Une diversité antigénique croissante a-t-elle un impact sur la vitesse de développement de la maladie ? Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°46 - juin 96 VIROLOGIE Une diversité antigénique croissante a-t-elle un impact sur la vitesse de développement de la maladie ? Hervé Fleury Laboratoire de virologie, groupe hospitalier Pellegrin (Bordeaux) Adaptive evolution of Human Immunodeficiency Virus-type 1 during the natural course of infection Wolinsky S.M., Korber B., Neumann A.U., Daniels M., Kunstman K.J., Whetsell A.J., Furtado M.R., Cao Y., Ho D.D., Safrit J.T., Koup R.A. Science, 1996, 272, 537-542 L'étude menée par S.M. Wolinsky ne confirme pas, contrairement à ce que l'on pensait jusque là, que la progression vers la maladie est associée à une augmentation de la diversité antigénique, à un effet immunopathogène de la cytotoxicité ou à la sélection d'un phénotype viral plus cytopathogène. Il est vrai qu'elle ne concerne que 6 patients... http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/46_253.htm (1 sur 4) [09/07/2003 10:35:06] Une diversité antigénique croissante a-t-elle un impact sur la vitesse de développement de la maladie ? La vitesse de développement de la maladie et le temps de survie au cours de l'infection naturelle par le VIH-1 varient d'un sujet à l'autre. Le potentiel pathogénique du virus et les effets immunopathogéniques de la réponse immunitaire ont été suspectés pour expliquer ces variations. Une hypothèse qui pourrait être à la base de cette évolution variable est que la perte des lymphocytes T CD4 serait due principalement à une diversité antigénique croissante qui, au dessus d'un seuil, excéderait la capacité de la réponse immunitaire à réguler la croissance de la population virale. ¬ L'étude a concerné six patients entre la primo-infection et environ 4 ans et demi après la primo-infection ; l'étude tous les 6 mois des lymphocytes T CD4 a permis de classer ces patients en 3 groupes, selon que l'évolution des T CD4 se fait vers une chute rapide (patients P1 et P2), modérée (patients P3 et P4) ou au contraire se caractérise par la stabilité (patients P5 et P6). La chute des lymphocytes T CD4 est corrélée à la charge virale plasmatique (ARN par RT PCR) à 9 mois après la primo-infection ainsi qu'à un taux du rapport intracellulaire ARN non épissés/ARN épissés élevé. Pour explorer la diversité génétique, la séquence provirale de V3 à V5 d'ADN de PBMC (cellules mononucléées du sang circulant) a été déterminée dans le temps chez chaque patient; 5 à 8 points-temps par patient ont été analysés avec jusqu'à 13 clones séquencés par point-temps ; au total, 292 séquences de 650 bases ont été comparées. Les séquences se regroupent en grappes (clusters) avec des profils différents selon les patients ; la longueur des branches de la construction phylogénétique est plus importante pour P3, P4 , P5 que pour P1, P2 et P6 ; puisque l'on tient compte de la date de la primo-infection pour chaque patient, ces données sont compatibles avec une accumulation plus rapide des mutations chez P3, P4 et P5. La tendance dans le temps à former des grappes est notée pour P3, P4, et P5 et P6, mais pas pour P1 et P2. En conséquence, une dérive progressive des séquences dans la population virale peut être associée à une stabilité ou une faible diminution des lymphocytes T CD4. Pour savoir si cette dérive est liée à une sélection positive ou à une différence de cinétique de réplication, les taux http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/46_253.htm (2 sur 4) [09/07/2003 10:35:06] Une diversité antigénique croissante a-t-elle un impact sur la vitesse de développement de la maladie ? d'accumulation de substitutions de bases non synonymes versus synonymes ont été déterminés pour chaque patient, avec comme isolat de base celui du premier point-temps. On note que les taux d'accumulation de substitutions non synonymes ont été plus rapides chez P3, P4 et P5 que chez P1 et P2 (P6 étant ici une exception) alors que les taux d'accumulation de substitution synonymes sont comparables chez tous les sujets. En conclusion, l'augmentation de la diversité génétique est corrélée à une sélection positive et, contre toute attente, à une survie prolongée. ¬ Cette étude a été complétée par l'analyse des séquences protéiques prédictives d'immunogénicité dans le temps chez un sujet déterminé, avec une définition de l'entropie correspondant à la variabilité. Les populations virales sont homogènes jusqu'à 9 mois après la primo-infection ; P1 et P2 demeurent stables dans le temps cependant que P3, P4 et P5 ont des taux de diversité et donc des entropies élevés. Au total, il ne semble pas qu'un accroissement de la diversité antigénique soit à la base de la déplétion lymphocytaire. Les paramètres de la réponse immunitaire ont alors été abordés ; les anticorps neutralisants autologues et hétérologues sont absents ou à des titres très bas tôt après la primo-infection ; ces anticorps tendront à être plus prononcés chez P3, P4 et P6 que chez P1, P2 et P5 ; cependant, il n'existe pas de corrélation entre la réponse humorale et l'évolution vers le sida (ce qui diffère de ce qui est observé dans le modèle macaque-SIV). Au contraire, la réponse cytotoxique contre gag, pol et env (déterminée par la fréquence des CTL précurseurs) est inversement corrélée à la progression. Deux épitopes CTL de la gp120, l'un restreint par B7 et l'autre par CWA, ont été plus particulièrement analysés ; P1 et P2 expriment l'allèle CW4 ; il y a peu de substitutions non synonymes dans env et peu ou pas d'activité CTL ; P4, P5 et P6 expriment l'allèle B7 : P6 ne présente pas de substitutions cependant que P4 et P5, pour lesquels il existe de multiple substitutions, expriment une forte activité CTL. Le phénotype et la virulence des isolats viraux font l'objet de la dernière partie de la publication. Tous les isolats se répliquent efficacement dans des PBMC et dans des macrophages ; on ne note pas de phénotype syncytialisant http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/46_253.htm (3 sur 4) [09/07/2003 10:35:06] Une diversité antigénique croissante a-t-elle un impact sur la vitesse de développement de la maladie ? (SI) ni, d'ailleurs, d'acides aminés positivement chargés en V3, typiques des isolats SI (292 séquences étudiées). Sur souris SCID, la déplétion en lymphocytes T CD4 est équivalente d'un isolat à l'autre. En conclusion, cette étude, qui ne concerne certes que 6 patients, ne confirme pas, contrairement à ce que l'on pensait jusque là, que la progression vers la maladie est associée à une augmentation de la diversité antigénique et/ou à un effet immunopathogène de la cytotoxicité et/ou à la sélection d'un phénotype viral plus cytopathogène. - Hervé Fleury http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/46_253.htm (4 sur 4) [09/07/2003 10:35:06]