydroxybutyric acid (GHB), datura,
psilocybe, ketamine. Hyperthermia , which can induce other associated clinical problems and occasionally death, is always associated with severe
intoxications by cocaine and ecstasy. Rapid and agressive control of hyperthermia by general cooling measures is a significant step in preventing
mortality . The treatment of illicite drugs intoxications is mainly symptomatic. The use of naloxone may be an alternative to avoid intubation/
ventilation in opiates poisonings; nevertheless the use of naloxone is tricky and is not recommended in cases of buprenorphine poisoning.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Cocaïne ; Opiacés ; Ecstasy ; Acide gamma-hydrobutyrique (GHB) ; Datura ; Psilocybe ; Kétamine ; Hyperthermie ; Naloxone
Keywords: Cocaine; Opiates; Ecstasy; Gamma hydroxybutyric acid (GHB); Datura; Psilocybe; Ketamine; Hyperthermia; Naloxone
1. Cocaïne et Crack
La cocaïne, benzoylméthylecgonine, est extraite de la feuille
dune plante, la coca, Erythroxylon coca [1,2]. Le « crack » est
un dérivé de cocaïne obtenu par mélange avec du bicarbonate
de sodium donnant par chauffage un précipité cristallisé qui se
fume [3]. Une liposolubilité importante lui confère une biodis-
ponibilité très élevée.
La toxicité de la cocaïne et du crack est essentiellement psy-
chiatrique, neurologique et cardiovasculaire [4,5]. La plupart
des symptômes, y compris les plus graves relèvent dun traite-
ment symptomatique.
Compte tenu du mode usuel de consommation de la cocaïne
[qui se sniffe] et du crack [qui se fume], les techniques dépu-
ration nont pas leur place dans cette intoxication.
1.1. Lhyperthermie
Elle est constamment associée aux intoxications symptoma-
tiques. Elle constitue un facteur pronostic indépendant des into-
xications par la cocaïne. Elle doit être rapidement jugulée [6,7].
Les différents composants de lhyperthermie doivent être
considérés. Aucune technique spécifique de refroidissement
na montré sa supériorité dans cette indication. Les techniques
http://france.elsevier.com/direct/REAURG/
Réanimation 15 (2006) 412417
*
Auteur correspondant.
Adresses e-mail : [email protected] (F. Lapostolle),
[email protected] (F. Flesch).
1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.07.002
physiques usuelles de refroidissement sont indiquées : refroi-
dissement des axes vasculaires par de la glace, vaporisation
dair frais, lavage gastrique à leau froide voire perfusion de
solutés refroidis. Lefficacité de ces techniques na pas été
comparée.
Les benzodiazépines participent à réduire la température. La
sédation induit une réduction de lactivité motrice, principale
source de thermogenèse, qui rend compte de limpact des ben-
zodiazépines sur la mortalité dans ces intoxications [8].Le
bénéfice des autres traitements sédatifs semble moindre. Le
dantrolène ne semble pas utile dans cette indication.
Le contrôle de lhoméostasie doit être associé. Une déshy-
dratation, souvent présente, compromet lefficacité du contrôle
de la température en limitant lévaporation cutanée, principale
source de thermolyse physiologique.
1.2. Les états dagitation
Ils sont traités en première intention par les benzodiazépi-
nes. Outre le bénéfice sur lactivité motrice évoqué précédem-
ment, les benzodiazépines agissent positivement sur les symp-
tômes cardiovasculaires, tachycardie et hypertension. En outre,
lutilisation de benzodiazépines limite les complications si
lagitation est due à une autre cause [intoxication éthylique,
sevrage, lésion du système nerveux central, etc.]. Le diazépam
ou le midazolam peuvent être utilisés dans cette indication. Les
doses requises pour obtenir les effets désirés sont parfois éle-
vées.
En cas déchec, le recours aux neuroleptiques est logique
mais doit être entouré de précautions en raison du risque dhy-
perthermie.
1.3. Les convulsions
Elles sont traitées conformément aux recommandations, en
première intention par les benzodiazépines. Seuls le contrôle de
la température et ladministration de diazépam permettaient,
expérimentalement de contrôler les convulsions et de réduire
la mortalité de chiens intoxiqués par la cocaïne [8]. En cas
déchec, le recours au phénobarbital est proposé.
1.4. Les accidents vasculaires cérébraux
Les accidents vasculaires cérébraux des intoxications par la
cocaïne peuvent être ischémiques ou hémorragiques. Ils favo-
risent les convulsions. Il nexiste pas de données sur les traite-
ments spécifiques de ces complications neurologiques centra-
les.
1.5. Les manifestations cardiovasculaires
Les manifestations cardiovasculaires des intoxications par la
cocaïne sont les poussées hypertensives, ischémie myocar-
dique, tachycardie et troubles du rythme [9,10]. Ces tableaux
sont efficacement traités par les benzodiazépines [9,10]. Elles
permettent de réduire la pression artérielle, la fréquence car-
diaque et la consommation en oxygène.
1.5.1. Les poussées hypertensives
Elles sont traitées, en première intention, par des sédatifs.
En seconde intention ou demblée en cas de poussée hyperten-
sive sévère, sont utilisés les dérivés nitrés ou les inhibiteurs
calciques injectables. Les molécules antagonistes bêta-
adrénergiques sont actuellement déconseillées dans cette indi-
cation [911].
1.5.2. Les syndromes coronaires aigus
Les syndromes coronaires aigus ne relèvent pas de traite-
ments spécifiques. Comme dans les syndromes coronaires
aigus classiques, les dérivés nitrés doivent être largement utili-
sés [12]. Ils réduisent la douleur thoracique en réduisant la
pression artérielle [13].Ladministration daspirine est aussi
indiquée, en labsence dargument pour un accident vasculaire
cérébral hémorragique [9].Lintérêt des inhibiteurs calciques
est controversé. Leur utilisation nest donc licite quen cas
déchec des autres traitements. Fibrinolyse et angioplastie ont
été utilisées avec succès au cours des infarctus du myocarde
secondaires à la consommation de cocaïne. Toutefois, langio-
plastie est préférable lorsquelle est réalisable dans un délai
court, afin de limiter les risques hémorragiques dans ce
contexte propice à lhypertension artérielle et aux hémorragies
cérébrales [9].
1.5.3. Les troubles du rythme
Ils sont le plus souvent contrôlés par le traitement de lagi-
tation, de la température, la réhydration et le contrôle des trou-
bles hydroélectrolytiques [9]. Dans le cas contraire, ils sont
traités, selon leur nature, conformément aux recommandations
[9,10]. Les troubles du rythme supraventriculaires sont traités
par inhibiteurs calciques : diltiazem ou verapamil [9,14]. Les
anomalies électrocardiographiques évocatrices dun effet stabi-
lisant de membrane : élargissement des complexes QRS dans
un contexte dallongement de lespace QT peuvent être impu-
tés à un effet de type antiarythmique de classe I de la cocaïne et
traités par administration de soluté salé hypertonique [15].
Enfin, les tachycardies ventriculaires sont traitées par amioda-
rone ou lidocaïne [9,16].Ilna pas été rapporté de toxicité liée
àladministration dun anti-arythmique de classe I à un patient
intoxiqué par la cocaïne.
1.6. Lutilisation dun curare dépolarisant
Lutilisation dun curare dépolarisant est déconseillée dans
les intoxications par cocaïne et crack. Leur dégradation par les
cholinestérases, qui dégrade aussi la cocaïne, risque den
majorer la toxicité. Les autres médicaments potentiellement
synergiques avec la cocaïne doivent être évités dont les sympa-
thomimétiques, les vasoconstricteurs, les antidépresseurs tricy-
cliques, les anticholinestérasiques, les anesthésiques locaux, le
pancuronium, la kétamine, la naloxone
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412417 413
2. Opiacés
Lintroduction des stratégies de substitution a considérable-
ment réduit lincidence des intoxications opiacées, leur morbi-
mortalité et leur profil [17]. Le nombre doverdoses par injec-
tions dhéroïne a considérablement diminué et elles ont été
partiellement remplacées par les intoxications par la méthadone
et la buprénorphine (Subutex
®
)[18,19].
La toxicité des opiacés est essentiellement neurologique et
respiratoire. Dans tous les cas, le tableau clinique est identique.
Il associe coma, bradypnée et myosis [20]. En revanche, la
méthadone et la buprénorphine ont une demi-vie beaucoup
plus longue que celle de lhéroïne ce qui influence les choix
thérapeutiques (Tableau 1)[2023].
Compte tenu du mode usuel de consommation de lhéroïne
(injectée) les techniques dépuration nont pas leur place dans
cette intoxication. Au cours des intoxications par ingestion de
méthadone ou de buprénorphine, lépuration digestive est indi-
quée dans la première heure, conformément aux recommanda-
tions en vigueur [24,25].
Àlexclusion des complications dues au coma, un traite-
ment symptomatique par intubation et ventilation est, dans
tous les cas suffisant, dans lattente de lélimination du toxique.
Le traitement par antidote (antagoniste compétitif), la naloxone
est une alternative qui a pour objectif déviter le recours à lin-
tubation et à la ventilation [26].
Cependant, lutilisation de la naloxone est délicate car lob-
tention du réveil du patient, généralement toxicomane, est le
plus souvent suivie de sa fuite et lexpose à la réapparition de
la symptomatologie et du risque respiratoire. Le réveil du
patient ne doit donc pas être lobjectif à atteindre lors de luti-
lisation de la naloxone. Lobtention dune fréquence respira-
toire supérieure à 10/minute qui met à labri dune apnée est
lobjectif à atteindre. Pour atteindre cet objectif sans réveiller le
patient, il faut titrer la naloxone : dilution de 0,4 mg (une
ampoule) dans 10 ml soit une concentration de 0,04 mg/ml.
Ladministration de 1 ml toutes les 2 à 3 minutes avec un
contrôle constant de la fréquence respiratoire permet le
contrôle de létat respiratoire du patient en évitant son réveil
et sa fuite [26]. Il est ensuite nécessaire, compte tenu de la
courte demi-vie de la naloxone, de prendre le relais par une
administration continue. Celle-ci se fait à la seringue électrique
en utilisant une posologie (en mg/heure) proche de celle (en
mg) ayant permis le contrôle de la fréquence respiratoire du
patient. Cette posologie est ensuite décroissante en fonction
de lévolution de la fréquence respiratoire. Lobservation des
patients doit se poursuivre au moins 6 heures au décours de
ce traitement. Lobjectif principal de ce traitement étant dévi-
ter lintubation des patients, il nest pas logique dutiliser la
naloxone lorsque lintubation est indiquée pour une autre com-
plication respiratoire. Cela est évident en cas darrêt cardiocir-
culatoire ou de pneumopathie dinhalation qui rendent néces-
saires le recours à lintubation et à la ventilation.
Cette stratégie thérapeutique est indiquée au cours des into-
xications par lhéroïne. Lintoxication par la méthadone, sin-
scrit aussi, parfaitement, dans ce cadre. Le traitement par nalo-
xone est efficace et permet le plus souvent déviter lintubation
et la ventilation. La mise en route dun traitement dentretien et
une surveillance prolongée sont requis en raison de la longue
demi-vie de la méthadone [27]. Compte tenu de la demi-vie de
la méthadone, il nest pas certain que cette option thérapeu-
tique soit la meilleure. Aucune étude ne permet à ce jour de
choisir entre lintubation pour la ventilation et le traitement
par antidote. Ce choix se fait en fonction du patient, de sa
situation clinique et des moyens disponibles.
Lefficacité de la naloxone lors des intoxications par la
buprénorphine (Subutex
®
)nest pas suffisante pour en recom-
mander lutilisation. La naloxone peut reverser la toxicité de la
buprénorphine mais au prix de doses très élevées et dun délai
defficacité le plus souvent incompatible avec lurgence [28].
Dans ce cas, lintubation et la ventilation constituent le traite-
ment de première intention.
3. Ecstasy
Lecstasy (ou MDMA) est un dérivé amphétaminique
obtenu par N-méthylation de la méthylène dioxyamphétamique
(MDA). Lecstasy se vend sous forme de capsules ou compri-
més de couleurs et de formes variées qui renferment entre 50 et
150 mg de MDMA.
3.1. Cinétique
Après prise orale, la MDMA est absorbée en 20 à 60 minu-
tes. Le pic plasmatique est atteint en 2 à 3 heures. Lélimina-
tion est urinaire. Sept à dix pour cent de la MDMA sont N-
déméthylés en MDA au niveau hépatique. La MDA est le
Tableau 1
Méthadone et buprénorphine : principales données pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
Méthadone Buprénorphine (Subutex
®
)
Pharmacodynamique Agoniste des récepteurs μAgoniste des récepteurs μ
Antagoniste des récepteurs k
Voie d'administration Per os Sublinguale
Dose initiale de substitution 20 mg 0,8 mg
Coût journalier moyen 1,14 à 1,61 3,41
Biodisponibilité (%) 80 50
Délai d'apparition pic de concentration (h) 3 3
Métabolisme Hépatique Hépatique
Élimination Urinaire > fécès Fécès (70 %) > urines (25 %)
Demi-vie d'élimination (h) 25 2025
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412417414
métabolite principal. La sévérité des symptômes ne semble pas
corrélée à la dose ingérée.
3.2. Mécanismes daction
Lecstasy et les molécules apparentées [MDEA : 3,4-
méthylène dioxyéthylamphétamine - MDBD : 2-methylamino-
1-(3,4-methylenedioxyphenyl)butane] ont une structure méthy-
lène dioxyamphétamine, proche de la mescaline avec une forte
affinité pour les récepteurs sérotoninergiques et moindre pour
les récepteurs dopaminergiques et adrénergiques. Les mécanis-
mes de toxicité de la MDMA sur les terminaisons sérotoninergi-
ques sont complexes et ne sont encore quincomplètement com-
pris [29].
3.3. Effets cliniques
Les principaux effets décrits dans les cas dintoxications
sévères sont [30] :
3.3.1. Lhyperthermie [3133]
De nombreux cas dhyperthermie ont été rapportés dans la
littérature. Cette hyperthermie est constante dans les tableaux
graves. Elle est favorisée par la combinaison defforts physi-
ques intenses et prolongés dans des lieux à température
ambiante élevée, souvent associés à une hydratation insuffi-
sante.
3.3.2. Effets neurologiques
Les convulsions sont une complication des intoxications
sévères et sont la conséquence dune hyperthermie majeure
ou dun œdème cérébral dû à une hyponatrémie profonde,
elle-même consécutive à une intoxication à leau.
3.3.3. Effets cardiovasculaires
Hypertension et tachycardie sont fréquemment signalées.
Dans les intoxications sévères on peut noter un collapsus
ainsi que des troubles du rythme, type tachycardie ou fibrilla-
tion ventriculaire.
3.3.4. Effets hépatiques
Lhépatotoxicité de lecstasy ne semble liée ni à la dose, ni à
la durée cumulée de lexposition. Lévolution de latteinte
hépatique est variable, de la résolution spontanée au décès, et
sa physiopathologie controversée [34].
3.3.5. Rhabdomyolyse
Elle est fréquemment observée chez les patients présentant
une hyperthermie et/ou des convulsions.
3.3.6. Effets biologiques
Dans les intoxications graves sont souvent observées :
CIVD, acidose métabolique, hyponatrémie, hyperkaliémie.
3.4. Prise en charge thérapeutique
Le traitement est symptomatique avec maintien dune venti-
lation efficace, traitement des convulsions, correction des trou-
bles hémodynamiques, traitement de lhyperthermie. Le traite-
ment de lhyperthermie par les techniques physiques usuelles
de refroidissement relève de lextrême urgence. Lefficacité du
dantrolène na pas été prouvée par des études randomisées ;
son utilisation éventuelle nest donc fondée que sur la publica-
tion de cas ponctuels [3537] et le résultat de quelques études
expérimentales Lutilisation dantagonistes des récepteurs séro-
toninergiques (cyproheptadine, chlorpromazine, methysergide,
propranolol)nest pas recommandée.
4. GHB
Le GHB (gamma hydroxybutyrate ou gamma-OH, encore
appelé « liquid ecstasy ») est une substance GABA mimétique
qui a été utilisée comme anesthésique ainsi que dans le traite-
ment de la narcolepsie, du sevrage alcoolique et des symptô-
mes de la fibromyalgie.
Le GHB est un constituant endogène de lorganisme dont le
rôle principal serait le contrôle de lactivité de certaines synap-
ses GABA du système nerveux central [38].
Du fait de ses propriétés, le GHB a été détourné de ses indi-
cations thérapeutiques; il est devenu populaire dans les années
1980 auprès des body builders californiens pour son effet sup-
posé daccroissement de la masse musculaire.
À partir de 1990 son utilisation à des fins récréatives sest
répandue chez les participants aux rave-parties en raison de ses
propriétés sédatives, anxiolytiques et euphorisantes. Son admi-
nistration à linsu des victimes en a également fait une drogue
de soumission pour les agresseurs sexuels.
Sa classification au tableau des stupéfiants en France (JO du
5 mai 1999) a induit la consommation substitutive de 1,4-
butanediol (BD) et de gamma butyrolactone (GBL) [39].
GBL est un solvant industriel présent dans certaines peintu-
res et dissolvants. Après ingestion, il est métabolisé en GHB et
sa biodisponibilité est supérieure à celle du GHB. BD est un
alcool aliphatique utilisé dans la fabrication des polymères et
polyuréthanes. Sa métabolisation en GHB est inhibée par lal-
cool, vraisemblablement par un mécanisme de compétition
avec lalcool déshydrogénase.
Les manifestations cliniques induites par le GHB et ses pré-
curseurs comprennent [39] :
des troubles neurologiques : confusion, agitation, myoclo-
nies, troubles de la conscience, coma avec dépression respi-
ratoire. Les convulsions, exceptionnellement rapportées par
certains auteurs, nont pas été mises en évidence en expéri-
mentation animale et sont probablement en rapport avec une
hypoxie secondaire à une intoxication sévère ou à une prise
associée damphétamines ou de cocaïne ;
des troubles de la régulation de la température centrale ont
été notés. Lincidence de lhypothermie dans les cas dinto-
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412417 415
xication au GHB a été estimée à 30 % dans certaines séries,
mais non rapportée dans dautres séries ;
des troubles digestifs (nausées et vomissements) ont été
notés après ingestion, mais également après administration
intraveineuse, suggérant la participation dun effet central ;
myosis ou mydriase ont été indifféremment rapportés ;
des troubles cardiovasculaires décrits sont variables : brady-
cardie ou tachycardie, hypo- ou hypertension. Des modifi-
cations non spécifiques de lECG ont été observées : bloc de
branche droit, fibrillation auriculaire transitoire, inversion de
londe P, aspect donde U.
Le traitement est symptomatique avec une surveillance
continue de lECG, de la pression artérielle et de loxymétrie
de pouls. En raison de labsorption digestive rapide, une éva-
cuation digestive nest pas recommandée. Lefficacité du char-
bon activé na pas été étudiée.
Certains antidotes ont été étudiés dans le but de réverser les
signes cliniques de lintoxication au GHB (naloxone, physos-
tigmine et flumazenil) mais aucun na prouvé son efficacité et
ne peut donc être préconisé.
Une intubation avec ventilation artificielle peut savérer
nécessaire même si la durée de la dépression respiratoire est
généralement brève (3 à 6 heures).
5. Datura (Datura stramonium L.) [40]
Il sagit dune plante appartenant à la famille des Solana-
cées, largement cultivée pour son aspect décoratif. La consom-
mation de cette plante dans un but addictif sous forme de
décoction ou dingestion de graines est actuellement le mode
dintoxication le plus fréquent. Le nombre de graines ingérées
peut varier de 7 à 200.
Toutes les parties de la plante sont toxiques et renferment
des alcaloïdes qui sont : lhyocyamine (alcaloïde principal), la
scopolamine et latropine présentes en faible quantité. Le
datura est, comme la belladone, un parasympatholytique mais
dont leffet est plus intense.
Lintoxication se traduit par un syndrome anticholinergique
à symptomatologie essentiellement neuropsychique avec exci-
tation psychomotrice, propos incohérents, hallucinations
visuelles, angoisse, désorientation, agressivité. La présence
dune mydriase bilatérale est constante alors que les autres
signes anticholinergiques sont inconstants : sécheresse buccale,
tachycardie sinusale, hyperthermie, rétention urinaire, vomisse-
ments. Dans les cas graves, on peut observer : coma, convul-
sions et détresse respiratoire.
Le traitement est avant tout symptomatique et comporte une
surveillance clinique et ladministration de benzodiazépines.
Lefficacité de la décontamination digestive na pas été
évaluée. Dans les intoxications sévères certains auteurs ont
préconisé ladministration de physostigmine, inhibiteur de
lacétylcholinestérase qui a la propriété, contrairement à la
néostigmine, de traverser la barrière hématoencéphalique. Ce
médicament nest plus disponible en France et son utilisation
est controversée.
6. Psilocybes [41]
Plus de cent vingt espèces de champignons hallucinogènes
ont été identifiées. Parmi ceux consommés le plus fréquem-
ment on trouve des psilocybes (P. semilanceata,
P. bohemica) et des panéoles (paneolus subalteatus)
La psilocine et la psilocybine sont les principes actifs de la
plupart des champignons hallucinogènes. Ils renferment tous
deux un noyau indole. La psilocybine est déphosphorylée en
psilocine dans lorganisme sous laction dune déphospho-
rylase. Seule la psilocine passe la barrière hématoméningée.
Son mécanisme daction reste mal connu ; elle agirait en blo-
quant les récepteurs sérotoninergiques post-synaptiques.
Les symptômes apparaissent après 30 minutes à 1 heure,
durent pendant 2 à 4 heures puis rétrocèdent généralement en
une douzaine dheures. Ils se caractérisent par des troubles de
lhumeur (euphorie ou anxiété), des hallucinations principale-
ment visuelles ainsi que des troubles de la perception tempo-
rospatiale.
Des manifestations somatiques peuvent être associées :
tachycardie, mydriase, troubles digestifs, somnolence, dyses-
thésiesDes complications graves (convulsions, coma, infarc-
tus, décès) ont été exceptionnellement rapportées et sont tou-
jours en rapport avec une ingestion massive. Les symptômes
régressent généralement spontanément en quelques heures.
Ladministration dun sédatif peut-être nécessaire en cas dan-
xiété importante.
7. Kétamine [42]
La kétamine est un anesthésique non barbiturique daction
rapide, analogue structural de la phéncyclidine, utilisée en
médecine humaine et vétérinaire. Elle a été commercialisée
en France depuis 1970 et son usage récréatif a été signalé dès
1992 dans le milieu médical et dès 1996 dans le cadre de rave-
parties. Elle a été classée comme stupéfiant par arrêté du 8 août
1997. Sa consommation se fait principalement par sniff (60 à
100 mg) mais parfois également par voie orale (200 mg) ou
voie intramusculaire (50 mg). Les effets sont dose dépendants,
de durée brève (4 heures) et se traduisent par des manifesta-
tions dissociatives et hallucinogènes. Des cas de décès liés à
la consommation exclusive de kétamine ont été exceptionnel-
lement rapportés. Les symptômes présentés généralement par
les patients hospitalisés ont été (hormis les troubles psychi-
ques) : tachycardie, mydriase, nystagmus, anxiété, rhabdomyo-
lyse.
Le traitement est symptomatique avec administration de
benzodiazépines en cas dagitation et/ou danxiété importante.
Références
[1] Karch S. The history of cocaine toxicity. Hum Pathol 1989;20:10379.
[2] Fleming JA, Byck R, Barash PG. Pharmacology and therapeutic applica-
tion of cocaine. Anesthesiology 1990;73:51831.
[3] Jekel JF, Allen DF, Podlewski H, Clarke N, Dean-Paterson S, Catwright
P. Epidemic free-base cocaine abuse. Lancet 1986;1:45962.
[4] Cregler LL, Mark H. Special report: medical complications of cocaine
abuse. N Engl J Med 1986;315:1495500.
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412417416
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !