CONGRÈS RÉUNION TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris Urgences valvulaires critiques B. Iung* U ne des sessions du congrès Thromboses et urgences coronaires (TUC) 2011 était consacrée aux situations d’urgence dans les cardiopathies valvulaires, très hétérogènes, qui ont en commun de poser la question des difficultés d’indication d’intervention en urgence. Décompensation aiguë des valvulopathies chroniques D’après une communication du Pr Bernard Iung, Paris Le diagnostic de valvulopathie est parfois difficile à poser car, dans des conditions de bas débit, le souffle cardiaque peut être de faible intensité, ce qui souligne l’importance d’une échocardiographie précoce en cas d’insuffisance cardiaque aiguë, sachant que les conditions hémodynamiques peuvent rendre difficile la quantification de la sévérité des sténoses, comme des régurgitations. Rétrécissement aortique calcifié * Département de cardiologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris. L’utilisation des vasodilatateurs et des inotropes ne doit pas être restreinte en cas de rétrécissement aortique calcifié (RAC) décompensé. Même si le traitement médical permet souvent une amélioration immédiate, le pronostic à court terme est mauvais – avec une médiane de survie entre 1 et 2 ans –, d’autant plus qu’une dysfonction ventriculaire gauche est presque toujours associée. La mortalité opératoire est accrue chez ces patients : supérieure à 10 % dans la plupart des séries. Les études comparatives montrent cependant que les patients présentant un RAC très symptomatique avec dysfonction ventriculaire gauche sont ceux pour lesquels, par rapport à leur histoire naturelle, le traitement chirurgical est le plus bénéfique. L’analyse du rapport bénéfice-risque doit être individualisée, car les patients présentant un RAC décompensé avec dysfonction ventriculaire gauche sont plus âgés et présentent davantage de comorbidités que ceux ayant une fraction d’éjection conservée, ce qui contribue à augmenter le risque opératoire indépendamment de l’état hémodynamique. La dilatation aortique percutanée permet une amélioration transitoire en cas de RAC compliqué d’un choc cardiogénique, mais elle n’est justifiée que lorsqu’une chirurgie est possible secondairement. L’implantation d’une prothèse aortique par voie percutanée 8 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 est attractive bien qu’elle n’ait fait l’objet d’aucune étude spécifique dans le RAC en cas d’insuffisance cardiaque aiguë. Insuffisance aortique L’insuffisance aortique chronique est bien tolérée longtemps en raison de la dilatation progressive du ventricule gauche. Au stade tardif de dysfonction ventriculaire gauche sévère, les résultats de la chirurgie sont moins bons, mais, désormais, des données montrent un bénéfice par rapport à l’histoire naturelle. Insuffisance mitrale organique Dans l’insuffisance mitrale (IM) organique sévère avec dysfonction ventriculaire gauche, la chirurgie, surtout lorsqu’elle est conservatrice, peut être effectuée avec une mortalité opératoire acceptable. En revanche, le résultat à moyen terme est compromis par la persistance d’une dysfonction ventriculaire gauche résiduelle. Ce résultat explique que les recommandations d’intervention sont plus restrictives lorsqu’une IM organique s’accompagne d’un retentissement ventriculaire gauche sévère (fraction d’éjection < 30 % ou diamètre télésystolique > 55 mm). Insuffisance mitrale fonctionnelle L’IM fonctionnelle étant la conséquence, et non la cause, d’une dysfonction ventriculaire gauche, son traitement est avant tout le traitement de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique, incluant la resynchronisation si indiquée. La correction chirurgicale de l’IM fonctionnelle peut avoir un effet bénéfique sur le remodelage ventriculaire gauche, mais son impact sur les symptômes demeure controversé et aucun bénéfice sur la survie n’a été mis en évidence. Les indications de correction chirurgicale de l’IM fonctionnelle sont surtout envisagées lorsqu’une revascularisation myocardique est par ailleurs indiquée. Les techniques de traitement percutané de l’IM ont fait la preuve de leur faisabilité bien que leur évaluation dans cette indication soit encore préliminaire. Rétrécissement mitral Le principal facteur de risque de décompensation aiguë du rétrécissement mitral n’est pas la dysfonc- CONGRÈS RÉUNION tion ventriculaire gauche mais les troubles du rythme rapide. Sur le plan interventionnel, la commissurotomie mitrale percutanée doit être favorisée dans ces circonstances lorsque les conditions cliniques et anatomiques sont propices. virulent, en particulier s’il s’agit d’un staphylocoque doré. Le caractère particulièrement polymorphe de l’endocardite infectieuse souligne l’importance d’une évaluation multidisciplinaire précoce afin d’en optimiser la prise en charge médico-chirurgicale. Indications chirurgicales dans l’endocardite aiguë Thromboses de prothèses D’après une communication du Pr Pascal Leprince, Paris Comme en témoignent les résultats parfois contradictoires d’études observationnelles récentes, le bénéfice de la chirurgie précoce est difficile à évaluer. Ce bénéfice est principalement mis en évidence en cas de complication hémodynamique, infectieuse ou embolique. Les indications sont désormais plus clairement codifiées dans les recommandations de la Société européenne de cardiologie, qui incluent notamment le délai dans lequel l’intervention est souhaitable. L’indication opératoire est formelle et urgente en cas d’insuffisance cardiaque réfractaire en rapport avec une régurgitation volumineuse ou une fistule. Elle est moins urgente en cas d’insuffisance cardiaque contrôlée. La chirurgie peut également être envisagée en cas de régurgitation volumineuse, surtout aortique, sans signe d’insuffisance cardiaque, en particulier lorsque le risque opératoire est modéré. Les indications opératoires pour des raisons infectieuses sont principalement justifiées par la présence de lésions périvalvulaires (abcès périvalvulaire ou périprothétique), plus rarement par la persistance d’un sepsis avec hémocultures positives ou en raison de germes résistant au traitement médical. Les indications justifiées par le risque embolique sont formelles en cas de végétation résiduelle mesurant plus de 10 mm et associée à un épisode embolique. En l’absence d’embolie, les indications reposant uniquement sur la taille de la végétation sont plus controversées et ne sont envisagées que pour des végétations mesurant plus de 15 mm. Les indications d’ordre embolique doivent être envisagées précocement, durant les 2 premières semaines suivant le début de l’antibiothérapie, période durant laquelle le risque de récidive embolique est le plus élevé. La présence d’un accident vasculaire cérébral ne contre-indique la chirurgie que lorsqu’il s’agit d’un accident vasculaire cérébral hémorragique ou d’un accident vasculaire cérébral ischémique très étendu, notamment chez un patient comateux. D’une façon générale, les indications de chirurgie précoce sont d’autant plus larges que le patient est jeune et que le micro-organisme en cause est D’après une communication du Pr Raymond Roudaut, Bordeaux Les thromboses de prothèses concernent principalement les prothèses mécaniques. Il s’agit d’une complication rare (< 1 pour 100 années-patients) mais grave, avec une mortalité dépassant 10 %. Les facteurs favorisants sont la position mitrale de la prothèse, le bas débit et surtout une anticoagulation insuffisante. Le diagnostic repose sur l’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne et le radio-cinéma de la prothèse, qui apportent des informations complémentaires et doivent donc être tous effectués en cas de suspicion de thrombose de prothèse. Les 2 options thérapeutiques sont principalement la chirurgie et la thrombolyse. La chirurgie comporte un risque relativement élevé, car il s’agit d’une réintervention souvent effectuée dans des conditions hémodynamiques instables. Cependant, la thrombo­ lyse est grevée de mortalité (5 à 10 % des cas), d’un risque thrombo-embolique (5 à 15 % des cas) et d’un risque hémorragique (autour de 8 % des cas). Le risque d’échec de la thrombolyse est augmenté lorsque le thrombus mesure plus de 10 mm. Bien qu’il existe peu de séries comparatives, celles-ci favorisent le recours à la chirurgie comme traitement de première intention. Les indications de la thrombolyse selon les recommandations actuelles concernent principalement les thromboses prothétiques du cœur droit et les thromboses prothétiques du cœur gauche lorsqu’il existe une instabilité hémodynamique et qu’une chirurgie ne peut être effectuée en urgence pour des raisons d’éloignement. Certaines équipes favorisent la thrombolyse en première intention sur les thromboses obstructives du cœur gauche de petite taille, mais cette attitude demeure controversée et n’est pas reprise dans les recommandations actuelles. Les thromboses prothétiques non obstructives sont diagnostiquées par l’échocardiographie transœsophagienne. Le risque, essentiellement embolique, est relativement faible, et ces thromboses justifient donc un traitement médical de première intention, associant généralement anticoagulant et antiagrégant plaquettaire. ■ Pour en savoir plus… ## Vahanian A, Baumgartner H, Bax J et al. Guidelines on the management of valvular heart disease: The Task Force on the Management of Valvular Heart Disease of the European Society of Cardiology. Eur Heart J 2007;28(2):230-68. ## Habib G, Hoen B, Tornos P et al. Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of infective endocarditis (new version 2009): the Task Force on the Prevention, Diagnosis, and Treatment of Infective Endocarditis of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2009;30(19):2369-413. ## Delahaye F. Is early surgery beneficial in infective endocarditis? A systematic review. Arch Cardiovasc Dis 2011;104(1): 35-44. ## Roudaut R, Lafitte S, Roudaut MF et al. Management of prosthetic heart valve obstruction: fibrinolysis versus surgery. Early results and long-term follow-up in a single-centre study of 263 cases. Arch Cardiovasc Dis 2009; 102(4):269-77. Conflit d’intérêts. L’auteur déclare avoir un conflit d’intérêts avec Servier, Boehringer Ingelheim, Valtech, St Jude Medical, Edwards Life­sciences, Sanofi-Aventis. La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 9 CONGRÈS RÉUNION TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris Accident ischémique transitoire expliqué aux non-neurologues L. Krapf* * Service de cardiologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris. Références bibliographiques 1. Rothwell PM, Giles MF, Flossmann E et al. A simple score (ABCD) to identify individuals at high early risk of stroke after transient ischaemic attack. Lancet 2005;366(9479):29-36. 2. Amarenco P, Labreuche J, Lavallée PC et al. Does ABCD2 score below 4 allow more time to evaluate patients with a transient ischemic attack? Stroke 2009;40(9):3091-5. 3. Rothwell PM, Giles MF, Chandratheva A et al. Effect of urgent treatment of transient ischaemic attack and minor stroke on early recurrent stroke (EXPRESS study): a prospective population-based sequential comparison. Lancet 2007;370(9596):1432-42. C ette thématique a été l’objet d’une présentation de P. Lavallée (Paris) lors du congrès TUC. L’accident ischémique transitoire (AIT) se définit comme une dysfonction neurologique transitoire causée par une ischémie focale cérébrale, rétinienne ou médullaire, sans qu’un infarctus puisse être mis en évidence. Les symptômes doivent être focaux (c’est-à-dire correspondre à un territoire vasculaire), de survenue brutale et négatifs (perte de fonction). L’examen neurologique est normal. Les symptômes concernent le territoire carotidien dans 75 % des cas, vertébrobasilaire dans 25 % des cas. Le diagnostic est difficile : selon les études, il est confirmé dans uniquement 38 % des cas adressés, et la variabilité interobservateur entre 2 neurologues est moyenne. Il est important de connaître et de rechercher les diagnostics différentiels, surtout en cas de symptômes atypiques (migraines, vertiges, troubles de la mémoire, diplopie). Le risque est celui d’un AVC, évalué à 5 % dans les 48 heures qui suivent un AIT et à 10 % dans les 3 mois suivants. Ce risque diffère en fonction de l’étiologie ou selon l’atteinte à l’imagerie ; il peut aussi être évalué au moyen du score ABCD2 (Age, Blood pressure, Clinical features, Duration of symptom, Diabetes) [1]. Mais l'évaluation doit cependant être globale et tenir compte de tous ces éléments cliniques et paracliniques (même chez des patients avec un score bas, le risque d’AVC reste de 20 % [2]). Les recommandations du NICE de 2008 codifient la prise en charge selon le risque. Les étiologies principales sont l’athérosclérose intra- et exocrânienne, l’atteinte des petits vaisseaux (lacunes) et l’accident cardioembolique. L’imagerie cérébrale en urgence permet : ➤➤ d’éliminer une cause non ischémique (hémorragie, tumeur, hématome sous-dural) ; ➤➤ de confirmer le diagnostic (IRM en diffusion) ; ➤➤ d’obtenir une investigation artérielle dans le même temps. L’IRM avec séquences en diffusion a une meilleure sensibilité que le scanner pour la détection de lésions précoces souvent réversibles, et pour éliminer un diagnostic différentiel ; le choix dépendra surtout de l’accessibilité et d’éventuelles contre-indications. Le bilan étiologique comprendra systématiquement : ➤➤ une imagerie artérielle sans délai (indication d’endartériectomie en urgence ?) ; 10 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 ➤➤ un électrocardiogramme (à la recherche d’une arythmie complète avec fibrillation auriculaire) ; ➤➤ une échocardiographie ; ➤➤ un bilan biologique : troubles métaboliques, glycémie, polyglobulie, bilan des facteurs de risque cardiovasculaires. La priorité est guidée par la clinique : l’échocardio­ graphie est rapidement demandée en cas de prothèse valvulaire ou de symptômes dans différents territoires artériels ; le doppler des troncs supra-aortiques en cas de souffle carotidien ; des AIT répétés dans le même territoire évoquent une atteinte artérielle ; un syndrome de Claude Bernard-Horner évoque une dissection carotide. Le traitement est à débuter immédiatement par de l’AAS 300 mg en i.v. puis 75 mg/j avant toute imagerie (pas d’effet délétère démontré). Une endartériectomie devra être réalisée dans les 2 semaines si la sténose carotidienne est supérieure à 70 % (norme ECST). Les facteurs de risque cardiovasculaire devront être traités et l’examen devra rechercher d’autres atteintes artérielles. Un traitement anticoagulant pourra être prescrit (il n’existe pas de recommandations actuellement dans le cadre d’AIT. Le risque hémorragique paraît plus faible que dans le cas d’un AVC mais le risque de récidive embolique également). Les indications d’hospitalisation ne sont pas scientifiquement établies : sténose artérielle très serrée, maladie cardioembolique, présentation clinique “crescendo”. L’hospitalisation est intéressante sur le plan de la surveillance (risque de récidive), de l’instauration de traitements spécifiques, de la réalisation plus rapide des examens, de la surveillance télémétrée. Les cliniques spécialisées dans les AIT (SOS AIT) permettent la réception d’appels 24 h/24 par une infirmière formée ou un neurologue de garde, qui orientent éventuellement le patient en hospitalisation. La mise en place de ces structures a permis une diminution du risque d’AVC en 3 mois de 10 à 3 % (3). L’éducation du patient est primordiale : explications sur la pathologie, reconnaissance des symptômes, conduite à tenir en cas de récidive, risque cardiovasculaire. En conclusion, l’AIT est un signe d’alerte dont le diagnostic peut être difficile, nécessitant une évaluation et une prise en charge rapides et spécialisées pour permettre une diminution de 80 % du risque d’AVC. ■ CONGRÈS RÉUNION Troponine non coronaire TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris L. Krapf* L a troponine non coronaire a été le sujet des communications présentées par les Prs P. Jourdain (Pontoise), E. Bonnefoy (Lyon) et P. Ray (Paris) lors du congrès TUC. Élévation chronique de la troponine L’élévation de la troponine circulante est un marqueur de dommages myocardiques, principalement de l’infarctus du myocarde (IDM). Elle peut cependant être détectée en dehors de ce contexte. Dans une étude sur une population générale, 0,7 % des dosages de troponine étaient positifs et étaient corrélés à la présence d’insuffisance cardiaque, d’hyper­trophie ventriculaire gauche, d’insuffisance rénale chronique et de diabète (1). Dans une population de BPCO en décompensation, 43 % des dosages de troponine étaient positifs et associés à un pronostic défavorable (2). La troponine est donc souvent élevée dans des situations diverses, en particulier dans l’insuffisance cardiaque, même stable. L’identification par la troponine circulante du dégât myocardique peut avoir une valeur pronostique, même en l’absence de syndrome coronarien aigu (SCA). L’augmentation de la troponine de plus de 20 % d’un prélèvement à l’autre serait un marqueur pronostique péjoratif, le taux de 0,03 ng/ml paraissant plus fiable pour prédire la mortalité (3). La variabilité de la troponine au cours du temps est faible, présentant peu d’intérêt pour le suivi, mais sa valeur pronostique en association avec le BNP est augmentée (4). Troponine non coronaire avec infarctus Dans la définition universelle de l’IDM (5), l’IDM de type 2 correspond au déséquilibre entre apports et besoins en oxygène du myocarde sans occlusion coronaire (mismatch). Quatre-vingt-quinze pour cent des SCA avec susdécalage du segment ST sont de type 1 (avec événement aigu coronaire) ; en l’absence de sus-décalage du segment ST (NSTEMI), 40 à 60 % sont de type 1 et 40 à 60 % de type 2. En faveur d’un IDM de type 2 on recherchera un terrain avec coronaropathie et les éléments pour un mismatch : diminution des apports (hypotension, anémie, hypoxie, tachycardie) et/ou augmentation des besoins (tachycardie, fièvre). En pratique, devant des symptômes sans sus-décalage du segment ST et avec élévation de la troponine : ➤➤ Si le SCA est peu probable : l’élévation de la troponine peut être non coronaire ; ➤➤ Si le SCA est probable : ##avec mismatch : corriger “vigoureusement” ce mismatch ; ##sans mismatch : NSTEMI à traiter selon les recommandations. * Service de cardiologie, hôpital Bichat-CLaude-Bernard, Paris. Troponine non coronaire Outre les IDM de types 1 et 2, il existe de nombreuses causes de libération de la troponine non clairement reliées à un événement thrombotique coronaire : insuffisance cardiaque aiguë, AVC, embolie pulmonaire, rhabdomyolyse, exacerbation de BPCO, exercice, chimiothérapie (6). Le mécanisme peut être le mismatch, mais celui-ci n’est pas le seul et certains restent méconnus (tableau) [7]. Tableau. Causes non thrombotiques et mécanismes présumés de l’élévation de la troponine. Diagnostic Mécanisme Sepsis, tachycardie, choc/hypotension Mismatch AVC Déséquilibre du système nerveux autonome Contusion myocardique Traumatisme direct Chimiothérapie Toxicité myocardique directe Embolie pulmonaire Dilatation du ventricule droit Insuffisance cardiaque, exercice prolongé Contrainte pariétale ventriculaire Tako-tsubo, sympathomimétiques Effets adrénergiques directs Insuffisance rénale chronique Inconnu En conclusion, l’augmentation de la troponine est fréquemment retrouvée en dehors des SCA, et ses mécanismes ne sont pas tous appréhendés. Il faut reconnaître le SCA et le mismatch pour les traiter de façon adaptée. Hors du contexte de SCA chez un patient âgé, insuffisant cardiaque, insuffisant rénal, l’augmentation de la troponine peut être un élément pronostique. ■ Références bibliographiques 1. Wallace TW, Abdullah SM, Drazner MH et al. Prevalence and determinants of troponin T elevation in the general population. Circulation 2006;113:1958-65. 2. Brekke PH, Omland T, Holmedal SH, Smith P, Søyseth V. Troponin T elevation and long-term mortality after chronic obstructive pulmonary disease exacerbation. Eur Respir J 2008;31:563-70. 3. Sundström J, Ingelsson E, Berglund L et al. Cardiac troponin-­I and risk of heart failure: a community-based cohort study. Eur Heart J 2009;30:773-81. 4. Miller WL, Hartman KA, Burritt MF et al. Serial biomarker measurements in ambulatory patients with chronic heart failure: the importance of change over time. Circulation 2007;116;249-57. 5. Thygesen K, Alpert JS, White HD; Joint ESC/ACCF/ AHA/WHF Task Force for the Redefinition of Myocardial Infarction. Universal definition of myocardial infarction. Eur Heart J 2007;28:2525-38. 6. Agewall S, Giannitsis E, Jernberg T, Katus H. Troponin elevation in coronary vs. noncoronary disease. Eur Heart J 2011;32:404-11. 7. Jeremias A, Gibson CM. Narrative review: alternative causes for elevated cardiac troponin levels when acute coronary syndromes are excluded. Ann Intern Med 2005;142(9):786-91. La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 11 CONGRÈS RÉUNION TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris Physiopathologie et prise en charge de la fibrillation atriale chez les patients avec une dysfonction ventriculaire gauche L. Mimoun* Fibrillation atriale, cause ou conséquence de la dysfonction ventriculaire gauche ? D’après une communication de B. Gersh, États-Unis Les deux ! Il existe un cercle vicieux entre la fibrillation atriale (FA) et la dysfonction du ventricule gauche (VG), la FA étant à la fois cause et conséquence. Ainsi, chez les patients avec une insuffisance cardiaque (IC) chronique, systolique ou diastolique, l’incidence de la FA augmente avec le stade NYHA. En parallèle, la FA altère le pronostic des patients, avec une augmentation de la mortalité et d’hospita­lisations d’origine cardiovasculaire. L’orateur a souligné le cas particulier de la cardiomyopathie induite par la FA dite rythmique, dont l’incidence est probablement sous-estimée : 5 % des cas de survenue de FA sur cœur sain s’accompagnent d’une dysfonction sévère du VG et, de façon probablement plus fréquente, d’une dysfonction modérée à moyenne. La plupart des études montrent une normalisation de la fonction du VG après réduction ou simple ralentissement de la fonction cardiaque (FC). Facteurs prédictifs de la survenue d’une FA et remodelage cardiaque D’après une communication de S. Edery, Paris * Service de cardiologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris. S. Edery est allé dans le sens de B. Gersh. La FA est le reflet d’une atteinte structurelle du myocarde 12 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 et de l’oreillette gauche (OG). Ainsi, des facteurs prédictifs du remodelage myocardique et de l’OG – et donc prédictifs de la survenue d’une FA – ont pu être établis à partir d’études épidémiologiques. Ces facteurs sont cliniques (présence d’une cardiopathie, âge, HTA, diabète, consommation d’alcool, obésité), échocardiographiques (diamètre et surface de l’OG, fraction de raccourcissement du VG, somme de l’épaisseur de la paroi postérieure du VG et du septum interventriculaire, dysfonction diastolique) et biologiques (taux de BNP). Le remodelage de l’OG pourrait également être étudié grâce à de nouvelles techniques comme la quantification de la fibrose de l’OG par IRM ou de l’anomalie du strain de l’OG. Plusieurs études ont suggéré un rôle pronostique de ces nouveaux marqueurs de remodelage de l’OG et une bonne corrélation entre l’importance de la fibrose de l’OG détectée à l’IRM (avec score de CHADS), le risque de survenue d’un AVC et le risque de récurrence de la FA après réduction. Prise en charge du risque embolique D’après une communication de B. Gersh, États-Unis L’orateur a insisté sur la faiblesse des différents scores de risque embolique : mauvaise performance pour les patients à faible risque et manque de données pour les patients à haut risque. De nouveaux anticoagulants sont en cours d’évaluation dans la FA. Dans l’étude RE-LY, le dabigatran (anti-IIa oral), comparé à la warfarine, est apparu supérieur à la dose de 150 mg et n’a pas été inférieur à la dose de 110 mg en termes de réduction CONGRÈS RÉUNION Quel traitement antiarythmique ? D’après une communication de T. Lavergne, Paris L’étude AF-CHF n’a pas montré de différence, même chez l’insuffisant cardiaque, en termes de mortalité cardiovasculaire, de mortalité globale, d’AVC et d’insuf­fisance cardiaque entre les patients dont la FC avait été contrôlée et ceux pour lesquels le rythme sinusal avait été maintenu. Cependant, un maintien du rythme sinusal paraît bénéfique dans 3 situations : ➤➤ dégradation de la FEVG secondaire à la FA ; ➤➤ mauvaise tolérance clinique de la FA ; ➤➤ échec du contrôle de la FC. La présence d’une dysfonction du VG réduit le nombre d’antiarythmiques utilisables. Pour la stratégie de contrôle de la FC, le traitement par digoxine et bêtabloquant reste la meilleure association. Concernant le maintien en rythme sinusal, le choix est limité par la présence d’une dysfonction du VG. Deux nouvelles molécules sont disponibles : la dronédarone, qui ne peut être utilisée que chez les 10 8 22 % 79 % 6 Aspirine Overview Clopidogrel + ASA ACTIVE-A 43 % Dabigatran Warfarine 36 % Warfarine Aspirine 0 Aspirine 2 Clopidogrel + aspirine 4 Clopidogrel + aspirine 28 % Placebo du risque thromboembolique. En outre, le taux d’AVC ­hémorragiques a été significativement plus faible avec le dabigatran, quel que soit le dosage. Cependant, une augmentation du taux d’IDM a été retrouvée dans le groupe traité par dabigatran. Ce résultat reste mal expliqué : s’agit-il d’une simple association statistique, d’un effet bénéfique de la warfarine, d’une utilisation insuffisante d’anti­ agrégants plaquettaires dans l’étude ? D’autres analyses sont en cours. Dans l’étude ROCKET-AF, le rivaroxaban (anti-Xa oral) n’a pas été inférieur à la warfarine en termes de risque embolique. Concernant le risque hémorragique, aucune différence significative n’a été observée. Un nouvel AVK, la tecarfarine, est en cours d’évaluation. Il a l’avantage de ne pas être métabolisé par la voie du cytochrome P450. La figure résume l’effet des différents antiagrégants et anticoagulants sur la baisse du risque thrombo­ embolique dans la FA. Cependant, au-delà du choix du traitement, plusieurs études épidémiologiques ont montré une mauvaise application des recommandations et une sous-utilisation des anticoagulants dans la FA : taux d’utilisation variant de 13 à 65 % chez des patients à risque embolique modéré à moyen. Warfarine Dabigatran ACTIVE-W RE-LY Figure. Risque thromboembolique dans la FA ( = réduction du risque thromboembolique). patients en classes I et II de la NYHA et à distance d’une décompensation cardiaque, et le vernakalant, une spécialité injectable, inhibiteur spécifique des canaux de repolarisation auriculaire, qui a montré une efficacité supérieure à celle de la cordarone pour la cardioversion médicamenteuse. Dans les nouvelles recommandations, chez le patient en insuffisance cardiaque, l’ablation de la FA est indiquée après échec du traitement pharmacologique (recommandation de classe IIb). L’ablation du nœud auriculoventriculaire associée à une stimulation uni- ou biventriculaire peut être utilisée en cas d’échec du traitement pharmacologique pour le contrôle de la FC. Autres voies de traitement de la FA dans l’IC D’autres classes thérapeutiques (ARA II, statines, oméga-3) visant les voies impliquées dans le remodelage de l’OG ont été étudiées dans la prévention de la survenue de la FA, mais sans succès. L’accent a été mis sur l’intérêt, en plus du traitement antiarythmique et antithrombotique, d’une recherche et d’une prise en charge des facteurs favorisant la survenue de la FA, comme l’optimisation du traitement antihypertensif et de l’IC, le dépistage du syndrome d’apnées du sommeil, etc. ■ La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 13 CONGRÈS RÉUNION TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris Syndrome coronaire aigu sans sus-décalage du segment ST L. Mimoun* Revascularisation dans l’angor stable D’après une communication de B. Gersh B. Gersh a soulevé le problème du choix thérapeutique dans l’angor stable : revascularisation ou traitement médical ? Les recommandations de l’ACC, les études telles que COURAGE et BARI-2D et les méta-analyses mettent en évidence un manque de bénéfice de la revascularisation par angioplastie transluminale (ATL) dans l’angor stable. Ce manque de bénéfice de l’ATL peut être expliqué par le fait que cette stratégie n’a aucun effet sur la progression de l’athérosclérose et que la plupart des lésions culprit de la survenue ultérieure d'infarctus ne sont pas les lésions les plus sévères. À l'inverse, ces différentes études comportent un certain nombre de biais qui majorent ce manque de bénéfice : biais de sélection et comptabilisation de l’augmentation de la troponine après la procédure comme un événement indésirable. En outre, si l’on suit les recommandations et ce qui a été fait dans les études COURAGE et BARI-2D, la décision thérapeutique doit être prise après la réalisation de la coronarographie. La pratique clinique est différente : la question du choix entre revascularisation et traitement médical se pose le plus souvent avant la réalisation de la coronarographie. C’est pourquoi l’orateur a rappelé l’intérêt des tests non invasifs, comme la scintigraphie, pour décider de la stratégie. Enfin, il a insisté et nous a alerté sur la fréquence de mauvaises pratiques qui consistent à opter pour une voie en se fondant sur des critères non valables (préoccupation économique, nombre de médecins disponibles, facilité) et non sur des critères objectifs reconnus dans les différentes recommandations. Syndrome coronaire aigu : difficulté diagnostique en préhospitalier D’après une communication de F. Lapostolle * Service de cardiologie, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris. L’orateur a mis en évidence les facteurs à l’origine d’un retard de diagnostic et de prise en charge préhospitaliers : 14 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 ➤➤ filière initiale ne passant pas par le SAMU mais par le médecin ou le cardiologue traitant qui retarde la prise en charge (3 heures, contre 60 minutes avec le SAMU) : importance de l’éducation de la population ; ➤➤ difficulté diagnostique en raison d’une symptomatologie qui peut être peu évocatrice, possibilité de pièges à l’ECG avec des sus-décalages cachés. Dans l’étude TRITON, 26 % des syndromes coronaires aigus (SCA) sans sus-décalage du segment ST (ST−) avec un sous-décalage antérieur étaient en réalité des SCA avec sus-décalage du segment ST (ST+), ce qui a conduit, dans ce groupe, à un retard de prise en charge et à une augmentation de la mortalité. L’orateur a montré que l’apport, en préhospitalier, des scores de risque et du dosage de la troponine dans le but d’améliorer le diagnostic est finalement assez limité et qu’avec un bon interrogatoire et une bonne lecture de l’ECG, le diagnostic peut être posé dans 85 à 90 % des cas. Dans le cas contraire, la politique de sécurité – qui consiste à hospitaliser un patient, même à tort, plutôt que de passer à côté d'un SCA – est de mise. Finalement, le principal problème de la prise en charge des SCA ST− en préhospitalier est celui du choix thérapeutique à faire entre les différents antiagrégants plaquettaires (AAP) et les anticoagulants disponibles. Choix des stratégies antithrombotiques D’après une communication de F. Schiele C’est également la conclusion de l’orateur : parmi tous les antiagrégants plaquettaires et les anticoagulants, lequel choisir ? La réponse est d’autant plus difficile que les nouvelles recommandations européennes intégrant les nouvelles molécules sont en cours d’élaboration. Certains points semblent cependant assez clairs : ➤➤ Concernant les AAP : 2 nouveaux AAP – le prasugrel et le ticagrelor – sont plus efficaces que le clopidogrel, mais ils présentent un risque de saignement accru. L’augmentation des doses de clopidogrel est corrélée à une diminution du risque d’événements en cas d’angioplastie. Si le prasugrel a sa place dans les STEMI, son indication dans le NSTEMI est plus CONGRÈS RÉUNION limitée (principalement chez les diabétiques en cas de décision d’ATL). Le ticagrelor peut être utilisé quelle que soit la stratégie thérapeutique (traitement médical, ATL, pontage) et a montré une diminution de la mortalité quel que soit le sous-groupe. ➤➤ Concernant les anticoagulants : utilisation préférentielle du fondaparinux chez les patients traités médicalement, diminution du risque hémorragique avec la bivalirudine en raison de sa courte demi-vie, utilisation de l’héparine non fractionnée (HNF) en cas d’insuffisance rénale. ➤➤ Concernant les anti-GPIIb/IIIa : leur utilisation en plus de la double AAP et de l’anticoagulant n’a pas montré de bénéfice. Ces différentes constatations montrent qu’en raison d’un élargissement de la gamme thérapeutique, on s’oriente vers une prise en charge personnalisée des patients qui intègre le risque à la fois ischémique et hémorragique. Ce nouveau type de prise en charge accroît l’importance de la stratification du risque dans le SCA ST−. Stratification du risque dans le SCA ST− D’après une communication de P.G. Steg La stratification du risque nécessite l’utilisation de scores de risque. Le taux de troponine seul ne suffit pas à évaluer le risque en raison d’une trop grande proportion de faux positifs et de faux négatifs. Les principaux scores sont : les scores TIMI et GRACE (légèrement plus performant) pour le risque ischémique, et le score CRUSADE pour le risque hémorragique. Cependant, les facteurs de risque ischémique et hémorragique sont en grande partie les mêmes, et un patient à haut risque ischémique a le plus souvent un risque hémorragique important. Cette stratification du risque permet de guider la stratégie thérapeutique : choix de l’AAP et de l’anti­ coagulant les plus adaptés pour chaque patient, sélection des patients ayant le plus de chances de retirer un bénéfice d’une angioplastie précoce. En effet, le risque initial a un impact direct sur le bénéfice d’une stratégie intensive : les patients les plus à risque sont ceux qui tirent le plus grand bénéfice d’une revascularisation précoce. En outre, l’angioplastie systématique dans le SCA ST− est une stratégie coûteuse qui n’a pas montré de bénéfice. Enfin, la prise en charge peut aller au-delà de la stratification du risque en mettant en évidence la part modifiable des facteurs de risque et en orientant la prise en charge vers une réduction de ces facteurs dans le but d’obtenir une réduction du risque ischémique ou hémorragique. ■ Annoncez-vous ! 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Les feuilles de la plante Erythroxylon coca contiennent entre 0,1 et 0,9 % de cocaïne qui peut être consommée en tant que drogue sous deux formes : sel d’hydrochloride, qui peut être sniffé, ingéré ou injecté, ou bien “freebase”, stable à la chaleur, et qui peut donc être fumée. L’effet peut être ressenti très rapidement, avec un pic variant de 3 à 90 mn, et il peut durer de 15 à plus de 180 mn. Ses effets sont liés à la propriété stabilisante de membrane par le blocage des canaux sodiques, et de façon systémique en bloquant la recapture des amines dans la synapse. Les effets immédiats sont l’augmentation du travail cardiaque, avec une élévation de la pression artérielle de 20/10 mmHg et de la fréquence cardiaque de 30 bpm. Il peut se produire également une vasoconstriction coronaire, médiée par l’action sur le récepteur alpha-adrénergique, avec une diminution du diamètre des coronaires de 4 à 29 % ; des effets prothrombotiques ; et enfin, la cocaïne peut accélérer l’athérosclérose coronaire. Lors des enquêtes sur les douleurs thoraciques du sujet jeune, la cocaïne a pu être incriminée jusqu’à 40 % des cas. Le syndrome coronaire aigu (SCA) secondaire à la prise de cocaïne touche une population jeune (moyenne de 38 ans), essentiellement masculine (87 %), avec un tabagisme associé en majorité (91 %). Le délai de prise en charge est en général tardif (supérieur à 24 heures dans 88 % des cas). Il survient souvent à la suite d’une utilisation par voie nasale (65 %), et surtout de façon chronique (95 %), sans pathologie coronaire connue (68 %). La plupart des complications surviennent dans les 12 heures, mais la mortalité est très basse. Dans la plupart des études, la prévalence des SCA ST+ est de 6 %, par contre celle du SCA-NSTEMI, même si elle est mal connue, serait proche de 9 à 10 %. La sensibilité de l’ECG pour détecter l’IDM serait plutôt basse (36 %), avec une spécificité de plus de 90 %. Sa valeur prédictive négative est excellente, de l’ordre de 95,8 %. Le traitement des douleurs thoraciques associées à la prise de cocaïne repose, en premier lieu, sur l’aspirine et les benzodiazépines et, en cas d’HTA 16 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 persistante, sur les dérivés nitrés par voie intraveineuse. Il convient d’éviter des bêtabloquants à la phase aiguë, mais les antithrombotiques et les antiagrégants plaquettaires sont indiqués. En cas de risque bas ou modéré, une mise en observation en USIC est nécessaire, en prodiguant des conseils sur le sevrage de cette drogue. Le test d’effort est optionnel, pendant ou après l’hospitalisation. Chez un patient à risque augmenté, en cas de STEMI, l’angioplastie primaire doit être réalisée. Le traitement de sortie va être le suivant : aspirine, clopidogrel, statine, IEC et conseils pour le sevrage de la cocaïne. Le traitement bêtabloquant pourra être envisagé en cas de caractéristiques de risque élevé (dysfonction systolique, troubles du rythme). L’intoxication digitalique : stratégies thérapeutiques D’après la communication de F. Lapostolle, Bobigny Dans une étude rétrospective française, il a été recensé, en 2 ans, une moyenne de 42 patients atteints d’une intoxication digitalique par centre (1). Le mécanisme de la toxicité provient de l’inhibition de la pompe Na-K-ATPase et d’une stimulation parasympathique. Les principaux critères pronostiques sont la bradycardie, les troubles de la conduction ou du rythme et l’hyperkaliémie. Ainsi, pour cette dernière, une kaliémie inférieure à 5 mEq/l a été associée à une mortalité nulle. En revanche, au-dessus de 6,4 mEq/l, la mortalité a été de 100 % (2). La stratégie actuellement préférée en cas de risque potentiellement vital est une neutralisation prophylactique des digitaliques par des anticorps spécifiques injectés en quantité semi-équimolaire. Le risque potentiellement vital est défini par les critères suivants : âge supérieur à 55 ans, sexe masculin, histoire de maladie cardiaque, bloc auriculoventriculaire, kaliémie supérieure à 4,5 mEq/l, et enfin bradycardie inférieure à 60 bpm et réfractaire à l’atropine. “Le traitement antidotique précoce des surdosages digitaliques, de préférence au domicile du patient, est un projet et un devoir républicain.” ■ CONGRÈS RÉUNION Reperfusion dans le STEMI : tout angioplastie ? TUC 2011 23-25 mars 2011 Paris P. Attali* Comment gérer les choix de stratégie en urgence ? Dans quels cas thrombolyser ? Dans quels cas dilater ? Comment mettre sur pied une stratégie régionale (créer des algorithmes) ? D’après la communication de Patrick Goldstein, Lille Quelques mesures sont essentielles pour une prise en charge efficace d’un STEMI ? Tout d’abord, le nombre d’intervenants. Dès l’appel du 15 par le patient, avant l’admission à l’hôpital, le nombre d’intervenants doit être limité à 1, ou au maximum à 2. La mortalité hospitalière augmente en effet linéairement en fonction du nombre d’intervenants. Ensuite, l’option initiale de reperfusion ainsi que son environnement pharmacologique doivent être choisis en s’appuyant sur les recommandations les plus récentes. Néanmoins, il devrait être possible de faire évoluer rapidement – mais de façon fiable – nos pratiques par une analyse scientifique partagée des grands essais non encore pris en compte dans l’actualisation des recommandations. Cette analyse pourrait avoir lieu dans le cadre de réseaux structurels d’urgence coronaire, en impliquant les différents intervenants. Une étude européenne avait montré une grande inégalité dans l’accès à une reperfusion de qualité. Dans une optique d’amélioration, 7 pays, dont la France, ont été retenus pour le projet “Stent for Life”. Le projet français, rebaptisé “Infarctus : la course pour la vie”, portait sur l'étude de l’impact d’une campagne d’information sur l’entrée des patients dans le réseau de prise en charge de l’urgence coronaire. Cinq départements ont été retenus et 200 patients hospitalisés dans les 48 heures suivant le début des symptômes ont été inclus dans un registre. La douleur thoracique a conduit à un appel téléphonique dans trois quarts des cas, mais seulement 50 % des patients ont composé le 15. Le SAMU a été le premier intervenant médical dans moins de 50 % des cas. Une grande majorité (64 %) des patients a bénéficié d’une angioplastie primaire, mais encore 14 % n’ont pas eu de reperfusion : il s’agissait surtout des patients les plus âgés et des femmes. Le délai entre les symptômes et le premier contact médical était correct (105 mn), de même que le délai entre le premier contact médical et l’angioplastie primaire (90-100 mn), lorsque le patient a été directement admis en cardiologie interventionnelle. En revanche, en cas de passage par un centre périphérique, ce délai était trop élevé (227 mn). Le système actuel est donc largement perfectible : pour l’améliorer, il s’agirait de favoriser en particulier l’admission en centre de cardiologie interventionnelle, sous réserve de règles du jeu parfaitement définies entre les différents partenaires. Quel traitement et quelle technique en complément de l’angioplastie primaire ? D’après la communication de G. Montalescot, Paris Commençons par les aspects techniques L’angioplastie primaire a changé depuis 10 ans : l’accès radial est prédominant (87 % à la PitiéSalpêtrière), et parfois il est cubital ; l’aspiration du thrombus est fréquente (1 patient sur 2), en particulier par les techniques d’aspiration manuelle ; le stenting est quasi systématique. S’il a été bien établi que le stenting était plus efficace que le ballon seul à la phase aiguë de l’infarctus (étude Cadillac [1]), le choix d’un stent actif par rapport à un stent nu est moins évident (2). Quant à la crainte de “no reflow” du fait de gonflements répétés du ballon (3), elle a disparu grâce à cette thromboaspiration. Les révolutions à venir sont les stents à réservoir de médicaments et surtout les stents résorbables (4). * Service de cardiologie, CHU de Strasbourg. La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 17 CONGRÈS RÉUNION Références bibliographiques 1. Stone GW, Grines CL, Cox DA et al. Comparison of angioplasty with stenting, with or without abciximab, in acute myocardial infarction. N Engl J Med 2002;346(13):957-66. 2. Spaulding, Henry P, Teiger E et al. Sirolimus-eluting versus uncoated stents in acute myocardial infarction. N Engl J Med 2006;355(11):1093-104. 3. Loubeyre C, Morice MC, Lefèvre T, Piéchaud JF, Louvard Y, Dumas P. A randomized comparison of direct stenting with conventional stent implantation in selected patients with acute myocardial infarction. J Am Coll Cardiol 2002;39(1):15-21. 4. Lind AY, Eggebrecht H, Erbel R. Images in cardiology: the invisible stent: imaging of an absorbable metal stent with multislice spiral computed tomography. Heart 2005;91(12):1604. 5. Beygui F, Vicaut E, Ecollan P et al. Rationale for an early aldosterone blockade in acute myocardial infarction and design of the ALBATROSS trial. Am Heart J 2010;160(4):642-8. 6. Morrison LJ, Verbeek PR, McDonald AC, Sawadsky BV, Cook DJ. Mortality and prehospital thrombolysis for acute myocardial infarction: a metaanalysis. Jama 2000;283(20): 2686-92. 7. Keeley EC, Boura JA, Grines CL. Comparison of primary and facilitated percutaneous coronary interventions for ST-elevation myocardial infarction: quantitative review of randomised trials. Lancet 2006;367(9510):579-88. 8. Cantor WJ, Fitchett D, Borgundvaag B et al. Routine early angioplasty after fibrinolysis for acute myocardial infarction. N Engl J Med 2009;360(26):2705-18. 9. Bøhmer E, Hoffmann P, Abdelnoor M, Arnesen H, Halvorsen S. Efficacy and safety of immediate angioplasty versus ischemia-guided management after thrombolysis in acute myocardial infarction in areas with very long transfer distances results of the NORDISTEMI (NORwegian study on DIstrict treatment of ST-elevation myocardial infarction). J Am Coll Cardiol 2010;55(2):102-10. 10. Sabatine MS, Cannon CP, Gibson CM et al. Addition of clopidogrel to aspirin and fibrinolytic therapy for myocardial infarction with ST-segment elevation. N Engl J Med 2005;352(12):1179-89. Les nouveaux antithrombotiques La double antiagrégation plaquettaire a permis de réduire à la fois les événements ischémiques (de 13 à 6 %) et les événements hémorragiques. Parmi les nouveaux bloqueurs du récepteur P2Y12, le prasugrel, dans le STEMI, a réduit de 20 % le critère primaire, sans excès d’hémorragie et avec une tendance à la réduction de la mortalité. Les résultats avec le ticagrelor sont à peu près similaires dans l’étude PLATO. Grâce à une méta-analyse avec l’ensemble des nouveaux antiagrégants dans l’angioplastie primaire de l’infarctus du myocarde (IDM), on a pu observer une réduction de la mortalité, des événements ischémiques et des thromboses de stents, sans augmentation des hémorragies majeures. Les recommandations ont attribué une classe III aux anti-GPIIb/IIIa, surtout à partir de l’étude FINESSE. Cependant, lorsque les patients ont besoin d’un trans­ fert vers un centre d’angioplastie, les anti-GPIIb/­IIIa présentent de très bon résultats, retrouvés dans 2 études “d’ambulance”, ADMIRAL et On-TIME 2. Pour le traitement anticoagulant, on a un certain nombre de nouvelles données, même si elles sont moins “cinglantes”. L’étude HORIZONS – qui a évalué les résultats de la bivalirudine versus l’héparine standard (HNF) plus un anti-GPIIb/IIIa – a montré que, malgré un excès de thromboses de stents initial, le bénéfice de la bivalirudine est préservé à long terme. L’étude ATOLL, qui a comparé l’énoxaparine à l’HNF dans l’angioplastie primaire, a montré une tendance favorable à l’énoxaparine. L’accès radial dans les deux tiers des cas a réduit les événements hémorragiques et a “plombé” l’étude. Dans les registres sur l’angioplastie primaire, une réduction de la mortalité avec l’énoxaparine a été observée par rapport à l’héparine standard. La prise en charge des complications La première des complications est le choc cardiogénique dont la prise en charge a été améliorée par les systèmes d’assistance cardiaque qui permettent d’éviter ou d’inverser une atteinte grave d’organes. Vient ensuite la mort rythmique, dont le risque a été diminué par les antialdostérones. L’étude EPHESUS, dans laquelle l’administration d’un antialdostérone devait avoir lieu entre le troisième et le quatorzième jour après un infarctus, a prouvé l’intérêt d’une initiation précoce (différence significative). Une étude en cours évalue l’efficacité d’une administration très précoce d’antialdostérone, dans les 3 premiers jours : l’étude ALBATROSS (5). 18 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 Enfin, la troisième complication est la thrombose de stent, à l’origine d’un taux de mortalité très élevé (30 à 40 %). Cet événement n’est pas si rare que cela (4 % des cas). Les nouveaux antiagrégants plaquettaires peuvent réduire cette complication de manière importante. Ce bénéfice explique que, dans l’année qui a précédé la commercialisation du prasugrel, beaucoup de médecins, en France, ont fait une demande d’utilisation temporaire. Dans l’avenir, la pratique sera peut-être de tester les patients pour rechercher un polymorphisme du CYP2C19 avec les nouveaux systèmes (The Spartan RX CYP2C19, par exemple). Quel management après thrombolyse ? Quand et avec quel traitement ? D’après la communication de P.G. Steg, Paris La thrombolyse préhospitalière fait gagner du temps par rapport à la thrombolyse réalisée à l’hôpital et elle sauve ainsi des vies : en effet, on gagne environ 1 heure et cette démarche a été associée à une réduction de mortalité de 17 % (6). La thrombolyse est d’autant plus efficace qu’elle est administrée tôt : les patients traités dans les 2 heures ont présenté une mortalité à 5 ans divisée de moitié (analyse post hoc de CAPTIM). Si une angioplastie primaire est décidée, une fibrinolyse en amont n’a pas montré de bénéfice mais a été associée, au contraire, à une augmentation des saignements (7). Le transfert vers le centre de cardiologie interventionnelle doit être le plus rapide possible, en administrant un antalgique, de l’aspirine, du clopidogrel et un anticoagulant. Si la thrombolyse préhospitalière est réalisée, elle doit être suivie du transfert vers un centre de cardiologie interventionnelle, en vue d’un geste précoce : en urgence, s’il persiste une élévation du segment ST (angioplastie de sauvetage), ou rapidement, dans les 24 heures, mais pas dans les 3 premières heures, en cas de succès de la thrombolyse (recommandations de 2008) [8, 9]. Ce délai sera très certainement rediscuté dans les prochaines recommandations du fait de la divergence des résultats des études. Une autre question persiste : est-ce que la thrombolyse préhospitalière précoce (moins de 3 h, idéalement de 2 h), avec un traitement adjuvant optimal (double antiagrégation plaquettaire et énoxaparine) [10], pourrait être aussi efficace, voire plus efficace, que l’angioplastie primaire ? Cette hypothèse est actuellement évaluée dans l’étude STREAM et la réponse est attendue pour 2012. ■