RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
2 | M. Frenette et M.-F. Vermette
situait à 71 % et en 2008, elle chutait à 56 %1. Si la situation est problématique au niveau
provincial, elle l’est d’autant plus au niveau municipal puisque « l’intérêt des Québécois
et des Québécoises pour les affaires municipales est généralement perçu comme étant
moins important que pour les enjeux nationaux. »2 En effet, aux élections municipales de
2005, 45 % des citoyens sont allés voter à l’échelle du Québec ;3 lors du dernier scrutin
tenu le 1er novembre 2009, le taux de participation ne s’est guère amélioré, se chiffrant à
40 %.4 Depuis 2003, les campagnes sociales incitant les citoyens à aller voter sont l’une
des actions mises de l’avant par le Directeur général des élections (DGE) pour tenter de
remédier à ce problème. Dans son plan stratégique 2009-2013, le DGE afrme vouloir faire
preuve de créativité et d’innovation an de s’adapter à l’actualité et de mieux répondre aux
besoins et aux attentes des citoyens. Ainsi, en contraste avec les campagnes précédentes qui
faisaient appel aux aspirations personnelles (2007-2008) et aux droits individuels (2003),
et ce, sur un ton sérieux,5 la campagne conçue pour les élections municipales de 2009 avait
recours à l’humour et au cynisme. Le but de cet article est de partager notre réexion sur la
problématique de communication que pose une telle campagne.
Bien que le geste de voter soit, somme toute, simple et ponctuel, la décision de voter ou
non est quant à elle un phénomène très complexe qui a fait l’objet de nombreuses études
en sociologie et en sciences politiques. À titre d’exemple, on peut mentionner la revue
de la littérature de Duval (2005) sur la participation électorale et celle de Sarra-Bournet
(2008) sur l’abstentionnisme. Pour sa part, l’étude récente de Bélanger et Nadeau (2009)
sur le comportement électoral des Québécois tient compte de deux catégories de variables
explicatives, soit les variables dites « lourdes » ou de long terme (langue, âge, sexe, clivage
régional, scolarité, statut socioéconomique, pratique religieuse, valeurs et position sur la
question nationale) et les variables de court terme (conjoncture économique, enjeux de la
campagne, image des chefs, sondages d’opinion). Vu la complexité de la problématique, on
conçoit aisément qu’il faut avoir recours à des actions éducatives sur une longue période
pour faire en sorte qu’un plus grand nombre de citoyens se sentent partie prenante de la
vie politique. Néanmoins, il est légitime de se demander dans quelle mesure une action
ponctuelle comme une campagne sociale arriverait tout de même à renforcer certains
facteurs favorables à la participation électorale, voire à les stimuler ?
Rappelons dès maintenant la campagne du DGE pour les élections municipales de 2009
qui fait l’objet de notre analyse. Intitulée « Le 1er novembre, on vote ! », celle-ci comportait
un volet télévisuel et un volet Web. Ces deux volets mettent de l’avant les responsabilités du
pouvoir municipal an que les gens reconnaissent l’importance d’aller voter pour maintenir
la qualité des services publics. Les six messages télévisuels de 15 secondes portent chacun
sur un service municipal, soit la qualité de l’eau, le recyclage et les déchets, le déneigement,
les espaces verts et les loisirs, la voirie et le service des incendies. Dans chaque message,
un personnage différent s’interroge sur la pertinence de voter : « Veux-tu ben (sic) me
dire pourquoi j’irais voter aux élections municipales ? ». Les téléspectateurs sont invités
à déduire la réponse en regardant la suite de la saynète. Par exemple, dans le cadre de la
publicité sur l’eau potable, on peut voir une femme ouvrir le robinet et se servir un verre
d’eau brunâtre6. Le volet Web consistait en une série de huit capsules mises en ligne sur un
site créé pour l’occasion (RDNTV.ca) du 6 octobre au 1er novembre 2009. Celles-ci mettaient
en scène une fausse émission d’affaires publiques, Chouinard en direct, dans laquelle
1. www.electionsquebec.qc.ca
2. Le gouvernement du Québec. (2004), « Muni-stat », vol 1, no 1, p.1
3. DGEQ. (2005) Rapport annuel de gestion 2004-2005, p. 43, Québec, 135 pages
4. http://www.radio-canada.ca/regions/Municipales2009/2009/11/02/012-dge-taux-participation.shtml
5. Pour une analyse détaillée de la campagne 2007-2008: « Je m’exprime », voir Frenette, M. (2010), La
recherche en communication : un atout pour les campagnes sociales, Presses de l’Université du Québec.
6. Les messages télévisuels sont décrits de manière plus détaillée à l’annexe A.