5- Deux pays, deux civilisations aussi éloignées l’une de l’autre que celles de
l'Inde et des États-Unis se rejoignent pourtant dans une sorte de respect pour
la richesse matérielle. En Inde, le grand mythe de la métempsychose fait croire
que l’argent et la réussite sociale prouvent la bonté d’une personne, conquise
dans des existences antérieures. L'inégalité des sorts, des fortunes, des
conditions de vie n'est pas perçue comme scandaleuse. Ce qui ne signifie pas
que la religion hindoue sanctifie la richesse ; au contraire, elle enseigne le
dépouillement. Mais ce dépouillement n'a pas pour but de relever le niveau de
vie des pauvres et d’instaurer un monde plus juste, il vise à permettre à l'âme
de mieux s'approcher du divin.
Aux États-Unis, la richesse est vue comme la récompense du travail, de
l'initiative, du courage, de l'économie, bref de la vertu. La réussite sociale, qui
ne va jamais sans richesse, mérite le respect et l'admiration. On suppose
qu'elle a été conquise et que le riche en est responsable. On croit, à tort, que
les chances de tous au départ sont égales. Ceux qui deviennent riches en ont
donc tout le crédit. Quant à ceux qui tombent ou qui croupissent au bas de
l’échelle sociale, il est naturel qu'on les regarde de haut, sinon qu'on les
méprise. Ici aussi des théories théologiques fournissent une justification. Elles
sont liées à la croyance que c'est la foi en Dieu seule qui sauve, non les rites,
les cérémonies ou les bonnes œuvres. Dans ce contexte, qu'un homme soit
riche ou pauvre n'a aucune importance. Et comme, en définitive, c'est ce
contexte mystique qui compte, on n'a pas à s'inquiéter des inégalités sociales
et de la mauvaise distribution des richesses. L'essentiel est le ciel et il s'ouvre
tant pour laisser entrer les pauvres que pour laisser entrer les riches, pourvu
qu’ils aient la foi et qu’ils aiment Dieu de tout leur cœur.
6- La distinction de l'être et de l'avoir n'est simple qu'en apparence, car il y a
un grand nombre de réalités dont la possession affecte notre être plus ou
moins profondément. Par exemple les idées, les croyances, la foi, l'espérance,
le succès, le cœur, l'expérience, le bonheur, etc., et bien sûr leur contraire.
Mais l'être ainsi affecté n'est pas une entité transcendante, c'est le Moi lui-
même comme sujet unique et particulier, comme vivant jouissant et souffrant,
se débattant au milieu des autres humains et des choses.
7- N'avoir rien à dire, voilà la pauvreté mentale. Une des plus grandes richesses
serait donc de pouvoir parler ? Oui, et parler d'autre chose que de soi, comme
font les vrais philosophes et les grands écrivains.