Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 Un an après … les élections Un an après la victoire électorale de la coalition UPA menée par le Congrès, tous les observateurs, en Inde et à l'étranger, présentent leurs analyses des résultats du gouvernement de Manmohan Singh. Tel était également l'objet de la réunion organisée par le CEPII le 7 juin 2005, autour de Suman Bery, Directeur général du National Council of Applied Economic Research (NCAER) de Delhi , et présidée par Jean-Joseph Boillot, Conseiller financier près de l'Ambassade de France à New Delhi. La présentation de Suman Bery et le débat qui a suivi, auquel participaient des représentants de la communauté française d'affaires et de différents ministères, conduisent à des conclusions communes, qui peuvent être résumées comme suit : 1. Le gouvernement indien peut être crédité de la poursuite de la croissance à un taux annuel voisin de + 7 % en 2004-2005. En terme de parité de pouvoir d'achat (PPP), Suman Bery est amené à classer l'économie indienne au 4ème rang mondial après les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Même si la méthodologie PPP est quelque peu artificielle, il demeure que l'économie indienne se montre à la fois plus résistante ("resilient") et plus internationale. La comparaison avec les années 1990 est tout à fait spectaculaire dans ces deux domaines, en particulier vis-à-vis du choc pétrolier de 2005. 2. La structure du produit national brut (PNB) indien est atypique. L'agriculture représente une part décroissante au niveau de 20 %, la contribution de l'industrie est stagnante autour de 30 %, le secteur des services connaît un développement très rapide, qui ne peut à lui seul, être le moteur de la croissance économique en Inde à long terme. 3. Les inégalités entre les différentes catégories sociales demeurent. Suman Bery cite à cet égard les chiffres suivants : les "Deprived" représentent 51 % de la population, les "Aspired" 34 %, la "Middle Class" 13 % et les "Richs" 2 %. Par ailleurs , les inégalités entre Etats se creusent : l'arc de prospérité qui englobe les Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 Copyrights AFUI/2005 Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 états du Sud, la région de Mumbaï et de Delhi coexiste avec la stagnation économique et sociale du Bihar, de l'Orissa , de l'Uttar Pradesh et du Madhya Pradesh. 4. L'"economic model" indien popularisé à l'étranger paraît fondé sur le succès impressionnant et emblématique de l'Information Technology (IT)" et plus généralement sur la qualité exceptionnelle des ressources intellectuelles indiennes dans les domaines techniques et scientifiques. Cette vision correspond à une réalité incontestable mais laisse intacte la dissymétrie de l'économie indienne dans laquelle l'agriculture ne contribue que pour 20 % au PNB alors qu'elle occupe 58 % de la population active. Suman Bery précise que les progrès de la productivité ("yield") ont baissé sur le long terme de + 3 % par an à 1,7 %. Il y a là un problème majeur qui rend nécessaire une forte expansion de la production agricole ; celle-ci peut résulter d'investissements publics massifs pour le développement rural et les petites industries , et aussi par la mobilisation sociale prônée par les partis régionaux tels le "Samajwadi Party". La tâche est gigantesque pour sortir plusieurs centaines de millions de paysans du cycle de l'analphabétisme, de la morbidité et de la pauvreté. Il est rappelé que Montek Ahluwalia, Deputy , Chairman de la Planning Commission, prévoit sur le moyen terme, une croissance de 8 % (+ 12 % dans l'industrie, et + 4 % dans l'agriculture). 5. Même si elle est réussie, cette nouvelle révolution agricole ne suffira pas à empêcher un exode rural en direction des grandes métropoles, ce qui crée un 2ème défi pour l'économie indienne, celui du développement industriel. Malgré des progrès rapides et récents, l'industrie indienne, en dehors des domaines d'excellence comme l'industrie pharmaceutique, est encore peu compétitive sur le plan international et marginalement partie prenante dans la mondialisation ("The global product chain"). Le Gouvernement s'efforce d'améliorer le climat des affaires ; mais les initiatives pour libéraliser le marché du travail, accroître la déréglementation et assouplir les circuits financiers sont freinées par la nécessité de ménager l'aile gauche de sa coalition politique. Suman Bery note cependant que la concurrence entre le secteur public et les entreprises privées est porteuse de résultats positifs dans des domaines tels que les télécommunications et la Banque. Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 Copyrights AFUI/2005 Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 6. Une autre clé de l'économie indienne est le taux d'investissements par rapport au PNB. Ce taux, de l'ordre de 24 % est en augmentation, en ligne avec le taux d'épargne. Cette tendance favorable ne produit cependant pas tous ses effets car cette épargne est dirigée plus vers l'équipement des ménages de la classe moyenne et le financement des déficits du secteur public que vers le financement des infrastructures, encore massivement défectueuses. 7. Suman Bery est optimiste. Il pense que l'économie indienne va continuer à croître selon un taux de 6 à 8 % par an, que son internationalisation va progresser (les positions de l'Inde, d'ici la prochaine conférence de l'OMC à Hong Kong en décembre 2005 sont à suivre de près), et que les progrès en matière de "gouvernance" vont se poursuivre : l'introduction de la TVA désormais acquise dans plus de 20 Etats, le maintien de taux d'intérêt réel bas, l'augmentation des dépenses publiques en matière d'éducation, de santé et d'infrastructure, l’élargissement de la fiscalité applicable aux personnes physiques. Philippe Humbert Association France Union Indienne Le Bulletin de l’AFUI n°63 Copyrights AFUI/2005