L`humour comme stratégie de communication ? Le cas des élections

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Communiquer
Revue de communication sociale et publique
6 | 2011
Varia
L’humour comme stratégie de communication ?
Le cas des élections municipales 2009 au Québec
Humour as a communication strategy? The case of the 2009 municipal elections
in Quebec
Micheline Frenette et Marie-France Vermette
Éditeur
Département de communication sociale et
publique - UQAM
Édition électronique
URL : http://communiquer.revues.org/437
DOI : 10.4000/communiquer.437
ISSN : 2368-9587
Édition imprimée
Date de publication : 1 octobre 2011
Pagination : 1-22
Référence électronique
Micheline Frenette et Marie-France Vermette, « L’humour comme stratégie de communication ? Le
cas des élections municipales 2009 au Québec », Communiquer [En ligne], 6 | 2011, mis en ligne le 21
avril 2015, consulté le 02 octobre 2016. URL : http://communiquer.revues.org/437 ; DOI : 10.4000/
communiquer.437
Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.
© Communiquer
Ri C S P
Revue internationale
Communication sociale et publique
www.ricsp.uqam.ca
L’humour comme stratégie de communication ?
Le cas des élections municipales 2009 au Québec
Micheline Frenette
Professeure, Université de Montréal, Canada
[email protected]
Marie-France Vermette
Doctorante, Université d’Ottawa, Canada
[email protected]
Résumé :
Le déclin de la participation électorale est un problème au Québec. Des campagnes de
communication tentent de remédier à la situation comme celle du Directeur général des
élections du Québec de 2009 qui avait pour but d’inciter les citoyens à voter aux élections
municipales. Dans le cadre d’une étude exploratoire, la stratégie de création (l’utilisation de
l’humour) de ces messages du DGE a été analysée à travers la lentille théorique du modèle
de la construction de sens alors que la stratégie d’implantation (utilisation d’Internet) a
été étudiée à partir du modèle des usages et gratifications. Pour ce faire, des groupes de
discussion et des entrevues ont été réalisés auprès de citoyens québécois en âge de voter. Les
résultats appuient nos réserves quant à la pertinence des stratégies utilisées par le DGE. Des
suggestions pour l’amélioration des campagnes futures sont proposées.
Mots-clés : campagne sociale ; participation électorale ; humour.
The declining rate of voter turn-out during elections is problematic in Quebec. Multiple
political, institutional and social factors influence the voting behaviours of citizens.
Communication campaigns attempt to reverse the situation, among which the latest
campaign of the Directeur general des elections (DGE) that aired in 2009. The goal of this
campaign was to encourage citizens to vote in the municipal elections. In this exploratory
study, the creation strategy (use of humour) and the implementation strategy (use of
Internet) of the messages produced by the DGE are analysed using the Sense-Making
and the Uses and Gratifications models. To this aim, focus groups and interviews were
conducted among some Quebec voters. Results confirm our hypothesis that the strategies
used by the DGE are not necessarily the optimal ones. Suggestions for the improvement of
campaigns to come are offered.
Keywords: social campaign ; voter turnout ; humour.
Introduction
Le vote des citoyens au moment des élections est considéré par plusieurs comme la pierre
d’assise de notre système démocratique. Or, le taux de participation électorale est en baisse
constante au Québec depuis plusieurs années. En 1998, 78 % des citoyens québécois ont
exercé leur droit de vote aux élections provinciales ; en 2007, la participation moyenne se
Certains droits réservés © Micheline Frenette et Marie-France Vermette (2011)
Sous licence Creative Commons (by-nc-nd).
ISSN 1913-5297
1
2 | M. Frenette et M.-F. Vermette
RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
situait à 71 % et en 2008, elle chutait à 56 %1. Si la situation est problématique au niveau
provincial, elle l’est d’autant plus au niveau municipal puisque « l’intérêt des Québécois
et des Québécoises pour les affaires municipales est généralement perçu comme étant
moins important que pour les enjeux nationaux. »2 En effet, aux élections municipales de
2005, 45 % des citoyens sont allés voter à l’échelle du Québec ;3 lors du dernier scrutin
tenu le 1er novembre 2009, le taux de participation ne s’est guère amélioré, se chiffrant à
40 %.4 Depuis 2003, les campagnes sociales incitant les citoyens à aller voter sont l’une
des actions mises de l’avant par le Directeur général des élections (DGE) pour tenter de
remédier à ce problème. Dans son plan stratégique 2009-2013, le DGE affirme vouloir faire
preuve de créativité et d’innovation afin de s’adapter à l’actualité et de mieux répondre aux
besoins et aux attentes des citoyens. Ainsi, en contraste avec les campagnes précédentes qui
faisaient appel aux aspirations personnelles (2007-2008) et aux droits individuels (2003),
et ce, sur un ton sérieux,5 la campagne conçue pour les élections municipales de 2009 avait
recours à l’humour et au cynisme. Le but de cet article est de partager notre réflexion sur la
problématique de communication que pose une telle campagne.
Bien que le geste de voter soit, somme toute, simple et ponctuel, la décision de voter ou
non est quant à elle un phénomène très complexe qui a fait l’objet de nombreuses études
en sociologie et en sciences politiques. À titre d’exemple, on peut mentionner la revue
de la littérature de Duval (2005) sur la participation électorale et celle de Sarra-Bournet
(2008) sur l’abstentionnisme. Pour sa part, l’étude récente de Bélanger et Nadeau (2009)
sur le comportement électoral des Québécois tient compte de deux catégories de variables
explicatives, soit les variables dites « lourdes » ou de long terme (langue, âge, sexe, clivage
régional, scolarité, statut socioéconomique, pratique religieuse, valeurs et position sur la
question nationale) et les variables de court terme (conjoncture économique, enjeux de la
campagne, image des chefs, sondages d’opinion). Vu la complexité de la problématique, on
conçoit aisément qu’il faut avoir recours à des actions éducatives sur une longue période
pour faire en sorte qu’un plus grand nombre de citoyens se sentent partie prenante de la
vie politique. Néanmoins, il est légitime de se demander dans quelle mesure une action
ponctuelle comme une campagne sociale arriverait tout de même à renforcer certains
facteurs favorables à la participation électorale, voire à les stimuler ?
Rappelons dès maintenant la campagne du DGE pour les élections municipales de 2009
qui fait l’objet de notre analyse. Intitulée « Le 1er novembre, on vote ! », celle-ci comportait
un volet télévisuel et un volet Web. Ces deux volets mettent de l’avant les responsabilités du
pouvoir municipal afin que les gens reconnaissent l’importance d’aller voter pour maintenir
la qualité des services publics. Les six messages télévisuels de 15 secondes portent chacun
sur un service municipal, soit la qualité de l’eau, le recyclage et les déchets, le déneigement,
les espaces verts et les loisirs, la voirie et le service des incendies. Dans chaque message,
un personnage différent s’interroge sur la pertinence de voter : « Veux-tu ben (sic) me
dire pourquoi j’irais voter aux élections municipales ? ». Les téléspectateurs sont invités
à déduire la réponse en regardant la suite de la saynète. Par exemple, dans le cadre de la
publicité sur l’eau potable, on peut voir une femme ouvrir le robinet et se servir un verre
d’eau brunâtre6. Le volet Web consistait en une série de huit capsules mises en ligne sur un
site créé pour l’occasion (RDNTV.ca) du 6 octobre au 1er novembre 2009. Celles-ci mettaient
en scène une fausse émission d’affaires publiques, Chouinard en direct, dans laquelle
1. www.electionsquebec.qc.ca
2. Le gouvernement du Québec. (2004), « Muni-stat », vol 1, no 1, p.1
3. DGEQ. (2005) Rapport annuel de gestion 2004-2005, p. 43, Québec, 135 pages
4. http://www.radio-canada.ca/regions/Municipales2009/2009/11/02/012-dge-taux-participation.shtml
5. Pour une analyse détaillée de la campagne 2007-2008: « Je m’exprime », voir Frenette, M. (2010), La
recherche en communication : un atout pour les campagnes sociales, Presses de l’Université du Québec.
6. Les messages télévisuels sont décrits de manière plus détaillée à l’annexe A.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 3
un animateur harangue le public en illustrant la situation des villes du Québec quelques
semaines après des élections municipales où personne n’est allé voter. Les services publics
sont inexistants et le chaos règne. Les vidéos présentent des enjeux différents allant de
l’absence de services d’incendie (faisant place à une brigade de pompiers très amateurs) au
contrôle des stationnements de la ville par le crime organisé7.
Pour mener à bien notre réflexion, nous allons nous inspirer d’une démarche qui
s’appuie sur les connaissances acquises en sciences sociales, incluant les sciences de la
communication et qui est décrite en détails dans Frenette (2010). Cette réflexion sera
orientée par un cadre théorique éclectique, inspiré de modèles sur la persuasion et sur
l’influence des médias et servant à comprendre dans quelles circonstances les individus en
viennent à modifier leur comportement et dans quelle mesure une campagne médiatique
pourrait soutenir un tel cheminement. À la lumière de ce cadre théorique, nous examinerons
des études sur la participation électorale et sur l’utilisation de l’humour en publicité et en
politique ainsi que des données issues d’une enquête exploratoire sur la réception de cette
campagne auprès d’une soixantaine de citoyens. Bien qu’il soit impossible d’en vérifier
l’influence a posteriori, nous espérons néanmoins contribuer un tant soit peu à la réflexion
sur le rôle des campagnes sociales dans la problématique de la participation électorale.
Orientation théorique
Pour orienter notre réflexion sur la campagne du DGE, nous avons privilégié une
orientation théorique qui fait appel à deux théories de la persuasion ou du changement et à
une théorie sur l’influence des médias. Les premières attirent notre attention sur certaines
variables associées aux changements de comportement de manière à guider les initiatives
de persuasion. Ainsi, la théorie du comportement planifié suggère de guider les gens vers
les changements souhaités en tenant compte de leurs attitudes, des coûts et bénéfices que
représente le changement proposé et de leur capacité à changer. Toutefois, malgré ses
avantages (et comme son nom l’indique), elle reflète une conception très rationelle du
comportement humain qui ne fait pas suffisamment de place, à notre avis, aux processus
interprétatifs. C’est pourquoi nous avons cru bon de la jumeler avec l’approche de la
construction du sens qui accorde davantage d’autonomie à l’individu et qui pose comme
condition préalable à tout changement la pertinence du message pour celui-ci. Or, même
dans le cas où les campagnes sociales s’inspirent d’une approche théorique de la persuasion,
les messages qui parviennent aux individus par l’entremise des médias sont non sollicités.
C’est pourquoi nous jugeons important d’adjoindre une théorie sur l’influence des médias
afin de comprendre comment la portée de la campagne sera amplifiée, diminuée ou annulée
par la dynamique des médias dans laquelle elle s’insère. À cette fin, nous avons retenu
l’approche des usages et gratifications. Dans l’optique de ce modèle, la personne avec qui
nous communiquons au moyen d’une campagne est active face aux messages proposés, peut
facilement leur résister et en jugera l’utilité en fonction de ce qu’elle en retire. Nous allons
maintenant expliquer davantage chacune de ces trois approches avant de parler de leur
complémentarité.
La théorie du comportement planifié
La théorie du comportement planifié (Ajzen & Fishbein, 1980 ; Fishbein et Yzer, 2003)
suggère que l’individu modifie ses comportements en fonction de trois variables : ses
attitudes (son point de vue face au comportement), ses normes subjectives (la perception
de ce qu’on attend de lui dans la société) et son foyer de contrôle (la perception qu’il a de sa
7. Les capsules vidéo sont décrites de manière plus détaillée à l’annexe A.
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propre capacité à agir). La théorie du comportement planifié est apparue pertinente pour
anticiper l’influence d’une campagne sur la participation électorale parce que ces trois volets
captent chacun un aspect important du phénomène.
En premier lieu, les attitudes des personnes seraient influencées par la perception
des conséquences que le comportement aura pour eux ; cette perception s’appuie sur
l’évaluation des coûts et des bénéfices du comportement en question. Ainsi, la décision de
voter répond à des motivations diverses, mais contrairement aux problématiques de santé
visées par plusieurs campagnes sociales, le vote n’est pas ressenti comme une urgence avec
des conséquences immédiates pour l’individu, ce qui rend la tâche de persuasion d’autant
plus difficile.
Deuxièmement, la théorie du comportement planifié suggère d’accorder de l’importance
aux normes subjectives (autrement dit, la vision sociale de l’individu) lorsqu’on cherche
à encourager de nouveaux comportements. Le vote individuel est justement un geste qui
prend tout son sens dans une perspective collective. Il semble donc essentiel d’inclure cette
dimension sociale dans un argumentaire qui se veut convaincant.
Enfin, en incluant dans le modèle du comportement planifié la notion de foyer de
contrôle, on nous invite à tenir compte du fait que les individus diffèrent dans leur habileté
à exécuter certains comportements jugés souhaitables. Bien que le geste concret de voter
soit à la portée de presque tous les citoyens, la motivation pour se rendre aux urnes est
fortement liée aux compétences civiques de chacun, incluant la perception qu’ils ont de leur
propre marge de manœuvre dans la société. Nous examinerons dans quelle mesure une
campagne pour inciter à la participation électorale comme celle du DGE peut miser sur ces
trois volets.
La théorie de construction du sens
Dans une optique complémentaire à la théorie précédente, le modèle de la construction du
sens propose de concevoir l’individu comme un être en mouvement dans un espace-temps
donné qui cherche constamment à produire un sens à partir du monde dans lequel il vit (y
compris des messages qui sont portés à son attention), afin de progresser dans l’atteinte de
ses objectifs personnels (Dervin et Frenette, 2001). L’interprétation qu’il fera d’un message
dépendra de divers facteurs dont son contexte de vie (expériences, besoins) et le constat
qu’il fait de la problématique (brèches, problèmes, questions et obstacles). Ainsi, dans le
cas de la participation électorale, il est possible qu’un message à ce sujet le laisse indifférent
parce qu’il juge d’autres aspects de la vie prioritaires, parce qu’il a une mauvaise expérience
de la politique, parce qu’il ne voit pas le lien entre les élections et les enjeux importants à
ses yeux, et ainsi de suite. Selon cette approche, c’est dans la mesure où le message reflète
son expérience de vie et fait écho à ses préoccupations qu’il fera sens pour lui. Ce serait là
une condition préalable nécessaire mais insuffisante pour que se produise un changement
d’attitude ou de comportement. Pour lui permettre de faire ce pas supplémentaire, il faudrait
que le message lui propose en plus un élément de solution, par exemple, une réponse à une
question ou une ressource à consulter. À l’aide de ce modèle, nous tenterons d’anticiper
le sens que peut avoir la campagne 2009 du DGE aux yeux des électeurs et comment elle
pourrait s’insérer dans leur cheminement politique.
La théorie des usages et gratifications
Les études sur l’influence des médias issues de la tradition des usages et gratifications
(Katz, 1989) fournissent des indications utiles pour optimaliser une campagne sociale.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 5
Tout d’abord, cette approche attire notre attention sur la résistance au changement
puisque le public, loin d’être malléable, aurait plutôt tendance à conforter ses positions.
Le renforcement des opinions préexistantes se produirait à cause d’une attention forte aux
messages qui vont dans le sens de nos opinions et par une attention faible aux autres. En
d’autres mots, face aux contenus des médias, des filtres cognitifs découlant des intérêts et
opinions préalables donneraient lieu successivement à une exposition sélective, à une
perception sélective et enfin, à une mémorisation sélective. C’est particulièrement
le cas pour des messages susceptibles de créer un inconfort psychologique, phénomène
connu sous le nom de dissonance cognitive. En d’autres mots, pour éviter de s’interroger
sur notre comportement ou de remettre en question nos opinions, on choisit d’ignorer le
message. Ainsi, quelqu’un qui a une opinion défavorable envers les élections municipales
s’intéresserait davantage aux reportages sur la corruption qu’aux autres messages qui font
appel au sens civique. Dans cette optique, on peut penser que le choix de l’humour dans la
campagne 2009 visait à retenir l’attention et à séduire, mais nous verrons plus loin qu’il ne
s’agit pas d’une panacée pour autant.
Un autre constat important sur les campagnes sociales qui découle des études sur les
usages et gratifications a trait aux réseaux sociaux en tant que médiateurs de l’influence
des médias. Plutôt que de concevoir l’individu comme une cible isolée, on souligne que les
messages des médias transigent souvent par les leaders d’opinion ou sont réinterprétés
à travers les discussions avec l’entourage avant, pendant et après le visionnement ou la
lecture. L’entourage peut donc être déterminant pour le succès d’une campagne, selon qu’il
se crée un engouement ou une aversion à l’endroit de la campagne en question et de la
problématique qu’elle présente.
Enfin, comme son nom l’indique, cette approche suggère que les individus font des
usages diversifiés des contenus médiatiques (information, divertissement, connexion
sociale, etc.) en vue de satisfaire leurs besoins psychologiques et sociaux. Lorsque ceuxci sont satisfaits, ils en retirent des gratifications (apprentissage, relaxation, fuite, etc.)
qui les motivent à continuer de fréquenter les médias. En conséquence, on peut également
s’interroger sur les usages que les gens auront pu trouver à la campagne du DGE et les
gratifications qu’ils auront pu en retirer. La question se pose avec encore plus d’acuité pour
le volet de la campagne sur le Web puisque ce média permet un fort degré d’interactivité.
Nous avons réuni les concepts de ces trois approches théoriques dans le Tableau 1 afin de
constater comment elles se complètent même si elles se chevauchent quelque peu. C’est le
cadre qui va orienter notre réflexion sur la campagne du DGE pour les élections municipales.
Dans un premier temps, nous examinons le contexte de la problématique, autrement dit,
leurs expériences et leurs perceptions par rapport à la participation électorale ; ensuite,
nous tentons tente de saisir les facteurs qui empêchent les citoyens de se rendre aux urnes
et ceux qui les encouragent à le faire. Simultanément, nous interrogeons le potentiel de la
campagne à s’arrimer à l’un ou l’autre de ces aspects de la vie politique des individus. On
comprendra que ces concepts ne sont pas dans des cases étanches mais bien en interaction
les uns avec les autres, ce qu’indiquent les flèches entre les colonnes du tableau. En outre,
nous insistons sur le caractère exploratoire de notre analyse.
Méthodologie du terrain
Nous avons complété notre recension des écrits par une démarche exploratoire sur le
terrain auprès d’une soixantaine d’électeurs québécois quelque temps après les élections
municipales du 1er novembre 2009. Quatre groupes de discussion variant d’une heure à une
heure trente furent organisés, dont deux portaient sur la campagne télévisuelle et les deux
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Comportement
planifié
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Construction
du sens
Usages & gratifications
Expériences
et besoins
Réseaux sociaux
Problèmes,
brèches & questions
Perception sélective/
dissonnance cognitive
Ressources/
Solutions
Usages &
gratifications
Contexte de la problématique
Normes
subjectives
Facteurs nuisant au changement
Foyer de contrôle/
Coûts
Facteurs facilitant le changement
Bénéfices
Tableau 1. Les concepts fondamentaux des approches théoriques servant à l’analyse.
autres sur la campagne Web. Un questionnaire en ligne explorait également la campagne
télévisuelle.
Déroulement des groupes de discussion.
Outre les informations sociodémographiques habituelles (âge, occupation, etc.), on
demandait aux participants dans quelle municipalité ils habitaient, quelles étaient leurs
habitudes de vote à tous les paliers (fédéral, provincial et municipal) et s’ils avaient voté
aux dernières élections municipales. D’autres questions exploraient leurs attitudes à l’égard
de la politique et leurs motivations à participer ou non à la vie politique, par le vote ou
autrement. Ensuite, on vérifiait leur connaisance de la campagne 2009 du DGE ainsi que
leur interprétation des messages télévisuels ou des capsules Web qu’ils avaient pu voir.
S’ensuivait un visionnement des six messages télévisuels dans le cas du premier groupe et de
trois capsules vidéo dans le cas du second ainsi qu’une discussion sur le sens de ces messages,
leur appréciation du style et du contenu et l’influence possible d’une telle campagne à leurs
yeux. Enfin, on recueillait leurs suggestions pour augmenter la participation électorale, soit
par des campagnes de sensibilisation comme celles du DGE ou par d’autres moyens.
Contenu du questionnaire.
Un questionnaire mis en ligne sur la plateforme Google Docs abordait les mêmes thématiques
que dans les groupes de discussion, soit les intérêts politiques des participants, leur
pratique électorale, leurs réactions face aux publicités du DGE ainsi que leur perception de
l’engagement politique et social. Il comprenait 32 questions à choix multiples et 7 questions
ouvertes où les répondants pouvaient écrire leurs commentaires.
Recrutement et participants.
Dans le cadre de cette démarche exploratoire, tous les répondants furent recrutés par le
biais de réseaux sociaux (scolaire, familial et professionnel). Au total, nous avons recueilli
l’opinion de 61 répondants, dont 18 dans des groupes de discussion et 43 via le questionnaire.
La plupart, soit 65 % (39), étaient âgés de 18 à 30 ans alors que 24 % (9) étaient dans la
tranche de 31 à 65 ans et 11 % (6) avaient plus de 65 ans. Une bonne majorité, soit 72 % (44),
étaient des femmes et en conséquence, 28 % (17) étaient des hommes. Quant à leur lieu de
résidence, 30 % (18) habitaient Montréal, 31 % (19) la Rive-Sud, 23 % (14) la Rive-Nord et
10 (16 %) St. Jean-sur-Richelieu. Les étudiants universitaires et les personnes sur le marché
du travail étaient en nombre comparable, soit 46 % (28) et 43 % (26) respectivement, alors
que les retraités formaient le reste de l’échantillon soit 11 % (7). Mentionnons aussi que
neuf des individus occupant un emploi avaient un diplôme universitaire. La répartition
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 7
exacte des sujets dans les diverses mesures est décrite à l’annexe B. Aussi, bien qu’il y ait
une certaine diversité sociodémographique dans l’échantillon, il n’y a aucune prétention de
représentativité.
Analyse exploratoire de la campagne 2009 du DGE
Cette section mobilisera notre recension des écrits ainsi que les résultats combinés des
entrevues et du questionnaire et sera organisée en suivant les concepts du Tableau 1.
Le contexte de la problématique : quel est le profil politique des individus ?
Les normes subjectives : le devoir citoyen
Selon les synthèses de la littérature que nous avons consultées (Duval, 2005 ; Sarra-Bournet,
2008), les facteurs influençant le vote de manière positive englobent les connaissances
politiques, l’engagement politique, les affiliations, le sens du devoir civique et les
compétences civiques, les attitudes positives face au système électoral ou le désir d’exprimer
son point de vue. Le concept de devoir civique rejoint le plus celui des normes subjectives
mis de l’avant dans la théorie du comportement planifié. C’est une notion complexe qui fait
référence au sentiment de responsabilité morale éprouvée par une personne qui se perçoit
comme membre d’une collectivité, bref comme citoyen. En règle générale, le sens du devoir
civique inciterait justement à voter, puisqu’il s’agit non seulement d’un droit, mais aussi
d’une obligation de participer « aux affaires de la cité ». Plusieurs auteurs en confirment
l’importance dont Blais (2008) : « C’est là une occasion (peu coûteuse) pour plusieurs
d’entre nous d’affirmer notre appartenance à la collectivité et notre foi en la démocratie. »
(p. 57). Plusieurs participants, surtout parmi ceux qui avaient l’habitude de voter à tous
les paliers, affirmaient en effet que le devoir civique dictait de suivre les élections et de
participer au scrutin.
« Il s’agit de notre devoir de prendre position. »
« Moi je suis allée, je suis toujours allée voter…municipales, provinciales…et j’ai perdu…mais c’est
un devoir de citoyen. »
« Ce n’est pas une priorité, mais oui ça serait probablement dans mon devoir de m’informer plus
surtout quand il y a des élections. »
Ainsi, malgré les imperfections du système politique, certains perçoivent le vote comme
une façon de rajouter sa voix à celle des autres et une justification pour protester par la suite.
« S’abstenir de voter, c’est décider de laisser les autres décider pour soi. »
« C’est la seule façon de nous faire entendre, il faut en profiter et exprimer notre choix. Chaque
élection est importante au développement de ma municipalité. »
« Quand je vote c’est comme si je pouvais chialer. Quand je vais voter, après je vais pouvoir dire
ce que je pense. »
Par ailleurs, plusieurs jeunes ne seraient pas aussi enclins que leurs prédécesseurs à
reconnaître l’importance de voter. Par exemple, au début de l’automne 2008, soit quelque
temps avant les deux élections, fédérale et provinciale, un sondage révélait que 60 %
des Québécois de 18-30 ans se disaient indifférents à la politique tout en souhaitant, le
cas échéant, des politiciens jeunes, intègres et visionnaires8. Par contre, il serait inexact
de parler de décrochage politique pour l’ensemble des jeunes, car ceux-ci ne suivent pas
nécessairement les formes traditionnelles de l’engagement comme l’ont fait les générations
précédentes. En effet, selon Rodriguez (2010), le sens de l’engagement se transforme ;
8. Cameron, D., « Les jeunes Québécois se foutent de la politique !», La Presse, 19 septembre 2008.
8 | M. Frenette et M.-F. Vermette
RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
l’auteure observe en fait l’émergence de pratiques peu banales comme des concours de
vidéos politiques en ligne.
Dans la même veine, St-Pierre Plamondon (2009), à la suite d’entrevues réalisées
auprès de 500 jeunes québécois âgés entre 20 et 35 ans, énonce que les jeunes sont
passionnés par la politique, mais ne s’impliquent pas dans le système démocratique actuel
par choix. Ils préfèrent s’engager là où ils pensent avoir un impact plus tangible et être
davantage valorisés. Ainsi, selon cet auteur, « le manque d’intégrité et de crédibilité de
nos institutions démocratiques a amené ma génération à bouder la politique pour choisir
d’autres formes d’implications plus utiles et plus crédibles » (p. 53). De fait, parmi ceux que
nous avons interrogés, certains jeunes adultes non-votants choisisent de s’engager dans leur
communauté d’une autre façon, comme dans le bénévolat et les jardins communautaires. En
somme, le devoir civique, lorsqu’il est présent, ne comprend pas nécessairement l’obligation
de se rendre aux urnes.
Faire en sorte que les citoyens se considèrent comme membres d’une collectivité avec
les privilèges et les responsabilités qui vont de pair nécessite une action éducative à long
terme. En arriver à ce que l’obligation de voter compte parmi ces responsabilités citoyennes
obligerait, selon plusieurs, à une réflexion sérieuse sur les failles de notre système politique,
comme nous le verrons un peu plus loin. Sur ce plan, une campagne sociale ne peut être
que le relai d’actions plus significatives – du moins pourrait-elle prendre soin que la notion
de responsabilité collective soit renforcée dans ses messages. Rappelons à ce sujet que les
messages télévisuels du DGE mettent en scène des individus isolés et que, paradoxalement,
on ne voit une action collective que dans les capsules Web lorsque les gens s’entraident
(bien que maladroitement) pour pallier à l’absence de services municipaux.
Les expériences et les besoins : mieux comprendre les élections et les
municipalités
Parmi nos répondants, 90 % ont affirmé voter aux élections provinciales et 87 % aux
élections fédérales ; pour ce qui est des élections municipales de 2009, 42 % seulement
s’étaient prévalus de leur droit de vote, à l’instar du reste de la population québécoise.
Leur faible participation, particulièrement à ce palier, justifie une intervention destinée à
stimuler l’engagement politique à ce niveau. Nous avons obtenu quelques indications sur
les besoins qui seraient à combler pour les soutenir dans un tel cheminement. Que manquet-il à certains citoyens pour décider de se rendre voter ? De manière un peu surprenante, il
semble que plusieurs manquent d’informations spécifiques sur leur propre municipalité,
sur le rôle des candidats, sur les enjeux et les partis politiques en lice.
« Plus de renseignements encore sur les actions que ces politiciens veulent faire. »
« Une opinion très claire d’une nécessité de rejet d’un groupe. Si telle idée mène un groupe, tu
peux voter pour ou contre ça. »
« Mais disons avoir plus de renseignements par régions…par exemple un site du DGE pour de plus
amples informations par régions…disons pour Saint-Jean, tu cliques, tu vois tous les candidats
avec leurs programmes. »
Plusieurs personnes vivant à l’extérieur de la métropole trouvaient d’ailleurs qu’il y avait
beaucoup plus d’information dans les médias sur les élections de Montréal, à tel point que
certains se sentaient prêts à voter dans cette ville même s’ils n’y habitent pas.
« La campagne à Montréal a été beaucoup médiatisée alors je serais allée votée parce que j’avais
mon opinion de faite alors qu’à St-Lambert je n’avais aucune opinion. Je me sens moins touchée. »
Fait intéressant, la politique montréalaise est tellement présente dans les médias que
certains ont perçu les messages télévisuels de la campagne du DGE comme étant spécifiques
à cette ville.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 9
« Ça prouve que le système d’aqueduc de Montréal est désuet. »
« Ça montre qu’il y a eu des coupures dans les services essentiels à Montréal. »
Au-delà d’informations factuelles sur les élections en cours, nous avons perçu un besoin
plus profond de comprendre la politique municipale. De fait, certains de nos répondants
étaient d’avis que la politique est un univers très complexe qui est difficile à saisir et qui leur
semble parfois inaccessible. Fait à noter, ces commentaires ont été émis par des étudiants
universitaires.
« La politique, c’est trop compliqué. »
« Je trouve ça important de s’informer parce que justement tout le monde est concerné, mais
je connais juste la base et ça ne m’intéresse pas vraiment. C’est compliqué les histoires et c’est
toujours des magouilles et donc je suis pas portée à m’informer là-dessus. »
« Je ne suis pas allée voter, tout simplement parce qu’il y avait trop de candidats et trop de partis
donc l’intérêt n’était pas là. »
En expliquant comment fonctionne le système municipal québécois, Melançon (2009)
nous aide à comprendre pourquoi il peut être difficile pour certains citoyens de faire un choix
éclairé quand vient le temps de voter. Les élections sont réalisées à partir d’une démocratie
de type représentatif puisque, à travers la libre concurrence entre les partis politiques, les
habitants votent pour le candidat d’un parti qui devient leur représentant au sein du conseil
municipal. Or, aux niveaux fédéral et provincial, les chefs de parti et une bonne part des
députés sont bien connus du public, alors que c’est plus rarement le cas au niveau municipal
(exception faite des grandes villes). En fait, selon Melançon (2009), le maire est souvent le
seul représentant connu de son parti. C’est ce qui mène d’ailleurs l’auteur à comparer les
élections municipales au Québec au système présidentiel en France :
Seul à être élu au suffrage universel par tous les électeurs de la ville, le maire contrôle les divers
leviers politiques et un peu comme un président qui nomme ses plus proches collaborateurs à des
fonctions clés, il désigne les membres du comité exécutif (Melançon, 2009, p. 68).
L’auteur explique également que les différents comités, fonctions et responsabilités
répartis entre le maire, le président du comité exécutif, les membres du comité exécutif
et les fonctionnaires de l’administration municipale (non-élus) sont souvent mal compris
par les élus municipaux eux-mêmes, ce qui témoigne de la complexité réelle de la structure
municipale. Aussi, contrairement aux paliers provincial et fédéral, le système politique
municipal demeure souvent relativement flou lorsqu’il est question d’orientation politique
(droite ou gauche, libéral ou conservateur, etc.). On peut donc penser que les repères
permettant aux citoyens d’exprimer leur opinion politique sont plus difficiles à identifier au
niveau municipal alors que l’orientation politique d’un parti demeure une raison cruciale
qui incite les citoyens à voter pour un candidat en particulier autant au niveau provincial
que fédéral.
Une campagne sociale ne peut suffire en elle-même à satisfaire le besoin de mieux
comprendre la politique municipale. Toutefois, elle peut jouer un rôle crucial en servant
de tremplin vers des ressources plus substantielles, à la condition que celles-ci soient
disponibles. L’Internet est un média qui permettrait la création de tels outils de connaissance
individualisés.
Les réseaux sociaux : une dynamique à exploiter
Dans la théorie des usages et gratifications, Katz (1989) suggérait que pour comprendre
l’influence des médias, il fallait tenir compte de comment les messages étaient ré-interprétés
dans les contextes sociaux. Au moment de sa formulation, le concept des réseaux sociaux
faisait référence aux relations interpersonnelles en face-à-face. De nos jours, une dimension
10 | M. Frenette et M.-F. Vermette
RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
supplémentaire se rajoute dans le sens où les médias sociaux sont maintenant porteurs
d’une partie grandissante de la dynamique sociale des individus et pas seulement pour les
jeunes. En effet, selon la dernière enquête du CEFRIO (2010), plus des trois quarts (78 %)
des internautes québécois ont fréquenté ou ont contribué au contenu d’au moins un média
social, qu’il s’agisse de sites de réseautage tels Facebook, de blogues ou de microblogues.
Fait notoire, les internautes de 18 à 24 ans font une utilisation moins intense des réseaux
sociaux : 56 % d’entre eux les utilisent quotidiennement en 2010, comparativement à 65 %
en 2009. De l’autre côté, on note une arrivée massive des 35-54 ans dans les médias sociaux
bien que les pratiques diffèrent. Par exemple, en 2010, on constate une généralisation de
l’utilisation des blogues, mais de manière générale, l’expression de commentaires sur ceuxci reste l’apanage des jeunes internautes de 18 à 24 ans.
Il est donc toujours pertinent de tenir compte du réseau social dans la stratégie d’une
campagne et la problématique de la participation électorale s’y prête particulièrement bien.
Dans un autre rapport du CEFRIO (2011) qui se penche sur la manière dont les 18-24 ans
vivent leur citoyenneté dans notre ère numérique, on reconnaît, à l’instar de plusieurs
autres sources, qu’ils se sentent moins interpelés par les élections que leurs parents et
qu’ils exercent leur droit de vote moins souvent qu’eux mais qu’ils privilégient d’autres
formes d’engagement social. « Ainsi, ils se servent de réseaux sociaux comme Facebook
pour sensibiliser leurs amis à certaines causes, ils signent des pétitions en ligne ou ils se
servent de l’information trouvée sur le Web pour acheter des articles qui semblent avoir
été produits de manière acceptable sur le plan social ou environnemental. Par conséquent,
le défi des organisations consiste en grande partie à repenser la façon dont ils définissent
l’action sociale ou politique, et à placer les TIC au cœur des stratégies qu’elles mettent en
œuvre pour mobiliser les jeunes et les amener à poser certains gestes. » (CEFRIO, 2011, p. 5)
Il y aurait donc lieu de se pencher sur la manière dont le DGE pourrait miser sur les médias
sociaux dans une prochaine campagne sur la participation électorale.
Les facteurs nuisant au changement : Les obstacles à la participation
électorale
Le foyer de contrôle : une démocratie à repenser ?
La notion de foyer de contrôle nous aide à comprendre pourquoi plusieurs citoyens
s’abstiennent de voter. Ainsi, selon Blais (2008), une raison pour laquelle les gens ne
votent pas, c’est en effet le sentiment que leur vote ne changera rien. Et le chercheur leur
donne raison sur un plan strictement logique. « Selon la théorie des choix rationnels, il
apparaît non rationnel de voter, puisque les bénéfices sont trop petits, étant donné la très
faible probabilité que mon vote soit décisif, soit 1 sur 25 000 » (Blais, 2008, p. 55). L’auteur
s’empresse de rajouter que, en fin de compte, ce facteur ne jouerait pas un grand rôle, car les
individus les plus scolarisés votent le plus, et ce sont eux qui seraient les plus susceptibles
de s’adonner à ce type de réflexion. Par ailleurs, il est facile de penser que bon nombre de
gens, dont ceux qui sont peu scolarisés, ont aussi la nette impression que voter ne sert pas à
grand-chose, sans faire un tel calcul.
D’ailleurs, parmi les citoyens dont nous avons sollicité l’opinion, ce sont les jeunes
adultes en particulier qui remettaient en question la pertinence du système démocratique
tel que nous le connaissons. Par exemple, certains disaient qu’un vote aux quatre ans est
un simulacre de participation puisque les candidats élus n’ont pas l’obligation de tenir
leur promesse ou de suivre leur programme. En outre, ils affirmaient se retrouver souvent
dans la position de devoir voter contre un parti plutôt que pour un parti, ce qui reflétait
à leur avis une rupture dans le principe démocratique et dans la réelle représentation de la
population en chambre.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 11
« C’est important [le vote]. Normalement, ça devrait signifier la démocratie, mais… oui en quelque
part il y a une démocratie, mais est-ce qu’elle est vraiment là on sait pas trop. »
« J’aimerais ça qu’on soit plus impliqué, un vote à chaque quatre ans c’est rien. On peut rien faire.
Pis ils ont pas l’obligation de tenir leurs promesses ou de suivre leur programme. »
Ces répondants ne sont pas les seuls à exprimer de tels doutes à l’endroit du système
démocratique puisque des analystes du monde politique en viennent aux mêmes
conclusions. En effet, suite à des entrevues avec des chercheurs, un journaliste signalait
leurs inquiétudes de voir les démocraties occidentales dévier de leur objectif premier, soit
de défendre les intérêts collectifs, pour défendre plutôt les droits individuels et les intérêts
privés.9 Il écrivait : « Certains politologues en sont venus à écrire qu’un bon politicien, c’est
quelqu’un qui se demande jusqu’où il peut aller entre les élections au profit de ses bailleurs
de fonds sans risquer d’être défait au prochain test électoral. »
Certes, les objections exprimées à l’endroit du système politique sont graves et elles
mériteraient une enquête approfondie et des mesures palliatives en conséquence. Aucune
campagne à elle seule ne saurait conférer un sentiment de puissance au citoyen qui s’en sent
dépossédé mais une stratégie d’argumentation avisée devrait tenir compte de l’état d’esprit
qui semble caractériser bon nombre d’abstentionnistes. Nous n’avons pas pu identifier
d’éléments agissant en ce sens dans la campagne sous examen.
Les coûts : toute excuse est bonne
Voter exige tout de même un certain effort et, en l’absence d’une motivation profonde, les
raisons pragmatiques pour ne pas se rendre aux urnes prennent le dessus. Ceux qui n’avaient
pas voté ont offert le plus souvent le manque de temps comme raison. C’était le cas entre
autres des étudiants universitaires qui étaient en période de mi-session à l’université et
débordés par les travaux et les examens. Certains devaient également se déplacer plus
loin pour aller voter, car ils n’habitent pas dans la municipalité où ils sont inscrits sur la liste
électorale. Dans le cas d’une personne âgée, l’attente était trop longue au lieu de votation.
« Moi je m’étais présentée, mais il y avait tellement de monde qu’il aurait fallu aller stationner à
trois rues plus loin et je n’avais pas la condition de santé pour attendre et me rendre jusque-là. Je
me suis dit que j’allais revenir, mais je ne suis pas allée. »
Les problèmes : le désintéressement et le cynisme
Quels sont les problèmes qui empêchent les citoyens de se rendre dans les bureaux de vote ?
Les causes de l’abstentionnisme sont sans aucun doute complexes et multiples mais un
problème de fond pour plusieurs est un désinteressement face à la politique en général
ou face aux candidats particuliers qui se présentent. Le politologue québécois André Blais
(2008) suggère d’ailleurs que la première raison expliquant l’abstention serait le désintérêt
envers la chose politique. Un sondage de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) du 12
mai 2010 sur un échantillon représentatif de 7,500 répondants10 confirme le faible niveau
d’intérêt pour la politique municipale ; un maigre 5 % sont très intéressés, 32 % assez, 46 %
peu et 16 % pas du tout.
Le cynisme à l’endroit des politiciens est probablement la pointe de l’iceberg mais il en
est la manifestation la plus évidente et la plus facile à mesurer. D’ailleurs, selon un article
publié dans le journal La Presse en date du 7 mai 201011,
9. Francoeur, L.G., « Notre démocratie détournée ? », Le Devoir, 19 février 2011, p. A1-A9. Propos recueillis auprès
de M. Gauchet (« La Démocratie d’une crise à l’autre », éditions Cécile Defaut, 2007) et H. Kempf (« L’oligarchie, ça
suffit », Seuil, 2011).
10. www.umq.qc.ca
11. Ce sondage a été réalisé auprès de 807 personnes par la firme Angus Reid pour le compte de La Presse
12 | M. Frenette et M.-F. Vermette
RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
près de 9 électeurs québécois sur 10 se disent « découragés ou rebutés » par les politiciens. Près
de la moitié des Québécois sont si désabusés par la politique qu’ils se décrivent carrément comme
des électeurs « cyniques ».
Le manque d’intégrité des élus serait, pour 80 % de l’échantillon, la raison majeure de
ce désenchantement face à la politique électorale. On en trouve d’ailleurs des témoignages
parmi nos répondants.
« J’ai pas voté. Je ne suis vraiment pas quelqu’un de politique. Je trouve que ce qu’ils disent c’est
juste des conneries. Je sais pas, je ne me suis jamais intéressé à ça. »
« Entre un corrompu, une péquiste fusionnelle et un rêveur sans fondement, le seul choix valide
etait l’abstention. » (cf Montréal)
« Il n’y a aucune publicité qui va faire que je vais aller voter si je trouve que ce qu’on me présente
comme candidats, ça ne vaut pas la peine. »
Enfin, il existe aussi un désintéressement circonstanciel. Ainsi, les étudiants dans la jeune
vingtaine ont soulevé un point important qui explique en partie leur désistement à l’endroit
de la politique municipale, soit leur mobilité. Étant dans une période de transition, ils ne
forment pas d’attache à la municipalité où ils vivent et en outre, ils n’ont pas les mêmes
intérêts que les propriétaires.
« À Montréal, je sais que je suis là temporairement alors ça m’intéresse plus ou moins [la politique
municipale]. … mais ça m’intéressait plus quand j’étais chez mes parents en région [St-Jean-surRichelieu]. »
« Tu sais moi je ne sais pas combien de temps je resterai à Montréal, mais si t’es propriétaire c’est
sûr que t’es plus intéressé à ce qui se passe. Tu as un compte de taxes… »
Que ce soit pour des motifs circonstanciels ou fondamentaux, la politique municipale
reste donc distante des préoccupations de plusieurs citoyens bien qu’elle soit en principe
plus accessible. Comme pour d’autres facteurs évoqués, le potentiel d’une campagne à
remédier au désintéressement et au cynisme pèse peu dans la balance à moins que ce soit
en conjonction avec des actions éducatives plus substantielles. Par contre, il y aurait lieu
d’acquiescer ces problèmes dans toute stratégie argumentaire qui espère avoir un écho
auprès des abstentionnistes tout en essayant de trouver l’étincelle qui pourrait inciter les
citoyens désabusés à entamer une réflexion sur l’importance d’une élection.
La perception sélective : l’humour attire sans être une panacée
En principe, l’humour serait utile pour contourner la perception sélective des gens qui ne
s’intéressent pas à la politique. Par contre, l’humour n’est pas une panacée et comporte
un certain risque, soit celui de détourner l’attention de l’essentiel qu’on cherche à
communiquer. En effet, Green et Bock (2000) ainsi que Slater et Rouner (2002) suggèrent
que le divertissement et les messages narratifs peuvent mobiliser l’attention du public, mais
en même temps, ils peuvent court-circuter le désir de traiter l’information en profondeur.
En d’autres mots, la personne se concentre sur le scénario humoristique, plutôt que sur
la validité de l’information présentée. En fait, même si le message divertissant réduit la
motivation à contre-argumenter (rendant en principe la personne plus réceptive à nos
arguments), il est possible que le côté drôle suggère implicitement que l’information
transmise n’est pas pertinente pour former son opinion sur un sujet sérieux. Selon une
étude menée par Nabi et al. (2007) auprès de 212 étudiants ayant lu les monologues d’un
comédien politique américain, il ressort que l’humour politique est associé à l’appréciation
de la source, à un traitement plus détaillé de l’information en vue de saisir l’humour, et à
une contre-argumentation réduite, mais aussi à un plus grand rejet du message. En d’autres
mots, les données démontrent que les messages humoristiques sont décodés avec attention
afin de pouvoir rire, mais ne sont pas analysés de façon critique quant au fond ; ainsi, une
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 13
fois la blague saisie, les messages seraient écartés puisqu’ils sont jugés comme étant non
pertinents pour se faire une idée face à l’enjeu politique traité.
« Mais je ne pense pas que c’est ça [l’humour] qui va faire que tu vas aller voter…tu vas sourire,
mais… »
En somme, l’utilisation de l’humour dans les campagnes sociales exige beaucoup de
doigté. Si on arrive à retenir l’attention, le pari n’est pas gagné pour autant. Le message dans
son ensemble doit également proposer un contenu qui se prête à un usage productif. Or,
comme nous le verrons un peu plus loin, les usages que permet la campagne 2009 semblent
plutôt limités.
La dissonance cognitive : « Aucun problème … les services seront toujours là »
Exploiter ce concept dans le cadre d’une campagne voudrait dire de placer les individus face
à leurs contradictions mais il faudrait simultanément proposer une solution pour réduire
cet inconfort psychologique. D’une certaine façon, la campagne du DGE va dans ce sens
en suggérant « Vous prenez les services municipaux pour acquis, mais vous pourriez les
perdre par votre faute. » La solution serait alors de voter. Toutefois, l’argument tel que
présenté n’a pas semblé assez crédible pour susciter un sentiment d’inconfort suffisamment
grand pour pousser à l’action. Les répondants saisissent que les messages présentent
certains services tombant sous la responsabilité du secteur municipal. Néanmoins, plusieurs
ont de la difficulté à faire le lien avec les élections puisque, selon ceux-ci, les services sont
obligatoires et le fait d’aller voter ou non n’apportera aucun changement.
« Le message est un peu faussé puisque l’abstention d’aller voter n’amènera pas d’eau brune ; on
ne doit pas aller voter pour avoir de la bonne eau.»
« Peu importe le maire, les services seront toujours là. »
« On voit que nos routes sont mal entretenues, mais ça n’a pas rapport avec le fait d’aller voter. »
Cette conviction que les services municipaux sont intouchables est si ancrée qu’on a
observé une inversion de sens des messages télévisuels. Par exemple, pour la capsule sur
les ordures et le recyclage, on n’attribue pas la situation à l’absence d’un conseil municipal
mais à d’autres facteurs.
« Les cols bleus ne font pas leur travail, il y a une grève. »
« L’homme ne fait pas de recyclage. »
Le recours à la dissonance cognitive pour provoquer une réflexion sur l’opportunité,
voire la responsabilité, de participer au scrutin pourrait possiblement porter fruit si la
contradiction apparaissait pertinente aux abstentionnistes et menait nécessairement à la
solution de voter. Vraisemblablement, un seul message ne saurait suffire vu la diversité des
raisons qui empêchent les individus de participer au scrutin.
Les facteurs facilitant le changement : ce qui favorise la participation électorale
Les bénéfices : se prononcer sur des enjeux clairs et importants
Bélanger et Nadeau (2009) concluent que l’absence d’enjeux clairs et significatifs
(notamment sur la question nationale), le faible charisme des chefs de parti et le désaccord
d’une forte majorité de citoyens avec la tenue d’élections précipitées ont contribué à la
baisse de la participation aux élections provinciales québécoises de 2008. Dans la même
veine, on pourrait faire l’hypothèse qu’au niveau municipal, la méconnaissance des enjeux
politiques et/ou la minimisation de leur importance pourraient contribuer au faible taux de
participation électorale. Le sondage de l’UMQ auquel nous avons fait référence confirme
que la présence d’enjeux significatifs augmente considérablement l’intérêt pour la politique
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municipale ; dans ce cas, 48 % des répondants s’y intéressent alors que seulement 11 % des
répondants disent s’y intéresser au moment des élections. En d’autres mots, des élections
sans enjeux ne susciteraient pas beaucoup d’intérêt de la part de la population. Nous avons
recueilli quelques témoignages qui vont dans ce sens.
« À Longueuil, c’était le même parti politique qui était au pouvoir depuis 25 ans. Ce qui a changé
en novembre passé. »
« La plupart des citoyens de la municipalité avaient eu vent durant les dernières années des pots
de vin et du favoritisme que le parti faisaient à l’égard des constructeurs. Il y avait eu aussi des
problèmes de zonage concernant le Parc de la cité à St-Hubert. »
« Ce qui s’est passé il y a quelques années, parce que c’est un maire qui a été élu qui bâtissait
beaucoup en enlevant les terres agricoles ça m’a touché, alors c’est pour ça que je pense que je
m’intéresse plus au municipal. »
Dans la même veine, certains percevaient une corrélation entre la taille de la ville
et l’importance des enjeux, ce qui n’est pas entièrement faux, mais qui avait comme
conséquence un désintéressement vis-à-vis leur propre municipalité.
« Plus la ville est grosse, plus c’est important. »
« Si j’avais été citoyen montréalais, j’aurais aimé ça pouvoir voter, mais pour la municipalité de
Brossard je ne vois pas le changement. Changer de maire à Brossard, c’est pour moi plus des
platebandes qui vont être différentes à gauche et à droite. »
Ce même sondage de l’UMQ plaçait l’intégrité et l’écoute des citoyens en tête de liste
des caractéristiques souhaitables pour un maire. Mais simultanément, une majorité (63 %)
croyait que leur maire ou mairesse démontrait les caractéristiques nécessaires. Se peut-il
que ce niveau de satisfaction explique, paradoxalement, une partie de la désaffection pour
les élections municipales ? La proximité des municipalités fait en sorte que la mobilisation
citoyenne peut être énergique quand la situation l’exige ; songeons par exemple aux efforts
d’opposition à l’exploitation des gaz de schiste ou plus localement, à la construction ou
la démolition de tel édifice comme il arrive dans maints endroits. En d’autres mots, peu
importe qu’on ait voté ou non, ou pour qui on ait voté, le cas échéant, plusieurs interviennent
lorsqu’ils perçoivent l’importance d’un enjeu précis. Peut-être faudrait-il trouver une façon
de faire le pont entre cette forme de participation citoyenne et le vote ?
Les ressources : les médias locaux, les sites municipaux et davantage ?
Peut-on trouver des propos des participants qui suggèrent des ressources pour augmenter
la participation électorale ? Dans le groupe de Saint-Jean-sur-Richelieu, dans lequel la
moyenne d’âge était relativement élevée, on a souligné l’utilité des médias locaux et le
canal communautaire pour se renseigner sur les élections municipales. Le sondage de
l’UMQ réalisé en mai 2010 confirme d’ailleurs que les journaux locaux, de même que les
sites Internet des municipalités sont très prisés en matière d’information municipale. Une
des fonctions plus modestes mais néanmoins nécessaires d’une campagne pourrait être
d’encourager les citoyens à profiter des ressources existantes pour être bien informé sur
les enjeux électoraux. Dans la section sur les besoins, nous avons aussi évoqué la création
possible d’autres outils d’information qui desserviraient l’ensemble des municipalités.
Les solutions : un ensemble à construire
On trouve peu de propos des participants qui pointent vers des solutions directes pour
augmenter la participation électorale, ce qui ne surprend guère puisque c’est l’ensemble
des facteurs qui doivent être considérés. Par contre, sur la question du désintéressement
face à la politique, la clé serait de trouver comment déclencher l’intérêt. En effet, malgré les
difficultés de plusieurs à comprendre la politique, certains suggèrent que l’intérêt politique
est comme un cercle qui se nourrit de lui-même ; plus on en apprend, plus l’intérêt grandit
et donc plus on désire en apprendre sur le sujet.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 15
« Moi avant ça ne m’intéressais pas, mais j’essaie de m’informer et plus je m’informe plus ça
m’intéresse. »
Les usages de la campagne : informer à tout le moins
À ce stade, on s’interroge sur les usages que les répondants ont pu trouver à la campagne
2009 du DGE. De prime abord, une campagne, quelle qu’elle soit, est jugée inutile pour ceux
qui s’intéressent déjà à la politique et qui ont déjà l’intention d’aller voter.
« Moi je n’ai pas besoin de voir de publicités, car j’aime la politique et j’aime voter. »
« Si j’aurais (sic) un candidat, qu’il y ait de la publicité ou non, ça change rien, je vais y aller. »
Toutefois, un usage souligné par les participants et qui peut servir tous les citoyens est
le fait que celle-ci les informe de la tenue d’un scrutin, le message étant porté par le slogan
lancé sur un ton énergique : « Le 1er novembre, on vote ! » On comprend également que
la campagne fait prendre connaissance des responsabilités des municipalités à ceux qui
l’ignoreraient. Par ailleurs, la connection entre les services municipaux illustrés dans la
campagne et la nécessité de voter se fait pour quelques répondants qui sont conscients qu’il
faut voter pour conserver les acquis.
« Si on n’élit pas quelqu’un qui a de l’allure, on peut en arriver là ; ça touche tout le monde. »
« La Ville donne un service d’eau de qualité et elle doit la maintenir ; il faut voter pour maintenir
les services. »
L’usage attribué à la campagne s’inscrit dans l’une des fonctions majeures des médias,
soit de diffuser l’information à la collectivité. Les citoyens déjà engagés politiquement sont
susceptibles d’agir à partir de cette information mais la campagne ne semble pas destinée
à jouer un rôle persuasif majeur pour toutes les raisons qui sont évoquées ailleurs dans cet
essai.
Les usages du volet Web : un simple divertissement ?
Le DGE n’a pas nécessairement tort de s’adresser aux jeunes adultes via Internet puisque
c’est une population qui navigue généralement beaucoup sur le Web. En effet, selon les
données récentes du CEFRIO (2009), les jeunes âgés entre 18-24 ans seraient les plus
grands utilisateurs d’Internet et passent en moyenne 22 heures en ligne par semaine
(pour réaliser des tâches variées telles que la recherche d’information, l’utilisation de sites
de réseautage ou la vérification de leurs courriels). En outre, selon cette même enquête,
21 % des jeunes québécois auraient recherché de l’information en ligne dans le cadre des
dernières élections provinciales. Toutefois, ce serait d’abord et avant tout le fait des jeunes
plus scolarisés et aisés. En effet, selon une enquête mondiale (Cardoso et al, 2009), plus les
gens sont éduqués, plus ils utilisent Internet.
Toutefois, comme nous l’avons vu dans la revue de la littérature, ces jeunes sont ceux qui
votent davantage aux élections que les jeunes moins scolarisés provenant de milieux moins
fortunés. On peut donc se demander dans quelle mesure le recours à Internet est susceptible
d’encourager de facto les jeunes adultes n’ayant pas l’habitude de voter de se rendre aux
urnes. Par exemple, est-ce que les non votants, qui ne s’intéressent pas à la politique (les
décrocheurs et les sceptiques) ont visité ce site Internet pour le plaisir à la suite de la
controverse ou non ? Si oui, qu’en ont-ils retiré ? D’autre part, le recours à l’Internet peut
être une arme à double tranchant car les jeunes adultes peuvent se montrer réfractaires à
la promotion sur le Web sous toutes ses formes ou avoir des habitudes de navigation bien
établies.
« Moi je vais sur mon ordi tous les jours, mais je vois pas comment j’aurais pu tomber sur ce site
là (cf. rdntv). Je vais voir mes mails pis d’autres trucs, mais je cherche pas des nouveaux trucs. »
16 | M. Frenette et M.-F. Vermette
RICSP, 2011, n. 6, p. 1-22
Parmi la dizaine de jeunes adultes rencontrés, aucun n’était allé voir le volet Web même
s’ils en avaient appris l’existence dans les nouvelles. Apparemment, leur curiosité n’avait
pas été suffisamment piquée.
Mais au-delà de la question de la visibilité du volet Web, il y a lieu aussi de s’interroger
sur l’originalité de celui-ci. Est-ce que le fait de mettre des capsules vidéo en ligne, qui sont
amusantes à regarder, permet de tirer pleinement profit des atouts d’Internet ? Si l’on songe
à diverses plateformes éducatives sur le Web qui permettent des quizz, des jeux de rôle,
des forums de discussion, des interactions avec des experts et ainsi de suite, on comprend
qu’il y aurait une réflexion en profondeur à faire à ce niveau. En effet, en général, les
potentialités d’Internet ne sont pas exploitées au maximum comme le démontre une étude
visant à mieux comprendre comment des ONG internationales mobilisent le Web pour
défendre des causes sociales telles que l’environnement ou la pauvreté (Vermette, 2007).
La plupart des publicités en ligne faisaient fi d’un des avantages prépondérants du média :
l’interactivité, pour plutôt copier le format des documents imprimés. Ainsi, la plupart des
ONG ne semblent pas profiter des avantages d’Internet pour rejoindre un éventail plus
important de personnes, ni pour interpeller différemment la population qui navigue sur
le Web, souvent davantage jeune et scolarisée. Or, cette lacune semble être fréquente sur
la plupart des sites Internet d’organismes sociaux dont le niveau d’interactivité demeure
faible. Ainsi, le DGE pourrait-il tirer plus pleinement profit du Web ? Le recours à Internet
exige la mise en place de campagnes sociales qui prennent en compte les possibilités et les
défis du média pour s’adresser aux jeunes qui ont leur vision particulière des problèmes
sociaux (Vermette, 2007 dans Frenette 2010, p. 59) et de la participation électorale, voire
même plus généralement de l’engagement politique.
Les gratifications de la campagne : le style d’humour est-il porteur ?
Quelles gratifications les participants ont-ils pu obtenir de la campagne ? Indépendamment
de son influence possible sur leurs attitudes ou leur comportement, ont-ils éprouvé du
plaisir à les voir ? Il est important de signaler en premier lieu que le recours à l’humour pour
des sujets politiques était généralement accepté.
« Je pense que c’est important de mettre un petit peu d’humour dans la politique…pas simplement
des accusations. »
« C’est sûr que ça frappe plus l’imagination des gens quand c’est humoristique ou même quand
c’est cynique. »
Toutefois, certains étaient fermement contre l’utilisation de cette forme d’humour pour
un sujet aussi sérieux que la participation électorale. Fait intéressant à noter, la citation cidessous provient d’un jeune dans la vingtaine qui parlait du volet Web.
« Des élections c’est quelque chose de sérieux, la politique aussi. En rire comme ça c’est comme
rendre ça comme si c’était rien. »
Globalement, les participants ont exprimé davantage de réserve que d’enthousiasme à
l’endroit du style humoristique de la campagne.
« Mais ça c’est pas de l’humour qu’on vient de voir, moi je ne trouve pas ça de l’humour. »
« C’était des pubs idiotes qui ne représentaient d’aucune façon la réalité. »
« Je comprend bien l’enjeu derrière ces publicités, mais c’était tellement exagéré, que ça ne me
touchait pas directement. »
Selon Hariman (2008) et Truon (2008), la popularité de la parodie et des autres
formes d’humour sur la politique s’expliquerait par le sentiment de puissance ressenti à
voir la conversion d’un personnage qui représente l’autorité en une image qui évoque le
rire. Or, dans les capsules Web de Chouinard en direct, le personnage parodié n’est pas
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 17
un politicien mais un animateur de la télévision qui se fait habituellement le porte-parole
des récriminations citoyennes. Qui plus est, c’est maintenant le public lui-même qu’il
harangue en les blâmant pour leur abstentionnisme. Des saynètes se moquent des citoyens,
dépeints comme démunis et incompétents, voire stupides, après l’abdication des pouvoirs
municipaux, ce qui a possiblement contribué à en diminuer le caractère comique aux yeux
de certains. D’ailleurs, les jugements les plus sévères sur l’humour sont venus du groupe des
étudiants universitaires qui se sont prononcés sur le volet Web de la campagne.
« Je comprends pas pourquoi ils ont fait ces vidéos-là. Au début, tu dis ok, mais après tu fais
comme voyons donc c’est n’importe quoi. »
Les messages télévisuels de la campagne analysée font écho à une question que se pose
bien des gens (« Pourquoi voter »?). Mais pour répondre à cette question (et dans le but
de faire de l’humour), on a opté pour l’absurde, soit d’imaginer les conséquences d’une
abstention généralisée qui résulterait en une dégradation extrême des services publics.
On bascule alors dans un autre registre, celui de la parodie. Plusieurs peuvent s’arrêter
à ce niveau sans faire le lien avec la nécessité de leur participation électorale. Le style
humoristique dans le contexte d’une campagne sociale présente toujours un certain risque.
D’une part, comme on peut le constater, il n’est pas facile de faire rire tout le monde. D’autre
part, même si le message est drôle pour un grand nombre de personnes, il faut se demander
si c’est la gratification principale qu’on souhaite que les gens retirent de la campagne.
Les gratifications du volet Web : la parodie, une nécessité absolue pour les jeunes ?
Par le biais de l’humour, la campagne du DGE 2009 offre une certaine gratification
divertissante. Pour s’adresser plus spécialement aux 18-30 ans, le volet Web va plus loin
dans la dérision. À première vue, on comprend ce choix puisque parmi les conseils pour
mobiliser les jeunes citoyens (CEFRIO, 2011) on suggère cette approche. « Les jeunes
ont toujours eu un faible pour les contenus drôles, moqueurs, sarcastiques, empreints de
dérision. Pour faire en sorte que les « C » remarquent vos messages, s’en souviennent et
les diffusent dans leur réseau, songez, … à mettre un peu de drôlerie, d’ironie et de raillerie
dans vos communications, particulièrement dans celles qui paraîtront dans Internet. » (p.
9) Toutefois, dans les exemples donnés, les campagnes ayant recours à un tel style offrent
également des débouchés pour l’action. En effet, on retrouve un peu plus loin ce conseil de
prudence : « Gardez-vous toutefois de faire de l’humour ou du sarcasme à vide ... » (p.9)
On pourrait rétorquer que le vote est justement l’action proposée, mais pour les diverses
raisons que nous évoquons ailleurs, cette action n’apparaît pas significative à tous les jeunes.
Il faut aussi mentionner que le groupe qu’on appelle ici « Génération C » se situe dans la
tranche étroite des 18-24 ans. Enfin, il est loin d’être certain que tous les jeunes aient un
besoin absolu de rire pour s’intéresser à des sujets sérieux, surtout quand on approche de la
trentaine. Enfin, quel que soit l’âge précis des jeunes ciblés ou le style de message préconisé,
il semble nécessaire de trouver comment les convaincre que leur action sera significative.
Les jeunes sont comme tout le monde : lorsqu’ils s’engagent sur le plan civique, ils le font en
partie parce qu’ils se sentent investis d’une mission, parce que leurs actions auront un impact
sur la société, et, aussi, parce que celles-ci auront des retombées sur leur vie personnelle ou
professionnelle. (CEFRIO, 2011, p. 9).
Conclusion
Le défi de concevoir une campagne pour encourager les citoyens à se prévaloir de leur
droit de vote est immense mais fondamental. Bien entendu, il serait illusoire de croire
qu’une campagne à elle seule pourrait, même dans les meilleures circonstances, augmenter
la participation électorale de manière significative, compte tenu de la complexité de la
problématique. Néanmoins, une telle campagne peut jouer un rôle non négligeable pour
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augmenter les connaissances, changer les attitudes ou modifier les comportements, mais
à la condition qu’elle soit optimale. Nous n’avons pas la prétention d’offrir une recette
infaillible pour concevoir une campagne qui augmenterait le taux de participation électorale.
Au contraire, nous avons voulu acquiescer sans détour l’immense difficulté de la tâche,
tout en offrant quelques pistes de solutions à développer. Ainsi, l’essai d’analyse théorique
avait comme but de rappeler l’ensemble des facteurs à considérer pour comprendre le
phénomène complexe de la participation électorale, tel un projecteur dont nous braquerions
la lumière de tous les angles possibles. Chemin faisant, chaque concept a été interrogé du
point de vue de sa pertinence pour y arrimer une stratégie d’argumentation qui pourrait être
intégrée dans une campagne. Certains apparaissaient plus immédiatement porteurs alors
que d’autres, à première vue, pourraient nous inciter à abandonner sur-le-champ l’idée de
réaliser une telle campagne tellement le défi semble ardu.
Malgré tout, nous croyons que notre analyse, appuyée par nos données empiriques et de
notre recension de la littérature, ouvrent la voie à une réflexion pertinente sur l’utilisation
de l’humour dans les campagnes sociales en politique et sur les stratégies de celles-ci en
général. Ainsi, peu importe la mise en forme, il nous semble fondamental que le contenu
argumentaire renforce la notion de collectivité et aborde de front les réticences des citoyens
à l’endroit de la politique. Par ailleurs, il y aurait sans doute lieu d’examiner le potentiel
des réseaux sociaux pour déclencher une dynamique de discussion autour des élections,
particulièrement chez les jeunes adultes. Enfin, plusieurs participants à notre enquête ont
exprimé le besoin de mieux comprendre l’organisation municipale et de mieux connaître
les programmes des candidats locaux. L’idée d’un site qui servirait de plaque tournante
pour toutes les municipalités en période électorale mérite peut-être une étude attentive.
Nous aimerions insister sur le fait que c’est en considérant l’ensemble des facteurs et la
synergie entre ceux-ci qu’on pourrait faire émerger une stratégie argumentaire qui se
rapproche le plus possible de la pertinence tant sur le fond que sur la forme. Un tel travail
de conception ne saurait faire l’économie d’une démarche rigoureuse qui concilie une solide
base documentaire, une réflexion approfondie guidée par un cadre théorique et de multiples
essais sur le terrain. Nous sommes convaincues que le talent, l’intuition et l’expérience des
concepteurs est indispensable au succès des campagnes sociales comme celle que nous avons
examinée, mais nous argumentons dans cet article la nécessité d’arrimer cette créativité à
une démarche inspirée des sciences sociales.
Enfin, pour véritablement progresser dans notre expertise à concevoir des campagnes
sociales, qu’elle qu’en soit la thématique, il faudrait prévoir une évaluation qui comporte des
mesures avant et après la campagne. La plupart des problématiques, incluant au premier
chef la participation électorale, sont d’une telle complexité qu’elles devraient idéalement
faire l’objet d’études et d’essais sur une base permanente, de manière à éviter les décisions
précipitées au moment où une campagne doit être lancée, comme lorsqu’une élection est
déclenchée. Enfin, il est vrai que le rôle d’une campagne pour encourager les citoyens à se
rendre aux urnes apparaît bien modeste à la lumière des causes de l’abstentionnisme qui
nécessitent des actions éducatives sur le long terme, mais il nous semble dès lors d’autant
plus fondamental de faire en sorte d’en maximiser la portée.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 19
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Annexe A
Descriptifs des publicités télévisuelles du DGE - 2009
Les six messages télévisuels, d’une durée de 15 secondes, abordent chacun un service qui
relève des municipalités. Chaque capsule met en scène un personnage dans une situation
problématique qui pose la question « Veux-tu ben me dire pourquoi j’irais voter aux
élections municipales ? ». À la fin, il est écrit la réponse à la question, par exemple « Pour la
qualité de l’eau ». Ensuite, sur un fond blanc, le logo, le nom et l’adresse du site web du DGE
apparaissent et une voix hors-champ qui se veut impérative dit sur un ton familier : « Le 1er
novembre, on vote ! ».
1. La qualité de l’eau.
Une femme dans sa cuisine se sert un verre d’eau du robinet. Pendant que le verre se
remplit, elle regarde la caméra et demande « Veux-tu ben me dire pourquoi j’irais voter
aux élections municipales ? ». Elle ferme le robinet, et nous pouvons remarquer que l’eau
dans son verre est brunâtre. Elle en prend une grande gorgée qu’elle avale difficilement en
regardant par la fenêtre.
2. Le recyclage et les ordures.
Un homme sort de son garage avec son vélo. Il se dirige vers la rue, et en regardant la caméra,
il demande « Voulez-vous ben me dire pourquoi j’irais voter aux élections municipales ? ».
Nous voyons alors une montagne d’ordures et de recyclage qui bloque quasiment son entrée.
Il réussit à se rendre dans la rue en contournant les obstacles avec peine.
3. Le déneigement.
Un homme s’apprête à sortir de sa maison par la porte avant. En se dirigeant vers la sortie,
il regarde la caméra et dit : « Veux-tu ben me dire pourquoi j’irais voter aux élections
municipales ? Franchement ! ». Il ouvre la porte et reçoit une bordée de neige pendant que
la déneigeuse passe dans la rue. Il reste sans mot.
4. Les espaces verts et les loisirs.
Un père de famille est dans un parc, et il pousse son enfant sur une balançoire. Il regarde
la caméra et demande : « Veux-tu ben me dire pourquoi j’irais voter aux élections
municipa…? ». Il ne termine pas sa phrase puisque son enfant revient de son élan, et le
heurte. L’homme se fait donc renverser, mais se relève très rapidement pour pousser son
enfant. Il reçoit du coup un ballon sur l’arrière de la tête. Il se retourne vers l’arrière pour
voir la personne qui lui a lancé le ballon, et se fait heurter de nouveau par son enfant.
5. Le service des incendies.
Une jeune femme est assise dans son salon en train de regarder la télévision. Dans la
cuisine, à l’arrière-plan de la scène, nous pouvons remarquer un incendie qui débute. Elle
regarde la caméra et demande : « Veux-tu ben me dire pourquoi j’irais voter aux élections
municipales ? » pendant que le feu derrière elle prend de l’ampleur.
6. La voirie.
Un homme circule dans sa voiture. Il regarde la caméra et demande : « Veux-tu ben me dire
pourquoi j’irais voter aux élections municipales ? ». Son véhicule avance de manière très
saccadée, indiquant le mauvais état de la route.
Une campagne pour promouvoir la participation électorale | 21
Descriptifs des capsules web du DGE - 2009
Les huit capsules mises en ligne s’articulent autour d’une fausse émission d’affaires
publiques, Chouinard en direct. L’animateur en question décrit les conséquences d’un
abstentionnisme total à des élections municipales. La première capsule dure environ cinq
minutes alors que les autres sont plus courtes.
1. Élections municipales : la désolation.
Sur un ton exagérément sarcastique, l’animateur fait état de la situation à la suite de la
non-participation des citoyens aux élections municipales. A l’aide de reportages et de
témoignages, il en montre les conséquences : les services municipaux sont inexistants, les
gens attendent l’autobus depuis plusieurs jours, les poubelles et le recyclage envahissent les
rues, les nids de poule se multiplient, etc.. Il se moque des citoyens abstentionnistes : « On
n’est pas content, on pleure, mais on n’est pas allé voter… ».
2. Où sont passés les tuyaux ?
Les services des incendies étant inexistants, des volontaires se regroupent et font ce qu’ils
peuvent pour répondre aux besoins de la population, mais ils sont totalement dépassés par
la situation, allant même jusqu’à poser des gestes non sécuritaires.
3. La fin de l’eau potable.
L’eau potable se transforme en eau brune. L’animateur questionne la population sur leur
hygiène : « problèmes d’eau…deurs ».
4. La cueillette des déchets… à la poubelle.
Chouinard est en compagnie d’un expert qui nous propose d’enfouir nos déchets sur notre
terrain pour contrer le problème d’accumulation des déchets.
5. Transport en commun ? Connaît pas.
L’animateur nous montre des gens qui attendent depuis plusieurs jours l’arrivée d’un
autobus et une femme qui marche trois heures pour se rendre au travail.
6. Tout est permis.
On montre des gens qui se construisent des maisons n’importe où (par exemple sur les
autoroutes...). Une spécialiste constate que les intérêts personnels ont pris le dessus sur les
intérêts de la collectivité.
7. Stationnements criminalisés.
Un collaborateur constate que des organisations criminelles ont pris le contrôle des
parcomètres et chargent des montants exorbitants.
8. Probabilité de complications.
L’animateur envisage les problèmes qui surviendront en hiver avec l’absence de déneigement.
Un spécialiste nous propose de rentrer la neige dans la maison, la faire fondre et la jeter
dans l’évier.
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Annexe B – Détails sur l’échantillon
Participants aux groupes de discussion.
Les deux groupes de discussion portant sur la campagne Web ont réuni quatre personnes
chacun, soit un total de 8 participants entre 20 et 24 ans, soit 3 hommes et 5 femmes.
Ils avaient fait ou faisaient des études universitaires à l’exception d’un participant. Trois
personnes étaient inscrites sur la liste électorale de Montréal et les autres dans différentes
municipalités de la Rive-Sud. Les deux groupes de discussion portant sur la campagne
télévisuelle étaient composés d’adultes de la région de Saint-Jean-sur-Richelieu (en
Montérégie). Le premier groupe était composé de 6 personnes (2 hommes et 4 femmes),
âgées de plus de 60 ans (F-60, F-65, H-65, F-73, F-85, H-91) à la retraite et habitant la
même résidence. Le deuxième groupe regroupait 4 personnes (3 hommes et 1 femme) âgées
entre 25 ans et 65 ans (H-24, F-46, H-57, H-65) occupant des emplois divers et formant une
cellule familiale.
Répondants au questionnaire.
Au total, 43 personnes ont répondu au questionnaire dont 34 femmes et 9 hommes. La
plupart d’entre eux (30 ou 70 %) étaient âgés entre 18 et 30 ans alors que 5 (12 %) se
trouvaient dans la tranche de 31-45 ans et 7 (16 %) dans la catégorie des 46-65 ans alors
que l’un d’eux avait plus de 65 ans. La moitié des répondants étaient aux études. La plupart,
soit 30 (77 %) avaient un diplôme universitaire (ou étaient en train de l’obtenir) alors que
8 (19 %) détenaient un diplôme collégial et les 2 derniers un diplôme d’études secondaires.
Enfin, les répondants habitaient à peu près également Montréal, la Rive sud et la Rive nord.
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