Urgences valvulaires critiques

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CONGRÈS
RÉUNION
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
Urgences valvulaires critiques
B. Iung*
U
ne des sessions du congrès Thromboses
et urgences coronaires (TUC) 2011 était
consacrée aux situations d’urgence dans
les cardiopathies valvulaires, très hétérogènes, qui
ont en commun de poser la question des difficultés
d’indication d’intervention en urgence.
Décompensation aiguë
des valvulopathies chroniques
D’après une communication du Pr Bernard Iung, Paris
Le diagnostic de valvulopathie est parfois difficile à
poser car, dans des conditions de bas débit, le souffle
cardiaque peut être de faible intensité, ce qui souligne
l’importance d’une échocardiographie précoce en
cas d’insuffisance cardiaque aiguë, sachant que les
conditions hémodynamiques peuvent rendre difficile
la quantification de la sévérité des sténoses, comme
des régurgitations.
Rétrécissement aortique calcifié
* Département de cardiologie, hôpital
Bichat-Claude-Bernard, Paris.
L’utilisation des vasodilatateurs et des inotropes ne doit
pas être restreinte en cas de rétrécissement aortique
calcifié (RAC) décompensé. Même si le traitement
médical permet souvent une amélioration immédiate,
le pronostic à court terme est mauvais – avec une
médiane de survie entre 1 et 2 ans –, d’autant plus
qu’une dysfonction ventriculaire gauche est presque
toujours associée. La mortalité opératoire est accrue
chez ces patients : supérieure à 10 % dans la plupart des
séries. Les études comparatives montrent cependant
que les patients présentant un RAC très symptomatique avec dysfonction ventriculaire gauche sont ceux
pour lesquels, par rapport à leur histoire naturelle, le
traitement chirurgical est le plus bénéfique.
L’analyse du rapport bénéfice-risque doit être individualisée, car les patients présentant un RAC décompensé avec dysfonction ventriculaire gauche sont
plus âgés et présentent davantage de comorbidités
que ceux ayant une fraction d’éjection conservée,
ce qui contribue à augmenter le risque opératoire
indépendamment de l’état hémodynamique.
La dilatation aortique percutanée permet une amélioration transitoire en cas de RAC compliqué d’un choc
cardiogénique, mais elle n’est justifiée que lorsqu’une
chirurgie est possible secondairement. L’implantation d’une prothèse aortique par voie percutanée
8 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
est attractive bien qu’elle n’ait fait l’objet d’aucune
étude spécifique dans le RAC en cas d’insuffisance
cardiaque aiguë.
Insuffisance aortique
L’insuffisance aortique chronique est bien tolérée
longtemps en raison de la dilatation progressive du
ventricule gauche. Au stade tardif de dysfonction
ventriculaire gauche sévère, les résultats de la chirurgie
sont moins bons, mais, désormais, des données
montrent un bénéfice par rapport à l’histoire naturelle.
Insuffisance mitrale organique
Dans l’insuffisance mitrale (IM) organique sévère avec
dysfonction ventriculaire gauche, la chirurgie, surtout
lorsqu’elle est conservatrice, peut être effectuée avec
une mortalité opératoire acceptable. En revanche, le
résultat à moyen terme est compromis par la persistance d’une dysfonction ventriculaire gauche résiduelle. Ce résultat explique que les recommandations
d’intervention sont plus restrictives lorsqu’une IM
organique s’accompagne d’un retentissement ventriculaire gauche sévère (fraction d’éjection < 30 % ou
diamètre télésystolique > 55 mm).
Insuffisance mitrale fonctionnelle
L’IM fonctionnelle étant la conséquence, et non la
cause, d’une dysfonction ventriculaire gauche, son
traitement est avant tout le traitement de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique, incluant
la resynchronisation si indiquée. La correction chirurgicale de l’IM fonctionnelle peut avoir un effet bénéfique sur le remodelage ventriculaire gauche, mais son
impact sur les symptômes demeure controversé et
aucun bénéfice sur la survie n’a été mis en évidence.
Les indications de correction chirurgicale de l’IM fonctionnelle sont surtout envisagées lorsqu’une revascularisation myocardique est par ailleurs indiquée. Les
techniques de traitement percutané de l’IM ont fait
la preuve de leur faisabilité bien que leur évaluation
dans cette indication soit encore préliminaire.
Rétrécissement mitral
Le principal facteur de risque de décompensation
aiguë du rétrécissement mitral n’est pas la dysfonc-
CONGRÈS
RÉUNION
tion ventriculaire gauche mais les troubles du rythme
rapide. Sur le plan interventionnel, la commissurotomie mitrale percutanée doit être favorisée dans
ces circonstances lorsque les conditions cliniques et
anatomiques sont propices.
virulent, en particulier s’il s’agit d’un staphylocoque
doré. Le caractère particulièrement polymorphe
de l’endocardite infectieuse souligne l’importance
d’une évaluation multidisciplinaire précoce afin d’en
optimiser la prise en charge médico-chirurgicale.
Indications chirurgicales
dans l’endocardite aiguë
Thromboses de prothèses
D’après une communication du Pr Pascal Leprince,
Paris
Comme en témoignent les résultats parfois contradictoires d’études observationnelles récentes, le bénéfice de la chirurgie précoce est difficile à évaluer. Ce
bénéfice est principalement mis en évidence en cas de
complication hémodynamique, infectieuse ou embolique. Les indications sont désormais plus clairement
codifiées dans les recommandations de la Société
européenne de cardiologie, qui incluent notamment
le délai dans lequel l’intervention est souhaitable.
L’indication opératoire est formelle et urgente en cas
d’insuffisance cardiaque réfractaire en rapport avec
une régurgitation volumineuse ou une fistule. Elle
est moins urgente en cas d’insuffisance cardiaque
contrôlée. La chirurgie peut également être envisagée en cas de régurgitation volumineuse, surtout
aortique, sans signe d’insuffisance cardiaque, en
particulier lorsque le risque opératoire est modéré.
Les indications opératoires pour des raisons infectieuses sont principalement justifiées par la présence
de lésions périvalvulaires (abcès périvalvulaire ou
périprothétique), plus rarement par la persistance
d’un sepsis avec hémocultures positives ou en raison
de germes résistant au traitement médical.
Les indications justifiées par le risque embolique sont
formelles en cas de végétation résiduelle mesurant
plus de 10 mm et associée à un épisode embolique. En
l’absence d’embolie, les indications reposant uniquement sur la taille de la végétation sont plus controversées et ne sont envisagées que pour des végétations
mesurant plus de 15 mm. Les indications d’ordre
embolique doivent être envisagées précocement,
durant les 2 premières semaines suivant le début de
l’antibiothérapie, période durant laquelle le risque
de récidive embolique est le plus élevé. La présence
d’un accident vasculaire cérébral ne contre-indique la
chirurgie que lorsqu’il s’agit d’un accident vasculaire
cérébral hémorragique ou d’un accident vasculaire
cérébral ischémique très étendu, notamment chez
un patient comateux.
D’une façon générale, les indications de chirurgie
précoce sont d’autant plus larges que le patient
est jeune et que le micro-organisme en cause est
D’après une communication du
Pr Raymond Roudaut, Bordeaux
Les thromboses de prothèses concernent principalement les prothèses mécaniques. Il s’agit d’une
complication rare (< 1 pour 100 années-patients)
mais grave, avec une mortalité dépassant 10 %. Les
facteurs favorisants sont la position mitrale de la
prothèse, le bas débit et surtout une anticoagulation
insuffisante.
Le diagnostic repose sur l’échocardiographie transthoracique et transœsophagienne et le radio-cinéma
de la prothèse, qui apportent des informations
complémentaires et doivent donc être tous effectués en cas de suspicion de thrombose de prothèse.
Les 2 options thérapeutiques sont principalement la
chirurgie et la thrombolyse. La chirurgie comporte
un risque relativement élevé, car il s’agit d’une réintervention souvent effectuée dans des conditions
hémodynamiques instables. Cependant, la thrombo­
lyse est grevée de mortalité (5 à 10 % des cas), d’un
risque thrombo-embolique (5 à 15 % des cas) et
d’un risque hémorragique (autour de 8 % des cas).
Le risque d’échec de la thrombolyse est augmenté
lorsque le thrombus mesure plus de 10 mm.
Bien qu’il existe peu de séries comparatives, celles-ci
favorisent le recours à la chirurgie comme traitement
de première intention. Les indications de la thrombolyse selon les recommandations actuelles concernent
principalement les thromboses prothétiques du cœur
droit et les thromboses prothétiques du cœur gauche
lorsqu’il existe une instabilité hémodynamique et
qu’une chirurgie ne peut être effectuée en urgence
pour des raisons d’éloignement. Certaines équipes
favorisent la thrombolyse en première intention
sur les thromboses obstructives du cœur gauche de
petite taille, mais cette attitude demeure controversée et n’est pas reprise dans les recommandations
actuelles.
Les thromboses prothétiques non obstructives sont
diagnostiquées par l’échocardiographie transœsophagienne. Le risque, essentiellement embolique,
est relativement faible, et ces thromboses justifient
donc un traitement médical de première intention,
associant généralement anticoagulant et antiagrégant plaquettaire.
■
Pour en savoir plus…
## Vahanian A, Baumgartner H,
Bax J et al. Guidelines on the
management of valvular heart
disease: The Task Force on the
Management of Valvular Heart
Disease of the European Society
of Cardiology. Eur Heart J
2007;28(2):230-68.
## Habib G, Hoen B, Tornos P
et al. Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment
of infective endocarditis (new
version 2009): the Task Force on
the Prevention, Diagnosis, and
Treatment of Infective Endocarditis of the European Society
of Cardiology (ESC). Eur Heart J
2009;30(19):2369-413.
## Delahaye F. Is early surgery
beneficial in infective endocarditis? A systematic review. Arch
Cardiovasc Dis 2011;104(1):
35-44.
## Roudaut R, Lafitte S, Roudaut MF
et al. Management of prosthetic
heart valve obstruction: fibrinolysis versus surgery. Early results
and long-term follow-up in
a single-centre study of 263
cases. Arch Cardiovasc Dis 2009;
102(4):269-77.
Conflit d’intérêts. L’auteur
déclare avoir un conflit d’intérêts
avec Servier, Boehringer Ingelheim,
Valtech, St Jude Medical, Edwards
Life­sciences, Sanofi-Aventis.
La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 9 CONGRÈS
RÉUNION
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
Accident ischémique transitoire
expliqué aux non-neurologues
L. Krapf*
* Service de cardiologie, hôpital
Bichat-Claude-Bernard, Paris.
Références
bibliographiques
1. Rothwell PM, Giles MF, Flossmann E et al. A simple score
(ABCD) to identify individuals
at high early risk of stroke after
transient ischaemic attack.
Lancet 2005;366(9479):29-36.
2. Amarenco P, Labreuche J,
Lavallée PC et al. Does ABCD2
score below 4 allow more time
to evaluate patients with a transient ischemic attack? Stroke
2009;40(9):3091-5.
3. Rothwell PM, Giles MF, Chandratheva A et al. Effect of urgent
treatment of transient ischaemic
attack and minor stroke on early
recurrent stroke (EXPRESS study):
a prospective population-based
sequential comparison. Lancet
2007;370(9596):1432-42.
C
ette thématique a été l’objet d’une présentation de P. Lavallée (Paris) lors du congrès TUC.
L’accident ischémique transitoire (AIT) se
définit comme une dysfonction neurologique transitoire causée par une ischémie focale cérébrale,
rétinienne ou médullaire, sans qu’un infarctus puisse
être mis en évidence. Les symptômes doivent être
focaux (c’est-à-dire correspondre à un territoire vasculaire), de survenue brutale et négatifs (perte de
fonction). L’examen neurologique est normal. Les
symptômes concernent le territoire carotidien dans
75 % des cas, vertébrobasilaire dans 25 % des cas.
Le diagnostic est difficile : selon les études, il est
confirmé dans uniquement 38 % des cas adressés,
et la variabilité interobservateur entre 2 neurologues
est moyenne. Il est important de connaître et de
rechercher les diagnostics différentiels, surtout en
cas de symptômes atypiques (migraines, vertiges,
troubles de la mémoire, diplopie).
Le risque est celui d’un AVC, évalué à 5 % dans les
48 heures qui suivent un AIT et à 10 % dans les 3 mois
suivants. Ce risque diffère en fonction de l’étiologie ou
selon l’atteinte à l’imagerie ; il peut aussi être évalué au
moyen du score ABCD2 (Age, Blood pressure, Clinical
features, Duration of symptom, Diabetes) [1]. Mais l'évaluation doit cependant être globale et tenir compte de
tous ces éléments cliniques et paracliniques (même
chez des patients avec un score bas, le risque d’AVC
reste de 20 % [2]). Les recommandations du NICE
de 2008 codifient la prise en charge selon le risque.
Les étiologies principales sont l’athérosclérose
intra- et exocrânienne, l’atteinte des petits vaisseaux
(lacunes) et l’accident cardioembolique.
L’imagerie cérébrale en urgence permet :
➤➤ d’éliminer une cause non ischémique (hémorragie, tumeur, hématome sous-dural) ;
➤➤ de confirmer le diagnostic (IRM en diffusion) ;
➤➤ d’obtenir une investigation artérielle dans le
même temps.
L’IRM avec séquences en diffusion a une meilleure
sensibilité que le scanner pour la détection de lésions
précoces souvent réversibles, et pour éliminer un
diagnostic différentiel ; le choix dépendra surtout
de l’accessibilité et d’éventuelles contre-indications.
Le bilan étiologique comprendra systématiquement :
➤➤ une imagerie artérielle sans délai (indication
d’endartériectomie en urgence ?) ;
10 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
➤➤ un électrocardiogramme (à la recherche d’une
arythmie complète avec fibrillation auriculaire) ;
➤➤ une échocardiographie ;
➤➤ un bilan biologique : troubles métaboliques,
glycémie, polyglobulie, bilan des facteurs de risque
cardiovasculaires.
La priorité est guidée par la clinique : l’échocardio­
graphie est rapidement demandée en cas de prothèse
valvulaire ou de symptômes dans différents territoires
artériels ; le doppler des troncs supra-aortiques en cas de
souffle carotidien ; des AIT répétés dans le même territoire évoquent une atteinte artérielle ; un syndrome de
Claude Bernard-Horner évoque une dissection carotide.
Le traitement est à débuter immédiatement par de
l’AAS 300 mg en i.v. puis 75 mg/j avant toute imagerie
(pas d’effet délétère démontré). Une endartériectomie
devra être réalisée dans les 2 semaines si la sténose
carotidienne est supérieure à 70 % (norme ECST).
Les facteurs de risque cardiovasculaire devront être
traités et l’examen devra rechercher d’autres atteintes
artérielles.
Un traitement anticoagulant pourra être prescrit
(il n’existe pas de recommandations actuellement
dans le cadre d’AIT. Le risque hémorragique paraît
plus faible que dans le cas d’un AVC mais le risque
de récidive embolique également).
Les indications d’hospitalisation ne sont pas scientifiquement établies : sténose artérielle très serrée,
maladie cardioembolique, présentation clinique “crescendo”. L’hospitalisation est intéressante sur le plan de
la surveillance (risque de récidive), de l’instauration de
traitements spécifiques, de la réalisation plus rapide
des examens, de la surveillance télémétrée.
Les cliniques spécialisées dans les AIT (SOS AIT)
permettent la réception d’appels 24 h/24 par une
infirmière formée ou un neurologue de garde, qui
orientent éventuellement le patient en hospitalisation. La mise en place de ces structures a permis une
diminution du risque d’AVC en 3 mois de 10 à 3 % (3).
L’éducation du patient est primordiale : explications sur
la pathologie, reconnaissance des symptômes, conduite
à tenir en cas de récidive, risque cardiovasculaire.
En conclusion, l’AIT est un signe d’alerte dont le
diagnostic peut être difficile, nécessitant une évaluation et une prise en charge rapides et spécialisées
pour permettre une diminution de 80 % du risque
d’AVC.
■
CONGRÈS
RÉUNION
Troponine non coronaire
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
L. Krapf*
L
a troponine non coronaire a été le sujet des
communications présentées par les Prs P. Jourdain (Pontoise), E. Bonnefoy (Lyon) et P. Ray
(Paris) lors du congrès TUC.
Élévation chronique
de la troponine
L’élévation de la troponine circulante est un marqueur
de dommages myocardiques, principalement de l’infarctus du myocarde (IDM). Elle peut cependant être
détectée en dehors de ce contexte. Dans une étude
sur une population générale, 0,7 % des dosages de
troponine étaient positifs et étaient corrélés à la
présence d’insuffisance cardiaque, d’hyper­trophie
ventriculaire gauche, d’insuffisance rénale chronique
et de diabète (1). Dans une population de BPCO en
décompensation, 43 % des dosages de troponine
étaient positifs et associés à un pronostic défavorable (2). La troponine est donc souvent élevée dans
des situations diverses, en particulier dans l’insuffisance cardiaque, même stable.
L’identification par la troponine circulante du dégât
myocardique peut avoir une valeur pronostique,
même en l’absence de syndrome coronarien aigu
(SCA). L’augmentation de la troponine de plus de 20 %
d’un prélèvement à l’autre serait un marqueur pronostique péjoratif, le taux de 0,03 ng/ml paraissant plus
fiable pour prédire la mortalité (3). La variabilité de
la troponine au cours du temps est faible, présentant
peu d’intérêt pour le suivi, mais sa valeur pronostique
en association avec le BNP est augmentée (4).
Troponine non coronaire
avec infarctus
Dans la définition universelle de l’IDM (5), l’IDM de
type 2 correspond au déséquilibre entre apports et
besoins en oxygène du myocarde sans occlusion
coronaire (mismatch).
Quatre-vingt-quinze pour cent des SCA avec susdécalage du segment ST sont de type 1 (avec événement aigu coronaire) ; en l’absence de sus-décalage
du segment ST (NSTEMI), 40 à 60 % sont de type 1
et 40 à 60 % de type 2.
En faveur d’un IDM de type 2 on recherchera un
terrain avec coronaropathie et les éléments pour
un mismatch : diminution des apports (hypotension,
anémie, hypoxie, tachycardie) et/ou augmentation
des besoins (tachycardie, fièvre).
En pratique, devant des symptômes sans sus-décalage
du segment ST et avec élévation de la troponine :
➤➤ Si le SCA est peu probable : l’élévation de la troponine peut être non coronaire ;
➤➤ Si le SCA est probable :
##avec mismatch : corriger “vigoureusement” ce
mismatch ;
##sans mismatch : NSTEMI à traiter selon les recommandations.
* Service de cardiologie, hôpital
Bichat-CLaude-Bernard, Paris.
Troponine non coronaire
Outre les IDM de types 1 et 2, il existe de nombreuses
causes de libération de la troponine non clairement
reliées à un événement thrombotique coronaire :
insuffisance cardiaque aiguë, AVC, embolie pulmonaire, rhabdomyolyse, exacerbation de BPCO, exercice, chimiothérapie (6). Le mécanisme peut être le
mismatch, mais celui-ci n’est pas le seul et certains
restent méconnus (tableau) [7].
Tableau. Causes non thrombotiques et mécanismes
présumés de l’élévation de la troponine.
Diagnostic
Mécanisme
Sepsis, tachycardie,
choc/hypotension
Mismatch
AVC
Déséquilibre du système
nerveux autonome
Contusion myocardique
Traumatisme direct
Chimiothérapie
Toxicité myocardique directe
Embolie pulmonaire
Dilatation du ventricule droit
Insuffisance cardiaque,
exercice prolongé
Contrainte pariétale
ventriculaire
Tako-tsubo,
sympathomimétiques
Effets adrénergiques directs
Insuffisance rénale
chronique
Inconnu
En conclusion, l’augmentation de la troponine est
fréquemment retrouvée en dehors des SCA, et ses
mécanismes ne sont pas tous appréhendés. Il faut
reconnaître le SCA et le mismatch pour les traiter
de façon adaptée. Hors du contexte de SCA chez un
patient âgé, insuffisant cardiaque, insuffisant rénal,
l’augmentation de la troponine peut être un élément
pronostique.
■
Références
bibliographiques
1. Wallace TW, Abdullah SM,
Drazner MH et al. Prevalence and
determinants of troponin T elevation in the general population.
Circulation 2006;113:1958-65.
2. Brekke PH, Omland T,
Holmedal SH, Smith P, Søyseth V.
Troponin T elevation and long-term
mortality after chronic obstructive
pulmonary disease exacerbation.
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3. Sundström J, Ingelsson E,
Berglund L et al. Cardiac
troponin-­I and risk of heart
failure: a community-based
cohort study. Eur Heart J
2009;30:773-81.
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Burritt MF et al. Serial biomarker
measurements in ambulatory
patients with chronic heart
failure: the importance of
change over time. Circulation
2007;116;249-57.
5. Thygesen K, Alpert JS,
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AHA/WHF Task Force for the
Redefinition of Myocardial
Infarction. Universal definition of
myocardial infarction. Eur Heart
J 2007;28:2525-38.
6. Agewall S, Giannitsis E,
Jernberg T, Katus H. Troponin
elevation in coronary vs. noncoronary disease. Eur Heart
J 2011;32:404-11.
7. Jeremias A, Gibson CM. Narrative review: alternative causes for
elevated cardiac troponin levels
when acute coronary syndromes
are excluded. Ann Intern Med
2005;142(9):786-91.
La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 11 CONGRÈS
RÉUNION
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
Physiopathologie et prise
en charge de la fibrillation
atriale chez les patients
avec une dysfonction
ventriculaire gauche
L. Mimoun*
Fibrillation atriale,
cause ou conséquence
de la dysfonction ventriculaire
gauche ?
D’après une communication de B. Gersh, États-Unis
Les deux ! Il existe un cercle vicieux entre la fibrillation atriale (FA) et la dysfonction du ventricule
gauche (VG), la FA étant à la fois cause et conséquence. Ainsi, chez les patients avec une insuffisance cardiaque (IC) chronique, systolique ou
diastolique, l’incidence de la FA augmente avec le
stade NYHA. En parallèle, la FA altère le pronostic
des patients, avec une augmentation de la mortalité et d’hospita­lisations d’origine cardiovasculaire.
L’orateur a souligné le cas particulier de la cardiomyopathie induite par la FA dite rythmique, dont
l’incidence est probablement sous-estimée : 5 %
des cas de survenue de FA sur cœur sain s’accompagnent d’une dysfonction sévère du VG et, de façon
probablement plus fréquente, d’une dysfonction
modérée à moyenne. La plupart des études montrent
une normalisation de la fonction du VG après
réduction ou simple ralentissement de la fonction
cardiaque (FC).
Facteurs prédictifs
de la survenue d’une FA
et remodelage cardiaque
D’après une communication de S. Edery, Paris
* Service de cardiologie, hôpital
Bichat-Claude-Bernard, Paris.
S. Edery est allé dans le sens de B. Gersh. La FA est
le reflet d’une atteinte structurelle du myocarde
12 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
et de l’oreillette gauche (OG). Ainsi, des facteurs
prédictifs du remodelage myocardique et de l’OG
– et donc prédictifs de la survenue d’une FA – ont
pu être établis à partir d’études épidémiologiques.
Ces facteurs sont cliniques (présence d’une cardiopathie, âge, HTA, diabète, consommation d’alcool,
obésité), échocardiographiques (diamètre et surface
de l’OG, fraction de raccourcissement du VG, somme
de l’épaisseur de la paroi postérieure du VG et du
septum interventriculaire, dysfonction diastolique)
et biologiques (taux de BNP).
Le remodelage de l’OG pourrait également être
étudié grâce à de nouvelles techniques comme
la quantification de la fibrose de l’OG par IRM ou
de l’anomalie du strain de l’OG. Plusieurs études
ont suggéré un rôle pronostique de ces nouveaux
marqueurs de remodelage de l’OG et une bonne
corrélation entre l’importance de la fibrose de l’OG
détectée à l’IRM (avec score de CHADS), le risque
de survenue d’un AVC et le risque de récurrence de
la FA après réduction.
Prise en charge
du risque embolique
D’après une communication de B. Gersh, États-Unis
L’orateur a insisté sur la faiblesse des différents scores
de risque embolique : mauvaise performance pour
les patients à faible risque et manque de données
pour les patients à haut risque.
De nouveaux anticoagulants sont en cours d’évaluation dans la FA. Dans l’étude RE-LY, le dabigatran
(anti-IIa oral), comparé à la warfarine, est apparu
supérieur à la dose de 150 mg et n’a pas été inférieur à la dose de 110 mg en termes de réduction
CONGRÈS
RÉUNION
Quel traitement
antiarythmique ?
D’après une communication de T. Lavergne, Paris
L’étude AF-CHF n’a pas montré de différence, même
chez l’insuffisant cardiaque, en termes de mortalité cardiovasculaire, de mortalité globale, d’AVC
et d’insuf­fisance cardiaque entre les patients dont
la FC avait été contrôlée et ceux pour lesquels le
rythme sinusal avait été maintenu. Cependant, un
maintien du rythme sinusal paraît bénéfique dans
3 situations :
➤➤ dégradation de la FEVG secondaire à la FA ;
➤➤ mauvaise tolérance clinique de la FA ;
➤➤ échec du contrôle de la FC.
La présence d’une dysfonction du VG réduit le
nombre d’antiarythmiques utilisables. Pour la
stratégie de contrôle de la FC, le traitement par
digoxine et bêtabloquant reste la meilleure association. Concernant le maintien en rythme sinusal,
le choix est limité par la présence d’une dysfonction
du VG. Deux nouvelles molécules sont disponibles :
la dronédarone, qui ne peut être utilisée que chez les
10
8
22 %
79 %
6
Aspirine
Overview
Clopidogrel + ASA
ACTIVE-A
43 %
Dabigatran
Warfarine
36 %
Warfarine
Aspirine
0
Aspirine
2
Clopidogrel + aspirine
4
Clopidogrel + aspirine
28 %
Placebo
du risque thromboembolique. En outre, le taux
d’AVC ­hémorragiques a été significativement plus
faible avec le dabigatran, quel que soit le dosage.
Cependant, une augmentation du taux d’IDM a été
retrouvée dans le groupe traité par dabigatran. Ce
résultat reste mal expliqué : s’agit-il d’une simple
association statistique, d’un effet bénéfique de
la warfarine, d’une utilisation insuffisante d’anti­
agrégants plaquettaires dans l’étude ? D’autres
analyses sont en cours.
Dans l’étude ROCKET-AF, le rivaroxaban (anti-Xa
oral) n’a pas été inférieur à la warfarine en termes
de risque embolique. Concernant le risque hémorragique, aucune différence significative n’a été
observée.
Un nouvel AVK, la tecarfarine, est en cours d’évaluation. Il a l’avantage de ne pas être métabolisé par la
voie du cytochrome P450.
La figure résume l’effet des différents antiagrégants
et anticoagulants sur la baisse du risque thrombo­
embolique dans la FA.
Cependant, au-delà du choix du traitement, plusieurs
études épidémiologiques ont montré une mauvaise
application des recommandations et une sous-utilisation des anticoagulants dans la FA : taux d’utilisation variant de 13 à 65 % chez des patients à risque
embolique modéré à moyen.
Warfarine
Dabigatran
ACTIVE-W
RE-LY
Figure. Risque thromboembolique dans la FA ( = réduction du risque thromboembolique).
patients en classes I et II de la NYHA et à distance
d’une décompensation cardiaque, et le vernakalant,
une spécialité injectable, inhibiteur spécifique des
canaux de repolarisation auriculaire, qui a montré
une efficacité supérieure à celle de la cordarone pour
la cardioversion médicamenteuse.
Dans les nouvelles recommandations, chez le patient
en insuffisance cardiaque, l’ablation de la FA est
indiquée après échec du traitement pharmacologique (recommandation de classe IIb). L’ablation
du nœud auriculoventriculaire associée à une stimulation uni- ou biventriculaire peut être utilisée en
cas d’échec du traitement pharmacologique pour
le contrôle de la FC.
Autres voies de traitement
de la FA dans l’IC
D’autres classes thérapeutiques (ARA II, statines,
oméga-3) visant les voies impliquées dans le remodelage de l’OG ont été étudiées dans la prévention
de la survenue de la FA, mais sans succès.
L’accent a été mis sur l’intérêt, en plus du traitement antiarythmique et antithrombotique, d’une
recherche et d’une prise en charge des facteurs favorisant la survenue de la FA, comme l’optimisation du
traitement antihypertensif et de l’IC, le dépistage
du syndrome d’apnées du sommeil, etc.
■
La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 13 CONGRÈS
RÉUNION
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
Syndrome coronaire aigu sans
sus-décalage du segment ST
L. Mimoun*
Revascularisation
dans l’angor stable
D’après une communication de B. Gersh
B. Gersh a soulevé le problème du choix thérapeutique
dans l’angor stable : revascularisation ou traitement
médical ? Les recommandations de l’ACC, les études
telles que COURAGE et BARI-2D et les méta-analyses
mettent en évidence un manque de bénéfice de la
revascularisation par angioplastie transluminale (ATL)
dans l’angor stable. Ce manque de bénéfice de l’ATL
peut être expliqué par le fait que cette stratégie n’a
aucun effet sur la progression de l’athérosclérose
et que la plupart des lésions culprit de la survenue
ultérieure d'infarctus ne sont pas les lésions les plus
sévères. À l'inverse, ces différentes études comportent
un certain nombre de biais qui majorent ce manque
de bénéfice : biais de sélection et comptabilisation de
l’augmentation de la troponine après la procédure
comme un événement indésirable. En outre, si l’on suit
les recommandations et ce qui a été fait dans les études
COURAGE et BARI-2D, la décision thérapeutique doit
être prise après la réalisation de la coronarographie. La
pratique clinique est différente : la question du choix
entre revascularisation et traitement médical se pose le
plus souvent avant la réalisation de la coronarographie.
C’est pourquoi l’orateur a rappelé l’intérêt des tests
non invasifs, comme la scintigraphie, pour décider de
la stratégie. Enfin, il a insisté et nous a alerté sur la
fréquence de mauvaises pratiques qui consistent à opter
pour une voie en se fondant sur des critères non valables
(préoccupation économique, nombre de médecins
disponibles, facilité) et non sur des critères objectifs
reconnus dans les différentes recommandations.
Syndrome coronaire aigu :
difficulté diagnostique
en préhospitalier
D’après une communication de F. Lapostolle
* Service de cardiologie, hôpital
Bichat-Claude-Bernard, Paris.
L’orateur a mis en évidence les facteurs à l’origine
d’un retard de diagnostic et de prise en charge
préhospitaliers :
14 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
➤➤ filière initiale ne passant pas par le SAMU mais par
le médecin ou le cardiologue traitant qui retarde la
prise en charge (3 heures, contre 60 minutes avec le
SAMU) : importance de l’éducation de la population ;
➤➤ difficulté diagnostique en raison d’une symptomatologie qui peut être peu évocatrice, possibilité de
pièges à l’ECG avec des sus-décalages cachés. Dans
l’étude TRITON, 26 % des syndromes coronaires
aigus (SCA) sans sus-décalage du segment ST (ST−)
avec un sous-décalage antérieur étaient en réalité
des SCA avec sus-décalage du segment ST (ST+), ce
qui a conduit, dans ce groupe, à un retard de prise
en charge et à une augmentation de la mortalité.
L’orateur a montré que l’apport, en préhospitalier,
des scores de risque et du dosage de la troponine
dans le but d’améliorer le diagnostic est finalement
assez limité et qu’avec un bon interrogatoire et une
bonne lecture de l’ECG, le diagnostic peut être posé
dans 85 à 90 % des cas. Dans le cas contraire, la
politique de sécurité – qui consiste à hospitaliser
un patient, même à tort, plutôt que de passer à
côté d'un SCA – est de mise. Finalement, le principal problème de la prise en charge des SCA ST− en
préhospitalier est celui du choix thérapeutique à
faire entre les différents antiagrégants plaquettaires
(AAP) et les anticoagulants disponibles.
Choix des stratégies
antithrombotiques
D’après une communication de F. Schiele
C’est également la conclusion de l’orateur : parmi tous
les antiagrégants plaquettaires et les anticoagulants,
lequel choisir ? La réponse est d’autant plus difficile que
les nouvelles recommandations européennes intégrant
les nouvelles molécules sont en cours d’élaboration.
Certains points semblent cependant assez clairs :
➤➤ Concernant les AAP : 2 nouveaux AAP – le prasugrel et le ticagrelor – sont plus efficaces que le clopidogrel, mais ils présentent un risque de saignement
accru. L’augmentation des doses de clopidogrel est
corrélée à une diminution du risque d’événements
en cas d’angioplastie. Si le prasugrel a sa place dans
les STEMI, son indication dans le NSTEMI est plus
CONGRÈS
RÉUNION
limitée (principalement chez les diabétiques en cas
de décision d’ATL). Le ticagrelor peut être utilisé
quelle que soit la stratégie thérapeutique (traitement
médical, ATL, pontage) et a montré une diminution
de la mortalité quel que soit le sous-groupe.
➤➤ Concernant les anticoagulants : utilisation préférentielle du fondaparinux chez les patients traités
médicalement, diminution du risque hémorragique
avec la bivalirudine en raison de sa courte demi-vie,
utilisation de l’héparine non fractionnée (HNF) en
cas d’insuffisance rénale.
➤➤ Concernant les anti-GPIIb/IIIa : leur utilisation en
plus de la double AAP et de l’anticoagulant n’a pas
montré de bénéfice.
Ces différentes constatations montrent qu’en raison
d’un élargissement de la gamme thérapeutique, on
s’oriente vers une prise en charge personnalisée des
patients qui intègre le risque à la fois ischémique et
hémorragique. Ce nouveau type de prise en charge
accroît l’importance de la stratification du risque dans
le SCA ST−.
Stratification du risque
dans le SCA ST−
D’après une communication de P.G. Steg
La stratification du risque nécessite l’utilisation de
scores de risque. Le taux de troponine seul ne suffit
pas à évaluer le risque en raison d’une trop grande
proportion de faux positifs et de faux négatifs.
Les principaux scores sont : les scores TIMI et
GRACE (légèrement plus performant) pour le
risque ischémique, et le score CRUSADE pour le
risque hémorragique. Cependant, les facteurs de
risque ischémique et hémorragique sont en grande
partie les mêmes, et un patient à haut risque ischémique a le plus souvent un risque hémorragique
important.
Cette stratification du risque permet de guider la
stratégie thérapeutique : choix de l’AAP et de l’anti­
coagulant les plus adaptés pour chaque patient,
sélection des patients ayant le plus de chances
de retirer un bénéfice d’une angioplastie précoce.
En effet, le risque initial a un impact direct sur le
bénéfice d’une stratégie intensive : les patients
les plus à risque sont ceux qui tirent le plus grand
bénéfice d’une revascularisation précoce. En outre,
l’angioplastie systématique dans le SCA ST− est
une stratégie coûteuse qui n’a pas montré de
bénéfice.
Enfin, la prise en charge peut aller au-delà de la
stratification du risque en mettant en évidence la
part modifiable des facteurs de risque et en orientant
la prise en charge vers une réduction de ces facteurs
dans le but d’obtenir une réduction du risque ischémique ou hémorragique.
■
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La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 15 CONGRÈS
RÉUNION
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
* Service de cardiologie, CHU de
Strasbourg.
Cardiotoxicité
P. Attali*
Cardiotoxicité des drogues
illicites
D’après la communication de A. Delahaye
Références
bibliographiques
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Verdier C et al. Digoxin-specific
Fab fragments as single first-line
therapy in digitalis poisoning. Crit
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2. Bismuth C, Motte G, Conso
F, Chauvin M, Gaultier M. Acute
digitoxin intoxication treated by
intracardiac pacemaker: experience in sixty-eight patients.
Clin Toxicol 1977;10(4): 443-56.
Les feuilles de la plante Erythroxylon coca contiennent entre 0,1 et 0,9 % de cocaïne qui peut être
consommée en tant que drogue sous deux formes :
sel d’hydrochloride, qui peut être sniffé, ingéré ou
injecté, ou bien “freebase”, stable à la chaleur, et
qui peut donc être fumée. L’effet peut être ressenti
très rapidement, avec un pic variant de 3 à 90 mn,
et il peut durer de 15 à plus de 180 mn. Ses effets
sont liés à la propriété stabilisante de membrane par
le blocage des canaux sodiques, et de façon systémique en bloquant la recapture des amines dans la
synapse. Les effets immédiats sont l’augmentation
du travail cardiaque, avec une élévation de la pression artérielle de 20/10 mmHg et de la fréquence
cardiaque de 30 bpm. Il peut se produire également
une vasoconstriction coronaire, médiée par l’action
sur le récepteur alpha-adrénergique, avec une diminution du diamètre des coronaires de 4 à 29 % ; des
effets prothrombotiques ; et enfin, la cocaïne peut
accélérer l’athérosclérose coronaire.
Lors des enquêtes sur les douleurs thoraciques du
sujet jeune, la cocaïne a pu être incriminée jusqu’à
40 % des cas. Le syndrome coronaire aigu (SCA)
secondaire à la prise de cocaïne touche une population jeune (moyenne de 38 ans), essentiellement
masculine (87 %), avec un tabagisme associé en majorité (91 %). Le délai de prise en charge est en général
tardif (supérieur à 24 heures dans 88 % des cas). Il
survient souvent à la suite d’une utilisation par voie
nasale (65 %), et surtout de façon chronique (95 %),
sans pathologie coronaire connue (68 %). La plupart
des complications surviennent dans les 12 heures,
mais la mortalité est très basse. Dans la plupart des
études, la prévalence des SCA ST+ est de 6 %, par
contre celle du SCA-NSTEMI, même si elle est mal
connue, serait proche de 9 à 10 %.
La sensibilité de l’ECG pour détecter l’IDM serait
plutôt basse (36 %), avec une spécificité de plus de
90 %. Sa valeur prédictive négative est excellente,
de l’ordre de 95,8 %.
Le traitement des douleurs thoraciques associées
à la prise de cocaïne repose, en premier lieu, sur
l’aspirine et les benzodiazépines et, en cas d’HTA
16 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
persistante, sur les dérivés nitrés par voie intraveineuse. Il convient d’éviter des bêtabloquants à
la phase aiguë, mais les antithrombotiques et les
antiagrégants plaquettaires sont indiqués. En cas
de risque bas ou modéré, une mise en observation
en USIC est nécessaire, en prodiguant des conseils
sur le sevrage de cette drogue. Le test d’effort est
optionnel, pendant ou après l’hospitalisation. Chez
un patient à risque augmenté, en cas de STEMI, l’angioplastie primaire doit être réalisée. Le traitement
de sortie va être le suivant : aspirine, clopidogrel,
statine, IEC et conseils pour le sevrage de la cocaïne.
Le traitement bêtabloquant pourra être envisagé en
cas de caractéristiques de risque élevé (dysfonction
systolique, troubles du rythme).
L’intoxication digitalique :
stratégies thérapeutiques
D’après la communication de F. Lapostolle,
Bobigny
Dans une étude rétrospective française, il a été
recensé, en 2 ans, une moyenne de 42 patients
atteints d’une intoxication digitalique par centre (1).
Le mécanisme de la toxicité provient de l’inhibition de la pompe Na-K-ATPase et d’une stimulation parasympathique. Les principaux critères
pronostiques sont la bradycardie, les troubles de
la conduction ou du rythme et l’hyperkaliémie.
Ainsi, pour cette dernière, une kaliémie inférieure
à 5 mEq/l a été associée à une mortalité nulle.
En revanche, au-dessus de 6,4 mEq/l, la mortalité a été de 100 % (2). La stratégie actuellement
préférée en cas de risque potentiellement vital est
une neutralisation prophylactique des digitaliques
par des anticorps spécifiques injectés en quantité
semi-équimolaire. Le risque potentiellement vital
est défini par les critères suivants : âge supérieur à
55 ans, sexe masculin, histoire de maladie cardiaque,
bloc auriculoventriculaire, kaliémie supérieure à
4,5 mEq/l, et enfin bradycardie inférieure à 60 bpm
et réfractaire à l’atropine. “Le traitement antidotique
précoce des surdosages digitaliques, de préférence au
domicile du patient, est un projet et un devoir républicain.”
■
CONGRÈS
RÉUNION
Reperfusion dans le STEMI :
tout angioplastie ?
TUC 2011
23-25 mars 2011
Paris
P. Attali*
Comment gérer les choix
de stratégie en urgence ?
Dans quels cas thrombolyser ?
Dans quels cas dilater ?
Comment mettre sur pied
une stratégie régionale
(créer des algorithmes) ?
D’après la communication de Patrick Goldstein,
Lille
Quelques mesures sont essentielles pour une prise
en charge efficace d’un STEMI ?
Tout d’abord, le nombre d’intervenants. Dès l’appel
du 15 par le patient, avant l’admission à l’hôpital, le nombre d’intervenants doit être limité
à 1, ou au maximum à 2. La mortalité hospitalière
augmente en effet linéairement en fonction du
nombre d’intervenants.
Ensuite, l’option initiale de reperfusion ainsi que
son environnement pharmacologique doivent
être choisis en s’appuyant sur les recommandations les plus récentes. Néanmoins, il devrait
être possible de faire évoluer rapidement – mais
de façon fiable – nos pratiques par une analyse
scientifique partagée des grands essais non encore
pris en compte dans l’actualisation des recommandations. Cette analyse pourrait avoir lieu dans le
cadre de réseaux structurels d’urgence coronaire,
en impliquant les différents intervenants.
Une étude européenne avait montré une grande
inégalité dans l’accès à une reperfusion de qualité.
Dans une optique d’amélioration, 7 pays, dont la
France, ont été retenus pour le projet “Stent for
Life”. Le projet français, rebaptisé “Infarctus : la
course pour la vie”, portait sur l'étude de l’impact d’une campagne d’information sur l’entrée
des patients dans le réseau de prise en charge
de l’urgence coronaire. Cinq départements ont
été retenus et 200 patients hospitalisés dans les
48 heures suivant le début des symptômes ont été
inclus dans un registre. La douleur thoracique a
conduit à un appel téléphonique dans trois quarts
des cas, mais seulement 50 % des patients ont
composé le 15. Le SAMU a été le premier intervenant médical dans moins de 50 % des cas. Une
grande majorité (64 %) des patients a bénéficié
d’une angioplastie primaire, mais encore 14 %
n’ont pas eu de reperfusion : il s’agissait surtout
des patients les plus âgés et des femmes.
Le délai entre les symptômes et le premier contact
médical était correct (105 mn), de même que le
délai entre le premier contact médical et l’angioplastie primaire (90-100 mn), lorsque le patient a
été directement admis en cardiologie interventionnelle. En revanche, en cas de passage par un centre
périphérique, ce délai était trop élevé (227 mn).
Le système actuel est donc largement perfectible : pour l’améliorer, il s’agirait de favoriser en
particulier l’admission en centre de cardiologie
interventionnelle, sous réserve de règles du jeu
parfaitement définies entre les différents partenaires.
Quel traitement et
quelle technique en complément
de l’angioplastie primaire ?
D’après la communication de G. Montalescot,
Paris
Commençons par les aspects techniques
L’angioplastie primaire a changé depuis 10 ans :
l’accès radial est prédominant (87 % à la PitiéSalpêtrière), et parfois il est cubital ; l’aspiration du
thrombus est fréquente (1 patient sur 2), en particulier par les techniques d’aspiration manuelle ;
le stenting est quasi systématique. S’il a été bien
établi que le stenting était plus efficace que le
ballon seul à la phase aiguë de l’infarctus (étude
Cadillac [1]), le choix d’un stent actif par rapport
à un stent nu est moins évident (2). Quant à la
crainte de “no reflow” du fait de gonflements
répétés du ballon (3), elle a disparu grâce à cette
thromboaspiration. Les révolutions à venir sont
les stents à réservoir de médicaments et surtout
les stents résorbables (4).
* Service de cardiologie, CHU de
Strasbourg.
La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011 | 17 CONGRÈS
RÉUNION
Références
bibliographiques
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abciximab, in acute myocardial infarction. N Engl J Med
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uncoated stents in acute myocardial infarction. N Engl J Med
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3. Loubeyre C, Morice MC,
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myocardial infarction. J Am Coll
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stent: imaging of an absorbable
metal stent with multislice spiral
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5. Beygui F, Vicaut E, Ecollan P
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myocardial infarction and design
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6. Morrison LJ, Verbeek PR,
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myocardial infarction: a metaanalysis. Jama 2000;283(20):
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8. Cantor WJ, Fitchett D,
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early angioplasty after fibrinolysis for acute myocardial infarction. N Engl J Med
2009;360(26):2705-18.
9. Bøhmer E, Hoffmann P,
Abdelnoor M, Arnesen H,
Halvorsen S. Efficacy and safety
of immediate angioplasty versus
ischemia-guided management
after thrombolysis in acute
myocardial infarction in areas
with very long transfer distances
results of the NORDISTEMI
(NORwegian study on DIstrict
treatment of ST-elevation
myocardial infarction). J Am
Coll Cardiol 2010;55(2):102-10.
10. Sabatine MS, Cannon CP,
Gibson CM et al. Addition of
clopidogrel to aspirin and fibrinolytic therapy for myocardial
infarction with ST-segment
elevation. N Engl J Med
2005;352(12):1179-89.
Les nouveaux antithrombotiques
La double antiagrégation plaquettaire a permis
de réduire à la fois les événements ischémiques
(de 13 à 6 %) et les événements hémorragiques.
Parmi les nouveaux bloqueurs du récepteur P2Y12,
le prasugrel, dans le STEMI, a réduit de 20 % le
critère primaire, sans excès d’hémorragie et avec
une tendance à la réduction de la mortalité. Les
résultats avec le ticagrelor sont à peu près similaires dans l’étude PLATO. Grâce à une méta-analyse
avec l’ensemble des nouveaux antiagrégants dans
l’angioplastie primaire de l’infarctus du myocarde
(IDM), on a pu observer une réduction de la mortalité, des événements ischémiques et des thromboses de stents, sans augmentation des hémorragies
majeures.
Les recommandations ont attribué une classe III aux
anti-GPIIb/IIIa, surtout à partir de l’étude FINESSE.
Cependant, lorsque les patients ont besoin d’un trans­
fert vers un centre d’angioplastie, les anti-GPIIb/­IIIa
présentent de très bon résultats, retrouvés dans
2 études “d’ambulance”, ADMIRAL et On-TIME 2.
Pour le traitement anticoagulant, on a un certain
nombre de nouvelles données, même si elles sont
moins “cinglantes”. L’étude HORIZONS – qui a évalué
les résultats de la bivalirudine versus l’héparine standard (HNF) plus un anti-GPIIb/IIIa – a montré que,
malgré un excès de thromboses de stents initial, le
bénéfice de la bivalirudine est préservé à long terme.
L’étude ATOLL, qui a comparé l’énoxaparine à l’HNF
dans l’angioplastie primaire, a montré une tendance
favorable à l’énoxaparine. L’accès radial dans les deux
tiers des cas a réduit les événements hémorragiques et
a “plombé” l’étude. Dans les registres sur l’angioplastie
primaire, une réduction de la mortalité avec l’énoxaparine a été observée par rapport à l’héparine standard.
La prise en charge des complications
La première des complications est le choc cardiogénique dont la prise en charge a été améliorée par
les systèmes d’assistance cardiaque qui permettent
d’éviter ou d’inverser une atteinte grave d’organes.
Vient ensuite la mort rythmique, dont le risque a été
diminué par les antialdostérones. L’étude EPHESUS,
dans laquelle l’administration d’un antialdostérone
devait avoir lieu entre le troisième et le quatorzième
jour après un infarctus, a prouvé l’intérêt d’une initiation précoce (différence significative). Une étude
en cours évalue l’efficacité d’une administration
très précoce d’antialdostérone, dans les 3 premiers
jours : l’étude ALBATROSS (5).
18 | La Lettre du Cardiologue • n° 445 - mai 2011
Enfin, la troisième complication est la thrombose
de stent, à l’origine d’un taux de mortalité très élevé
(30 à 40 %). Cet événement n’est pas si rare que cela
(4 % des cas). Les nouveaux antiagrégants plaquettaires peuvent réduire cette complication de manière
importante. Ce bénéfice explique que, dans l’année qui
a précédé la commercialisation du prasugrel, beaucoup de médecins, en France, ont fait une demande
d’utilisation temporaire.
Dans l’avenir, la pratique sera peut-être de tester
les patients pour rechercher un polymorphisme du
CYP2C19 avec les nouveaux systèmes (The Spartan
RX CYP2C19, par exemple).
Quel management
après thrombolyse ? Quand
et avec quel traitement ?
D’après la communication de P.G. Steg, Paris
La thrombolyse préhospitalière fait gagner du temps
par rapport à la thrombolyse réalisée à l’hôpital et elle
sauve ainsi des vies : en effet, on gagne environ 1 heure
et cette démarche a été associée à une réduction de
mortalité de 17 % (6). La thrombolyse est d’autant
plus efficace qu’elle est administrée tôt : les patients
traités dans les 2 heures ont présenté une mortalité à
5  ans divisée de moitié (analyse post hoc de CAPTIM).
Si une angioplastie primaire est décidée, une fibrinolyse en amont n’a pas montré de bénéfice mais
a été associée, au contraire, à une augmentation
des saignements (7). Le transfert vers le centre de
cardiologie interventionnelle doit être le plus rapide
possible, en administrant un antalgique, de l’aspirine,
du clopidogrel et un anticoagulant.
Si la thrombolyse préhospitalière est réalisée, elle
doit être suivie du transfert vers un centre de cardiologie interventionnelle, en vue d’un geste précoce :
en urgence, s’il persiste une élévation du segment ST
(angioplastie de sauvetage), ou rapidement, dans
les 24 heures, mais pas dans les 3 premières heures,
en cas de succès de la thrombolyse (recommandations de 2008) [8, 9]. Ce délai sera très certainement
rediscuté dans les prochaines recommandations du
fait de la divergence des résultats des études.
Une autre question persiste : est-ce que la thrombolyse préhospitalière précoce (moins de 3 h, idéalement de 2 h), avec un traitement adjuvant optimal
(double antiagrégation plaquettaire et énoxaparine) [10], pourrait être aussi efficace, voire plus efficace, que l’angioplastie primaire ? Cette hypothèse
est actuellement évaluée dans l’étude STREAM et
la réponse est attendue pour 2012.
■
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