CREFOR – Pôle Lutte contre l’Illettrisme Décembre 2009 5
I. INTRODUCTION
ors de ces journées de formation, force fût de constater que la représentation de l’orthographe que
nous apportait Claude GRUAZ, nous amenait à lire autrement les écrits des personnes en situation
d’illettrisme. En particulier, nous découvrions l’intérêt de s’émanciper de la référence à la norme
orthographique pour tenter de comprendre les difficultés observées dans les écrits du point de vue du
système de la langue, c’est-à-dire de l’économie de la langue produite par les régularités observables. Il nous
semblait qu'appréhender les écarts orthographiques non comme des « fautes » à corriger, mais comme la
mise en évidence de difficultés objectives, inhérentes au système de la langue, ouvrait la perspective d'une
autre façon de travailler l'écrit avec les personnes en situation d'illettrisme.
Par exemple
Avant, Gisèle n’écrivait pas spontanément, pour prendre son cas décrit plus loin. L’appréhension des
difficultés rencontrées pour orthographier les mots se traduisait par un renoncement à l’acte d’écrire.
Son objectif était de réapprendre les bases. Réapprendre ce qu’elle n’avait pas suffisamment appris à
l’école. Elle disait « je ne sais pas écrire, alors je dois d’abord faire des exercices ». Très volontaire,
elle était boulimique d’exercices de français. Mais, cette boulimie cachait mal une façon de toujours
repousser le passage à l’acte de l’expression écrite. La langue écrite demeurait un objet que les
exercices effectués et la tentative d’assimilation des règles d’orthographe et de grammaire tenaient
toujours à distance.
Aujourd’hui, Gisèle est volontaire non plus pour faire des exercices en vue d’apprendre à écrire,
mais pour écrire. Et ce sont ces propres écrits qui deviennent la matière première de son
apprentissage. A partir de ces écrits nous l’accompagnons dans une réflexion orientée vers la
découverte des régularités constitutives du système de la langue qui devient un objet d’appropriation
progressive et cesse d’être la face nord d’un sommet qu’il faudrait atteindre pour savoir enfin écrire
et s’autoriser à le faire.
Récemment, lors d’une visite d’un musée, Gisèle lisant les notes explicatives murales -fait nouveau-
n’hésitait pas à réfléchir sur l’orthographe de tel ou tel mot, faisant part de la façon dont elle l’aurait
écrit et demandant des explications. On constate ainsi qu’elle intègre une dimension réflexive qui est
un levier pour l’apprentissage.