l’uniscope 571 | 2012
Faire tomber
le mur
des idées
reçues
Démystifier une maladie qui concerne les jeunes entre 15 et 25 ans et touche une
personne sur 100 : tel est le but des neuvièmes Journées de la schizophrénie qui se
dérouleront entre le 27 et le 29 mars sur le campus.
Sophie Badoux
Schizophrénie. Le mot fait souvent
peur. En effet, les maladies psychia-
triques sont pour beaucoup mécon-
nues du grand public et leurs mécanismes
encore mal compris par les médecins. Invi-
sible, touchant à la personnalité, aux percep-
tions sensorielles et rendant parfois difficile
la relation à lautre, la schizophrénie atteint
une personne sur 100, dont 85% des cas se
déclarent entre 15 et 25 ans.
Invité de marque des neuvièmes Journées de
la schizophrénie, le professeur Philippe Co-
nus, chef du service de psychiatrie générale
au CHUV et spécia-
liste dans le traitement
de cette pathologie,
décrit les premiers
symptômes comme
des perceptions et des croyances décaes
par rapport à la réalité. Ces manifestations
cliniques sont accompages d’une tendance
à lisolement et parfois à la dépression. Les
patients souffrent aussi dhallucinations,
surtout auditives. Ils entendent des voix ou
se parlent à eux-mêmes et peuvent avoir
un discours incohérent. La paranoïa et les
délires de persécution empêchent aussi fré-
quemment le patient de demander de laide,
par peur qu’on lui fasse du mal.
« La maladie n’est pas un mur infranchis-
sable. Il ne faut pas s’attarder sur des atti-
tudes que lon ne comprend pas mais pro-
fiter de riches moments de partage avec le
malade ». C’est le cœur du message dAnne
Leroy, vice-présidente de lAssociation des
Journées de la schizophrénie. Son fils aî
Nicolas est diagnostiqué schizophrène en
1998. Sa maladie progresse rapidement et il
décède en 2008. « Tout a été brusque, et par-
ticulièrement le soudain mutisme de mon
fils, qui a duré près de dix ans ». Le jeune
homme se replie tota-
lement sur lui-même
et refuse de parler.
« Il s’agit alors de
réapprendre à com-
muniquer et de comprendre que le malade a
une autre logique. Il n’a plus de « bon sens »
et n’est plus dans la même adéquation au
monde que nous », témoigne Anne Leroy.
Le psychiatre Philippe Conus parle lui de
la perte de lévidence naturelle. « Le patient
schizophrénique n’arrive plus à comprendre
les relations avec autrui. Toutes les inter-
actions humaines deviennent alors compli-
quées », explique-t-il.
Oser en parler et aller vers les
autres
Les angoisses intenses et la peur de la mort,
le rappeur-slameur vaudois de 27 ans, de
son nom dartiste « le fils de la terre », les a
connues également. Atteint de schizoph-
rénie depuis 2005, il est forcé darrêter les
études en sciences sociales et politiques qu’il
avait entreprises à lUNIL. Le jeune homme
se replie sur lui-même et coupe peu à peu les
liens avec ses amis et sa famille. « Les pre-
miers symptômes de la maladie font peur,
je n’osais pas en parler », confie-t-il. Cest
un des combats du docteur Conus. « Il est
clair que la psychiatrie effraie et que les gens
osent difficilement venir consulter, pour-
tant dans nos hôpitaux on est loin des cli-
chés véhicus par certains films comme le
célèbre Vol au-dessus dun nid de coucou. »
Les traitements psychiatriques ont évolué
et il faut savoir que les patients ne sont pas
des gens dangereux et violents. La schi-
zophrénie n’est pas une maladie chronique.
« On peut en guérir et reprendre sa vie et
ses études. Plus lintervention est précoce et
12 Campus
La schizophrénie n’est de loin pas une maladie chronique : un message
que Philippe Conus, chef du Département de psychiatrie du CHUV,
souhaite faire passer auprès des jeunes. F. Imhof©UNIL
Un décalage avec la réalité est
un des signes de la maladie .
2012 | l’uniscope 571
13
LES NEUVIÈMES JOURNÉES
DE LA SCHIZOPHRÉNIE SERONT « FUN »
Pour parler de manière décomplexée de la maladie et présenter difrents points de vue,
une PechaKucha est organisée au Polydôme de l’EPFL le mercredi 28 mars entre 12h30
et 13h30. Sorte de joute verbale savante et ludique, la PechaKucha consiste à présenter
vingt images, chacune commentée en vingt secondes, ce qui offre 6 minutes 40 secondes
à chaque invité pour démystifier la maladie.
Invités : Philippe Conus, chef du service de psychiatrie générale au CHUV, Pierre
Magistretti, directeur du pôle de recherche national Synapsy (Brain Mind Institute)
de l’EPFL, Malcolm Braff, pianiste, Nicole Seiler, chorégraphe, Marco Bakker et Alexandre
Blanc, architectes fondateurs du bureau
Bakker&Blanc, le fils de la terre, rappeur-
slameur (www.myspace.com/lefilsdelaterre),
Isabelle Moncada, journaliste et productrice
de l’émission san36.9o de la TSR.
Lévénement sera également retransmis
en direct sur Fréquence Banane, la radio
des étudiants du campus sur 94.1 FM ou
www.frequencebanane.ch.
Les stands d’information tenus par des
proches et des soignants seront aussi l’occa-
sion pour les jeunes de faire des rencontres
et de poser toutes leurs questions sur
la maladie.
Mardi 27 mars 2012, 10h-15h
UNIL, devant le Café Anthropos
17h-19h Schizo-aro au Zelig
Mercredi 28 mars 2012, 10h-15h
EPFL, Rolex Learning Center
Jeudi 29 mars 2012, 10h-15h
CHUV, hall principal
Campus
sormais armé de mots, le rappeur-slameur « le fils de la terre » a combattu la maladie et les préjugés pendant
plusieurs anes. F. Imhof©UNIL
plus la récupération sera bonne. » La préven-
tion ainsi que la déstigmatisation du recours
à la psychiatrie sont donc indispensables
pour inciter les gens à oser aller consulter.
Toutefois, la prévention primaire reste com-
plexe, car les premiers symptômes sont fu-
gaces et peuvent être le signe de différentes
pathologies. De plus, annoncer à quelqu’un
qu’il a un risque de développer une schi-
zophrénie peut engendrer un stress supplé-
mentaire déstabilisant pour une personne
déjà fragilisée. Le programme dinterven-
tion précoce du Département de psychiatrie
du CHUV se focalise donc sur la prévention
secondaire, en visant à réduire le délai entre
lapparition des symptômes et la mise en
route du traitement et en travaillant à limi-
ter les facteurs aggravants lévolution de la
maladie. « La consommation de cannabis,
très fréquente chez les jeunes atteints de psy-
choses, renforce le repli sur soi et le manque
dénergie. Cest pourquoi nous avons déve-
loppé des traitements de groupe qui visent
CONSULTER
SUR LE CAMPUS
A l’UNIL et à l’EPFL, les étudiants qui
peuvent ressentir un stress ou des ques-
tionnements liés à leurs études, leur vie
sentimentale ou familiale ont la possi-
bilité d’obtenir un soutien psychothé-
rapique. Il s’agit d’une prise en charge
brève d’un à quatre entretiens permet-
tant de désamorcer une période difficile
dans la vie de l’étudiant ou de détecter
éventuellement des signes précoces
de pathologies. « Pour les étudiants, le
cerveau n’est pas seulement le lieu du
psychisme, c’est aussi leur premier outil
de travail et ils consultent généralement
pour des problèmes de concentration.
Ces difficultés révèlent souvent des
troubles anxieux ou dépressifs », relève
Luc Michel, psychiatre responsable de
ces consultations et également MER à la
Faculté de biologie et de médecine. En ef-
fet, le 90% des étudiants qui consultent
souffrent de troubles psychologiques
passagers car ils sont dans une période
de vie instable.
Informations et rendez-vous :
www.unil.ch/sasc voir social
> soutien psychothérapeutique
à informer les jeunes patients de ce risque et
à les motiver à interrompre leur consomma-
tion », ajoute le psychiatre.
Arrêter de fumer du cannabis a été la pre-
mière étape du traitement pour « le fils de
la terre ». Son état est actuellement stabilisé,
même s’il prend encore des neuroleptiques.
« Il y a des effets secondaires aux médica-
ments mais ça aide à rassembler ses idées.
Sinon lesprit est comme morcelé et part
dans tous les sens. » Son rêve désormais :
vivre de sa musique, continuer à témoigner
et apporter de laide à dautres malades par
le biais dateliers décriture qu’il a mis en
place dans un foyer éducatif et au GRAAP
(Groupe romand daccueil et daction psy-
chiatrique). Dans ses textes, le rappeur veut
« aller dlavant même si c’est à contre-cou-
rant ». Désormais « en paix avec lui-même,
il ne craint plus les autres » puisqu’il sera un
des intervenants de la PechaKucha à lEPFL
le 28 mars.
www.info-schizophrenie.ch
1 / 2 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !