Septembre 2011 • N° 41 l3
HISTOIRE
MFV2030
bateau de pêche rapide
Il était évident que la lenteur de nos
bateaux de pêche augmentait considéra-
blement nos difficultés et il fut décidé de
construire un bateau spécial ayant
l’aspect d’une pinasse du type du P11
mais qui en réalité serait un navire à
grande vitesse capable d’atteindre les 20
nœuds. En plus des deux moteurs pour les
allures rapides il était prévu un moteur
central de plus petite taille permettant de
croiser à 7 nœuds, allure normale d’un
bateau de pêche.
Cette nouvelle pinasse (appelée
MFV2023) se montra très utile pour nos
incursions et retours rapides pendant les
mois d’été. Il fut décidé que Daniel pren-
drait le commandement de ce bateau
dont la livraison était prévue en 1942 et
que je commanderai un autre bateau,
analogue au N51, qui devait rejoindre la
flottille.
Le « Président Herriot »,
A04, MFV2022
En octobre 1942, je fus envoyé à Shoreham
par voie maritime pour superviser, au
chantier de construction de yachts « Lady
Bee », la remise en état de mon nouveau
commandement. Il avait triste allure, était
sale, négligé et défiguré par une énorme
superstructure rouillée ; il avait été utilisé
dans l’estuaire de la Tamise pour le repé-
rage des mines larguées par parachute. En
dépit de son apparence dépenaillée j’en
tombais immédiatement amoureux.
C’était un chalutier de Concarneau,
construit en robuste chêne, d’un modèle
semblable à celui du N51 mais avec des
lignes plus harmonieuses et quelque
chose de plus grand et de plus puissant. Il
portait le nom de « Président Herriot »
mais avait reçu le numéro A04.
Finalement il fut désigné par MFV2022 à
l’instar du reste de la flottille, mais j’en
parlerai sous le nom d’A04 ainsi que j’ai
procédé pour le N51 et le P11.
Je me mis en relation avec M. Burgoyne le
directeur du chantier ; il était extrême-
ment intéressé par la transformation et
fut d’une aide très précieuse tout comme
M. Webb le représentant de l’Amirauté. Le
A04 était le seul bateau de construction
traditionnelle en cours de réparation, les
autres étant des navires de forces côtières.
Je discutais en détail avec notre bureau de
Londres, ce qui était une nécessité, et on
me donna carte blanche pour les travaux
de remise en état.
Le A04 fut mis en cale sèche, inspecté
dans le détail et recalfaté. La cale à pois-
son fut supprimée et l’espace vacant
transformé en carré et local radio. On
aménagea des locaux de vie confortables
et de nombreuses couchettes pour les
agents que nous devions acheminer ou
récupérer. Le poste d’équipage, à l’inverse
de ce qui se pratique ordinairement dans
la marine, se trouvait à l’arrière du com-
partiment des moteurs et on y accédait
par un panneau situé dans la cuisine, elle-
même située derrière la timonerie.
J’étais déterminé à procurer les meilleures
conditions de vie possibles à l’équipage et,
au grand étonnement de mes fournisseurs,
j’insistai pour que le poste soit peint d’une
couleur gris pigeon et les montants des
couchettes soient écarlates.
Quand finalement l’équipage embarqua il
fut très surpris par l’aspect chaleureux du
poste et je n’avais absolument aucun
doute que cela constituait un facteur très
important pour le moral.
Il fallut veiller à de nombreux détails :
retrouver et remettre en place tous les
apparaux de chalutage, poulies, potences,
etc., concevoir et réaliser les postes pour
nos quatre mitrailleuses antiaériennes
Bren jumelées qui, lorsque nous étions en
opération, devaient être rapidement
installées de nuit et cachées pendant le
jour sous les filets. Il fallut aussi approvi-
sionner des voiles, un foc, une grand’voile
et une misaine ; plus tard nous leurs
dûmes notre salut. Il y avait aussi un équi-
pement de radio spécialement conçu
pour nous permettre de communiquer
directement avec le Centre Radio des
Renseignements de Bletchley. Un magicien
de la radio (Le capitaine « Tommy »
Tucker, des Transmissions) venait de
temps à autre de Bletchley pour nous
installer les dernières trouvailles. Tout
cela nécessitait une antenne spéciale ins-
tallée à l’intérieur du mât car nous ne
pouvions évidemment pas être aperçus
avec un aérien radio alors que nous vou-
lionspasserpourunbateaudepêchede
la côte française.
Quand la transformation fut près
d’aboutir, l’équipage arriva du dépôt des
Patrouilles de Lowestoft. Le patron était
Ralph Hockney de Lowestoft et le chef
mécanicien, Johns de Milford Haven, tous
deux marins pêcheurs et remarquables
par leur efficacité calme et tranquille ; ils
devinrent très tôt de véritables amis pour
moi. Le reste de l’équipage comprenait
deux matelots, un chauffeur, un cuisinier
Récit des événements vécus pendant la guerre
(2epartie)
Le P11 (coll. particulière).
Le P11 et le Président Herriot à Falmouth
(coll. particulière).
Le QM Ralph Hockney en tenue de pêcheur breton
occupé à faire la peinture transformant le Président
Herriot en bateau de pêche français (coll. particulière).
Richard Townsend