La santé, ça commence par le colostrum

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MÉDECINE VÉTÉRINAIRE
La santé, ça
commence par
le colostrum
PAR GILLES FECTEAU*
UN BON SYSTÈME IMMUNITAIRE CHEZ LA GÉNISSE LAITIÈRE DÉPEND
D’UNE COMPOSANTE TRÈS IMPORTANTE , LE COLOSTRUM.
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MARS 2008 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
Parmi les problèmes de santé les plus
fréquents chez la génisse, ceux qui
sont liés aux infections demeurent les
plus importants. Septicémie, diarrhée
et pneumonie sont les maladies
responsables de la plupart des mortalités pendant les premières semaines
de vie. Alors que l’on reconnaît la complexité des problèmes pendant cette
période critique de la vie d’une génisse,
le système immunitaire et la capacité
de combattre une infection restent au
cœur du problème.
Avec le colostrum, la mère transmet
ses anticorps à sa progéniture. On
parle alors de transfert de l’immunité
passive, par opposition à l’immunité
active qui, elle, se développera chez
l’animal à la suite d’une infection ou
d’une vaccination.
Maintenant, pour s’assurer de
réussir le transfert de l’immunité passive, mieux vaut respecter certaines
conditions.
MISER SUR LA QUALITÉ
Quand on parle de la qualité du
colostrum, on parle de la quantité
d’anticorps qu’il contient. Et cette quantité dépend de plusieurs facteurs. L’alimentation en période de tarissement,
la race et la maladie sont autant d’éléments qui influencent la concentration
des anticorps du colostrum.
Laisser le veau boire le lait maternel
par lui-même est un exemple pratique
d’erreur de stratégie qui occasionne
des problèmes en ce qui concerne le
colostrum. Considérer comme étant du
colostrum le lait des premiers jours
suivant le vêlage (il faut s’en tenir au
lait de la première traite) ou offrir le
lait de la première traite suivant le
vêlage alors que la vache a été traite
avant le vêlage (peu importe la raison)
sont aussi des erreurs.
Il existe une relation directe entre
la concentration des anticorps et la densité du colostrum. On peut donc évaluer
la concentration en anticorps en utilisant un densimètre adapté à cet usage
(colostromètre). La densité minimale
acceptable pour le colostrum est de
1,055 et les colostromètres sont calibrés pour en lire la densité à 20 °C.
MANIPULER AVEC SOIN
Lors des manipulations, il est également
possible que le colostrum soit contaminé par des bactéries présentes dans
l’environnement ou dans l’équipement
de traite. Le colostrum gardé au froid
Le colostrum en bref
Le colostrum est le premier lait sécrété par les glandes mammaires. Il est synthétisé
au cours des dernières semaines de la gestation. Quand on considère le rôle
immunitaire du colostrum, le terme devrait être réservé exclusivement à la sécrétion
recueillie lors de la première traite. En effet, la quantité d’anticorps présents dans le
colostrum diminue rapidement après le vêlage. Il est donc important de prélever
suffisamment de colostrum lors de la première traite pour donner au nouveau-né les
10 % de son poids qu’il mérite pendant les 12 premières heures de vie. Il faut donc
prélever 4 à 5 litres de colostrum pour une génisse de 45 kg. On lui offrira 2 litres
immédiatement et un deuxième repas de 2 litres six à huit heures plus tard. Entretemps, le colostrum aura été conservé au réfrigérateur.
donne peu de chances aux bactéries de
se multiplier et d’atteindre un niveau
dangereux pour le veau. Par contre, pendant les périodes chaudes de l’année,
laisser le colostrum à la température
ambiante permet une multiplication
rapide des bactéries.
Aussi, il faut prendre en considération la présence d’antibiotiques. En
effet, les premiers repas sont importants pour l’établissement d’une flore
intestinale normale (on pourrait appeler
cela les bons microbes). L’administration de colostrum provenant d’animaux
sous traitement aux antibiotiques pourrait nuire à l’établissement de la flore
normale.
DONNER LE PLUS TÔT POSSIBLE ET EN
QUANTITÉ SUFFISANTE
La capacité de l’intestin du veau
nouveau-né d’absorber les anticorps ne
dure qu’une courte période de temps.
En fait, 24 heures après la naissance,
les anticorps ne seront plus absorbés.
Il faut donc administrer le colostrum le
plus rapidement possible. L’administration du colostrum tôt après la naissance, à l’aide d’un biberon ou d’un
tube à gaver, a trois effets positifs sur
la santé du veau nouveau-né :
• Permettre une absorption optimale
des anticorps du colostrum;
• Permettre de lutter plus efficacement
contre les agents pathogènes, car les
anticorps sont présents avant l’invasion de l’organisme par les microbes;
• Diminuer les risques de contamination par voie buccale, car le veau
nouveau-né qui a soif et cherche à
téter se contamine fortement en
tétant bien des endroits plus ou
moins propres… Par contre, le veau
qui a bu cherche à se reposer et ainsi
risque moins de se contaminer dans
l’environnement.
On recommande d’administrer un
volume correspondant à 10-12 % du
poids corporel du veau. Cette quantité est
le plus souvent fractionnée en deux
repas: un premier dès que possible et un
deuxième environ six heures plus tard.
CONGELER LES SURPLUS
Le colostrum produit en surplus peut
être entreposé dans un congélateur standard (entre -18 °C et -25 °C). À ces températures, le colostrum se conserve pendant plusieurs mois, voire plusieurs
années. On congèle le colostrum de
préférence dans des bouteilles d’environ
1 litre, plus faciles à décongeler que les
contenants de plus grand format. Il faut
indiquer la date de récolte et l’identité
de la mère. La décongélation s’effectue
en submergeant la bouteille dans l’eau
tiède. Les anticorps pouvant être abîmés
par la chaleur, il est important que le
colostrum ne soit pas exposé à des températures excédant 50 °C. Il faut donc
être prudent si on utilise un four à microondes pour la décongélation.
UN BON DÉPART DANS LA VIE
Les anticorps sont essentiels pour combattre les nombreux agents pathogènes
qui sont présents dans l’environnement
immédiat. Le veau en est totalement
dépourvu à la naissance. Les quelques
heures qui suivent sont donc critiques
et l’administration d’un colostrum de
qualité, selon quelques règles de base,
permet de réduire les risques d’infection pour les jours, même les semaines
à venir, et d’optimiser la santé des
génisses de remplacement.
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Gilles Fecteau, professeur titulaire,
Département des sciences cliniques,
Faculté de médecine vétérinaire,
Université de Montréal
LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS MARS 2008
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