Séance 7 l écotourisme un avatar du developpment durpdf

publicité
Séance 7. L’écotourisme : un avatar du développement durable ?
Bibliographie.
Couture, M. 2002. "L'écotourisme: un concept en constante évolution". Téoros, vol. 21, no
3, p. 5-13.Fennell, D. A. 1999. Ecotourism: An Introduction. New York: Routledge,
315 p.
Gagnon Ch et S. 2007 L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce ; de la conservation au
développement viable des territoires. PU Québec. 414 p.
Organisation mondiale du tourisme (OMT) et Programme des Nations Unies pour
l'environnement (PNUE). 2002. " Sommet Mondial de l'Écotourisme: rapport final ".
Madrid, Spain: World Tourism Organization, 150 p.
Tardif J. 2003 Ecotourisme et développement durable Vertigo Vol. n° 4, n° 1
Introduction
Parmi la panoplie d'outils proposés afin d'évoluer vers un développement durable de nos
sociétés, il y en a un qui retient maintenant l'attention : l'écotourisme.
Depuis le début des années 1970, le tourisme est l'industrie qui connaît la plus forte
croissance à l'échelle de la planète. Dans un rapport des Nations Unies datant de 2001, la
commission du développement durable déclarait que la pression envisagée par le tourisme
serait de l’ordre de 1,6 milliards de touristes par an d’ici 2020.
Avec l'émergence de nouvelles préoccupations sociales et environnementales, celle-ci est
de plus en plus confrontée à la question de sa compatibilité avec le développement des
communautés locales et de la protection de l'environnement.
Ainsi en une dizaine d’années, une panoplie de réglementations nationales, de normes et
de directives ont été émises à l’initiative des organisations internationales dont
évidemment l’OMT Organisation Mondiale du Tourisme. Conférences, Sommets,
réunions et initiatives diverses et à toutes les échelles.
L'écotourisme est alors souvent vu comme une solution miracle capable de concilier le
développement économique, la protection de l'environnement et le bien-être des
communautés. Dans de nombreux pays, l'écotourisme est considéré comme une façon de
financer la conservation et la recherche scientifique, de protéger les écosystèmes, de
bénéficier aux communautés rurales, de promouvoir le développement dans les pays
pauvres, de renforcer la sensibilité écologique et culturelle, d'insuffler une conscience
sociale et environnementale à l'industrie touristique, de satisfaire et d'éduquer les touristes.
Les attentes vis-à-vis de l’écotourisme sont donc considérables.
1
Cependant, peu d'études ont tenté de caractériser les mécanismes qui permettraient de
conjuguer l’équation posée : environnement-croissance économique-bien être des
populations….
Par ailleurs à ce jour, les exemples positifs d'écotourisme sont encore rares. De plus,
certains chercheurs se questionnent à savoir si l'écotourisme peut être viable dans le temps
sans se transformer en simple tourisme de masse, lequel s'éloigne généralement des
principes du développement durable.
Pour bien comprendre l'apport de l'écotourisme à la réalisation d'un développement
durable, encore faut-il en saisir l'origine, l'évolution, les ambiguïtés que véhicule le terme
et les principes de base qu'il soutient.. Il n'y a guère de consensus à ce jour sur le rôle
qu'une telle activité pourrait jouer dans l'atteinte d'un équilibre entre le développement
socio-économique et la protection de l'environnement.
I- des définitions multiples sur fond de développement durable.
1-Aux origines de l’écotourisme
L'écotourisme s'est développé dans la mouvance du mouvement environnemental qui a
pris forme au début des années 1970, couplé avec la croissante insatisfaction envers le
tourisme de masse.
Il n'y a pas de consensus sur l'origine du terme écotourisme. Toutefois, c'est Budowski
(1976) qui est généralement cité comme le pionnier concernant le concept même
d'écotourisme dans un article intitulé Tourism and Environmental Conservation: Conflict,
Coexistence or Symbiosis.
Sa description de la relation symbiotique qui pourrait s'en suivre ressemble à l'idée
contemporaine qu'on se fait de l'écotourisme, sans toutefois utiliser le terme. Budowski
reconnaît que la relation entre le tourisme et l'environnement naturel tend à être
conflictuelle, mais que le potentiel existe pour une relation basée sur les bénéfices
mutuels.
Alors qu'une définition comme celle de Ceballos-Lascurain (1987) met l'emphase sur une
proximité recherchée avec la nature par les touristes, les définitions plus récentes (voir
celle de Honey) ont plutôt cherché à mettre en lumière une variété de principes associés au
concept de développement durable (Blamey, 2001).
S'inscrivant dans ce courant, les participants au premier Sommet mondial de l'écotourisme,
qui s'est tenu à Québec en 2002, ont reconnu que l'écotourisme se distingue du tourisme
durable classique par les principes suivants :
-l'écotourisme contribue activement à la protection du patrimoine naturel et culturel;
-l'écotourisme inclut les communautés locales et indigènes dans sa planification, son
développement et son exploitation et contribue à leur bien-être;
2
-l'écotourisme propose aux visiteurs une interprétation du patrimoine naturel et culturel;
-l'écotourisme se prête mieux à la pratique du voyage individuel ainsi qu'aux voyages
organisés pour de petits groupes.
De façon plus concise, Blamey (1997, 2001) avance qu'une analyse des définitions nous
amène à considérer trois dimensions qui constituent l'essence même du concept
d'écotourisme :



Un tourisme axé sur la nature;
Une composante éducative;
Un besoin de durabilité.
2 -Une forme spécifique de tourisme ?
Il ne faut pas oublier que l'écotourisme est d'abord et avant tout une forme de tourisme et
qu'en ce sens, il convient de le situer plus précisément par rapport aux autres avec
lesquelles il est souvent confondu : le tourisme axé sur la nature, le tourisme d'aventure et
le tourisme culturel.
-écotourisme et tourisme de nature
Comme nous l'avons mentionné précédemment, l'écotourisme est certes étroitement lié au
milieu naturel. Mais il importe par contre de distinguer l'écotourisme du simple tourisme
nature. Comme le souligne Honey (1999; 64), il y a fréquemment un flou concernant les
frontières entre le tourisme axé sur la nature et le concept multidimensionnel
d'écotourisme.
Alors que le tourisme axé sur la nature et le tourisme d'aventure sont plutôt définis sur la
base des activités « récréatives », « découvertes », « sports associés » , l'écotourisme est
défini surtout par les bénéfices qu'il est susceptible d'apporter, tant à la conservation
qu'aux communautés locales (Honey, 1999).
Le tourisme axé sur nature se trouve à être une forme plus générale de tourisme à
l'intérieur de laquelle on peut retrouver, par exemple, le tourisme d'aventure ou le tourisme
axé sur la chasse ou la pêche.
L'écotourisme est ainsi vu comme une portion du tourisme axé sur la nature.
-Ecotourisme et tourisme d’aventure...
Pour être considéré comme du tourisme d'aventure, une activité ou un produit se doit
d'incorporer trois éléments (Weaver, 2001) :


Un élément de risque;
Un haut niveau d'effort physique;
3

Un besoin pour le touriste de posséder des habiletés
spécialisées pour participer de façon sécuritaire à l'activité.
Pour Lequin (2001 ; 13),
" le tourisme d'aventure correspond généralement à une activité de plein air qui se
pratique dans des zones naturelles peu développées où la nature sert de support,
mais ne constitue pas un objectif en soi, contrairement à l'écotourisme. »
Il existe ainsi une différence d'attitude fondamentale entre l'observation de la nature, comme c'est
le cas pour l'écotourisme, et la conquête de celle-ci, dans le cas du tourisme d'aventure. En
somme, ces deux formes de tourisme recherchent un environnement de qualité mais pour des
motifs différents : l'une pour observer la nature et l'autre pour la conquérir ".
Certaines formes d'écotourisme peuvent être considérées comme du tourisme d'aventure.
Par contre, pour plusieurs raisons, en général le tourisme d'aventure ne se qualifie pas
comme écotourisme (Weaver, 2001).
Premièrement, plusieurs activités de tourisme d'aventure ne sont pas axées sur la nature
(tourisme dans les pays à risques voire post guerre par exemple).
Ensuite, comme c'est le cas pour le tourisme axé sur la nature, cette forme de tourisme ne
nécessite pas de répondre à des critères de durabilité.
Une autre distinction concerne la nature de l'interaction entre le participant et l'attraction
touristique: alors que l'écotouriste recherche une expérience éducative, le touriste
d'aventure désire en premier lieu un environnement qui va faciliter le risque et l'effort
physique tant recherchés (Weaver, 2001).
Ecotourisme et tourisme culturel…
Bien que l'écotourisme comporte généralement une composante culturelle, il n'est pas pour
autant synonyme de tourisme culturel. Alors que ce dernier met l'emphase sur la
composante culturelle, dans l'écotourisme, cet élément est la plupart du temps secondaire
(Weaver, 2001). De plus, comme on le devine assez bien, l'expérience du tourisme culturel
ne repose pas nécessairement sur le milieu naturel.
Ces formes de tourisme sont donc souvent imbriquées les unes avec les autres, voir
schéma suivant, d’où l’impression de confusion entre ttes ces formes de tourisme qui se
différencient surtt du tourisme de masse.
4
Par ailleurs bien que le tourisme axé sur la nature semble de prime abord facilement
identifiable, la question suivante mérite d'être posée : qu'est-ce qui réellement constitue
réellement une expérience axée sur la nature?
Est-ce que la traversée en automobile d'une vallée boisée se qualifie comme tel, ou bien le
conducteur doit s'arrêter et aller marcher à travers les arbres et les fougères? Et s'il le fait,
combien de temps doit-il vagabonder?
Est-ce qu'un environnement grandement modifié par l'homme peut tout de même être
qualifié de lieu écotouristique en autant que tous les autres principes soient respectés
(Blamey, 2001)? Est-ce qu'une marche dans une plantation d'arbres ou une expédition en
canot sur un lac artificiel constituent une expérience axée sur la nature?
3 -Les lieux privilégiés de l’écotourisme : les aires protégées
En mettant l'emphase sur la protection de l'environnement naturel, les aires protégées
deviennent des lieux privilégiés pour l'écotourisme.
L'écotourisme peut faire profiter les aires protégées de trois façons :
- en générant de l'argent pour gérer et protéger les habitats naturels et les espèces,
- en donnant la chance aux communautés locales de faire des gains économiques grâce aux
aires protégées
- en offrant un moyen par lequel l'intérêt des gens pour la conservation peut être accru.
De plus en plus, l'écotourisme est perçu comme la meilleure façon de concevoir le
tourisme dans ces lieux souvent fragiles et sensibles aux perturbations humaines. À ce
point que l'écotourisme fait, dans certains pays, son apparition dans les aires protégées
strictes alors qu'il y était généralement banni.
La pratique de l'écotourisme n'est pas strictement limitée à ces aires protégées publiques. Il
existe par exemple tout un réseau planétaire d'aires protégées privées, une des plus
connues étant probablement The Monteverde Cloud Forest Preserve, au Costa-Rica. Cette
5
réserve est née en 1973 grâce à des dons privés et elle est aujourd'hui opérée par le centre
des sciences tropicales de San José (Wearing et Neil, 1999). Avec les années, elle est
devenue une des destinations les plus populaires du pays.
Dans la mesure où ses principes sont respectés, l'écotourisme devrait pouvoir se pratiquer
partout où l'on retrouve un milieu naturel adéquat et capable de supporter la pression des
visiteurs.
L'avantage des aires protégées est que leur organisation souvent bien structurée facilite la
gestion des activités touristiques, limitant les effets négatifs éventuels sur l'environnement
naturel et socioculturel.
Mais, la rareté de ces espaces, leur caractère exceptionnel et la soif des marchés pour des
produits de plus en plus exclusifs et pour des milieux naturels intacts commandent une
grande vigilance dans leur utilisation (Couture, 2002).
II- L’écotourisme : une opportunité de développement durable ?
1- De l’énoncé vertueux à l’opérationalité….
Cette définition a été amenée dans les débats qui ont animés le Sommet de la Terre de
Jo’burg. Les promoteurs de l’écotourisme y voyaient l’occasion de faire reconnaître ce
nouveau concept comme un secteur économique majeur, capable de contribuer à la
réduction de la pauvreté tout en préservant l’environnement.
L’année 2002 a été reconnue année internationale de l’écotourisme. La Déclaration finale
du sommet mondial de l’écotourisme (2002) amalgame ainsi 3 composantes dans une
symbiose théorique : satisfaction des besoins des touristes, protection des patrimoines
naturels et culturels, et bien être des populations locales.
Cette Déclaration se résume toutefois à l’énoncé de grands objectifs et de simples
recommandations : l’écotourisme se limite t il à un énoncé vertueux ?
Les acteurs internationaux reconnaissent que le « tourisme a des conséquences sociales,
économiques et environnementales importantes et complexes, qui peuvent présenter à la
fois des avantages et des coûts pour l’environnement et les sociétés locales » (sommet
mondial de la terre, joburg 2002) .
Budowski, en 1976 prétendait que l’écotourisme représentait un potentiel pour une relation
gagnant/gagnant tant pour les opérateurs, l’environnement que les populations locales.
Lors d’une conférence plus récente au Chili en 2005, Budowski reconnaît que 30 ans plus
tard, les succès restent très ponctuels….
Mais un certain nombre de questions peuvent se poser.
-sur l’éthique sous jacente….
6
Est ce que les acteurs gouvernementaux et économiques se sont emparés du concept
d’écotourisme pour faire contre poids au tourisme de masse (qui s’étiole dans certaines
régions, Antilles par exemple) ?
Est-ce là surtout un nouveau créneau économique destiné à répondre aux aspirations d’une
clientèle convaincue de certaines valeurs écologistes ?
-sur le réalisme opérationnel
Comment maîtriser les impacts négatifs du tourisme ?
Peut on vraiment maîtriser les effets indésirables ? comment les définir ? sont ce ceux dont
souffrent les populations ou ceux que nous diagnostiquons selon nos propres critères ?
Comment bonifier les impacts positifs en faveur d’un mode de développement local adapté
aux attentes des populations et qui soit durable ?
- sur la validité même du raisonnement sous jacent
Peut on construire une alliance gagnante entre la conservation, les impératifs du marché
touristique et un processus de développement local ? Equation qui rappelle celle du
développement durable…
Le tourisme (ou quel tourisme) est il compatible avec les aspirations des populations
locales en matière de développement ? un nouveau concept occidental ? quelle
applicabilité dans les Suds ?
La fréquentation touristique peut elle financer la protection de l’environnement ?
-sur les modalités de mise en oeuvre
Comment concilier des politiques nationales voire internationales et des attentes locales ?
Cela revient aussi à soulever l’épineuse question des modalités, des conditions de la
participation des communautés locales dans la cadre de projets planifiés à l’échelle le plus
souvent nationale.
Quelles capabilités , les citoyens et les collectivités ont-ils de maîtriser les changements
induits par le tourisme ? Capabilités = néologisme au sens de Sen (2000), c’est-à-dire les
chances d’un individu de réaliser ses objectifs, de s’accomplir. Ici la capabilité est
étroitement associée aux aspirations des populations locales, à la reconnaissance de leurs
singularités culturelles, sociales et environnementales.
La participation sera-t-elle conçue comme un partenariat ? Car la volonté de développer et
de planifier l’essor de l’écotourisme n’induit pas forcément une réduction des inégalités …
Cela va aussi dans le sens d’une redéfinition de la gouvernance des aires protégées :le
concept de Conservation intégrée suffit-il comme cadre opérationnel ? .
L’accord de Durban (Conférences internationales UICN) en 2003 a donné lieu à un
engagement de 3000 gestionnaires d’aires protégées sans toutefois définir la place des
communautés locales….
2- Un tourisme durable vecteur de développement?
Considérant que le tourisme est la plus importante industrie au niveau international, son
potentiel à contribuer au développement durable est considéré comme substantiel. Par sa
7
définition même, l’écotourisme, lorsqu’il est bien pratiqué, constitue un secteur
économique privilégié du développement durable. En effet, cette industrie dépend en
premier lieu d’une nature intègre où sont préservés les éléments endémiques et rares de la
biodiversité régionale et où subsistent généralement des nations autochtones riches en
traditions et en culture.
Les chances de succès sont d’autant plus grandes que les consommateurs des ressources
écotouristiques sont des gens qui sont pour la plupart fortement scolarisés et à niveau de
revenus supérieurs.
Comme une partie croissante des revenus de l’écotourisme sont réalisés dans les pays du
Sud, là où se trouvent les principaux sites de la biodiversité mondiale, on tient là une
opportunités en or pour combiner la préservation de sites remarquables et initier un
processus de développement.
Est-ce si simple ?
Mais comment peut-on déterminer qu'une expérience de tourisme supporte suffisamment
les communautés locales et la conservation pour se qualifier d'écotourisme? Comment
décider si les bénéfices aux communautés locales sous forme d'emplois et de revenus
justifient les pertes irréversibles au regard de leur identité culturelle?
Bien des projets écotouristiques peuvent nous apparaître durables alors qu'un examen plus
attentif nous apprend souvent le contraire.
3- Un bilan mitigé. Manque de recul ? Insuffisance des indicateurs ? Impacts non
maîtrisés ?
Dans ces conditions, la mesure des coûts et des avantages économiques, écologiques et
sociaux de l'écotourisme est différente de celle du tourisme traditionnel ou de masse.
Les critères de performances habituels, notamment en terme de rentabilité économique,
doivent pouvoir être apprécier dans un contexte différent qui évalue les retombées de
l'activité de l'écotourisme non seulement en terme de rentabilité financière mais peut être
surtout en terme d'aménités positives en matière d’environnement, et de développement
local (impact sur le revenu, l'activité et les conditions sociales des populations locales).
De par ses caractéristiques propres, l'écotourisme devrait s'accompagner de retombées
positives sur l'environnement naturel et socioculturel.
Impact environnementaux perçus ou potentiels : à la recherche d’indicateurs fiables
8
Or, force est de constater que l’engouement actuel pour les voyages-nature n’est pas sans
laisser de traces.
Les dommages causés à la végétation par le va-et- vient des touristes et de leurs véhicules,
bateaux…, l’érosion des sols et des artefacts géologiques et culturels, les dérangements
causés aux modes de vie des animaux , la pollution de l’eau, l’introduction d’espèces
exotiques et la perte continue du caractère sauvage des sites et des peuplades isolés ne sont
probablement que les plus apparents des impacts causés par l’écotourisme.
Il serait beaucoup trop fastidieux de nommer et décrire tous les effets négatifs pouvant
être causés par l'écotourisme.
Ces effets sont d’autant plus inquiétants que l'écotourisme est très dépendant de la qualité
de l'environnement et a pour vocation de le protéger.
Pour cela, les outils de mesures des coûts et avantages écologiques sont des indicateurs
composites qui permettent de déterminer la pression et l'intensité d'utilisation des sites
d'écotourisme. L'OMT a défini trois indicateurs composites qui plus ou moins bien adaptés
à la mesure des coûts et avantages écologiques de l'écotourisme. Il s'agit de :
-Indicateur de capacité de charge : Cet outil de mesure composite permet de déterminer le
nombre maximum de touristes par site en tenant compte de l'intensité d'utilisation en
période de pointe. Cet indicateur peut être calculé à partir des indices de protection des
sites naturels et permet de donner l'alerte sur la capacité du site de supporter différents
niveaux de fréquentation d'écotourisme.
-Indicateur de perturbation de site : Cet outil permet de réaliser une mesure composite des
niveaux d'impact sur le site compte tenu des particularités naturelles et écologiques. Il
s'agit de répondre à la question de savoir dans quelle mesure l'écotourisme malgré toutes
les précautions prises vis-à-vis du milieu naturel a néanmoins un impact négatif sur
l'environnement et lequel. Ceci doit permettre d'indiquer quelles sont les mesures à
prendre en fonction du degré de perturbation des sites utilisés par l'écotourisme.
Indicateur d'intérêt écologique : Cet outil doit permettre de mesurer les particularités
écologiques du site qui le rendent attrayant pour l'écotourisme et qui peuvent changer avec
le temps et la fréquentation touristique. Il s'agit principalement d'un indicateur qualitatif
qui joue un rôle très important pour s'assurer de la pérennité des investissements liés au
développement de l'écotourisme (OMT et PNUE, 2002 ; 113).
L'intérêt de ces différents indicateurs est qu'ils permettent d'assurer une véritable
surveillance écologique des sites exploités par l'écotourisme et permettent également
d'avoir une vision globale sur un même espace géographique « exploités » par plusieurs
opérateurs . La difficulté est qu’ils sont complexes à calculer (multiplicité des données à
intégrer) et à manier , voire à appliquer.
Certains auteurs prônent l’étude de la biodiversité comme critère d’évaluation de
l’écotourisme.
9
Les pressions exercées par l'homme sur son environnement entraînent habituellement des
modifications importantes dans la composition des communautés biotiques bien avant que
les processus, comme la production biologique, la décomposition et le recyclage des
éléments nutritifs, ne montrent des signes de défaillance (Schindler 1987). C'est pour cela
que de plus en plus d'écologistes croient que les changements observés dans la biodiversité
constituent le meilleur système d'alerte pour détecter rapidement et contrer le plus
efficacement possible les atteintes qui nuisent à l'intégrité des écosystèmes naturels.
Pour les chercheurs chargés de faire des évaluations des conséquences environnementales
de l’écotourisme , cela signifie qu'ils devront accorder de plus en plus d'importance à
l'étude des espèces indicatrices du bon fonctionnement des écosystèmes, afin de prendre
les mesures qui assureront le maintien de conditions propices au développement des
populations de ces espèces «parapluies». Leur bien-être est garant de celui d'une myriade
d'espèces compagnes, dont l'étude individuelle serait irréaliste, compte tenu de la trop
grande variété de formes vivantes et de la rareté des ressources humaines et financières.
Des impacts économiques très relatifs
Certes de nombreux touristes ont choisis de se tourner vers l'écotourisme afin de
contribuer au développement économique de communautés vivant dans des régions
souvent non touchées par les efforts de développement plus traditionnel en raison de
leur éloignement des grands centres urbains.
Mais de par son emphase sur les voyages individuels ou en petits groupes, il serait
utopique de croire que l'écotourisme puisse insuffler une vigueur nouvelle à l'économie
d'un pays en difficulté.
-une question de temps… ? Dans tout projet écotouristique, les retombées économiques
peuvent avoir une importance toute particulière pour les populations locales. Toutefois, les
exemples montrent que ces avantages ne prennent de la consistance qu'après de
nombreuses années. Des études de cas démontrent par ailleurs qu'à court terme les recettes
de l'écotourisme sont modestes et ne suffisent pas à financer la protection de
l'environnement voulue pour conférer une haute qualité aux produits écotouristiques
(OMT et PNUE, 2002).
-des bénéfices mal redistribués ? Elles révèlent en outre qu'il est très difficile d'assurer la
répartition des avantages financiers entre les intervenants du secteur privé et du secteur
public (OMT et PNUE, 2002). De plus, bien que l'écotourisme ait un fort potentiel à
générer des bénéfices économiques, une grande proportion de cet argent est plus souvent
qu'autrement dépensée au lieu d'origine des touristes (pour les billets d'avion par exemple)
(Wall, 1994, dans Page, 2002).
Il ne faut pas oublier que la contribution de l'écotourisme à l'économie locale ne dépend
pas uniquement de l'argent qui entre dans la région mais aussi et surtout de la part de cet
argent qui va demeurer sur place (Page, 2002). Les fuites de capitaux sont monnaie
courante dans les projets de développement touristique et une des meilleures façons
d'éviter la chose serait, encore une fois, d'impliquer les communautés à toutes les étapes.
10
-des emplois peu valorisants ? Parmi les bénéfices de l'industrie écotouristique, la création
d'emploi pour les gens des communautés est souvent mentionnée et sert généralement
d'indicateur de base. Cependant, bien que souvent des emplois soient effectivement créés,
se sont la plupart du temps des emplois secondaires, sous payés et saisonniers. Fortin et
Gagnon (1999) l'ont démontré dans une étude sur la création du parc du Saguenay, au
Québec, alors que les meilleurs emplois étaient détenus par des travailleurs venant des
centres urbains extérieurs aux communautés.
En somme, l'écotourisme a le potentiel d'améliorer l'économie des communautés locales
ou d'aider à financer les activités en cours à l'intérieur des aires protégées, mais on se
demande toujours jusqu'à quel point cet objectif peut être effectivement atteint. Ainsi, les
impacts économiques de l'écotourisme ne sont pas toujours substantiels et peuvent même
ne pas être positifs du tout (Page, 2002; Honey, 1999
Impacts culturels : quelle évaluation possible ?
Les impacts socioculturels sont souvent plus difficiles à identifiés et à quantifier que ceux
des deux autres domaines.
À partir de quel moment, par exemple, une communauté est-elle en train de voir ses
traditions s'effriter en raison du tourisme?
Comment déceler une modification de la structure sociale qui serait amorcée par les
voyageurs?
Selon Fox (1977) cité dans Mathieson et Wall (1982) :
" Les impacts sociaux et culturels du tourisme sont les façons par lesquelles le tourisme
contribue aux changements dans les systèmes de valeur, les comportements individuels,
les relations familiales, les modes de vie collectifs, le niveau de sécurité, la conduite
morale, les expressions créatives, les cérémonies traditionnelles et l'organisation des
communautés
L'analyse des impacts socioculturels de l'écotourisme implique donc l'analyse de trois
éléments principaux (Page, 2002), soient :
-l'écotouriste, particulièrement sa demande pour des services, son attitude, ses attentes et
ses activités;
-la communauté hôte, spécialement son rôle et son attitude face aux services requis par les
touristes et ses inquiétudes concernant les impacts des visiteurs sur leurs modes de vie
traditionnels;
-la relation entre l'écotouriste et la communauté hôte, cette relation étant par ailleurs
transitoire, limitée dans le temps et l'espace, souvent dépourvue de spontanéité et inégale
(UNESCO, 1976)
11
Selon Lequin (2001 ), un des impacts les plus néfastes que la présence des touristes peut
avoir sur les communautés locales est sans contredit la commercialisation des rites
culturels traditionnels, comme l'observation des cérémonies religieuses. C'est ce qu'on
appelle l'"effet de jardin zoologique", parce qu'il n'y a aucune interaction entre les visiteurs
et les visités.
A l'opposé, il arrive que dans certaines régions, le Grand Nord canadien par exemple, le
tourisme constitue un instrument de revivification ou de revalorisation de pratiques
culturelles parfois oubliées des autochtones, et contribue ainsi à redonner une fierté et à
reconstruire une identité collective. Un bon exemple de ces retombées positives est donné
par Pardes (2002) où des Inuits du Grand Nord canadien, près de Bathurst, suite à la prise
en charge du petit marché écotouristique, se sont réappropriés leur culture.
Des attitudes ou actions en apparence banales pourront par exemple avoir des
conséquences imprévues et irréversibles sur la structure sociale ou les traditions de
communautés isolées. En raison de leur subtilité, nous devons rester vigilants face aux
effets pervers de l'écotourisme sur le plan socioculturel et poursuivre les recherches dans
ce domaine.
III- Etude de cas. Ecotourisme, préservation de la nature et
développement local au Costa Rica. Le cas des réserves privées de
Monte Verde et Santa Elena et des communautés voisines.
Avec plus de 2 millions de visiteurs étrangers en 2010 (un peu plus d'1 million en 2000),
le Costa Rica affichait, en 2008, un taux de touristes étrangers par habitant très élevé, de
0,46 (contre 0,21 pour le Mexique, 0,38 pour la République Dominicaine, 0,03 pour le
Brésil par exemple). Les arrivées de touristes internationaux augmentent régulièrement
(graphique ci-contre) à un rythme annuel souvent supérieur à 5% sauf pour les périodes de
mauvaise conjoncture internationale (années 1995-1997, 2001-2002, 2008).
L'industrie du tourisme a représenté 2,14 milliards de $ et a contribué à 7,2% du PIB en
2008. Les touristes proviennent majoritairement des États-Unis et du Canada (46%), puis
de l'Union européenne (16%).
Le Costa Rica était placé au 42e rang mondial, sur 133 pays analysés, par l'Indice de
compétitivité du voyage et du tourisme (Travel and Tourism Competitiveness Index, TTCI)
en 2009 (document ci-contre).
La géographie du Costa Rica est à l’origine d’une multiplicité d’écosystèmes, allant de la
mangrove et de la forêt pluviale côtière aux prairies subalpines. L’isthme centre américain
a, en effet, servi de pont entre les espèces vivantes d’Amérique du Nord et celles
d’Amérique du Sud, favorisant ainsi le mélange des espèces selon des logiques complexes
de filtres définis par les conditions locales climatiques et orographiques. Le Costa Rica, en
dépit de son exiguïté, bénéficie d’une exceptionnelle biodiversité faunistique et floristique
grâce à son appartenance à cet isthme centraméricain.
12
Crée en 1956, l’Institut Costaricien du Tourisme (ICT) – en charge de la promotion et du
développement touristique – grâce aux nombreux efforts de relations publiques et de
promotion de la destination entrepris en Amérique du Nord, diffuse largement l’image du
Costa Rica à l’extérieur. L’ICT récolte le fruit de son travail quand, au milieu des années
1980, la nature tropicale se positionne comme un paramètre déterminant dans le choix de
nombreux visiteurs et qu’elle fait son apparition dans le champ du tourisme à travers
l’écotourisme.
Ainsi, fort de son image politique stable, de la présence grandissante de citoyens nordaméricains et de l’existence de vastes zones naturelles protégées, le Costa Rica possède
tous les atouts pour se positionner sur le marché écotouristique. Le Costa Rica se convertit
sans peine au tourisme, profitant de l’engouement croissant au niveau mondial pour le
tourisme durable.
-un spot d’écotourisme de renommée mondiale
-des hots spots de la biodiversité
Selon le rapport GEO (MINAE, 2003) : « le Costa Rica est un des 20 pays du monde qui
compte une très grande diversité d’espèces exprimée en numéro total d’espèces par unité
de ligne. En conséquence, il pourrait être le pays qui a la plus grande diversité d’espèces
au monde, essentiellement grâce à sa position géographique entre l’Amérique du Nord et
l’Amérique du Sud. »1 Le Costa Rica abrite une avifaune exceptionnelle : plus de 2OO
espèces d’oiseaux migrateurs venus d’Alaska ou d’Australie y hivernent et près de 850
espèces ont été recensées sur sol. On dénombre environ 237 espèces de mammifères et
361 espèces de reptiles et d’amphibiens. La biodiversité végétale est, elle aussi, très grande
puisque plus de 10 000 espèces de plantes vasculaires (plantes vertes à tissus conducteurs)
ont été inventoriées, et, chaque année, de nouvelles sont découvertes. A elles seules, les
orchidées comptent quelques 1300 espèces.
Les réserves naturelles privées de Monteverde et de Santa Elena sont devenues les icônes
costaricaines indiscutables de l’écotourisme et du commerce axé sur le tourisme de nature.
Associées au parc transfrontalier de l’isthme centro-américain.
-le concept initial : la conservation
Avant les années 1980, cette richesse faunistique et floristique n’est pas encore appréciée à
sa juste valeur et la préservation de l’environnement est loin d’être une préoccupation
majeure. Cette biodiversité va d’abord intéresser, au cours des années 1880, des
scientifiques et des chercheurs nord-américains attirés par cette nature encore préservée.
Malgré la conscience écologique précoce du gouvernement, il fut particulièrement difficile
de faire appliquer les quelques réglementations portant sur l’environnement, en raison des
pratiques culturales alors de rigueur dans le pays. L’apparition du Costa Rica sur la scène
économique mondiale, dans la seconde moitié du 19ème siècle, s’est appuyée sur l’industrie
13
locale du café puis sur la rapide croissance de l’industrie bananière. Ainsi, la déforestation
massive du pays a commencé avec le boom de l’agriculture. La part du territoire déboisé
passe de 36 % en 1960 à 58 % en 1977 à 68 % en 1984 pour atteindre, en 2000, 89 %
(Fournier, p 14). Encore aujourd’hui, nombre d’agriculteurs, d’éleveurs et d’habitants
vivent de l’exploitation forestière. Alors que certains pratiquent la culture sur brûlis et le
ramassage du bois destiné à la combustion, d’autres sont attirés par les avantages
économiques qu’engendre l’exploitation forestière.
Ainsi, d’un côté, l’Etat favorisait la déforestation en permettant l’installation de paysans
sur des terres recouvertes de forêt naturelle et de l’autre, il cherchait à conserver la vie
sylvestre, ce qui s’est traduit, sur l’initiative des Etats-Unis, par la création d’aires
protégées dès les années 1960, par la loi sur la Biodiversité de 1988 et par la création en
1989, du Système National des Aires de Conservation (SINAC), devenu depuis le
Ministère de l’Environnement et de l’Energie.
Toutefois, face à la menace grandissante que représentait la déforestation, plus de 27 % du
territoire ont été aménagé pour être protégé, dont 13 % dans le cadre du système de parcs
nationaux, afin de sauvegarder les différents biotopes ainsi que la faune et la flore du pays.
Le concept initial du système de parcs nationaux costaricains était centré autour de la
conservation des ressources naturelles et, dans certains cas, les parcs pouvaient servir
d’enclaves de recherche pour les chercheurs étrangers.
Au début, la philosophie de conservation de base se limitait à circonscrire les réserves, le
tourisme était une activité marginale et les visiteurs de cette époque étaient habitués au
style de vie en plein air, ils connaissaient bien la nature et manifestaient beaucoup de
respect envers l’environnement.
Cette période initiale s’est prolongée jusqu’à lafin des années 1980.
Les principales sources de con flits durant cette période étaient dues à la chasse
illégale et à l’insuffisance des dédommagements des paysans pour les terres confisquées en
prévision de la création des parcs. D’ailleurs, aujourd’hui plus de 25 ans plus tard, le pays
doit toujours de l’argent pour 42% des terres confisquées .
-l’écotourisme comme nouveau mode de conservation ?
Mais déjà en 1997, les études indiquaient que de 65% à 70% des touristes
réguliers qui arrivaient dans le pays visitaient les aires protégées au moins une fois au
cours d’un séjour de 11 jours et que, pour la même pério de, 50% à 65% des
visiteurs s’y rendaient de 2 à 4 fois. La même étude établissait qu’il y a des régions
du Costa Rica qui n’offrent que des activités basées sur la nature (variant de la descente de
rivière en radeau pneumatique jusqu’à l’observation des oiseaux)
Alors que nombre de parcs situés dans des régions reculées ne reçoivent que de rares
visiteurs, d’autres sont très prisés tant des costaricains que des touristes. Ces visites se
concentrent dans les parcs accessibles, proches de la région centrale tels que le parc
national de Poàs, le parc national d’Irazu et ceux situés à proximité des stations littorales
de Puntarenas et de Guanacaste (le parc national de Manuel Antonio et le parc national
14
Santa Rosa).La Réserve de la forêt humide de Monteverde, un territoire d’une
superficie de 3 604 hectares exploitée par son propriétaire : le Centre des sciences
tropicales, a accueilli en 2004 environ 73 000 visiteurs. Son image internationale est très
forte et elle génère un dév e l o p p e m e n t é c o t o ur i s t i q u e a c c é l é r é d a n s l a
c o mm u n a u t é voisine de Monteverde.
L a R é s e r v e d e l a f o r ê t h u mi d e d e S a n t a E l e n a c o u vr e 3 1 0 h e c - tares et
reçoit entre 20 000 et 25 000 visiteurs par an. Elle est gérée par le Conseil scolaire de
Santa Elena sous concession de la Ré»publique du Costa Rica. Cette réserve compte
doubler le nombre de ses visiteurs d’ici trois à cinq ans. La communauté de Santa Elena et
ses environs connaissent un développement touristique très rapide depuis 2000 en raison
de l’augmentation exponentielle du nombre de touristes .
Monteverde est aujourd’hui la destination d’écotourisme de nature la mieux connue au
Costa Rica .
Finalement, ce qui avait commencé, en 1951 à Monteverde et plus tard à Santa Elena,
comme une entreprise de conservation sur une bases scientifique se retrouve dans les
années 2000 sur une trajectoire de collision avec les réalités sociales et économiques du
XXIesiècle. Les modèles de conservation axés essentiellement sur la préservation des
écosystèmes biologiques, qui étaient et sont toujours à la base des activités dans plusieurs
parcs et réserves du pays, aussi bien ici que dans toute l’Amérique centrale, restent sans
solutions pour plusieurs des nouveaux problèmes créés par le commerce d’activités
récréatives en plein air et pour les nouvelles réalités macro économiques.
Un enjeu national / un modèle en question.
Le pays a été et est encore aujourd’hui cité en Amérique centrale et partout dans le monde
comme un modèle et un prototype de bonne g e s t i o n d e s r e l a t i o n s e n t r e l e s a i r e s
p r o t é g é e s e t l e s c o m mu n a u t é s d’accueil. Tous les problèmes pouvant avoir un effet
négatif sur cette image peuvent aussi avoir des conséquences sur l’image que projette le
pays en tant que destination touristique de premier choix.
Suivant le modèle de développement écotouristique du Costa Rica, toute la région centreaméricaine a commencé à développer son secteur touristique et, dans un monde de
mondialisation, les risques de substitution d’une région touristique pour une autre sont
toujours présents si le touriste trouve que les produits écotouristiques qui lui sont offerts
ne conviennent plus.
.Finalement, en raison de l’utilisation qui a été faite du Costa Rica comme modèle de
développement écotouristique, le pays a le devoir moral d’être à l’avant-garde du
développement de mécanismes permettant et facilitant l’intégration des communautés
d’accueil et des communautés voisines des réserves naturelles.
-un impact économique majeur pour le pays
En 2001, le pays a reçu près de 1,3 milliards de dollars grâce au tourisme. Première source
de devises devant les micro-structures électroniques (810 millions de dollars), le tourisme
procure 2,5 fois plus de devises que les exportations de bananes et près de 8 fois plus que
15
le café. Il représente 25 % du total des exportations du pays et on estime que plus de
140 000 familles en vivent directement.
Fort de ce constat, le gouvernement s’efforce de contrôler son image et met un point
d’honneur à éduquer la population locale en leur rappelant sans cesse, notamment à l’aide
de campagnes de sensibilisation, la grande valeur économique du tourisme et ses effets
d’entraînement sur tous les secteurs d’activités. L’écotourisme, en plus d’être une manne
et une source d’emplois pour nombre de costaricains jusque là cantonnés à faire des
métiers liés à l’agriculture, a été un puissant vecteur d’éducation de la population locale
qui est désormais consciente de la valeur de son environnement naturel.
L’ICT, pour compenser la saisonnalité du tourisme international et rentabiliser les
infrastructures en période creuse, encourage le tourisme interne, depuis le tout début des
années 1980, en mettant en place des tarifs préférentiels pour les locaux. Cette mesure, en
plus de rapporter des bénéfices économiques a le mérite de permettre aux habitants de
participer à ce développement touristique et de mieux connaître son territoire. Plus de la
moitié des visiteurs des parcs nationaux du pays sont des locaux.
A titre d’exemple, en 1996, les Costaricains furent plus nombreux que les visiteurs
étrangers à se rendre dans les parcs nationaux que les touristes (soit 389 883 costaricains
contre 268 774 touristes).
Entre 2000 et 2005, le Costa Rica a reçu approximativement 1,1 milliard de dollars en
devises étrangères provenant des dépenses effectuées par les touristes, une somme qui
représente environ 50% de plus que la valeur combinée des exportations de café, de
bananes, de sucre et de bœuf.
Il faut dire que dans le cas du Costa Rica, plusieurs entreprises de tourisme de nature et
d’écotourisme ont bénéficié d’une exonération d’impôt substantielle afin d’importer les
biens et services nécessaires au développement, sans parler de crédits considérables sur les
taxes
sur
les
profits
et
les
investissements.
Plus de 300 000 Costaricains dépendent aujourd’hui directement ou indirectement du
tourisme comme source de revenu et d’emploi.
-des retombées économiques locales plus mitigées
L’impact du tourisme nature est sensible en raison de ses conséquences sur
l’emploi et les revenus des communautés. Il devient évident que les communautés
d’accueil et les communautés voisines de ces régions souhaitent avoir leur part des
bénéfices économiques de l’écotourisme.
-les bénéfices locaux : un moteur de conservation essentiel mal assuré
Ce partage des bénéfices est une condition indispensable à l’implication des populations
locales dans la protection des parcs et réserves.
Au Belize par exemple, les études menées ont indiqué que si les communautés partagent
les bénéfices de l’écotourisme engendré par les aires protégées, elles vont s’impliquer dans
16
la protection et veiller à faciliter les activités écotouristiques. Quand il n’y a pas de partage, on
constate des résultats contraires.
L’argent dépensé par les touristes est en train de devenir une source majeure de revenu pour plusieurs
communautés costaricaines entourant les grands parcs et les grandes réserves naturelles privées, mais
plusieurs de ces communautés commencent à se plaindre amèrement de ne pas obtenir leur juste part
des bénéfices économiques auxquels elles semblent s’attendre. Plusieurs petites communautés
reçoivent très peu de bénéfices économiques, quand elles n’ont pas carrément été
oubliées.
Les bénéfices économiques semblent être la préoccupation de premier ordre du
nouveau Montéverdien de la rue, alors que peu de gens s’inquiètent de conservation.
Les réserves et les parcs peuvent stimuler les économies locales quand les revenus qu’ils
génèrent sont remis en circulation dans le milieux avoisinant.
-des emplois de 2ème ordre
Dans la région de Quepos, par exemple, dans l’industrie hôtelière, on a trouvé que plus de
90% des gens occupant des fonctions de deuxième ou troisième niveau d’emploi venaient
de la région, alors que les postes de direction étaient attribués à des étrangers ou à des
personnes provenant d’autres régions du Costa Rica. L’argument invoqué réside dans la
difficulté de trouver parmi les habitants de Quepos des personnes capables d’occuper des
postes de haute direction.
-des revenus dont l’origine est mal identifiée
Pour ce qui est des emplois rémunérés, les gens ont du mal à reconnaître les bénéfices qui
reviennent aux communautés locales parce qu’il semble plutôt difficile d’associer les
emplois, et les salaires, à l’existence des parcs ou des réserves . Ils sont associés
directement à leur employeur, plutôt qu’à la capa-cité du parc d’attirer des touristes .
-des relations conflictuelles entre les différents acteurs .
Dans une enquête menée au Costa Rica, de nombreux groupes de pression ont été
identifiés. Les conflits d’intérêts entre ces groupes gênaient, d’une façon ou d’une autre,
la gestion du parc national Manuel-Antonio
-chasseurs et cueilleurs illégaux,
-administrateurs du par cet personnel du parc provenant de l’extérieur de la communauté,
-propriétaires d’hôtel locaux,
-propriétaires d’hôtels étrangers,
-personnel local travaillant au parc,
-fermiers de subsistance,
-chercheurs de la région et de l’étranger,
-exploitants touristiques, voyagistes,
-vendeurs d’artisanat local à la barrière du parc,
- élus municipaux et dirigeants, politiciens locaux et personnel du ministère de l’Énergie et
de l’Environnement et du Système des zones de conservation.
17
A u C o s t a R i c a , l a r e l a t i o n c o m mu n a u t é s e t a i r e s p r ot é g é e s t r a v e r s e une
période de stress attribuable à ce qui apparaît comme une suite de changements et
d’espoirs économiques non comblés chez les communautés d’accueil. Ce qui peut d’en
résulter, c’est que la région de Monteverde et Santa Elena risque de prendre une tournure
non durable du point de vue touristique, parce que tous semblent plus se préoccuper de
l’agriculture et de la durabilité écologique de la région, pendant que«l’environnement»
se détériore rapidement à cause de ce qui apparaît être une mauvaise gestion du
tourisme et une planification urbaine inadéquate.
Le problème est particulièrement important dans le cas des réserves de forêt humide
privées de Monteverde et de Santa Elena, parce qu’au cours de la dernière décennie, ces
deux endroits sont devenus sans contredit des icônes majeurs de l’écotourisme et de
l’industrie du tourisme nature au Costa Rica, particulièrement Monteverde. Ces deux
zones protégées sont très proches. Leur fusion éventuelle en conglomérat rural/semiurbain peut créer dans l’avenir des problèmes relationnels avec les réserves privées dont
ces agglomérations dépendent fortement.
Vers une remise en question des principes fondamentaux de l’écotourisme ?
Le tourisme de masse prend le pas sur l’écotourisme ?
Il n’est pas rare de voir les projets , s’éloigner des principes clés de cette forme de
tourisme en raison notamment de l’explosion touristique qu’a connue le Costa Rica.
Excessivement apprécié, le pays reçoit plus d’un million de visiteurs chaque année qui se
concentre majoritairement sur quelques portions du territoire telles que le Parc Manuel
Antonio, ayant été visité en 2001 par plus de 155 000 visiteurs (dont 58 % d’étrangers), ce
qui en fait le deuxième parc le plus visité après celui du volcan Poàs.
Chaque année, de nouvelles chaînes hôtelières font leur apparition, ouvrant le Costa Rica
au tourisme de masse. Ces hôtels se construisent essentiellement sur des plages jusque là
préservées ou au milieu de forêts vierges, sachant que la préoccupation principale est loin
d’être l’environnement (mentionnons, par exemple, la quasi-inexistence du retraitement
des eaux usées), mais bien la rentabilité. Toujours à Manuel Antonio, sur les 59 km de
zone littorale, 50 km appartiennent à des investisseurs étrangers et ils possèdent pas moins
de 60 % des infrastructures touristiques.
En outre, sur le plan du développement local et régional, le fait que la plupart des
promoteurs soient des étrangers constitue un problème supplémentaire. La majeure partie
des bénéfices issus du tourisme qualifié d’«écotourisme » revient à ces investisseurs
étrangers et profite donc insuffisamment au développement du pays. En outre, certaines
zones touristiques se caractérisent par une inflation des prix ce qui à terme valorise l’élite,
mettant en marge, aussi bien les visiteurs étrangers peu fortunés que la population locale.
Là encore, certains projets dits « écotouristiques », montrent leurs limites en ne respectant
pas, par exemple, un des principes clés de l’écotourisme qu’est le respect du bien-être des
communautés locales.
vers une dégradation des zones protégées ?
18
Au Costa Rica, on ne peut pas nier le fait que la présence de l’écotourisme a favorisé dans
un premier temps la conservation de l’environnement. Puis, une grande majorité de la
population bénéficie, directement ou indirectement, des retombées économiques du
développement touristique du pays, notamment grâce à la création d’emplois directs et à la
stimulation de l’économie périphérique. En outre, le gouvernement du Costa Rica s’est
attaché à rendre accessible l’écotourisme à un large éventail de la population favorisant
ainsi la sensibilisation à l’environnement des étrangers et de la population locale.
Toutefois, la capacité de charge de certaines zones est dépassée, ce qui se traduit par des
dégradations observées sur l’environnement naturel. A titre d’exemple et souvent cité par
le Lonely Planet, le Parc National Manuel Antonio, parc minuscule sur la côte pacifique,
accueillait jusqu’à 1000 personnes par jour en haute saison et le nombre de visites
annuelles avait grimpé d’environ 36 000 en 1982 à plus de 150 000 en 1991, pour
atteindre le record de 181 947 entrées en 1993. Bien que quelques mesures, parfaitement
insuffisantes, aient été prises pour limiter le nombre de touristes dans cette zone, Manuel
Antonio est un exemple, parmi d’autres, du non-respect des lois sur l’environnement et de
la destruction de l’environnement pour implanter des infrastructures lourdes (restaurants,
hôtels, etc.).
Non seulement les lois qui concernent l’occupation des sols et l’accession à la propriété
font obstacle à la mise en œuvre de politiques efficaces, mais il n’a pas été élaboré de plan
écologique pour le Costa Rica. Les parcs nationaux, les refuges et les réserves biologiques
disposent de leurs propres plans de gestion ce qui à terme peut devenir particulièrement
dommageable notamment en terme de surfréquentation de certains sites. A titre
d’exemple, seules quelques zones protégées n’acceptent qu’un nombre restreint de
visiteurs par jour (Chirripo, Corcovado, la Amistad…) alors que d’autres, en l’absence de
réglementations sont surfréquentées et présentent d’ors et déjà des signes de dégradations
environnementales.
La réaction récente des pouvoirs publics.
Des dispositifs pour une politique volontariste
Le Costa Rica, à travers sa législation, a organisé neuf catégories de gestion
pour les aires naturelles protégées du pays, placées sous la direction d'un
système national de protection (Sistema Nacional de Áreas de Conservación /
SNAC), en conformité avec la loi sur l'environnement de 1995 (n° 7 554,
article 36). Leur gestion peut, dans certains cas, être confiée au privé. Ces
catégories sont les suivantes : parcs nationaux, réserves biologiques, réserves
forestières, zones protégées, refuges de la vie sauvage (publics, privés ou
mixtes), zones humides (y compris les mangroves), sites du patrimoine naturel,
réserves marines, aires marines de protection.
Ces aires protégées représentent 26,28% de la superficie terrestre du pays,
17,19% de sa superficie maritime (totalité des eaux territoriales) et 22,74% si
l'on considère ensemble les deux milieux.
Le pays dans son ensemble a été divisé en onze aires de conservation, dont, par
exemple : Pacifique central (ACOPAC), Tempisque (ACT), Osa (ACOSA),
19
Arenal (ACA), Cordillère volcanique centrale (ACCVC) et Amistad Pacifique
(ACLAP).
Un processus de labellisation : le Certificat de soutenabilité touristique
L'Institut costaricien du tourisme (ICT) a adopté un label de certification pour
la soutenabilité (durabilité) touristique (Certificación para la sostenibilidad
turística, CST) conçu pour pouvoir différencier et classer les entreprises
touristiques d'après leur utilisation des ressources naturelles, culturelles et
sociales. Gratuit, mis en œuvre dès 1997, il fut un des premiers au monde de
cette nature et plus de 110 hôtels et voyagistes du pays sont certifiés en 2009.
L'évaluation est réalisée à partir des champs fondamentaux suivants :
- l'environnement, qui apprécie l'interaction entre l'entreprise et le milieu
naturel (traitement des eaux usées, protection de la flore et de la faune entre
autres),
- les économies d'eau et d'énergie, du traitement des déchets (externalités
négatives),
- la prise en compte des éléments exogènes et endogènes pour élaborer un
produit touristique répondant aux besoins du marché et aux caracteristiques
propres du pays et des sites d'implantation,
- les actions incitant le client à participer aux politiques de soutenabilité de
l'entreprise,
- l'intéraction entre l'établissement et son voisinage, en analysant, par exemple,
le rôle des hôtels dans le développement de la région, la façon dont ils
contribuent à la création d'emplois et les différents bénéfices qu'ils apportent
aux collectivités locales.
Il est à noter que le Costa Rica s'est récemment doté d'un “Tribunal de l'environnement”,
présidé par celui qu'on appelle désormais “le juge vert” et qui, fait assez exceptionnel dans
le Monde, a la possibilité d'arrêter sans délai des projets suspectés de porter atteinte à
l'environnement, en attendant de statuer sur le fond et de permettre à toutes les parties
d'exposer leur point de vue.
Conclusion
Le Costa Rica demeure un véritable laboratoire d’observation du phénomène
écotouristique. Célèbre pour son approche éclairée de la préservation de l’environnement,
20
ce pays a su se positionner sur la scène touristique mondiale en valorisant ces ressources
naturelles préalablement protégées. Dès le début, le gouvernement s’est donné pour
objectif de projeter l’image d’un pays s’efforçant de respecter les principes de
l’écotourisme.
Au-delà de la vision idyllique du développement écotouristique du Costa Rica, il semble
que le développement écotouristique initiale soit débordé par une progression du tourisme
de masse, les intérêts économiques l’emportant, dans bien des cas, sur les intérêts
écologiques.
Pour l’instant, l’avenir touristique du Costa Rica demeure en question. Doit-il se ressaisir
pour continuer à suivre la voie de l’écotourisme ? Doit-il se tourner vers le tourisme de
masse maintenant qu’il a réussi à se positionner sur le marché touristique mondial ? Le
prochain défi du Costa Rica ne sera-t-il pas de concilier tourisme balnéaire de masse et
écotourisme, alors même que le territoire est exigu et que la biodiversité demeure
particulièrement fragile.
Pour que l’écotourisme joue pleinement son rôle de conservation dans les pays
économiquement pauvres (qui sont par ailleurs souvent les plus riches en biodiversité), il
doit générer des revenus suffisamment importants pour soutenir les économies locales,
régionales et nationales, permettant de restreindre le plus possible les effets négatifs des
autres formes d’utilisation des territoires « sauvages » non protégées et de leurs ressources
(autant biotiques qu’abiotiques) comme le font l’agriculture, la foresterie et les pêches.
Pour assurer la conservation génétique des espèces en dépit des modifications naturelles
ou artificielles de l'environnement, un système plus ouvert de conservation est nécessaire,
où des zones d'écosystèmes naturels non perturbés peuvent être entourées d'aires où se
pratiquent des modes d'utilisation conciliables et compatibles. En agissant de la sorte, il
devrait être possible d'accroître le nombre et la superficie des parcs et des corridors de
conservation, et ouvrir ainsi davantage de territoires à l’écotourisme .
21
Téléchargement