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LUMIÈRE
Paris
Versailles D’ici à la fin du mois de septembre, la portion de la RN 10
qui traverse Chaville, inaugurera un lampadaire conçu
par Yann Kersalé. D’un design étonnant, il a la mission de
redonner à cette voie qui reliait Paris à Versailles un sens
et une identité. Récit.
Voie royale
pour un lampadaire
A RN 10, qui relie Paris à Versailles, suit exactement le tracé de la
voie ouverte par Louis XIV en 1684 pour aller de Paris à Versailles.
Aujourd’hui, un tissu urbanistique incohérent et sans charme la
borde. Mais l’installation de candélabres créés par Yann Kersalé, sur
les 10 km qui relient la sortie de Paris, à hauteur du pont de Sèvres,
à l’entrée de Versailles, devrait lui donner une toute autre allure.
Tel un arc tendu, leur fût conique très effilé porte une immense flèche
transversale à mi-hauteur, à laquelle sont accrochées des lanternes
quasiment invisibles. Disposés en quinconce tous les 25 mètres, hauts
de 11 m, leur flèche présente une avancée de 5 m sur la chaussée. Ils
créeront une voûte lumineuse et physique tout au long de cette
nouvelle “Voie royale”, ainsi que la nomme le projet de requalification
signé par les trois communes de Sèvres, Chaville et Viroflay.
La voûte de la Voie royale
« Cette voûte ne mime pas la nature, surtout pas.
C’est une métaphore non végétale et contemporaine
des arbres qui bordent la Grande Allée du Roi à
Versailles, explique le créateur, redonnant à cette route
son identité d’axe majeur, de “Voie royale”. » Les
candélabres, multifonctionnels, qui sont aussi des
“objets lumière”, syntagme cher à Yann Kersalé, sont
chargés de structurer l’espace de jour comme de nuit.
« De jour, c’est une présence physique, non seule-
ment esthétique mais lumineuse. Dans la flèche, deux
néons incorporés fournissent une lumière dynamique
variant du vert au turquoise. Elle créera des espaces
temps particuliers, une fluctuation intimement liée à
l’identité du lieu, une sorte d’électrocardiogramme. »
L’entente
Les premiers coups de pioche ont été donnés, en
avril 2004, pour une première tranche de 800 m. Et
pour cause : le projet “Voie royale” fut impulsé en
1996 par Jean Levain, élu maire de cette agglomé-
ration en 95. Il entraîna les élus des villes limi-
trophes de Sèvres et de Viroflay dans la requalifica-
tion de la nationale 10 (1) qui traverse les trois
communes. « Nous avons fait réaliser une étude et
défini des principes d’aménagement communs (2),
puis signé une entente intercommunale en 1999.
Dans ce cadre, nous avons lancé un projet de mise
en lumière de l’avenue qui, à l’origine,
L
Objet lumière”, le candélabre, tout
en éclairant la chaussée, pulsera
d’une lumière dynamique colorée.
PHOTO AIK
Le luminaire Manta
Le bloc optique, basé sur le concept Sealsafe, est constitué du
microréflecteur µR, scellé directement sur la vasque de protection
pour conférer à la partie optique du luminaire un degré de
protection IP 66, maintenu dans le temps. Le µR est en aluminium
embouti et brillanté par oxydation anodique. La vasque de fermeture
est un verre borosilicate, résistant thermiquement à 400 °C.
Elle est plane et métallisée sous vide sur toute sa surface interne,
sauf au droit du réflecteur où elle est galbée et transparente
principalement pour des raisons de photométrie. « La difficulté fut
de réaliser par thermoformage cette pièce en déformant le verre
uniquement où c’était nécessaire, sans affecter la planéité de la
surface en miroir », explique Philippe Gandon-Léger, chef de
service technique chez Comatelec. La seconde difficulté fut de
réaliser, en fonderie, des charnières et pièces mobiles invisibles
dont la jonction soit parfaite.
La maintenance sera assurée grâce à une nacelle, avec accès direct
à la lampe après basculement de l’ensemble bloc optique Sealsafe,
caractéristique exigée par les services techniques de la ville.
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lumière
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DESSIN YANN KERSALÉ
D’APRÈS DOC. COMATELEC
Miroir
Verre bombé
Réflecteur µR
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concernait le bâti. » Jean
Levain va chercher Yann Kersalé,
dont il connaît un peu le travail. Ce
dernier montre très rapidement qu’il
faut s’appuyer sur l’éclairage public
et non sur l’illumination plutôt hasar-
deuse et coûteuse d’un bâti globale-
ment anarchique et inintéressant
qu’il vaudra mieux entreprendre de
réformer à plus long terme.
Quatre ans entre
le dessin et la sortie d’usine
Le court terme “éclairage public”
durera tout de même 4 ans (3), entre
la signature de l’accord avec Yann
Kersalé par les trois maires de
l’Entente intercommunale “Voie
royale” en février 2004, et l’installa-
tion du premier mât au début de cet
été. C’est que, passées les longueurs
administratives, réaliser ce candé-
labre fut à la mesure de l’ambition du
concepteur. Il a notamment fallu
beaucoup de temps pour obtenir
l’“amaigrissement” – comme dit le
créateur – considérable de l’objet
sans nuire à sa tenue aux vents
(149 km/h). Daniel Mutricy, chef
du bureau d’études chez le fabri-
cant de mâts Petitjean, se souvient :
«La finesse de la pointe du mât
nous a ainsi obligés à réaliser le
fût en deux parties : une partie en
acier cintrée de 8,8 m sur laquelle
vient s’emboîter très précisément
une pointe de 2,2 m en fonte
d’aluminium. Nous obtenons une
pointe de 30 mm de diamètre en
tête, en demi-sphère, au lieu
d’une pointe de 60 mm, diamètre
le plus petit que nous pouvions
obtenir sur le fût en acier. »
Le bras ne fut pas moins difficile à réaliser : il est aussi en deux
parties car, par endroits, la Voie royale est trop étroite pour effectuer
le levage d’un bras monobloc. Le bras avant, qui supportera deux
lanternes, mesure 6,6 m et le bras arrière (une lanterne) 2,4 m.
Chacun de ces bras est constitué de deux tôles rigidifiées par un
treillis. Les difficultés techniques ? « Toutes les tolérances étaient
très serrées, pour limiter le vrillage des bras, pour définir les cotes
des fixations des lanternes au bras et des bras au fût. » Autre diffi-
culté : la soudure des éléments des bras. « L’écartement n’est pas
constant et diminue en triangle. Cela empêche l’automatisation
du travail de soudure. » Sans oublier que Yann Kersalé exigeait
de ne voir ni vis ni boulons.
Une lanterne
modelée à la main
La lanterne Manta, réalisée en
fonte d’aluminium par Comatelec,
n’a rien à envier au fût ni à la flèche.
Ses dimensions sont extrêmement
réduites : 595 x 335 mm x 120 mm
de hauteur, pratiquement de
moitié plus petite qu’une lanterne
standard. Elle est construite
autour du microréflecteur µR du fabricant, deux à trois fois plus petit
qu’un réflecteur classique, et peut recevoir une lampe de dernière
génération aux iodures métalliques à brûleur céramique. Comme il
n’y a pas de standard pour construire la platine autour de cette
optique, AIK s’y est pris empiriquement. Si bien que la lanterne
l’épouse au plus près : « Nous l’avons modelée, à la main, dans la
glaise, autour du réflecteur pour réaliser le prototype du moule de
fonderie », raconte Christian Arhan, chef logistique chez AIK. La
verrine est quasiment plane et traitée en miroir pour refléter le sol et
ce qui l’entoure. « Le but de ce design est de la faire disparaître en
vision diurne », explique-t-il. « Les principales difficultés, signale à
son tour Philippe Gandon-Léger, directeur des services techniques
La flèche : le bras avant pèse 107 kg (hors luminaire, néons et
transformateur) et le bras arrière 40 kg. L’ensemble mesure 9 mètres
de long. L’assemblage doit permettre un alignement parfait de l’arête
supérieure de chacun des deux bras. L’ensemble du candélabre
(fût, bras, fixation du bras) est dimensionné et calculé pour obtenir
la résistance au vent nécessaire, y compris les effets de fatigue.
A l’origine, le candélabre comprenait
seulement deux lanternes situées
de part et d’autre de la flèche
à chaque extrémité. Mais le niveau
d’éclairement obtenu n’était pas
suffisant pour se conformer aux
exigences des Recommandations
AFE et CEN (niveau d’éclairement
à la mise en service de 50 lux).
La DEE a exigé que celui-ci soit
doublé, au léger détriment, hélas,
de l’équilibre esthétique.
2 210
9 037
40
Ø 30
40 °
5 300
6 949
R 27 700
40
11 985
DESSIN AIK / PHOTO PETITJEAN / SCHÉMA PETITJEAN
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chez Comatelec, furent la réalisation de la verrine et la parfaite jonc-
tion des pièces de fonderie, Yann Kersalé exigeant que rien ne soit
visible de l’extérieur. » (Voir encadré : La lanterne.)
Coûts et financements
L’opération aura coûté au total 1,3 million d’euros, financés à 50 % par
la ville (pour les mâts, les luminaires et les sources) et à 50 % par le
conseil général des Hauts-de-Seine, propriétaire de la voie, pour les
travaux de génie civil. Dans le cadre d’un précédent contrat régional, la
région subventionne 35 % de la part investie par la ville de Chaville. Le
plan de financement s’étale sur trois ans. L’addition est conséquente
mais, pour Jean Levain, « cette allée a maintenant une âme. La lumière
structure, embellit, attire, sécurise. La qualité de vie, mais aussi l’image
améliorée de la ville, la revitalisation des commerces de l’axe sont les
enjeux de ce programme ». Pour le fabricant de mâts, l’investissement
est lourd aussi, mais l’ampleur du marché espéré avec Sèvres et Viroflay
devrait le rentabiliser. Quant à Yann Kersalé, il rêve déjà de prolonger la
Voie royale jusqu’à Versailles. Allumage mi-septembre.
ANNE LOMBARD
(1) La RN 10, successivement D910, D10 et RN 10, va jusqu’à Hendaye.
(2) Les trois villes ont confié à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la
région Ile-de-France (IAURIF) la réalisation d’une étude préliminaire de diagnostic
(voirie, trafic, mobilier urbain, plantations et patrimoine immobilier en bordure de
route) et demandé des propositions de principes d’aménagement cohérents (mise
en valeur du site, développement des “circulations douces”, stationnement,
dessertes locales, accessibilité aux commerces, circulation des transports en
commun). Cela a abouti à l’édition d’un Plan de référence en mars 1997 :
Trois communes, un projet commun, requalification de leur grande avenue”.
Les intervenants
Maître d’ouvrage : ville de Chaville
Création lumière, design lampadaire
Albatros : AIK, Yann Kersalé
Néon : ARP Signal
Luminaire – Etude et réalisation
du luminaire Manta : Comatelec
Mât - Etude et réalisation : Petitjean
DESSIN YANN KERSALÉ
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