27 La « cyberenquête » dans l’apprentissage de l’anglais à l’école primaire Michèle Catroux IUT Bordeaux I - Génie Mécanique et Productique 33405 Talence Cedex [email protected] 1. Introduction Le développement de l’enseignement des langues étrangères à l’école primaire et parallèlement, l’utilisation croissante des TICE nous paraissent ouvrir des voies intéressantes et prometteuses en raison de l’existence de points de convergence portant sur les aspects suivants : d’une part, l’Enseignement à l’Initiation aux Langues Etrangères (EILE) suppose le recours à des documents dits « authentiques ». En second lieu, cet enseignement doit permettre la découverte de faits culturels qui contribuent à l’élargissement et à la structuration des connaissances de l’enfant sur le monde environnant. Enfin, la visée communicative contribue à rendre l’élève acteur de son apprentissage, et à encourager les interactions entre les apprenants. Notre travail de recherche est centré sur la possibilité de recourir à la « cyberenquête » en tant que tâche pédagogique significative car elle permet d’allier les caractéristiques d’une base de documents authentiques, culturellement connotés, aux caractéristiques des environnements multimédias interactifs. 2. La « cyberenquête » et son application pédagogique L’expression anglophone « WebQuest », ou « cyberenquête » en français, désigne une forme particulière d’activité d’apprentissage sur l’Internet où l’élève cherche les éléments d’information à partir de questions et d’indices, en vue de réaliser une tâche particulière. La cyberenquête intègre les technologies dans un processus d'apprentissage centré sur l'élève. Inspirée du cadre de référence socioconstructiviste, la cyberenquête guide les élèves vers des ressources sur l’Internet afin de créer des productions authentiques et originales. Transdisciplinaire et transversale, elle sollicite la motivation, l'engagement des élèves, la pensée critique et nourrit la formation des compétences. En outre, elle favorise la pédagogie Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain 2003 (annexes) 28 Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain 2003 (annexes) centrée sur la tâche en instaurant un travail de type collaboratif et ouvre la voie à l’autonomisation et à la construction individuelle des savoirs. La recherche entreprise tentera de vérifier la validité de deux hypothèses lors de la mise en place de cyberenquêtes auprès de deux classes primaires de cycle 3 (CM1 et CM2). La première porte sur l’action structurante des activités médiatisées par l’Internet et de l’influence des interactions sociales sur le renforcement des acquisitions linguistiques et de l’acquisition de stratégies métacognitives. La seconde s’articule autour de l’action structurante de l’artefact sur les acteurs pédagogiques en présence et de l’instauration du paradigme d’apprentissage. Ce dernier fournit un cadre de référence afin que l’école constitue une communauté d’apprenants incluant tous les partenaires de la relation pédagogique, internes ou externes à l’institution scolaire. 3. La cyberenquête dans le cadre de l’EILE Au-delà de l’apprentissage linguistique proprement dit et de sa composante situationnelle qu’implique le concept de communication, l’EILE tente de prendre plus nettement en compte la dimension cognitive de l’apprentissage pour faire face aux difficultés des apprenants. Les objectifs sont définis en termes de stratégies de communication, de négociation et accordent une attention accrue aux conditions de l’apprentissage. En effet, l’apprentissage précoce implique de prendre en compte l’âge et le stade de développement de l’enfant au sein de son cycle d’apprentissage. L’enseignant-médiateur cherche par conséquent à faciliter les interactions entre l’enfant et son environnement pour développer la compréhension et l’usage du langage. Outre la dimension d’approche des contenus, l’acte pédagogique tente d’intégrer la dimension d’appropriation par l’apprenant qui relève de l’acte individuel, volontaire et ne peut exister que dans un contexte pédagogique porteur de sens. Néanmoins, on constate une focalisation excessive sur la langue en tant qu’objet d’étude au détriment du développement du pouvoir d’action qu’implique la maîtrise de compétences langagières. L’importance accordée à la forme du discours est la conséquence directe du morcellement excessif des apprentissages et de la didactisation des savoirs et porte préjudice à la motivation des élèves et à leur implication dans l’acte d’apprendre. Nous postulons que la cyberenquête constitue une tâche signifiante, porteuse de défi dans la mesure où elle implique la résolution d’un problème permettant de placer l’élève dans un contexte d’action. Mettant l’accent sur une forte contextualisation des savoirs et des apprentissages, elle favorise l’immersion dans une langue non didactisée, la prise de connaissance d’éléments culturels sous-jacents au message, une acculturation progressive par imprégnation, un renforcement lexical grâce à l’utilisation de la langue en contexte. La « cyberenquête » 29 Par son inscription dans un projet motivant pour l’individu, la cyberenquête encourage la mise en oeuvre de compétences transversales, telles que la classification d’informations et de données, ou les capacités de raisonnement et favorise enfin le développement de projets interdisciplinaires auxquels le champ de l’enseignement primaire semble particulièrement propice par l’unicité de l’enseignant assurant toutes les disciplines. L’exploration d’informations sur l’Internet en autonomie guidée repositionne les acteurs pédagogiques en présence, déplace la focalisation de la forme vers le fond et instaure une progression pédagogique non-linéaire. La recherche dans les sites Web peut conduire à une division non-curriculaire des disciplines et renforce la transdisciplinarité. En outre, l’ancrage des sites dans leur contexte culturel agit sur les représentations de la langue et de la culture-cible, ce qui conduit à renforcer la motivation scolaire. 4. Cadre théorique de l’apprentissage/acquisition des langues étrangères Recherche de développement, notre recherche tentera d’apporter des solutions aux problèmes rencontrés dans l’enseignement/apprentissage de l’anglais en recourant à plusieurs théories intéressant le champ de la didactique. Nous nous appuierons tout d’abord sur les théories constructivistes et en particulier sur la théorie du développement de l’intelligence développée par Piaget. Plaçant le sujet au cœur du processus et faisant de lui l’acteur principal de la relation didactique, il suppose que le sujet construit sa connaissance au fil d’interactions incessantes avec les objets ou les phénomènes. C’est dans cette optique que les interactions seront enregistrées lors de l’expérimentation sur le terrain. Ce modèle sera complété par l’approche historico-culturelle de l’apprentissage de Vygotsky. L’idée primordiale qui nous intéresse directement est que Vygotsky a abordé l’apprentissage humain sous l’angle de l’action structurante des nombreuses interactions que le sujet vit dans son environnement social, le sujet construisant avec la médiation d’autrui des outils de pensée qu’il peut s’approprier pour son propre compte. Par ailleurs, nous nous interrogerons sur l’implication du concept de « zone proximale de développement » dans l’environnement pédagogique dense de la cyberenquête. Ces environnements qualifiés de « maximalistes » par Perkins vont à l’encontre de la démarche pédagogique traditionnelle qui organise les contenus du simple au plus complexe. Peuvent-ils donc permettre d’atteindre un plus haut niveau de complexité des apprentissages tout en s’inscrivant dans une démarche de construction individuelle des connaissances ? Nous serons ensuite amenée à considérer l’apport des théories socioconstructivistes au travers des travaux de Perret-Clermont dont l’idée centrale de conflit sociocognitif pourrait s’appliquer aux activités collaboratives favorisées par la cyberenquête. Nous considérerons enfin la médiation mise en place par la cyberenquête ainsi que la médiatisation effectuée par l’enseignant en situation de désétayage telle que décrite dans les travaux de Tardif . 30 Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain 2003 (annexes) 5. Expérimentation et observations L’expérimentation sur le terrain vise à observer la mise en œuvre de cinq cyberenquêtes auprès d’une classe de CM2 et une classe de CM1. La structuration des cyberenquêtes se fera selon les principes édictés par les spécialistes du genre comme Dodge ou Rainville. La recherche d’informations est organisée sur des sites anglophones non didactisés dont le contenu linguistique et iconographique est riche. La recherche en ligne est structurée autour de la réalisation d’une tâche sous forme de création à effectuer : il s’agira selon le cas de créer une recette, d’établir un parcours de visite dans un zoo ou de faire un programme de voyage dans un pays étranger. Les compétences impliquées relèvent à la fois de l’ordre linguistique et culturel de la langue cible mais s’appuient également sur les compétences dites transversales décrites dans le B2I, (Brevet Informatique et Internet) à acquérir en fin de cycle primaire. Il sera en outre fait appel à une troisième discipline, en l’occurrence l’histoire, la géographie ou les sciences afin de constituer un projet interdisciplinaire. Les cyberenquêtes sont scénarisées sous la forme de tâches de type coopératif réalisées par des élèves groupés par paires selon leurs habiletés cognitives et leur sexe. La tâche nécessite de l’élève qu’il endosse un rôle dans l’équipe pour donner lieu à des controverses, des choix et des prises de décision impliquant des habiletés de pensée autant que des habiletés sociales ou de communication. Un enregistrement des interactions devant l’écran sera effectué afin d’identifier les types d’interactions émergentes et de vérifier la pertinence du concept de conflit sociocognitif . 6. Conclusion Cette expérimentation, en prenant appui sur des principes pédagogiques bien connus et réputés comme facteurs d’un apprentissage de qualité, cherche à utiliser le potentiel des nouveaux outils pour l’information et pour la communication comme appui d’un projet pédagogique global. Notre recherche vise à souligner que les outils n’apporteront les bénéfices escomptés que dans des environnements pédagogiques innovants, sinon nouveaux, qu’il importe à l’enseignant de mettre en place.