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Vagabondages c’est une fiction inspirée des événements de la vie de Chaplin qu’il a traduit à
l’écran… en filigrane, nous évoquons l’émigration, la misère, l’errance, en résonnance avec
l'actualité. Au-delà du plaisir à rendre hommage à sa philosophie esthétique, son œuvre politique
nous guide vers un théâtre engagé. Entre hier et aujourd’hui, notre société reste marquée par
l’individualisme et l’indifférence.
Vagabondages et l’œuvre de Chaplin
Acte I, The KID : Chaplin montre plus que jamais son sens unique de la scène, de l’instant. Il
s’agit sans doute de son film le plus célèbre, le plus universel d’un des cinéastes les plus universels.
Le film se présente comme une succession de petits sketches. Le contexte exceptionnel dans
lequel a été créé le film ne saurait néanmoins dissimuler et encore moins substituer les ambitions
premières du cinéaste, qui sont ici pleinement exprimées. Faire rire autant qu’émouvoir grâce à
un style épuré à l’extrême.
Acte II, The Immigrant : Chaplin introduit pour la première fois un fond de situation tragique sur
lequel l’humour vient prendre appui. Ici, il s’agit de la situation des immigrants qui arrivent aux
Etats-Unis : traversée difficile, mauvais traitement par les services d’immigration et ensuite la
pauvreté. Difficile de trouver plus tragique… et pourtant c’est l’humour qui domine. Le comique
prend ainsi une dimension sociale, presque documentaire.
Acte III, Les lumières de la ville et La Ruée vers l’or :
Charles Chaplin donne un point de vue sur le
monde assez désabusé, entre la vanité et l’égoïsme
d’un milliardaire, l’indifférence voire le mépris de
la foule face au vagabond et l’injustice qui voit la
police enfermer un innocent en prison ou un
propriétaire exproprier une aveugle sans le sou.
Évitant avec tact tout pathos ou misérabilisme
édifiant, et ce malgré un scénario qui lui tendait
justement mille pièges, Chaplin alterne comique pur et mélodrame à l’ancienne, même s’il a
toujours le bon goût de désamorcer tout moment susceptible de sombrer dans la mièvrerie par
un gag salvateur.
La Ruée vers l’or nous montre, à travers le personnage de Charlot, une authentique réflexion sur
les rapports à l’argent et la réussite. Ce film de 1925 garde la même force aujourd’hui encore.
On peut tout à la fois y admirer un portrait juste, féroce et touchant de l’être humain, une vision
crue de ce qu’est le capitalisme par essence et une référence très personnelle à la propre
biographie du réalisateur.
Acte IV Les temps modernes : La première image du film montre une horloge géante sur laquelle
l’aiguille des secondes se déplace inexorablement vers le haut de l’heure. Le symbole est clair: les
gens vivent sous la tyrannie du temps mesurée mécaniquement –la dictature de l’horloge. Cette
horloge représente la déshumanisation de l’homme moderne.
Acte V, Le Cirque : L’harmonie parfaite, l’équilibre subtil entre burlesque et drame tient au talent
de Chaplin et au choix du lieu où se déroule l’action : le chapiteau du cirque est le terrain
d’expression du comique ; aux yeux de Chaplin il devient aussi le théâtre de la comédie humaine.
C’est au cœur d’un monde brutal que Chaplin expose l’humanité du vagabond, un homme
capable de partager, aimer et provoquer le rire du public avec lequel il pose les bases d’une
relation intime. De là à dire que le regard des classes aisées et moyennes sur la pauvreté en fut
changé, il y a un pas qu’il est difficile de franchir.