quelques indications sur le théâtre de robert lafont

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QUELQUES INDICATIONS SUR LE THÉÂTRE DE ROBERT
LAFONT
On a surtout retenu de Robert Lafont et à juste titre, le linguiste, l’historien, le romancier,
l’écrivain politique. Mais il est aussi le poète et le dramaturge. Poète, Robert Lafont réinvente
un pays qui déjà lui échappe, nous échappe, en bâtissant sa poésie sur un imaginaire surréaliste
Dramaturge, il est l’auteur de plus de vingt pièces et textes de théâtre dont certains resteront à
l’état de manuscrits mais dont plusieurs seront portées à la scène et l’une à la télévision.
Dès le sortir de la guerre il écrit sa première pièce sur fond de Résistance, La cabana, drame
patriotique dont la femme est le moteur tragique et sur qui plane l’ombre de la trahison, des
trahisons.
Plus tard, en 1959, après une dizaine de courtes pièces aux thèmes divers, la femme encore,
avec La Loba o La frucha di tres aubas, sera au centre de l’oeuvre de mort pour laquelle
troubadour Peire Vidal lui servira d’instrument. La pièce sera créée à Paris au Théâtre
Récamier et montée dans le Languedoc dans une mise en scène de Jacques-Henri Delcamp.
Une seconde période, inattendue donc, va s’ouvrir en 1966 avec la création de « Per joia
recomençar » aux Rencontres de Fox Amphoux. Elle va dès lors proposer un théâtre devenu
ouvertement un outil au service de l’affirmation occitane. Un théâtre de reconquête
“Per joia recomençar”, dont le titre est tiré de la ballade “A l’intrada del tèmps clar” sera le
premier spectacle occitan à s’inscrire dans une démarche de création contemporaine.
De l’évocation littéraire et idéalisée de la Provence à celle du pays réel. De l’incantation à
l’humour grinçant pour évoquer un pays devenu musée. De l’imagerie médiévale à la trivialité
des bleus de travail des mineurs de bauxite, du bilinguisme à l’occitan exclusif, le spectacle
procède par provocations successives qui amène le public là où il ne s’attend pas.
Dans Dòm Esquichòte o lo torn de Provença de Bautesar Dòm Esquichòte veut sauver la
Provence de tout ce qui la transforme et la défigure. Mais c’est Bautesar qui prendra conscience
des vrais enjeux et des luttes à mener. Et Dòm Esquichòte finira en héros pathétique, victime
d’une séance d’électrochoc destinée à lui faire oublier sa langue. ..Il meurt en tentant de
“taguer” l’inscription: “Gardarem lo Larz...” sans pouvoir aller jusqu’au bout du mot. La
langue est interrompue.
Les années 70 sont celles de l’intérêt des milieux politiques et culturels français pour les
minorités linguistiques de l’hexagone et tout particulièrement pour la création qu’elles
génèrent. La chanson explose, le théâtre occitan est accueilli par les Centres Dramatiques, le
phénomène est celui d’une mode qui découvre que les indigènes de l’intérieur prennent la
parole artistique. Et qu’ils en font un vecteur de leur lutte politique. Mais cette découverte
entraîne des questions d’importance sur les dangers que peuvent contenir ces nouvelles forces
vives dans la nation : nationalisme, union de classes, ...
Avec « La révolte des cascavèus » Robert Lafont veut apporter une réponse à ces
interrogations. La pièce met en évidence l’illusion que constitue ici aussi l’union sacrée des
classes. Cette révolte contre Richelieu qui réunit dans un premier temps le peuple, la
bourgeoisie et l’aristocratie de la Provence contre le pouvoir central est en effet exemplaire.
Richelieu dépossède les Parlements provinciaux de leurs privilèges financiers en instaurant de
nouveaux fonctionnaires royaux, les Élus, chargés de collecter les impôts au nom du roi. Au
même moment la misère du peuple est aggravée par un hiver des plus rudes. La noblesse qui
refuse l’Edit des Élus, va se servir de cette situation pour fomenter une révolte contre Paris en
faisant vibrer le sentiment patriotique provençal. Mais, dans la crainte d’être débordée, elle
retrouvera très vite ses vieux réflexes de peur en ralliant Richelieu et en utilisant la bourgeoisie
pour l’aider à mater le peuple.
1983 : La gauche est au pouvoir. Le mouvement occitan a remis ses espoirs dans ses mains.
Une décennie de mobilisation politique et culturelle laisse rapidement la
place à l’attente de la bonne volonté du pouvoir central. On sait ce qu’il en adviendra.
Pour Robert Lafont, le théâtre devra, une fois encore, questionner le présent. Il le fera en
interpellant ce Moyen-âge qui avait nourri jusque-là en grande partie la dynamique
culturelle...et politique occitane.
II écrira donc “La Croisade” dont il justifie la nécessité dans sa préface:
“Où en est-on aujourd’hui ?
On a craché à la face de la société française la violence de l’occitan populaire.
On a aussi, bien souvent, en écho d’un texte français, brodé un texte occitan plus ornemental
que conquérant. On a de cette façon joué pour des occitans désoccitanisés et pour des
spectateurs de tous pays.
Le problème reste entier: celui de la reconquête de son héritage linguistique par une société.
La Croisade prend en charge et au sérieux ce grand problème.”
C’est donc naturellement en occitan que la Croisade aurait dû être écrite. Que Robert Lafont
aurait souhaité l’écrire. Par souci de ne pas limiter l’accès de l’oeuvre au seul public
occitanophone il choisira de l’écrire en grande partie en français. La langue cependant gardera
une présence forte essentiellement à travers la parole orale féminine et celle du “livre”, de
l’écrivain anonyme de la Cançon.
Choisissant d’écrire une pièce sur la “Cançon de la crosada”, plus que sur l’épopée ellemême, c’est à la responsabilité historique de son auteur qu’il s’attache, en s’interrogeant sur la
façon dont une conscience d’écrivain peut, je le cite, “donner naissance à la conscience
d’histoire”. Et, c’est à celle de l’écrivain occitan d’aujourd’hui que Robert Lafont s’adresse:
Au-delà du combat présent, qu’il soit gagné ou perdu, le livre témoigne de la pérennité du
droit.
Il ne s’agissait donc pas de récrire une nouvelle version du récit historique sous une forme
théâtrale ou de construire une grande fresque avec cavaliers et combats comme cela avait pu
être fait quelques années auparavant dans les arènes de Nîmes. Mais de confronter le combat
intérieur, à la fois de l’écrivain dont l’oeuvre témoignera pour les siècles à venir et celui d’un
Raymond VII qui porte, au présent, le destin de son peuple
Dans ces années quatre-vingts où le combat occitan peut rappeler, toutes proportions gardées,
l’abandon de Raymond VII, où le théâtre, qu’il fût de création collective ou d’auteur, se voit
contraint de s’effacer d’un champ de bataille qu’il avait occupé pendant plus d’une décénie,la
Croisade de RL prend date par la force de son écriture, pour une cause que le temps ne peut
abolir.
El e Ela est un dialogue poétique de vingt pages écrit en 1970 resté à l’état de manuscrit dans
lequel l’espoir de retrouver le pays vivant est symbolisé par la femme et le pessimisme par
l’homme mais où ils se retrouvent finalement
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