émancipation, à une langue transmise hors du cadre familial, valorisée au titre d'une promotion
européenne des « langues régionales »5.
Plus largement, un regain d'attrait pour les langues minorisées se trouve pris au sein d'une
pluralité de discours : sauvegarde de la biodiversité6, valorisation du patrimoine immatériel, de la
mixité culturelle ou encore, revendications identitaires. Le 22 mai 2008, l'adoption de l'Article 75-1
dans la Constitution française : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la
France » marque une reconnaissance par l'Assemblée Nationale des langues dites régionales7.
Un article de Christian Bomberger et Mireille Meyer8 fait état du débat français sur la
« culture régionale » : « Tantôt celle-ci se réfère à des habitudes singulières, qui effleurent à peine
la conscience et ne font l'objet d'aucune revendication [...] tantôt [elle] désigne un ensemble de
pratiques territorialisées promues volontairement au rang d'emblèmes [...] Il s'agit là d'une culture
choisie, représentée, exposée. ». Les auteurs ajoutent que l'emblème majeur de la revendication
régionale est la langue, sa sauvegarde et sa promotion. La fonction de la langue n'est pas alors
d'assurer la communication mais « d'exprimer une adhésion affective ou un souci patrimonial ».
L'apprentissage volontaire de l'idiome local est significatif de cette promotion de la langue « en
moyen de reconnaissance » et c'est paradoxalement au moment où ces identités s'affaiblissent
qu'elles s'affirment le plus éloquemment.
La question de la transmission de ces langues entre les générations est au centre des
mobilisations et actions collectives militantes. Un numéro de la revue Terrain a été consacré à la
question de la transmission en anthropologie. David Berliner9 définit cette notion comme le
« processus consistant à ''faire passer quelque chose à quelqu'un'' 10 qui contribue à la persistance,
5TERRAL H., 2005, La langue d'oc devant l'école (1789-1951), entre lutte et répression, la place accordée à
l'occitan dans l'enseignement (textes choisis), Puylaurens, Institut d'estudis occitans, 347p.
6Pour exemple, un article de presse qui croise la rhétorique de la perte culturelle avec celle de la biodiversité : « Il
n'y a pas que le tigre et l'outarde canepetière qui sont menacées d'extinction. 8,4 % des langues encore entendues
sur la planète sont vouées à la disparition, 17 % sont en danger et près de 9 % sont jugées "vulnérables", selon le
Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).[...]. "Les secrets de la nature, contenus dans les
chansons, les contes, l'art et l'artisanat des peuples indigènes, peuvent se perdre à jamais, à cause de la
mondialisation croissante dans tous les domaines", expliquait alors un groupe d'experts mandatés par le PNUE. »
BARROUX R., « La planète perd ses langues », Le Monde, 7 juin 2012. Consulté en ligne sur le site Le Monde.fr :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/06/07/la-planete-perd-ses-langues
7DELAHOUSSE Bernard, HAMEZ Marie-Pascale, « Éditorial », Revue Langues Modernes de l'APVL, n°4/2010,
« Enseigner une langue régionale ».
8BROMBERGER C., MEYER M., 2003, « Cultures régionales en débat », Ethnologie française, n°33, 2003/3,
pp.357-361.
9BERLINER D., 2010, « Anthropologie et transmission », Terrain n°55, septembre 2010, pp.4-19.
10 TREPS, 2000, cité in BERLINER D., 2010, « Anthropologie et transmission », Terrain n°55, septembre 2010, pp.4-
19.
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