Atelier 6 La communication avec la famille La place de la famille dans nos soins en oncologie Fabie Duhamel, Ph.D. Professeure titulaire Faculté des sciences infirmières Université de Montréal [email protected] 30 avril 2010 Références Duhamel, F. (2007). La santé et la famille : une approche systémique en soins infirmiers (2e ed.). Boucherville: Gaëtan Morin. Wright, L. M., & Bell, J. M. (2009). Beliefs and Illness: A Model for Healing. Calgary: Fourth Floor Press, Inc. Wright, L. M., & Leahey, M. (2009). Nurses and Families: A Guide to Family Assessment and Intervention (Fifth ed.). Philadelphia: F.A. Davies. Bases théoriques Théorie des systèmes (VanBertanlaffy) Théorie de la communication (Watzlawick & al.) Théorie de la cybernétique (Weiner) Théorie de la méta-cognition (Maturana) Définition de la famille Groupe d'individus liés par un attachement émotif profond et par un sentiment d'appartenance au groupe et qui s'identifient comme étant « membres de la famille ». (Wright, Watson & Bell,1990) Les croyances : élément-clef dans nos soins à la famille (Wright, Watson et Bell,1996;2009) « Ce ne sont pas les choses qui troublent les hommes mais l’image qu’il en ont » (Epictète, 50 ans après J.C. ) Croya nceAdapt ation Les croyances sont des convictions auxquelles l’individu adhère. Ces croyances guident ses actions et déterminent son adaptation à une problématique de santé Reconnaître nos propres croyances et considérer leur influence sur notre relation avec le patient et sa famille Mes croyances • La famille, source de soutien et de stress, influence l’évolution de la maladie et réciproquement… • La « réalité » réside dans les yeux de l’observateur • • (Objectivité) vs objectivité Êtres biopsychosociaux déterminisme structurel avec un Mes croyances • • • La relation de l’intervenant avec son client est non-hiérarchique. Engage des conversations thérapeutiques avec ses clients Et invite à la réflexion Mes croyances • • • • Ne vise pas un résultat particulier N’est pas un agent de changement Créer un contexte à changement vs diriger le changement L’intervenant et les membres de la famille changent via leurs interactions CroyancesAdaptation La façon que la famille gère, s’adapte, ou compose avec le problème de santé dérive de ses croyances reliées à ce problème. (Wright et Watson,1996;2009) La souffrance est liée aux croyances associées à la maladie (Wright, 2000) Croyances liées à une problématique de santé • • • • • • Nature de la problématique de santé Étiologie Pronostic Traitement Rôle des professionnels de la santé Rôle du patient et de la famille Croyances liées à une problématique de santé • • Contrôle, gestion du problème de santé • Religion/spiritualité Place du problème de santé dans l’expérience de vie et les relations Types de croyances Contraignantes Facilitantes Croyances contraignantes • Maintiennent leurs difficultés • Restreignent leurs habiletés à résoudre les difficultés encourue par la maladie Croyances facilitantes « Donner de la morphine accélèrera le processus vers la mort. » « Si elle prend soin de moi par devoir, elle finira par me mépriser. » « Les professionnels de la santé font de leur mieux mais ne répondent pas aux besoins de notre mère. Nous savons ce qui est mieux pour elle. » Croyances facilitantes • Augmentent leurs habiletés à résoudre les difficultés encourues par la maladie • Limitent la souffrance Croyances facilitantes « Mon mari reçoit dans cette unité les meilleurs soins possibles. » « Le soutien familial diminue le stress causé par la maladie. » Croyances en interaction Divergentes Convergentes Divergence de croyances • Famille : « Mon mari a besoin de notre soutien et on lui doit bien cela après tout ce qu’il a fait pour nous! » • Intervenant : « La famille est une source de stress pour le patient, il faut limiter ses visites. » Divergence de croyances • Infirmière : « Le patient seul, est mon client. La famille est la cliente des autres professionnels de la santé. » • Famille : « L’infirmière est la mieux placée pour nous aider. » Divergence de croyances • Intervenant : « Il faut dire la vérité au patient et introduire la possibilité de la mort. » • Famille : « Ma mère n’a jamais voulu parler de la mort… elle préfère parler en termes d’espoir. » Divergence de croyances • Intervenant : « La famille soutient bien le patient, ne se plaint pas, donc n’a pas besoin de nous. » • Famille : « Ils ne se rendent pas compte de notre souffrance; il faut démontrer que nous sommes forts devant le patient, pour ne pas le décourager mais cela trompe les gens… » Divergence de croyances • Intervenant : « Il faut rendre le patient le plus autonome possible. » • Conjointe : « Pourquoi pas... le rendre dépendant, tout ce qui me reste dans la vie c’est d’en prendre soin. » Divergence de croyances • Intervenant : « Ce patient est prêt pour les soins palliatifs, on ne peut plus rien faire pour lui. » • Patient/famille : « Il ne faut pas lâcher... tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir… » Divergence de croyances • Famille : « La médication empire sa condition. » • Médecin traitant : « La médication est le seul traitement efficace. » • Infirmière : « La médication est le seul traitement efficace mais pas celle prescrite par son médecin traitant. » Intervention Limite Les limites dans nos interventions sont reliées à l’interaction entre nos croyances et celles du client et de sa famille Sources de difficultés (Harkaway & Madsen, 1989) • Les professionnels de la santé présument connaître les croyances du client et de sa famille. • Les professionnels de la santé ont des présomptions au sujet de leurs propres croyances. • La divergence entre les croyances de la famille et celles des professionnels de la santé n’est pas reconnue. Identifier nos propres croyances liées à : la place de la famille dans les soins « Au chevet de la personne malade pour lui procurer du soutien » « Comme cliente au même titre que la personne malade » « Comme cliente des « autres » professionnels de la santé » « Comme partenaire dans l’équipe de soins » « La place que la famille veut bien prendre » personnes qui devraient recevoir l’information et prendre les décisions Identifier nos propres croyances liées à : pouvoir des professionnels sur la souffrance « Impuissance face à la maladie mais pas nécessairement devant la souffrance » « Nos mots et plus petits gestes de réconfort peuvent adoucir la souffrance » « Plus de pouvoir sur la souffrance physique que psychologique ou contraire» « Traiter avec dignité réduit la souffrance » signification et la façon de vivre la maladie, la souffrance et la fin de sa vie Croyances d’intervenants « Les patients devraient connaître la vérité concernant leur pronostic » « Les familles qui ne peuvent pas faire leurs adieux correctement ne peuvent pas bien vivre leur deuil après le décès » « C’est le patient et non la famille qui doit décider le moment d’arrêter les traitements » « Les personnes souffrent beaucoup moins une fois qu’elles ont donné un sens à leur souffrance » « Les croyances ne fonctionnent pas parce qu’elles sont vraies mais (sont) vraies parce qu’elles fonctionnent. » (James, 1992) Questions pour l’intervenant • Comment la croyance de la famille perpétue le problème? • Comment le problème perpétue la croyance? • Comment leurs comportements? • Y a-t-il convergence ou divergence entre les croyances des membres de la famille? croyances invitent leurs Pattern de communication circulaire C. Le surprotège fait tout pour lui P. « Ma femme ne me fait plus confiance. » S. Inquiète, responsable Conjointe P. « Sa dépendance est la preuve d’une détérioration importante de sa condition de santé. » Patient S. Incompétent Insécure C. Démontre de la dépendance, ne participe pas à ses soins. Pour réduire la souffrance… • Créer un contexte à changement vs diriger le changement; inviter à une réflexion • Ébranler les croyances contraignantes et faire ressortir les croyances facilitantes (nôtres incluses) • Co-construire avec la famille de nouvelles croyances qui sont plus facilitantes à l’adaptation à la maladie Interventions Reconnaître les 3 “EX” 1. EXISTENCE 2. EXPERIENCE (croyances) 3. EXPERTISE et le BESOIN D’ESPOIR Reconnaître leur Existence • Démontrer chaleur, intérêt et courtoisie • Procurer information • Élaborer le génogramme Interventions Reconnaître les 3 “EX” 1. EXISTENCE 2. EXPERIENCE (croyances) 3. EXPERTISE et le BESOIN D’ESPOIR Reconnaître leur Expérience • Explorer l’histoire de la maladie (croyances) vs l’histoire médicale • Donner l’occasion à la famille d’échanger entre eux sur leur expérience de la maladie (préoccupations, besoins, réactions, signification) Explorer les croyances… • Que connaissez-vous de cette maladie? • Comment expliquez-vous la maladie? • Quelle est la meilleure façon de traiter ce problème? • Dans quelle mesure pensez-vous que la famille peut influencer le problème ou l’évolution de la maladie? … explorer les croyances • Quelle est, d’après votre famille, la meilleure façon de composer avec la maladie : la contrôler, lui faire de la place sans lui donner toute la place ou apprendre à la mettre à sa place? • Y a-t-il des différences entre les membres de la famille dans leur façon de prendre soin de votre fille? • Si oui, quelles sont-elles? Est-ce que ces différences créent des conflits? Comment composez-vous avec ces conflits? Questions sur génographe 1. Quel est le plus grand défi (ou inquiétude) pour la famille concernant la maladie et l’hospitalisation? 2. Qui dans la famille est le plus affecté par la maladie et comment le démontre-t-il? 3. Qui vous aide le plus à composer avec ce plus grand défi? 4. Quelles informations auriez-vous le plus de besoin maintenant? 5. Comment pouvons-nous le plus vous aider à ce point-ci? L’unique question S’il y avait une seule question à laquelle vous aimeriez avoir une réponse, en regard à votre expérience de santé, quelle serait-elle? (Wright, 1989) …Reconnaître leur Expérience • Légitimer et réconforter • Utiliser ajustement vs acceptation • Ébranler les croyances contraignantes (recadrage) et faire émerger les facilitantes …Questions-interventions Quelle différence noteriez-vous dans la famille si au lieu de croire que parler de la maladie ou de la mort exacerberait la maladie, vous croiriez que cela soulagerait plutôt la personne malade? …Questions-interventions Quelle différence noteriez-vous, si au lieu de croire que votre conjoint était indifférent face aux soins de votre fils, vous croiriez qu’il manque plutôt de confiance dans ses habiletés? …Questions-interventions Qu’est-ce qui arriverait à votre famille si vous décidiez un jour de mettre la maladie à sa place au lieu de lui donner toute la place dans votre vie familiale? Interventions Reconnaître les 3 “EX” 1. EXISTENCE 2. EXPERIENCE (croyances) 3. EXPERTISE et le BESOIN D’ESPOIR Reconnaître leur Expertise • Identifier et mobiliser leurs forces et ressources • Clarifier leurs attentes • Faire valoir leurs compétences …Reconnaître leur Expertise • Commenter sur les forces démontrées • Questions : « Que fait votre mari qui semble le plus vous aider à composer avec la situation? » • « Comment avez-vous réussi à composer avec un tel stress dans le passé? » • « Quelles habiletés croyez-vous que votre conjoint possède qui lui permettront de bien composer avec la maladie? » Interventions Reconnaître les 3 “EX” 1. EXISTENCE 2. EXPERIENCE (croyances) 3. EXPERTISE et le BESOIN D’ESPOIR Reconnaître leur besoin d’espoir… • Donne une direction • Espoir d’une issue favorable aide à mieux composer avec la maladie : “Il existe toujours une chance...” • Être reconnu dans leur expérience... respect, réconfort, chaleur ...leur donne espoir... raison d’être, motivation, une …Reconnaître leur besoin d’espoir • Que leur proche recevra les meilleurs soins. • Que la douleur sera minimisée, confort optimal • De leur pouvoir sur la souffrance • De leur capacité à faire face à la situation et même au pire scénario (à la perte et au désarroi) • Incertitude maintient espoir plus que prédictions basées sur les statistiques les « Vous avez posé d'excellentes questions concernant la maladie de votre mari; le soutien que vous lui démontrez en participant au programme d'enseignement sur ses soins doit sûrement le réconforter » « Cela est une très bonne idée que vous avez eue de vous renseigner sur les services d'aide à domicile pour vous assister avec les soins de votre père » « L’espoir est une expérience humaine essentielle à la vie. Le comprendre est difficile puisqu’il fait partie intégrante de la vie humaine. C’est comme un poisson qui essaie de comprendre la signification de l’eau. L’eau est probablement le dernier élément qui le préoccupe jusqu’à ce qu’il en soit retiré. L’espoir est tellement essentiel à la vie que sa perte est égale à la perte de la vie elle-même » (Fromm, 1968) Interventions à retenir Reconnaître les 3 “EX” 1. EXISTENCE 2. EXPERIENCE (croyances) 3. EXPERTISE et le BESOIN D’ESPOIR Réflexion Le pouvoir des mots sur la souffrance du patient et de sa famille; une seule parole ou un simple geste peut apaiser une douleur vive tandis que l’indifférence peut la raviver…