B
eaux, grands, musclés, ils
incarnent à merveille
l’image de l’homme ou de
la femme moderne, bien dans sa
peau, bien dans sa tête. La publi-
cité a compris depuis longtemps
l’intérêt d’utiliser l’impact que
peuvent avoir sur les consomma-
teurs ces "esprits sains dans des
corps sains". Les sportifs sont
ainsi devenus, en quelques an-
nées, de véritables supports de
communication, icônes médiati-
ques porteuses de messages di-
vers et variés.
Et même lorsque ces symboles
volent en éclats comme ce fut le
cas lors du Mondial de football
en Afrique du Sud, avec des
Bleus au comportement méprisa-
ble, l’univers de la pub s’adapte.
Contournant volontiers l’indi-
gnation générale pour mettre en
scène de nouveaux héros issus
d’autres horizons.
Montrés du doigt, stigmatisés
pour leurs fautes répétées, les
footballeurs cèdent aujourd’hui
leur mainmise aux symboles
d’un certain renouveau sportif.
Ils sont nageurs à la silhouette
impeccable, sprinter au visage
angélique, pilote au sourire char-
meur ou encore skipper au mo-
ral d’acier... Tous vont apporter
une dose de fraîcheur, d’origina-
lité, dans un domaine où la su-
prématie du foot et ses dérives
ont fini par plomber le moral des
annonceurs. Le ballon rond
amoindri, le sport reste néan-
moins un excellent filon pour le
développement des campagnes
de publicité.
Il en est ainsi depuis plus de
trente ans, au moment où les ath-
lètes de haut niveau ont débar-
qué dans l’environnement de la
publicité, pour s’associer aux
marques et à leurs produits. Rapi-
dement, ils en sont devenus des
atouts en terme de communica-
tion.
Derrière les Cerdan, Bobet et
Anquetil, véritables pionniers en
la matière, les premiers grands
bénéficiaires du phénomène se-
ront les footballeurs qui profi-
tent pleinement alors de l’exposi-
tion médiatique de leur discipli-
ne. Michel Platini, stratège de
l’équipe de France vainqueur de
l’Euro 1984, et Éric Cantona, pre-
mier footballeur français à tenter
l’aventure outre-Manche, vont
enchaîner les contrats.
En 1998, l’équipe de France
est championne du monde. L’im-
pact est immense. Les héros in-
vestissent les écrans de télévi-
sion, les pages des magazines et
les murs des grandes villes. Zida-
ne, Lizarazu, Desailly, Barthez,
Henry... Les publicitaires se
bousculent pour mettre en scè-
ne ces as du ballon rond, repré-
sentant une France qui gagne,
une France "black, blanc, beur".
Douze ans plus tard, les Bleus
n’ont plus la cote et les publicitai-
re se tournent vers d’autres ter-
rains pour y dégoter les person-
nalités "positives" dont raffolent
les annonceurs. Aujourd’hui, les
bijoux du sport français se nom-
ment Camille Lacourt ou Christo-
phe Lemaitre.
Et si, à terme, le football de-
vrait retrouver une place dorée,
porté notamment par l’intempo-
rel Zinedine Zidane, c’est une vé-
ritable aubaine pour ces nouvel-
les stars...
Arnaud VITALIS
François Guyot est directeur général de
"Sport Market", une agence parisienne qui
conseille de gros annonceurs en matière de
marketing sportif. Parmi ses clients, McDo-
nald's, Renault ou Groupama, partenaire de
l'OM.
La Coupe du monde ratée des Bleus
a-t-elle entraîné un désamour des annon-
ceurs?
Il y a beaucoup d’interrogations autour
de ce sport mais il reste
numéro un en ter-
mes de visibilité et de capacité à toucher un
public le plus large possible. Aucun partenai-
re important n’a annoncé son retrait. Les in-
vestissements se font sur plusieurs années et
toute décision se réfléchit mûrement. Il y a
maintenant un gros travail à mener en terme
d’image, associant la fédération, les clubs et
les spectateurs, pour que le foot conserve
tous ses sponsors et en gagne d’autres.
Le nombre de contrats d’un sportif
est-il lié aux résultats sur le terrain ?
Il est d'abord lié à la notoriété, donc souvent
aux résultats qui génèrent cette notoriété.
Mais il faut aussi compter avec le physique du
sportif, son aisance devant les médias et son
attitude hors des terrains. Yannick Noah a ar-
rêté la compétition depuis longtemps, mais
sa reconversion dans la musique plaît aux
Français et en font un "sportif" très populai-
re. En natation, Alain Bernard n'est pas le
seul à obtenir de bons résultats mais son cha-
risme naturel renforce son attrait auprès des
annonceurs. Fabien Barthez, avec lequel j'ai
beaucoup travaillé, n'est pas particulière-
ment extraverti. Pourtant, la campagne réali-
sée il y a quelques années pour McDo avait très
bien marché, parce qu'il avait été utilisé dans
son rôle et non à contre-emploi : son côté naïf et
insouciant se combinait très bien avec les va-
leurs de la marque.
Combien dure une carrière publicitaire ?
Rarement très longtemps. Si l’on excepte
Thierry Henry et surtout Zinedine Zidane, un
sportif n’a des contrats qu’au sommet de sa car-
rière: Tony Parker ou Laure Manaudou ont mis
3ou 4 ans avant de figurer parmi les dix sportifs
les mieux cotés en France. Même en réalisant de
grosses performances, un jeune champion doit
souvent attendre tout ce temps pour attirer les
annonceurs.
Certains champions refusent-ils de faire
de la pub ?
C’est souvent une question de disponibilité: ils
doivent être libres un à deux jours pour tourner
une publicité et faire des photos. La plupart des
marques veulent exploiter l’athlète en le faisant
rencontrer leurs meilleurs clients ou en l’invi-
tant à leur siège pour récompenser leurs sala-
riés, sans oublier les séances de dédicace et les
présences dans les points de vente. Pour un spor-
tif qui n’a que 4 semaines de vacances dans l’an-
née, ce n’est pas toujours possible. Les plus de-
mandés essaient de réduire le nombre de
contrats à 4 ou 5.
Certains sports sont-ils invendables
auprès des annonceurs ?
Tous ceux dont la notoriété est extrêmement fai-
ble mais aussi ceux qui posent un problème de
valeurs comme les sports de combat, à l’excep-
tion du judo, toujours apprécié. L’athlétisme est
moins médiatisé que le foot mais Christophe Le-
maître a un potentiel publicitaire énorme, s’il
confirme ses performances.
La pub rapporte-t-elle beaucoup d’argent
aux sportifs ?
Une dizaine d'entre eux peuvent prétendre
à des contrats annuels atteignant le million
d'euros, pour des campagnes internationales.
Trois Français font partie de ce club très privé :
Zidane, Henry et Manaudou, aux côtés de Ro-
ger Federer, Tiger Woods ou David Beckham.
Ces sportifs les mieux payés peuvent accepter
des sommes plus légères si l'annonceur est
une marque de jeu vidéo : être sur la jaquette
du prochain "Electronic Arts" va augmenter la
notoriété et générer d'autres contrats.
P.Mg
.
Zinedine Zidane, l’icône
française intemporelle
Generali Assurances, Volvic,
Adidas, Danone, Dior, Pétrola-
ne, Grand Optical, Ford, Dior,
Leader Price... N’en jetez plus, la
coupe est pleine ! Annuellement,
Zinedine Zidane perçoit près de
7 millions d’euros en contrats pu-
blicitaires. Lorsqu’il jouait enco-
re, ce pactole représentait près
de 45% de ses revenus globaux.
Rendu célèbre par son doublé de
la tête en finale de la coupe du
monde 1998, "Zizou", icône pla-
nétaire, amasse les contrats pu-
blicitaires comme il a accumulé
les passes décisives sur un ter-
rain. À ce jour, le Marseillais est
le footballeur français de tous les
temps qui a le plus gagné d’ar-
gent en revenus dérivés.
Technicien hors du commun,
teinté d’une modestie légendai-
re, il représente le modèle abso-
lu du sportif "positif". Un profil
très prisé par les annonceurs
français.
Son discours parle aux
consommateurs, qui voient en
lui un homme simple, accessi-
ble, proche de leurs problèmes.
Sa retraite sportive ou son
coup de tête sur l’Italien Marco
Materazzi, en finale de la Coupe
du monde 2006, auraient pu
changer la donne. Sûrement pas.
Zidane est un sportif intempo-
rel, une véritable marque qui tra-
verse le temps et garde son aura
bien au-delà des contours figés
d’une carrière sportive. Pour
preuve, quatre ans après son re-
trait des terrains, il se place en
deuxième position dans le classe-
ment 2010 des personnalités pré-
férées des Français. Le Mar-
seillais arrive en terme de popu-
larité juste derrière Yannick
Noah, autre modèle de belle réus-
site post-sportive.
Si, aujourd’hui, la dérive du
football français menace les
stars contemporaines, ZZ, pour
sa part, ne connaît aucun problè-
me. Mieux, il continue à séduire
les grandes marques prêtes à in-
vestir des fortunes pour être asso-
ciées à son image...
A.V.
Mondialistes :
et maintenant ?
La scène surréaliste des
23footballeurs français dans
le bus de Knysna, en Afrique
du Sud, refusant de s’entraî-
ner, dépasse le cadre pure-
ment sportif. Si, à court ter-
me, cette mutinerie a précipi-
té l’élimination de l’équipe de
France du Mondial, elle a aus-
si causé des torts importants
en terme d’image. Le premier
fusible à avoir sauté n’est
autre que Nicolas Anelka. Adu-
lé en Angleterre, où il fait les
beaux jours de Chelsea, l’atta-
quant a directement subi le
contrecoup en France de son
dérapage verbal envers Ray-
mond Domenech.
Les nouveaux annonceurs
ne se précipiteront
pas à leur porte
L’un de ses partenaires,
Quick, n’a pas hésité à stop-
per net sa campagne publici-
taire mettant en scène
l’ex-idôle du PSG. Si les autres
grévistes, et notamment ceux
reconnus comme responsa-
bles du mouvement (Ribéry,
Gallas, Evra, Toulalan), n’ont
pas encore subi les conséquen-
ces sur leurs contrats publici-
taires actuels, nul doute que
de nouveaux annonceurs ne
se précipiteront pas à leur por-
te pour en faire l’égérie de
leur marque.
Être Zidane n’est pas à la por-
tée de tous. Adopter son humi-
lité d’après tort, non plus. Sa
présence à Clairefontaine, cet-
te semaine, pour sensibiliser
les nouveaux aux devoirs de
l’équipe de France pourrait
être profitable à tous.
A.V.
Ici, Drogba dans une pub pour Kaporal, immense affiche qui surplombe le bd de Plombière, à Marseille. Le foot fait toujours recette.
/M. ZIZZO
La pub mise moins sur le foot
et se cherche de nouveaux héros
AprèsunMondialcatastrophique en terme d’image,la pub délaisse les footballeurs au profit d’autres starsdusport
Les bijoux du sport
français se nomment
Lacourt ou Lemaitre.
LE COMMENTAIRE de François GUYOT directeur général de l’agence-conseil "Sport Market"
"Un sportif n’a des contrats publicitaires
qu’au sommet de sa carrière"
Pour ce spécialiste, "le foot reste numé-
ro un en terme de visibilité". /PHOTO DR
LE DOSSIER DU JOUR
/GUILLAUME RUOPPOLO
2Dimanche 5 Septembre 2010
www.laprovence.com
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