LA CRISE, TERREAU DE TOUS LES EXCÈS

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LA TRIBUNE
DE L’UIMM
mars
2013
LA CRISE, TERREAU DE TOUS LES EXCÈS
Bien sûr, l’ambiance des années 30 n’a qu’un lointain rapport avec celle que nous connaissons. À
l’époque, la revue « Esprit » ne se privait pas de
dénoncer le « désordre de la prospérité », faisant
des émules un peu partout en Europe. Nous
aimerions sans doute dénoncer aujourd’hui un
tel désordre…
Pour autant, l’esprit de ces années passées, comme
le nôtre, se caractérise par la contestation et même
la révolte contre l’ordre des choses. Le premier fera
le procès du libéralisme, identifié au capitalisme,
obsédé par le profit et la rentabilité immédiate. À
partir de 1931, la critique prendra argument de la
crise pour dénoncer l’impuissance de l’économie
libérale à rétablir l’harmonie sociale. Cette impuissance est largement utilisée de nos jours par l’Aube
dorée en Grèce, les Vrais Finlandais, la Nouvelle
Alliance Flamande ou le Jobbik en Hongrie, autant
de mouvements populistes qui s’installent dans le
paysage politique européen. De la même façon, la
condamnation des idées libérales, s’étend à leur
application politique, et frappe la démocratie parlementaire à laquelle la génération de 1930 reproche
d’être un régime faible, impuissant à proposer de
vastes objectifs. Les partis sont tenus pour responsables de la division des citoyens, dont ils attisent les
dissentiments. Ils trahissent l’intérêt général qu’ils
sacrifient aux puissances d’argent. Beppe Grillo, le
leader du « Movimento Cinque Stelle », en Italie,
ne dit rien d’autre, accusant l’ensemble des élites,
qu’elles appartiennent à la droite ou à la gauche,
d’abandonner le peuple à son triste sort. La distinction droite gauche en 1930, en fonction de laquelle
s’ordonnent les partis et qui tracent le cadre des
élections, est tenue pour périmée et pernicieuse. Les
régimes autoritaires qui suivront s’en souviendront
quand ils tenteront de réconcilier l’idée nationale et
la préoccupation sociale. Politisés mais pas politiciens, les « grillini », ces partisans de Beppe Grillo,
tiennent la droite et la gauche dans la même suspicion. Pas d’alliance avec une classe politique « incapable et corrompue » !
(1)
5,5 % de voix à la Chambre et
2
23,8 % au Sénat
Bien sûr, il ne s’agit là que de comparaisons trop
rapides, bien sûr, les hommes et les circonstances ont bien changé, bien sûr le premier parti
de la péninsule (1) n’est pas un parti que l’on peut
qualifier de fasciste, bien sûr, ces poussées de
colère du corps électoral européen ne se sont pas
traduites, nulle part sur le Vieux Continent, par un
accès de ces formations populistes au pouvoir, bien
sûr...… il n’en demeure pas moins que nous devons
prendre garde, collectivement, à ces raidissements
des opinions qui pourraient rendre ingouvernables
nos démocraties, terreau fertile à tous les excès, à
tous les abandons…
I. RIEN N’EST PERDU !
Peut-être n’avons-nous pas mesuré le besoin
d’une pédagogie appliquée, tant l’Europe se
trouve confrontée à un véritable choc historique
qui contraint l’ensemble de ses membres à des
réformes douloureuses mais nécessaires. Le panorama, pourquoi le cacher, s’est profondément
assombri et l’instabilité politique en Italie n’augure
rien de bon. Ce n’est pas une raison pour oublier les
progrès accomplis, depuis juin dans la construction
de l’Union économique et monétaire.
La croissance de l’Europe n’est pas au rendez-vous,
et le chômage devrait encore progresser touchant
en zone euro 12,2 % de la population active contre
11,4 % en 2012. C’est dire que le retour à la croissance sera « progressif » avec, en toile de fond,
des zones sombres bien identifiées : une politique d’ajustement budgétaire, synonyme d’austérité, qui n’a pas encore porté ses fruits, un risque
social et politique visible dans les pays d’Europe
du Sud, confrontés à l’austérité, une dépendance
au commerce mondial car chacun sait que l’étincelle de croissance viendra d’ailleurs, un divorce
entre les pays les plus compétitifs et les plus
fragiles, dont les intérêts, parfois, divergent. Une
très sommaire revue de détail vient confirmer l’impression générale : l’effort structurel de réduction
de l’endettement en Belgique n’est pas suffisant,
l’activité s’est fortement contractée au Portugal,
ainsi qu’aux Pays-Bas dont le budget ne trouve pas
son point d’équilibre, et l’Espagne, ensablée dans
la crise, malgré un ajustement sans précédent dans
l’histoire économique du pays.
Faut-il donc désespérer du Vieux Continent à
l’exception d’une Allemagne triomphante, dont
mars
2013
l’orthodoxie, tant décriée, on l’oublie un peu vite,
apparaît comme la seule médication appropriée
en ces temps incertains ? D’une part, reconnaissons que l’Europe fait preuve de compréhension
dans la situation des uns et des autres : privilégiant une approche plus souple, elle est désormais
plus attentive à la trajectoire de désendettement
et aux réformes structurelles qu’à des objectifs
intangibles ; d’autre part, en dépit des difficultés et
des égoïsmes nationaux, le récent budget adopté
par les 27 présidents et premiers ministres européens, ne sacrifie pas l’essentiel. Comme le dit avec
raison, le président du Conseil européen, Herman
Von Rompuy : « Comme partout en Europe, la priorité consiste à faire plus avec moins d’argent… la
seule solution était donc un budget de modération…
une priorité claire à l’emploi, la croissance et à
la compétitivité ». Bref, il s’agit donc à bien des
égards, d’un budget pragmatique qui privilégie les
investissements d’avenir. Un budget certes imparfait, comme tout compromis, mais qui permet de
préserver l’éducation, la recherche, l’innovation
et… la confiance du plus grand nombre. L’occasion
de rappeler que c’est le manque d’union politique
qui bloque la progression de l’intégration économique. Enfin, l’Union reste une puissance industrielle de premier plan, et c’est là le cœur de la
croissance. Naturellement, nous avons besoin que
davantage d’entreprises compétitives puissent
se positionner dans un plus grand nombre de
secteurs, mais, d’ores et déjà, des signaux encourageants sont intervenus, témoignant de notre
capacité industrielle à séduire une clientèle
exigeante. Nos sociétés, nos démocraties, nos politiques doivent tout mettre en œuvre pour faciliter
la vie de nos entreprises, qui sont aujourd’hui les
acteurs clé de l’économie mondiale. Chaque pays
de l’Union doit savoir que c’est en promouvant des
réformes structurelles, et en adaptant une réglementation favorable à la compétitivité que nous
y parviendrons.
charge des affaires économiques et monétaires,
affirmer voilà peu : « Étant donné les risques liés à
une dette publique qui a déjà grimpé au-dessus de
90 % et le défi de compétitivité très important auquel
fait face l’économie, il faut que la France poursuive,
en parallèle, les efforts budgétaires et les réformes
structurelles pour la croissance et l’emploi ». Des
propos qui ne doivent pas nous faire oublier que
la voie tracée par le gouvernement et par les partenaires sociaux – mise en œuvre du pacte de compétitivité, élaboré à partir du rapport Gallois, accord
du 11 janvier sur la sécurisation de l’emploi – est
la bonne.
II. RIGUEUR, ET DÉMOCRATIE
SOCIALE
Nous avons, il ne faut jamais l’oublier, une responsabilité historique, conjointement avec l’Allemagne, et celle-là nous oblige à davantage de
rigueur. Que deviendrait l’Europe si nous cessions
de croire en son avenir ? Qu’adviendrait-il si nous
décidions arbitrairement que les efforts entrepris par nos voisins, notamment en Espagne, ne
nous concernaient pas ou peu ? Au demeurant,
certaines capitales qui ont multiplié les efforts, au
risque de plonger leurs économies dans la récession, pourraient à juste titre s’offusquer d’un traitement de faveur. Il faut donc se féliciter de voir
Bercy afficher sa détermination à privilégier le
volet « économies ». Le « surgel » concernant
2 milliards d’euros, décidé par le ministre délégué
au budget, pour 2013, va sans doute provoquer bien
des remous, mais il est légitime, compte tenu de la
situation d’un pays qui vit très au-dessus de ses
moyens et qui continue à dépenser 110 € sur 100 €
prélevés sur les ménages et les entreprises.
Autant de questions notables, alors même
que nous connaissons une situation préoccupante. Préoccupante sur le front économique
puisque la croissance sera quasi nulle cette
année, et le déficit public dépassera les 3 
%
attendus. Préoccupante également sur le front de
l’emploi, ce qui relativise la promesse formulée par
François Hollande d’inverser la courbe du chômage
en 2013. Il n’est donc pas étonnant, dans ces conditions, d’entendre Olli Rehn, le commissaire en
Faire plus, car les efforts doivent être amplifiés pour réformer le système de retraite ou le
financement de la protection sociale. Faire autrement aussi, car il est grand temps que nos dirigeants s’attaquent à la réduction des dépenses
publiques dans un pays où les prélèvements
fiscaux atteignent des niveaux records. Bref, l’ajustement budgétaire supplémentaire ne pourra pas
être réalisé en augmentant davantage les impôts
et les taxes. Personnage mythique de la vie politique anglaise du XIXe siècle, William Gladstone
indiquait que la bonne démarche est de toujours
mettre en regard, chaque fois que l’on augmente
une dépense publique, la conséquence économique et sociale qu’aura la disparition concomitante d’une dépense privée, disparition liée à
l’augmentation des impôts. Imaginons donc, pour
une fois, les bienfaits qu’une diminution de la
dépense publique aura sur la dépense privée. À cet
égard regardons de façon positive l’impasse dans
laquelle nous nous trouvons : n’étant pas en mesure
de remplir nos engagements pour 2013, veillons à
garder l’objectif d’un déficit zéro en 2017 en fournissant à Bruxelles avant la fin du mois d’avril un
programme crédible.
Union des Industries
et Métiers
de la Métallurgie
56 avenue Wagram
75 854 Paris cedex 17
http://www.uimm.fr
e-mail: [email protected]
ISSN 1968-0821 - 2013.11.03.K.517.UG. - Imprimerie Galaxy - Le Mans
Notre pays s’y prépare-t-il ? Avons-nous compris
que notre croissance à long terme reposera sur
notre capacité d’innovation, sur la libéralisation
de l’économie et sur la maîtrise des dépenses
publiques ?
Simplement, il faut désormais faire plus et peutêtre différemment.
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