Research interests Sujet proposé par Théo Héikay « Il n’y a pas de choses simples, mais il y a une manière simple de voir les choses. » INTRODUCTION Y a-t-il de la vie ailleurs ? Dans ce système solaire, à part la Terre, cela semble peu probable, et en tout cas inobservé. Et plus loin ? Il faudrait qu’il y ait des planètes autour d’étoiles proches du Soleil, si possible, pour qu’on ait une chance de les étudier un jour. Car observer un objet de cette nature, tout près d’un objet si brillant qu’il le dissimule dans ses feux, et si loin cependant que cette planète en est encore plus indiscernable, a tenu pour longtemps de la vraie gageure. Une voie indirecte a alors été suivie : un compagnon peut, en orbitant autour d’une étoile, créer de très légers effets cinématiques sur celles-ci se manifestant dans des décalages Doppler du rayonnement stellaire pouvant être mis en évidence par une optique spectrophotométrique de très grande précision. 1995 a vu cette entreprise couronnée pour la première fois de succès, initialisant désormais une quête fructueuse puisqu’à l’heure actuelle + de 100 planètes extrasolaires ont été ainsi (indirectement) observées. PRÉREQUIS Les notions nécessaires, comme la magnitude, le corps noir, la vitesse d’évasion ou la vitesse thermique sont apportées dans le problème. ÉNONCÉ À l’automne 1995, des astronomes suisses ont découvert des variations périodiques dans les vitesses radiales de l’étoile m Pegasi, très comparable au Soleil, de magnitude visible apparente 6,18 et située à 44,7 années-lumière de nous. Ces It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 1/113 Research interests résultats ont été attribués à la présence, autour de l’étoile, d’une planète dont la période orbitale serait de 4,23 jours, et dont la masse serait comparable à celle de Jupiter. I _ Rappels sur des définitions astronomiques a) L’année lumière (al) est la distance parcourue par la lumière en un an. Donner la valeur de al (c = 3.108 m.s– 1). Le parsec (pc) est la distance d’une étoile d’où on verrait le rayon de l’orbite terrestre (UA) sous un angle de 1’’. Donner la valeur du parsec (UA = 1,496.1011 m). Donner la relation numérique entre pc et al. b) La notion de magnitude remonte à l’antiquité, quand Hipparque établissait le premier catalogue d’étoiles en inventant la notion de grandeur, nombre entier, d’autant plus élevée que l’étoile est faible, l’étoile la plus brillante étant de grandeur 1. De façon moderne, la magnitude apparente d’une étoile est liée à son éclairement (flux de puissance observé) par la relation m = – 2,5 log E + cste Plus précisément, il faut spécifier le domaine de rayonnement observé, la constante étant fixée selon une source établie. Pour une observation dans le domaine visible, mV = – 2,5 log E – 14,2 II _ Propriétés de m Pegasi On appelle magnitude absolue m la magnitude apparente qu’aurait l’étoile si elle était placée à une distance de 10 pc. L’intérêt de cette notion est qu’elle permet de comparer les luminosités intrinsèques des étoiles puisqu’elles sont placées ainsi artificiellement à la même distance. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 2/113 Research interests i. ii. iii. Calculer la magnitude absolue MV(©) du Soleil (L © = 3,86. 1026 W). Donner la relation entre magnitude apparente et magnitude absolue. On appelle m – M le « module de distance ». Pourquoi ? Calculer MV pour M. Le résultat est-il plausible pour une étoile semblable au Soleil ? On appréciera la rapport des luminosités du Soleil et de M Pegasi. III _ Propriétés de la planète extrasolaire i. En utilisant la 3e loi de Kepler (a3/T2 = GM/42) calculer, en UA, la distance approximative de la planète à son étoile. La comparer avec celles du système solaire (M© = 2.1030 kg). Commenter. ii. On suppose que la planète se comporte comme un corps noir (elle émet par unité de surface une puissance T4, = 5,67.10– 8 SI) sphérique de rayon R. Son albédo (rapport de la puissance réfléchie à la puissance incidente) est . Si L est la luminosité de l’étoile, donner l’expression de T en fonction de , L et R, en partant de l’équilibre énergétique de la planète. Estimer la température de surface de la planète supposée semblable à Jupiter ( = 0,34). iii. Démontrer que la vitesse de libération v à la surface d’une planète de masse M et de rayon R est 2GM R Démontrer que la masse moyenne d’agitation thermique d’une particule de masse m d’un gaz de température T est v1 = 3kT m Discuter l’existence possible d’une atmosphère à la surface de la planète. (Masse de Jupiter M = 1,9.1027 kg, rayon de Jupiter R = 71 300 km, masse de l’atome d’hydrogène m = 1,67.10– 27 kg). vt = It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 3/113 Research interests CORRECTION DE L’AUTEUR I _ a) La durée de l’année (365,25 j de 86 400 s chacun) est 1 a = 3,16. 107 s d’où al = cT = 3,16.107 = 9,48.1015 m UA soit d 1,496.1011 d= = 3,086.1016 m 18060 60 D’après la définition du persec 1’’ = d’où pc = 3,26 al. II _ a) La luminosité du Soleil L © donne, à une distance d, un éclairement L© EV = 4d² (4d² est la surface de rayon d). La magnitude absolue est calculée d’après l’éclat à d = 10pc d’où L© MV(©) = – 2,5 log – 14,2 4(10pc)² A.N. On trouve MV(©) ~ 4,5. c) Si pour une étoile donnée de luminosité L, E est l’éclat à la distance d, et E 10 l’éclat à la distance de 10 parsec, on a L = 4d²E = 4(10pc)²E10 Soit E 10 = ² E10 d It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 4/113 Research interests si d est mesurée en pc. Par ailleurs m = – 2,5 log E + cste M = – 2,5 log E10 + cste d’où E 10 = – 5 log E10 d d’où m – M = 5 log d – 5 module de distance. m – m mérite son nom parce qu’il n’est fonction que de la distance, et qu’inversement sa connaissance permet d’atteindre la distance. d) Pour M Pegasi, MV = mV + 5 – 5 log d soit 44,7 MV = 6,18 + 5 – 5 log ~ 5,5 3,26 Cette valeur est proche de celle du Soleil, ce qui confirme que M Pegasi est bien une étoile de type solaire. m – M = – 2,5 log MV (©) – MV (Pegasi) = 4,5 – 5,5 = 1 = – 2,5 log E10(©) E10(Pegasi) d’où E10(©) = 100,4 ~ 2,5 E10(Pegasi) qui est le rapport des luminosités. III _ a) La masse de M Pegasi doit être comparable à celle du Soleil ce qui n’a pas une grande incidence car It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 5/113 Research interests GMT² 1/3 a= 4² varie peu avec M. On sait, d’après la trajectoire de la Terre que GM©(1 an)²1/3 UA = 4² d’où a 4,23 2/3 = ~ 0,05 UA 365,25 Cette planète, de nature géante, est extrêmement proche de l’étoile. Ce n’est pas sans poser un problème sur la compréhension des systèmes planétaires car, dans le mécanisme de formation adopté actuellement pour le système solaire, les planètes géantes sont à grande distance du Soleil. b) La planète reçoit de l’étoile et par unité de surface perpendiculaire au L rayonnement une puissance . La puissance absorbée est donc 4d² R² (1 – )L 4d² À l’équilibre énergétique R² (1 – )L = 4R²T4 4d² d’où (1 – ) L1/4 T = 16d² A.N. L ~ 0, 4 L © ~ 1,5.1026 W. m– 1 ; d ~ 0,05 1,496 ; 1011 = 7,5.109 m ; = 0,34 . D’où T ~ 1250 K qui est une température de surface très élevée pour une planète. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 6/113 Research interests c) L’énergie totale d’un corps de masse m, de vitesse v, situé à une distance r du centre d’un objet attractif massif de masse M >> m, est GmM 1 E = mv² – r 2 On obtient v = v1 pour E = 0 (l’objet de masse m peut aller jusqu’à l’infini avec une vitesse nulle) d’où pour la planète de masse m et de rayon R, 2GM R Pour un gaz en équilibre à la température T, le théorème de l’équipartition de 1 l’énergie donne kT par degré de liberté. 2 Pour l’énergie cinétique de translation, il y a 3 degrés de liberté d’où 1 1 mvt2 = 3 kT 2 2 v1 = soit 3 kT m Pour la planète extrasolaire assimilée à Jupiter, R = 7,13.107 m, M = 1,9.1027 kg soit vt = v1 ~ 60 Km. S– 1 Pour un gaz d’hydrogène (m = 1,67. 10– 27 kg) à la température de 1 250 K, vt ~ 5, 6 km. S– 1 It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 7/113 Research interests L’hydrogène qui est le gaz le plus léger et donc a de plus de facilité à s’échapper à cependant une vitesse moyenne d’agitation thermique nettement inférieure à la vitesse de libération de la planète extrasolaire. L’existence d’une atmosphère sur cette planète est donc plausible. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 8/113 Research interests Sujet proposé par Théo Héikay « J’aime les vieilles questions. Ah ! Les vieilles questions, les vieilles réponses, il n’y a que ça ! » Introduction Les planètes du système solaire possèdent pour la plupart des satellites naturels. L’homme a également inventé des satellites artificiels, d’abord autour de la Terre, puis des planètes et l’intérêt scientifique, technologique, économique (pour ne pas parler du militaire) de ces satellites est unanimement reconnu. Comme sont reconnus aussi les problèmes qu’ils peuvent poser à l’environnement, voire de façon très directe lorsque des morceaux menacent immédiatement la vie humaine. Le présent problème examine quelques phénomènes généraux concernant les satellites sur leur trajectoire, considérée comme circulaire pour simplifier. Prérequis Notions de mécanique appliquées à la gravitation. Résolution d’équations différentielles. Énoncé I _ Modification de trajectoire a) On considère un satellite de masse m en orbite elliptique autour de la Terre (masse MT). En appliquant la conservation du moment cinétique aux points M1 (apogée) et M2 (périgée), montrer que l’énergie totale E du système (m, MT) dans un référentiel géocentrique est It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 9/113 Research interests GMTm a1 + a2 où a = est le demi-grand axe de l’ellipse. 2a 2a b) On considère que le satellite est initialement en orbite circulaire (cas particulier d’ellipse, a = a1 = a2). Un moteur agit sur le satellite de telle sorte que sa vitesse v devienne instantanément v ( > 0). Donner, suivant la valeur de , la forme de la nouvelle trajectoire. E=– II _ Rendez-vous spatial Deux satellites S0 et S1 sont sur une même orbite circulaire autour de la Terre, de rayon a, qu’ils parcourent avec la même vitesse angulaire 0. S0 précède S1 d’une distance ℓ0. Grâce à son moteur, à t = 0, S1 se donne une variation de vitesse v0 ( réel << 1), où v0 est la vitesse initiale du satellite (v0 = 0a). On supposera qu’en toute circonstance les orbites des satellites restent circulaires. (a) Donner l’expression de la nouvelle vitesse angulaire 1 de S1 en fonction de 0 et . (b) Écrire l’équation donnant l’ensemble des dates pour lesquelles les directions Terre-satellite de S0 et S1, sont confondues, c’est-à-dire pour lesquelles S1 « rattrape » S0. (c) Quelle peut être la valeur de pour que S1 rattrape S0 au bout d’une période de S0 ? (d) Le mot « rattrape » n’est pas tout à fait exact dans la mesure où il sous-entend que les deux satellites sont exactement sur la même orbite, ce qui est la condition nécessaire des rendez-vous spatiaux. À partir d’une situation analogue à leur situation initiale, décrive qualitativement la suite de manœuvre amenant S1 au rendez-vous avec S0. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 10/113 Research interests III _ Effet dynamique de l’atmosphère On suppose que la haute atmosphère, supposée ténue, de masse volumique , a un effet de freinage tel sur un satellite que sa variation d’énergie par unité de temps dE peut se mettre sous la forme = – kv où k est une constante positive et v la vitesse dt du satellite. On admettra que l’orbite du satellite, initialement de rayon a et de période T 0, reste circulaire au cours du temps, de période T(t), rayon r(t). (a) Discuter qualitativement le comportement de la trajectoire au cours du temps en décrivant notamment l’évolution de r, v, et T. dT (b) Trouver l’expression de en fonction de k, m, T et MT dt t (c) Intégrer cette équation en supposant une loi de puissance pour T telle que T = T0 où t0 t0 est le temps initial. (d) Déterminer r(t). It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 11/113 Research interests CORRECTION DE L’AUTEUR I _ a) GMTm 1 mv12 – a1 2 GMTm 1 En M2, E = mv22 – a2 2 moment cinétique donne En M1, E = La conservation Ea 2 – Ea 1 2 2 du v1a1 = v2a2 d’où = – GMTm(a1 – a ) 2 soit finalement GMTm GMTm = – a1 + a2 2a c) Le point M où le changement de vitesse se fait est tel que OM orthogonal à v : c’est un sommet de la nouvelle trajectoire. Avant ce changement, l’orbite circulaire est telle que E= – GMTm m v0 = a2 a soit v0 = GMTm a Après le changement de vitesse, l’énergie devient GMTm 1 GMTm 2 1 E’ = m ² v0 – = ( – 2) a 2 2 a 1) si 0 < < I. 2 la trajectoire est elliptique (E’ < 0) avec trois cas 0 < < 1. Il y a freinage. Le nouveau demi-grand axe est : It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 12/113 Research interests a’ = II. a < a 2 – ² a = 1 pas de changement. III. 0 < 2 < 2. Il y a accélération. Le nouveau demi-grand axe est a’’ > a 2) Si = 2 la trajectoire est parabolique (E’ = 0). 3) Si > 2 la trajectoire est hyperbolique (E’ < 0). II __ a) Pour l’orbite initial circulaire l’énergie du système (S 1, Terre) dans le référentiel géocentrique est Gm1MT 1 E1 = m1v02 – a 2 On a aussi d’après I b), GmMT 1 mv02 = – 2a 2 On voit que, pour une orbite circulaire, si E est l’énergie totale et r le rayon, v la vitesse, on a les relations E1 = – E . r = cste et E = cste v² Soit encore It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 13/113 Research interests dE dr dE dv =– = 2 E r E v Après la modification de vitesse, l’énergie (S1, Terre) devient Gm1MT 1 E’1 = m(v0 + v0)2 – a 2 Soit dE1 = mv02 d’où dE1 dr dv = – 2 et = 2 = – E1 r v Comme = v d dv dr d , = – d’où = – 3. La nouvelle vitesse angulaire de S1 r v r est donc 1 = 0 (1 – 3) b) L’angle entre la direction de S0 et S1, est alors c) ℓ0 (TS0 , TS1) = 0(1 – 3)t – a (ℓ0 petit devant a) Les directions se confondent si (TS0 , TS1) = 2k, k entier relatif, d’où l’ensemble des valeurs possibles de t, données par – 30t = ℓ0 + 2k a It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 14/113 Research interests Comme ℓ0 << a, le premier rattrapage se fait pour k = 0. Si l’on veut qu’il ait lieu pour 2 t = T0 = , on a finalement 0 ℓ0 =– 2a La valeur négative de signifie, selon un paradoxe apparent, que le satellite S1 doit freiner pour rattraper S0 devant lui. d) La série de manœuvres à accomplir pour un rendez-vous spatial est dictée par les résultats précédents. Les différentielles de II a) montrent que si un satellite accélère ( > 0), son rayon augmente ainsi que sa période, sa vitesse et sa vitesse angulaire diminuent. C’est l’inverse s’il freine ( < 0) ; son rayon diminue ainsi que sa période. Sa vitesse et sa vitesse angulaire augmentent. S’il faut que S1 rattrape S0 , il doit d’abord freiner, dépasser S0 sur une orbite légèrement plus basse, puis accélérer pour remonter à une orbite supérieure afin que S0 le rattrape, etc< III ____ a) Le satellite voit son énergie totale diminuer en permanence parce que dE = – kv dt < 0. D’après les résultats précédents, le satellite voit augmente sa vitesse sur une orbite de plus en plus basse, avec une période de plus en plus courte. Il va donc se désintégrer à terme. b) D’après I.a) d 3 dE = 2 E Or It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 15/113 Research interests T= 2 dT d soit =– . T D’où dT 3 dE =– . T 2 E Soit 1 dT 3 v = k T T 2 E On trouve la relation entre T et E d’après les égalités de II. a) pour une orbite circulaire T = 2 r GMTm avec r = – v 2E v = –2 E m Soit T= GMT 2 m3/2( – E) – 3/2 d’où – v = E –1 - Em d’où GMT2/3 E= m 2T 1 dT 3 1 GMT- 1/3 = – k T dt 2 m 2T It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 16/113 Research interests soit finalement dT 3k = – (2 GMT)-1/3T4/3 dt m c) On met cette équation sous la forme dT = – A T4/3 dt Après dérivation de T(t) = T0(t/t0) , on identifie les termes en t ce qui donne = – 3, et les termes constants, ce qui donne 3 = T01/3 t0 A d’où t – 3 3 3 T(t) = T0 = t – 3 t0 A Soit encore m 3 T(t) = 2 GMTt – 3 k d) T = 2 r et v = v GMT d’après I. b) r d’où It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 17/113 Research interests T = 2 r3 GMT Ou T² 4² = 3 r GMT qui est aussi la troisième loi de Képler appliquée à une orbite circulaire de rayon r, d’où GMT1/3 2/3 r(t) = T 4² soit finalement m 2 GMT –2 r(t) = t k (2)1/3 qui est une expression de type t -2 m 2 GMT r(t) = a avec at02 = . t0 k (2) 1/3 It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 18/113 Research interests Sujet proposé par Théo Héikay « Les hommes d’habitude, voient les choses telles qu’elles sont et disent ’’pourquoi ?’’. Je rêve de choses qui ne sont pas et je demande ’’pourquoi pas ?’’. » INTRODUCTION À côté des planètes, de dimensions plus faibles, et nettement plus nombreuses, on trouve les astéroïdes et les comètes. Ces objets, même s’ils peuvent donner lieu à des phénomènes spectaculaires comme la queue des comètes, sont en général d’observation difficile en raison de leur petitesse. Pourtant il est tout à fait essentiel de bien les connaître car ils sont le plus souvent les témoins des conditions originelles ayant prévalu à la formation du système solaire. Corps solides, ils réfléchissent la lumière visible du Soleil. Corps chauds, ils émettent un rayonnement thermique infrarouge. C’est donc dans ces deux domaines des ondes électromagnétiques que se font les observations, et le lancement de satellites a nettement amélioré notre connaissance de l’infrarouge émis par les objets célestes. Dans cette veine, le lancement de sondes, outre de très belles images d’objet aux formes souvent torturées, a fourni une meilleure compréhension des petits objets du système solaire et des conditions de formation de ce dernier. PRÉREQUIS Ils sont pour l’essentiel fournis par l’exercice qui, parfois, simplifie les théories existantes sans en travestir les résultats, comme dans le cas de la théorie cinétique des gaz et du recensement des chocs des molécules. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 19/113 Research interests ÉNONCÉ L’étude du rayonnement des comètes et des astéroïdes permet de remonter à deux caractéristiques essentielles : leur taille et leur albédo (rapport de l’énergie qu’ils réfléchissent à l’énergie qu’ils reçoivent). Ce dernier est relié à leur constitution, et l’ensemble permet d’appréhender leur masse. On dispose ainsi d’informations précieuses sur la dynamique et la nature de ces objets, et à partir de là, sur le comportement et l’évolution du système solaire. I _ Détermination de la taille et de l’albédo L’observation d’un petit corps peut se faire en lumière visible, cet objet réfléchissant vers la Terre une partie de la lumière solaire reçue, ainsi qu’en infrarouge car le rayonnement solaire absorbé en fait un émetteur thermique, assimilable à un corps noir. Soient EV et EIR les éclats (énergie reçue par unité de temps et unité de surface réceptrice perpendiculaire à la direction d’observation) de l’objet en visible et en infrarouge. On considère le petit corps A à son opposition (la Terre se situe entre lui et le Soleil). Sa distance à la Terre est alors ℓ et sa distance au Soleil d. Il est assimilé à un objet sphérique de rayon r et d’albédo . La distance de la Terre au Soleil est l’unité astronomique UA (d = 1 + UA). La luminosité du Soleil est L©. a) Considérant qu’à l’opposition, l’objet A réfléchit vers la Terre quatre fois plus de lumière visible qu’il ne le ferait pour une répartition isotrope dans tout l’espace, exprimer EV (1). b) Considérant que l’objet A se comporte comme un corps noir émettant thermiquement de façon isotrope un rayonnement infrarouge dans tout l’espace, exprimer EIR (2). c) De (1) et (2), tirer et r en fonction de EIR et EV. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 20/113 Research interests d) Pour l’astéroïde Ida, on a ℓ = 1,86 UA, EV = 0,54 nW/cm², EIR = 0, 77 n W/cm². Calculer r et . (On rappelle UA = 1,5.1011 m, L© = 3,86.1026 W) La sonde Galileo a survolé cet astéroïde et révélé un objet irrégulier, allongé de dimensions 50 km 15 km environ. Est-ce compatible avec les résultats précédents ? (L’analyse spectrophotométrique révèle un astéroïde dit de type S, c’est-à-dire silicaté pour lequel l’albédo est typiquement de 0,1 à 0,2). Si l’on prend ~ 3g/cm3 pour un minéral silicaté, estimer la masse de Ida. En fait, Galileo a mis en évidence la présence d’un petit satellite, Dactyl, qui orbite autour de Ida en 20 heures, à une distance d’environ 100 km. Estimer la masse de Ida en utilisant la 3e loi de Képler (a3/T2 = GM/4² où a est le rayon de la trajectoire du satellite, T sa période, M la masse de l’objet principal). En considérant Ida comme un « cigare » cylindrique ayant 50 km de long et 15 km de diamètre, calculer la masse volumique ’ réelle de Ida. Comparer avec . ’ Calculer l’indice de « porosité » de Ida = 1 – . Que conclure quand à la structure interne de Ida ? Peut-on suggérer un mécanisme pour sa formation ? e) La comète de Halley a été « redécouverte » en 1982, à une distance ℓ ~ 5 UA. Les mesures du rayonnement donnaient : EV = 2,1.10– 3 nW/cm², EIR = 1,3.10– 2 nW/cm². Calculer r et . La sonde Giotto en frôlant la comète (1985) a révélé un objet plus sombre que tout objet connu, en forme de « cacahuète » de dimensions 15 8 km environ. Le modèle est-il compatible avec ces observations in situ En supposant que la comète est faite de glace poreuse ( ~ 0,5/cm3) estimer la masse de Halley. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 21/113 Research interests II _ La situation particulière des comètes La méthode précédente est applicable a priori à tout corps du système solaire, petit ou non, comètes, astéroïdes, planètes, etc. Les comètes présentent cependant une situation particulière en ce sens qu’elles développent cette structure qui les rend si spectaculaires (atmosphère puis chevelure et queues) lorsqu’elles se rapprochent du Soleil, en raison de la sublimation de la glace s’échauffant sous l’effet de l’énergie croissante apportée par le rayonnement solaire. Soit L la chaleur latente de sublimation de la glace pour une molécule et Q le flux (nombre par unité de temps par unité de surface) de particules sublimées. a. Écrire l’équation de l’équilibre énergétique de la comète en considérant qu’elle rayonne comme un corps noir de température T. b. On veut déterminer la distance au Soleil en de-ça de laquelle la comète développe son atmosphère, ce qui invalide le modèle précédent. On considère que cette distance est celle à laquelle la chaleur nécessaire à la sublimation devient comparable à celle émise par rayonnement thermique, à savoir lorsque QL ~ T4. On doit exprimer Q en fonction de la température T de la comète. Soit donc un gaz à la température T, contenant n particules par unité de volume, de masse m. 1 En utilisant le théorème de l’équipartition de l’énergie kT par degré de liberté donner 2 la vitesse thermique moyenne v des particules en fonction de m et T. Exprimer le flux de particules heurtant la surface de n et v : Pour cela on considère un élément de volume cubique dont l’une des faces repose sur la surface et on admettra que la répartition isotrope des vitesses peut être simplifiée par des mouvements selon trois axes de coordonnées seulement. On suppose ensuite que chaque particule heurtant la surface s’y condense et on utilise la notion It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 22/113 Research interests d’équilibre thermodynamique pour affirmer que le flux de particules sublimées Q est égal au flux de particules condensées. Exprimer alors Q en fonction de n, T et m. c. Rappeler l’équation d’état d’un gaz parfait reliant la pression P à n et T. En supposant que la pression de vapeur PV du matériau cométaire sublimé suit une telle loi, montrer que l’on a Q= PV 12kTm On considère la comète comme un bloc de glace (propre). La chaleur latente de sublimation de la glace dépend peu de la température. On la prendra égale à 2,5.106 J.kg– 1. d. En déduire la valeur numérique de L. Le diagramme de phrases de l’eau est connu, en l’équation de la courbe de sublimation dans un diagramme P,T). Remplir le tableau suivant ( = 5,67.10– 8). T(K) 150 170 200 250 T4 (W/m²) PV (Pa) 3,5.10– 5 1,7.10– 3 1,7.10– 3 77 QL (W/m²) e. Commenter les comportements respectifs de T4 et QL. On appréciera en particulier la température à laquelle ces deux termes s’égalent (on peut par exemple tracer les courbes It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 23/113 Research interests log (T4) et log(QL) en fonction de T). Utiliser l’équation de II.a. pour trouver la distance au Soleil correspondante. On pourra utiliser pour cela la valeur de pour Halley. À quelle région du système solaire cette distance correspond-elle ? La plupart des comètes, probablement parce qu’elles sont constituées de glace (sale) semblent développer leur atmosphère après avoir passé l’orbite de Jupiter. Cela est-il compatible avec le résultat précédent ? Certaines comètes commencent cependant à développer leur atmosphère à des distances supérieures, sans doute parce qu’elles sont constituées de matériaux beaucoup plus volatils que la glace d’eau (glace de CO2 par exemple). It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 24/113 Research interests CORRIGÉ DE L’AUTEUR I __ a) Le Soleil étant une source isotrope, la puissance reçue par l’objet A est égale à d r² L© où d est l’angle solide sous lequel A est vu du Soleil, soit d = 4 d² A réfléchit vers la Terre une puissance r² L© 4 d ’, 4 d² où d ’ est l’angle solide sous lequel la Terre est vue de A, soit R²© d ’ = . d² L’éclat EV est égal à cette puissance divisée par la surface perpendiculaire au rayonnement ( R²©) d’où L© r² EV = (1) 4 d²ℓ² b) Pour calculer EIR on appliqué le même raisonnement sachant que A absorbe la partie (1 – ) de la puissance incidente et qu’en tant que corps noir il émet de façon isotrope dans tout l’espace. D’où (1 – ) L©r² EIR = 16d²ℓ² c) De (1) et (2), on tire aisément EV = EV + 4EIR 4 d²ℓ²(EV + 4E IR) 1/2 r = L© It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 25/113 Research interests d) A.N. pour Ida. On trouve ~ 0,15 et r ~ 13 km. Ces résultats sont compatibles avec les observations de Galileo. L’albédo trouvé est bien conforme à un astéroïde de type S. Le volume d’une sphère de rayon 13 km est équivalent à celui d’un « cigare » de 50 km de hauteur et de 15 km de diamètre, à savoir 8800 km3 environ. Avec ~ 3.103 kg/m3, on trouve une masse d’environ 2, 6. 1017 kg. L’application de la 3e loi de Képler à la trajectoire de Dactyl donne 4a3 M= ~ 1,2.1017 kg GT² La masse volumique « réelle » ’ est moins élevée que celle du matériau censé constituer l’astéroïde, à savoir 1,2.1017 ’ ~ ~ 1400 kg/m3 = 1,4 g/cm3 3,8.1013 L’indice de porosité est alors ’ p=1– = 0,53 L’astéroïde serait donc loin d’être compact et le matériau silicaté serait en fait plein d’interstices : on peut suggérer que l’astéroïde s’est formé par accrétion progressive de petits corps laissant entre eux, lors de leur fusion, de tels interstices. e) A.N. pour Halley On trouve ~ 0,04 ( = 0,1 pour du charbon) et r ~ 9 km. Résultats compatibles avec les observations de Giotto. Masse de Halley : It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 26/113 Research interests 4 3 r ~ 1,5.1015 kg 3 II _ a) À l’équilibre énergétique, on a r² (1 – ) L© = 4 r² T4 + 4 r² Q L. 4 d² soit encore (1 – ) L© = T4 + QL. 16 d² M~ b) D’après l’équilibre de l’énergie, la vitesse cinétique d’une particule sera 3 1 mv² = kT (3 degrés de liberté pour la translation) 2 2 soit v= 3 kL m 1 du nombre de particules va frapper la face du cube à la 6 surface de la comète. Si cette face a comme surface S, les particules heurtant la surface pendant l’instant dt sont comprises dans un parallélépipède de section S et de hauteur v dt, ce qui donne nv particules par unité de temps et unité de surface. On a finalement D’après le modèle, seul Q= 1 1 nv = n 6 6 3kT m c) On trouve aisément l’équation d’état du gaz parfait P = knT d’où It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 27/113 Research interests Q= PV 6kT 3kT = m PV 12 m KT d) L est la chaleur de sublimation par molécule, soit 2,5.106 J/N où N est le nombre de molécules d’eau contenues dans 1 kg, d’où L = 7,5.10– 20 J/molécule. Le tableau rempli est le suivant : _ T(K) 150 170 200 250 T4 (W/m²) 29 47 90 220 PV (Pa) 3,5.10– 5 1,7.10– 3 1,7.10– 3 77 QL (W/m²) 0,13 4,4 4,05.102 1,6.105 On voit que la part de l’énergie utilisée dans la sublimation de la glace cométaire, négligeable à températures basses (et fortes distances) devient comparable rapidement à l’émission thermique, puis prépondérante à des températures plus élevées (et des distances plus faibles). Une rapide résolution graphique montre que les deux types d’énergie sont comparables pour T ~ 190 K, correspondant à T4 ~ Q L = 75 W/m². De l’équation II. a), on déduit aisément, (1 – )L 1/2 d= ~ 4,5. 1011 m = 3 UA 32 T4 Ce qui correspond à une région comprise entre Mars et Jupiter, compatible avec les observations. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 28/113 Research interests Sujet proposé par Théo Héikay « Oh puissance d’imaginer, toi qui nous emportes parfois si loin hors de nous qu’on ne s’aperçoit pas que sonnent alentour mille trompettes, qui te met en mouvement ? » INTRODUCTION L’astrophysique présente en particulier deux intérêts essentiels : Montrer l’universalité des lois physiques « terrestres » Montrer en quoi le milieu terrestre est singulier. C’est cet aller-retour qu’on trouve à l’œuvre dans la planétologie. Les observateurs des planètes du système solaire montrent des phénomènes interprétables en termes de connaissances issues de l’observation de faits terrestres comparables. Inversement, l’immense diversité des phénomènes planétaires à l’œuvre dans le système solaire permet de mieux comprendre la grande singularité de la Terre et les raisons de cette singularité. Le présent problème examine dans un esprit comparatif les propriétés des planètes telluriques et la Lune de différents points de vue : formation, structure interne, vitesse d’évasion, températures, périastre et apoastre. PRÉREQUIS Les différentes notions nécessaires sont introduites dans le texte (équation d’équilibre d’hydrostatique, vitesse d’évasion, émission du corps noir, périastre et apoastre). It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 29/113 Research interests ÉNONCÉ On donne le tableau suivant, pour la Lune et les planètes telluriques Objet Terre Lune Mercure Vénus Mars Masse (kg) 5,97.1024 7,3.1022 3,3.1023 4,87.1024 6,4.1023 Rayons (103 km) 6,38 1,74 2,44 6,05 3,39 Demi-grand axe de l’orbite (UA) Excentricité 1 - 0,387 0,723 1,524 0,017 - 0,206 0,007 0,093 Albédo 0,3 0,07 0,06 0,76 0,15 Pression au sol (atm) 1 0 0 90 7.10 – 3 15 3 170 480 – 55 T (°C) moyenne On y trouve notamment les caractéristiques des ellipses orbitales des planètes : le demi – grand axe (a) et l’excentricité (e) qui est le rapport CS/a où S est la position du Soleil (foyer de l’ellipse) et C le centre de celle-ci. L’albédo () est le rapport de l’énergie solaire réfléchie par la planète à l’énergie solaire incidente. I Évolution originelle des planètes telluriques a) Utiliser les données des deux premières lignes pour construire un graphe donnant la masse volumique des différents objets en fonction de leur rayon. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 30/113 Research interests b) On remarquera qu’il est possible de tracer une droite passant assez bien par 4 de ces 5 objets. Que peut-on en déduire quant à l’origine du 5e objet ? II Structure interne des planètes telluriques Soit P® la pression à l’intérieur d’une planète, supposée sphérique et de masse volumique uniforme, à une distance r du centre. On rappelle que l’équation d’équilibre hydrostatique, qui donne la variation de pression dP sur une couche sphérique d’épaisseur dr, s’écrit Gm(r) dP = – dr r² où M ( r ) est la masse de la sphère de rayon r. a) Déterminer la pression PC au centre de la planète en fonction de G, et R rayon de la planète, en admettant que la pression à la surface est négligeable. b) Réaliser l’application numérique pour les objets du tableau. Que penser de la structure interne de Mars ? Peut-on justifier la non-existence actuelle d’un champ magnétique dipolaire martien ? c) On considère une comète de noyau sphérique de rayon RC = 1 km, de masse volumique C = 500 kgm– 3. Calculer sa masse et sa pression au centre. Que penser de la structure interne du noyau ? III Vitesses d’évasion On considère un satellite de masse m orbitant à une distance d’un objet de masse M >>m. Les deux sont considérés comme sphériques. La vitesse de m dans un référentiel lié à M est v. On appelle vitesse de libération v 1 la valeur de v telle que le mobile puisse s’écarter à l’infini de M avec une vitesse alors nulle. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 31/113 Research interests Exprimer v1 en fonction de M et . Calculer les vitesses de libération à la surface des objets. Commenter en rapprochant ces valeurs trouvées avec la présence ou non d’atmosphère (révélée par la valeur de la pression au sol). IV Températures Sous l’effet du rayonnement solaire les planètes s’échauffent et rayonnent à leur tour, mais dans l’infrarouge. On admet qu’elles se comportent comme des corps noirs sphériques (elles émettent de façon isotrope un rayonnement de puissance T4 par unité de surface. est la constante de Stefan-Bolztmann = 5,67.10– 8 SI). a) L© étant la luminosité solaire, exprimer la puissance solaire absorbée par l’objet en fonction de L© , a, D er R (D distance Soleil-planète) b) Donner la puissance émise par la planète à la température Te (température effective déduite des lois du corps noir) et déduire Te en fonction de L© , D, , de l’équilibre énergétique de l’objet. c) Faire l’application numérique (on assimilera D à a) et comparer la valeur de Te avec les températures observées. Commenter. (UA = 1,496.1011m, L© = 3,86.1026 W ) d) Différencier l’expression de IV. b) pour exprimer dTe en fonction de dD. V Périastre et apoastre Le point d’une orbite planétaire le plus éloigné de l’étoile attractive s’appelle apoastre (aphélie pour le Soleil). Le plus rapproché, le périastre (périhélie pour le Soleil). On rappelle que les distances de l’astre au périastre et à l’apoastre sont respectivement a(1 – e) et a(1 + e). a) Donner l’expression littérale de l’écart entre les distances de l’aphélie et du périhélie. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 32/113 Research interests b) Faire l’application numérique pour les 4 planètes. Calculer Te correspondant. Que penser du Te de Mars pour son régime climatique ? It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 33/113 Research interests CORRIGÉ DE L’AUTEUR I _ a) Le tableau servant pour le graphe est le suivant : Objet Rayon (103 km) (g/cm3) Terre 6,38 5,52 Lune 1,74 3,33 Mercure 2,44 5,44 Venus 6,05 5,25 Mars 3,39 3,94 c) Le point représentatif de Mercure est notablement en-dehors de la droite. On peut raisonnablement penser que Mercure provient en fait de la rupture d’un objet plus important. Cela est cohérent avec son orbite plus excentrique (e = 0,2) et située relativement en-dehors du plan moyen des orbites des planètes du système solaire (l’angle entre les deux plans est de 7°) II _ a) M ( r) = 4 r3 3 d’où dP = – 4 G 2 rdr 3 d’où par intégration P (r) – 0 = 2 G 2 2 2 (R – r ) 3 It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 34/113 Research interests On a P( r ) = PC pour r = 0, d’où 2G2 2 R 3 GM qu’on peut encore mettre sous la forme PC = 2R b) A.N. PC = Objet PC (atm) Terre 1,7.106 Lune 4,7.104 Mercure 2,5.105 Vénus 1,4.106 Mars 2,5.105 La lune et Mars ont une pression interne relativement basse, sans doute trop faible pour que dans le cas de Mars (la Lune n’a probablement pas de noyau de fer) le fer soit à l’état liquide, ce qui explique l’absence de champ magnétique martien. Mercure, par son origine, est atypique. Elle présente d’ailleurs un champ magnétique. c) Pour la comète, 4 RC3 C soit M ~ 2. 1012 kg 3 La pression PC ~ 4.10– 4 atm. Cette pression est extrêmement faible, le milieu est poreux car sa masse volumique est deux fois plus faible que la glace le constituant. Il s’agit donc d’un milieu lâche, peu résistant, quasiment vaporeux, à tel point que l’équation d’équilibre hydrostatique ci-dessus n’est pas valable, la gravité étant trop faible par rapport aux forces et cohésion de la glace, même poreuse. Cela se constate d’ailleurs par la forme non sphérique des noyaux cométaires. La fragilité de la cohésion cométaire explique également la facilité qu’ont le Soleil et des planètes comme Jupiter à les rompre par effet de marée. M= It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 35/113 Research interests III _ Dans un référentiel lié à la masse M, le système planète-satellite a une énergie totale GmM 1 E = mv² – = cste (pour un système isolé) r 2 Si v1 est la valeur de v à la distance r pour laquelle on peut avoir v = 0 avec infini, v1 est telle que E = 0 – 0 = 0. D’où v1 = 2GM r A.N. Objet v1(km/s) Terre 11,2 Lune 2,4 Mercure 4,3 Vénus 10,3 Mars 5,0 La Lune et Mercure n’ont pas d’atmosphère. Celle de Mars est ténue. Un objet retiendra d’autant moins facilement une atmosphère que la vitesse de libération à sa surface sera faible. IV _ a) La puissance incidente sur un objet est celle qui est interceptée par une section R². À une distance D la puissance solaire totale (L © ) est répartie uniformément sur une surface 4D². La puissance absorbée par l’objet est donc R2 (1 – ) L © 4D² b) La puissance émise par l’objet est 4R²Te4 , d’où à l’équilibre, It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 36/113 Research interests R2 (1 – ) L ©1/4 4R²Te = (1 – ) L © et Te = 4D² 16D² 4 c) A.N. Objet Te (°C) Tobservée (°C) Terre – 18 15 Lune 1 3 Mercure 167 170 Vénus – 42 480 Mars – 56 – 55 Dans le cas de Vénus, très nettement, et de la Terre, l’effet de serre explique que la température observée est plus élevée que la température effective théorique. Pour les objets ayant peu ou pas d’atmosphère, l’effet de serre est négligeable ou nul. La comparaison des températures et l’écart de température entre le point subsolaire et la face opposée au Soleil peut être considérable. Moyenner la température observée revêt une signification artificielle. d) Par différentiation de L © (1 – )1/4 Te = 16D² qu’on peut mettre sous la forme Te = kD –1/2, on a dTe 1 dD =– Te 2 D Soit Te = – 1 D Te 2 D pour D D petit It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 37/113 Research interests V _ a) D = a(1 + e) – a(1 – e) = 2ae et D = 2e d’où |Te| = eTe. D b) A.N. Objet D (km) |Te| (K) Terre 5.106 4 Mercure 2,3.107 90 Vénus 1,5.106 2 Mars 4,3.107 20 L’écart de température entre périhélie et aphélie est très important pour Mercure mais on ne peut parler de conséquence climatique en l’absence d’atmosphère. L’écart est important pour Mars en raison de l’excentricité de l’orbite. Il a pour conséquence d’accentuer les contrastes climatiques lors de l’année martienne entre les 2 hémisphères martiens. Il doit être ajouté à une précession importante probable de l’axe de rotation martien, ce qui doit entraîner une évolution climatique relativement chaotique pour Mars. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 38/113 Research interests Sujet proposé par Théo Héikay INTRODUCTION Le « ménage cosmique » est mal fait. Il y a de la poussière partout, en particulier au sein du système solaire, entre les planètes et les baignant en permanence, reliquat de la nébuleuse originelle, mais aussi produit des collisions d’astéroïdes plus récentes ou traînées de comètes de passage, etc. ces poussières ont un destin individuel qui résulte des influences conjuguées du Soleil (attraction, pression de radiation, vent solaire) et des planètes (perturbations gravitationnelles). Le présent problème examine certaine de ces influences et la façon dont elles déterminent le destin des poussières, tout en aboutissant à ce résultat que le ménage reste à faire. PRÉREQUIS Notions fondamentales de mécaniques appliquées notamment à la gravitation. ÉNONCÉ On cherche quelle est la trajectoire d’une poussière interplanétaire sous l’action combinée de l’attraction gravitationnelle du Soleil (FG) et de la force de pression répulsive due au rayonnement solaire (FN). I_ Influences respectives de FG et FR It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 39/113 Research interests On considère une poussière sphérique de rayon a, de masse volumique , orbitant sur une trajectoire circulaire de rayon r0 autour du Soleil (luminosité L*, masse M*). a) _ Calculer FG et FR (dans ce dernier cas on supposera que chaque photon incident sur la poussière lui transmet intégralement sa quantité de mouvement). En déduire FR /FG en fonction de a, , M*, L*. b) _ Prenant 4g /cm3, discuter du destin de la poussière en fonction de son rayon (L* = 3,83 1026 W, M* = 2.1030 kg). II _ Effet Poynting-Roertson On se place dans le cas FR < FG et l’on tient compte du phénomène de l’aberration de la lumière, à savoir que les rayons solaires n’arrivent pas parallèlement au rayon v vecteur Soleil-poussière réel mais avec un angle = (v est la vitesse de la poussière, c ce qui crée une force de freinage F’ , composante tangentielle de la force FR ). C’est l’effet Poynting-Robertson. a) _ Le freinage entraîne dE < 0 où E est l’énergie totale du système (Soleil-poussière) dans un référentiel héliocentrique. b) À partir du théorème de l’énergie cinétique, établir l’équation différentielle vérifiée par la fonction r(t). c) Résoudre cette équation pour trouver le temps de chute de la poussière sur le Soleil en fonction de a, , L* et r0 (qu’on supposera beaucoup plus grand que le rayon du Soleil R*). Donner la relation numérique entre (en années) et (en g/cm3), a (en m) et r0 (en UA). d) Faire l’application numérique pour = 4,3 g/cm3, a = 1 m, r0 = 1 UA et 40 UA It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 40/113 Research interests e) L’effet Poynting-Robertson aboutirait à vider le système solaire sa poussière. On constate que cette poussière est bien présente. Quels sont les phénomènes physiques qu’il faudrait en fait prendre également en compte pour expliquer cette permanence ? It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 41/113 Research interests CORRIGÉ DE L’AUTEUR I _ a) _ FR = GmM* r02 Pour calculer FR, il faut connaître la quantité d’énergie radiative reçue par seconde par la poussière. Le Soleil émettant de façon isotrope, cette énergie est égale à a2 L* . 4r20 E On sait qu’un photon d’énergie E emporte une quantité de mouvement FR qui est c la quantité de mouvement reçue par la poussière en une seconde est donc a2 FR = L* 4cr20 a2 3L* 1 d'où FR / FG = L* = 4cGM*m 16cGM* a 0,14 10 – 6 b) _ Pour = 4 g/cm ,on obtient FR / FG = . a 3 Donc si a 0,14 m, FR FG. Les petites poussières sont évacuées du système solaire par la pression de radiation solaire. II _ a) _ Dans le cas de la seule attraction gravitationnelle, en circulaire, on a mv² GM*m = soit v = r r² GM*m , pour une orbite r² GM* et une énergie totale r It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 42/113 Research interests GM*m GM*m 1 1 E = mv² – = – mv² = – . r² 2r 2 2 Si E diminue, en fonction d’un freinage par exemple, on voit que r diminue et que v augmente. Dans le cas présent, la force résultante agissant sur la poussière est F G – FR 1 a2 égale à GM*m – L* . r² 4c 1 Cette force est attractive (FG > FR), également en et les conclusions sont inchangées r² pour ce qui est des conséquences d’un freinage, en l’occurrence dû à l’effet PoyntingRobertson. v v b) _ la force de freinage est F’ = FR ( F = – FR vectoriellement) c c Pendant dt, la perte d’énergie totale est donc : a2 dE = F dl = – F’vdt = – L* v² dt 4c2r2 dE a2 1 Comme E = – mv², on a = L* dt E 2mc2r2 2 Or E= – GM*m 2r soit Er = cste d’où It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 43/113 Research interests dE dr = – E r soit dr a2 = – L* dt r 2mc2r2 Et finalement a2 dt mc2 c) _ r0 étant la distance initiale, l’intégration de cette équation donne : a2 r²0 – R²* = L* mc2 soit mc2 4c2ar20 (r0 >> R*) = r² 0 = 3L* L* a2 2r dr = – L* d) _ Avec les unités demandées ( en g/cm3, a en m et r0 en UA) on obtient : 7 102 ar²0 Pour a = 1, = 4,3 et r0 = 1, on obtient 3 103 Et pour r0 = 40, 5 106 a d) _ La permanence de poussière interplanétaire s’explique par l’existence de phénomènes physiques non pris en compte par le modèle. En particulier l’existence du vent solaire qui a tendance à repousser les poussières et donc à les empêcher de tomber sur le Soleil, ainsi que l’existence des perturbations planétaires. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 44/113 Research interests Faire comprendre en moins d’une heure ce que veut dire E = mc 2, n’est pas chose facile. Aussi, vais-je plutôt essayer de vous expliquer ce que cette formule ne veut pas dire. Comme la plupart des énoncés centraux de la science contemporaine, elle a fait l’objet de tant d’exégèses, commentaires et dissertations diverses, qu’elle en est comme recouverte de nombreuses interprétations, souvent fallacieuses ( E = ma 2, E = mb2). Il faut donc se livrer à tout un travail de décapage avant de pouvoir s’attaquer à la formule elle-même, et c’est essentiellement à ce décapage que je voudrais procéder ici. D’ailleurs, E = mc 2, comme toute autre formule, n’a aucun sens prise isolément ; elle appartient à un ensemble de relations structurelles entre divers concepts physiques, et ne prend sa pleine signification qu’au sein de la théorie à laquelle elle appartient__ à savoir, la théorie de la relativité Einsteinienne. Reste que, contrairement à beaucoup d’autres aspects de la physique contemporaine, cette formule se prête à une certaine mythification, voire même mystification, parce qu’elle est, ou qu’elle semble, très simple. Comment imaginer une formule plus élémentaire que celle qui lie trois grandeurs E, m, c, avec au surplus le seul petit nombre 2 ? De fait, les autres formules, même de base, relevant de la théorie de la relativité, telles les transformations de Lorentz, s’avèrent plus compliquées, à l’œil du profane en tout cas, et exhibent d’assez laides « racines de un moins vé-deux sur cé v2 deux » 1 – 2 en grand nombre. La formule E = mc 2 affiche une trompeuse c simplicité qui évidemment a joué pour beaucoup dans l’engouement dont elle a été l’objet, et l’a rendue souvent aussi fumeuse que fameuse. La difficulté en l’occurrence est la suivante : It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 45/113 Research interests les grandeurs qu’elle fait intervenir ( E, m, c) sont des grandeurs aux noms anciens et communs __ l’énergie, la masse, la vitesse. Or, précisément, toute la révolution théorique menée par Einstein montre que ces concepts doivent être pris en un sens différent de leur sens initial. Dès que Einstein eut écrit E = mc 2, les mots énergie, masse et vitesse changèrent de sens__ en tout cas dans un certain contexte théorique. C’est là un problème épistémologique classique, que nous rencontrons dans presque toutes les disciplines de la physique, celui de la continuité, ou plutôt de la discontinuité sémantique au travers d’une révolution scientifique. Quand des idées radicalement nouvelles apparaissent, elles ne peuvent naître que sur le terreau ancien. Il est donc parfaitement naturel qu’elles soient formulées avec des mots anciens. Une fois ces idées nouvelles acceptées, on ne peut pas pour autant transformer toute la terminologie, puisque ce serait faire fi des subtiles liaisons entre l’ancien et le nouveau, et personne ne s’y reconnaîtrait. Encore faudrait-il ne pas en être dupe et savoir que, après 1905, les mots énergie, masse et même le mot vitesse ont subi une profonde mutation __ pour les physiciens, s’entend. Il y a là un paradoxe constitutif de la physique : elle avance des concepts non seulement nouveaux, mais relativement abstraits, éloignés de l’expérience courante, alors que nous ne disposons pour en parler que de la langue commune et de termes scientifiques empruntés aux époques passées de la science. Mais il faut en même temps affronter un autre paradoxe, spécifique, lui, de la physique contemporaine, son retard sur elle-même. Si l’on considère l’histoire de cette science au XIXe siècle, on constate que la communauté scientifique a en permanence accompli un effort considérable pour réinterpréter, voire renommer, ses concepts. Le travail de recherche théorique, la créativité scientifique proprement dite, s’est accompagné de façon à peu près systématique d’un travail de refonte épistémologique. Les physiciens pensaient qu’ils calculeraient très vite après. Je It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 46/113 Research interests crains bien qu’il n’en soit plus de même, plus suffisamment en tout cas, depuis quelques décennies. Car savoir c’est aller au-devant de la douleur. Ainsi, la physique contemporaine est marquée simultanément par une très grande avancée sur le plan de son expression formalisée et de ses capacités expérimentales, et par un certain nombre de retards conceptuels dont je n’ai malheureusement pas le temps de débattre aujourd’hui. Attaquons-nous donc enfin à la formule E = mc 2. Avant d’en arriver à Einstein, essayons de nous rappeler ce que l’on savait avant lui. L’énergie, d’abord, dans ce que j’appellerai désormais la théorie classique, avant 1905, possède une caractéristique conceptuelle tout à fait fondamentale : on ne mesure que des différences d’énergie. On peut, en comparant deux états d’un même système, savoir quelle est la quantité d’énergie perdue ou gagnée, la différence entre l’énergie, initiale et l’énergie finale, mais il n’y a pas de zéro d’énergie, et pas d’échelle absolue sur laquelle on pourrait la compter. En théorie classique, on ne peut pas parler de l’énergie absolue d’un corps, de l’énergie totale qu’il contiendrait. Or, c’est un trait assez général de la physique moderne que d’avoir introduit pour un certain nombre de grandeur des échelles absolues, là où l’on n’avait que des échelles relatives. On connaît, bien sûr, le cas de la température, où la fin du XIXe siècle a vu s’imposer l’idée d’un « zéro absolu ». On verra qu’on a un peu la même situation ici, dans le cas de l’énergie. Maintenant, qu’est-ce que la masse dans la théorie classique ? Depuis Newton, on appelle masse d’un objet une mesure de quantité de la matière qu’il contient. C’est donc une idée statique. Mais cette grandeur a une autre fonction : elle mesure aussi la résistance à la modification du mouvement, autrement dit l’inertie, qui est une idée dynamique, liée au mouvement. C’est a priori un rôle différent. Il n’y a pas de relation évidente, sinon qualitative, entre la quantité de matière d’un corps et ce que l’on pourrait appeler son coefficient d’inertie. On sent intuitivement que les deux concepts sont liés : plus un corps est lourd, donc massif, plus il va être difficile de le mettre en mouvement ou de le freiner. Toutefois, il se pourrait que la relation entre la It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 47/113 Research interests quantité de matière statique, la masse, et le coefficient d’inertie dynamique, ne soit pas une pure et simple identification. Dans la théorie Newtonienne certes, il y a identification, mais c’est justement ce qu’Einstein va mettre en cause. Il va montrer que la réfection de la théorie de l’espace-temps à laquelle il procède, la modification de notre conception de la géométrie spatio-temporelle, a une double conséquence sur le concept même d’énergie. D’une part, l’inertie n’est plus identique à la masse. La résistance à la modification de l’état de mouvement d’un corps n’est plus constante, elle dépend de sa vitesse. Toute la théorie Einsteinienne est liée de façon indissoluble à l’idée qu’il existe une vitesse limite, le c de la fameuse formule. Il faut pour qu’il soit, de fait, impossible d’accélérer un corps jusqu’à la vitesse limite c__ et encore plus impossible de le dépasser __ que ce corps oppose une résistance de plus en plus grande à la tentative de l’accélérer, au fur et à mesure que son énergie augmente avec sa vitesse. Plus il va vite, plus il est difficile de le faire aller un peut plus vite. Sa résistance à l’acquisition d’une quantité donnée de vitesse sera de plus en plus grande, son inertie de plus en plus forte. Techniquement, cela se traduit par le fait que dans la théorie Einsteinienne, l’inertie ne s’identifie plus à la masse, mais à l’énergie. Et c’est la deuxième signification de la formule E = mc 2, qui n’est que rarement explicitée. Il conviendrait de spécifier cette grandeur inertie, et de la repérer, par exemple en la notant I. L’on devrait alors écrire en fait deux formules en lieu et de la traditionnelle E = mc 2 : Une première, énonçant que le contenu énergétique interne d’un corps est lié à sa masse, qu’il est donné par cette masse multipliée par une certaine constante, qui se trouve être le carré de la vitesse limite. Mais il faut insister sur le fait qu’il s’agit bien de It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 48/113 Research interests 1) l’énergie interne du corps, ou, ce qui revient au même, de son énergie lorsqu’il est au repos, et n’a pas d’énergie cinétique. Cette énergie interne on peut la noter spécifiquement E 0, l’indice précisant bien qu’il s’agit de l’énergie à la vitesse nulle. On écrira alors : E 0 = mc 2. 2) Une seconde formule, évidemment liée à la précédente, mais liant l’énergie E (totale, ici énergie cinétique comprise) et l’inertie I. Cette formule s’écrit : E = Ic 2. Bien entendu, pour une vitesse nulle (corps au repos), cette seconde formule se réduit à la première, puisque l’inertie, à faible vitesse , est donnée par la masse, comme l’indique déjà la théorie classique. De façon plus précise, la théorie indique la relation suivante entre masse, inertie et vitesse : M I= . Comme on s’y attend, l’inertie croît indéfiniment quand la vitesse v v2 1– 2 c tend vers la vitesse limite c. La théorie Einsteinienne modifie donc notre conception même de l’énergie, puisque désormais ce mot désigne à la fois la grandeur conservée au cours des transformations d’un système isolé, dont l’énergie potentielle et l’énergie cinétique sont deux formes spécifiques, et le coefficient d’inertie du système. Plus généralement, les relations entre deux théories dont l’une (ici, la mécanique Newtonienne ) est une approximation de l’autre (c’est-à-dire, la mécanique Einsteinienne), posent d’intéressantes questions épistémologiques. Pour les faibles vitesses, les petites énergies, la théorie de Einstein se confond en effet avec la théorie de Newton. A notre échelle, pour des vitesses de quelques dizaines de kilomètres par heure, et même par seconde, nous pouvons continuer à utiliser la bonne vieille théorie classique. La S.N.C.F. n’a pas besoin de recourir à la relativité Einsteinienne pour établir les horaires des trains__ même ceux des TGV. La théorie classique est simplement une approximation, aux faibles vitesses, de la théorie moderne Einsteinienne. Mais cette approximation est singulière, et c’est un point qui est It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 49/113 Research interests rarement indiqué avec suffisamment de force : on ne passe pas continûment et sans rupture d’un cadre conceptuel à l’autre. Formellement, on peut, bien entendu, prendre les équations Einsteiniennes, y identifier tous les termes qui contiennent le coefficient c, et jouer à le faire tendre vers l’infini, c’est-à-dire considérer la limite où toutes les vitesses v sont négligeables devant c. On constate ainsi que les équations Einsteiniennes finissent par tendre vers les équations Newtoniennes, comme il se doit. Mais cette manipulation mathématique formelle des équations fait l’impasse sur la transformation conceptuelle des grandeurs qu’elles mettent en jeu. Il y a bien modification continue d’une théorie en une autre, mais aussi discontinuité de leurs significations conceptuelles. Sans une conscience aiguë de ce problème, on risque de commettre beaucoup d’impairs dans la compréhension de la physique contemporaine. Reste dans la formule E = mc 2 une grandeur à discuter. Qu’est-ce que c ? La « vitesse de la lumière », dit-on< Mais pourquoi la lumière ? Que vient-elle faire quand on applique la formule à la physique nucléaire, par exemple ? Dans ce domaine, la masse, donc l’énergie change, par le jeu des forces nucléaires spécifiques à l’intérieur du noyau atomique, forces qui n’ont strictement rien à voir, pour autant que nous le sachions aujourd’hui, avec les interactions électromagnétiques dont la lumière (plus généralement le champ électromagnétique) est l’agent. De fait, la lumière n’a rien à faire dans la plupart des situations physiques (sauf celles concernant l’électromagnétisme) où l’on emploie la formule E = mc 2. Dans cette formule, c n’est pas la vitesse de la lumière, et devrait plutôt être appelé « vitesse limite », ou, mieux « constante d’Einstein ». En fait, il existe dans la structure de l’espace temps Einsteinien une constante structurelle, c, qui a les dimensions d’une vitesse, se mesure en unités d’espace divisés par un temps et qui régit en quelque sorte, le rapport entre l’espace et le temps. Cette constante d’Einstein en tant que telle n’est pas fondamentalement différente de bien d’autres constantes de la physique, It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 50/113 Research interests connues (comme la constante de Joule) ou cachées, comme l’exemple suivant le montre. Il s’agit d’une métaphore, qui, même si elle peut sembler naïve, est parfaitement valide. Dans l’aviation, on ne mesure pas les distances verticales et les distances horizontales avec la même unité. On mesure les verticales en pieds, les horizontales en milles. Pour faire des conversions, on utilise une « constante universelle » qui permet d’exprimer le rapport des hauteurs verticales aux distances horizontales (en pieds / milles). La constante c dans la plupart des formules Einsteiniennes est un coefficient de même nature, dont la signification est géométrique, ou plutôt chronogéométrique, qui permet de transformer des secondes en mètres, ou mieux, des années (temps) en années-lumière (distances). Exactement comme la « constante aéronautique » permet de transformer des milles en pieds. On montre ensuite, dans le développement de la théorie, que cette constante, qui vaut environ trois cent mille kilomètres par seconde et qui a donc les dimensions d’une vitesse, acquiert un sens physique en repérant une vitesse limite, indispensable. Les objets usuels, de vitesse variable, quelle que soit l’énergie qu’on leur communique, ne peuvent jamais atteindre la vitesse limite. Mais, et c’est l’une des singularités fort peu intuitives de la théorie Einsteinienne, il existe des objets, sans analogue au niveau classique, de masse nulle (au sens Einsteinien de la masse, bien sûr), qui, eux, se déplacent toujours à la vitesse limite, ni plus loin, ni moins. Il semble que la lumière soit composée de tels objets, les photons, et se propage donc bien avec cette vitesse limite ; mais cette assertion est soumise à vérification expérimentale, et pourrait un jour ne se révéler qu’approximativement valide __ autrement dit, la lumière n’irait plus à la « vitesse de la lumière »< Ainsi, appeler « vitesse de la lumière » la constante d’Einstein conduit à singulièrement rétrécir sa signification, au risque de sérieux malentendus. Il ne faut donc pas attribuer à cet agent physique particulier qu’est la lumière un rôle dans une situation physique beaucoup plus générale, où il n’a rien à faire, l’équivalence universelle entre masse et énergie. Bien entendu, la très forte valeur numérique de la constante d’Einstein It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 51/113 Research interests exprimée avec nos unités courantes (trois cent mille kilomètres par seconde) n’est pas sans importance quant au statut assez ésotérique encore de la relativité Einsteinienne. Car le contenu empirique de la formule d’Einstein, comme de l’ensemble de sa théorie, aussi étrange qu’elle puisse paraître, est désormais parfaitement assuré. Il se vérifie quotidiennement dans les expériences des laboratoires de physique des particules, par exemple, ou dans les observations des grands observatoires astronomiques. Chaque fois qu’un corps change de masse, il change d’énergie interne, chaque fois qu’il change d’énergie totale, il change d’inertie. Mais alors pourquoi a-t-il fallu attendre 1905 pour s’en apercevoir ? Parce que le contenu énergétique d’un corps est gigantesque par rapport aux grandeurs de notre échelle courante. En fait, la constante c, exprimée avec nos unités quotidiennes, est tellement grande, 3 10 5 km / s, soit au carré 10 17 m 2 /s 2, que l’équivalence entre m et E est disproportionnée : une masse de un kilogramme équivaut à 10 17 joules. Le contenu énergétique d’un morceau de matière ordinaire est tellement gigantesque que les modifications de son énergie cinétique, quand je l’accélère, ou quand j’en extrais un peu d’énergie potentielle, sont infimes par rapport à son énergie totale, et ne se manifestent pas de façon perceptible à notre échelle sur sa masse ou son inertie. Dit d’une autre manière, ce zéro d’énergie que révèle la théorie de la relativité est tellement bas par rapport au niveau d’énergie où nous opérons, il faut descendre tellement bas en énergie pour arriver à ce zéro, que nous ne l’avons pas perçu pendant très longtemps. La situation est tout à fait similaire, de ce point de vue, à celle du zéro absolu de température, sauf que l’échelle ici est beaucoup plus considérable. Permettez-moi pour conclure d’insister sur la nécessité de la réflexion conceptuelle, aussi importante pour la science aujourd’hui que le développement technique. Faute de développer cette vision, nécessairement critique, nous risquerions de nous retrouver dans un monde de machines, aussi bien matérielles qu’intellectuelles, qui It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 52/113 Research interests fonctionneraient assez bien, mais que nous ne comprendrions plus. C’est dire que le progrès de la science n’a rien d’assuré< BIBLIOGRAPHIE ( sélective ) - M. BORATAV / R. KERNER – « Relativité », ellipses , 1991 Encyclopaedia Universalis, article « Masse » ( JMLL ) Collectif sous la direction d’Emile NOËL, L’Espace et le temps aujourd’hui (« PointsSciences », Seuil 1983) Quelques questions qui m’ont été posées : __ Peut-on admettre que le photon a une quantité de mouvement hv hv et une masse 2 comme c c on peut souvent le lire dans certains ouvrages ? On retrouve dans beaucoup de manuels anciens, cette situation à laquelle j’ai fait allusion : une formulation théorique conséquente, mais décrite avec des mots et un langage qui ne sont plus adaptés. Aujourd’hui, je crois que nous utiliserions un langage un peu différent. Tout le monde est d’accord sur la quantité de mouvement It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 53/113 Research interests hv , c’est l’alliance de la théorie quantique et la c hv théorie de la relativité qui nous le dit. En revanche, nous ne considérons pas 2 c comme sa masse, mais comme son inertie. Il s’agit bien d’introduire ce concept èsqualité. Je l’ai dit plus haut, le photon n’a pas de masse, parce que la masse c’est la quantité de matière que possède un corps quand je le pose, qu’il est immobile. Mais je ne peux pas poser le photon, il est continuellement en mouvement. Il échappe donc à cette caractérisation. Je ne peux parler du contenu énergétique d’un corps immobile, ou de ce qu’on appelait autrefois sa « masse au repos », quand il n’a pas de repos ! d’un photon, c’est effectivement ___ Vous sembliez ne pas vouloir identifier la vitesse du photon à la vitesse limite. Le fait que le photon ait une masse nulle n’est-il pas une raison suffisante pour dire qu’il y a identification ? Sinon, quelle est la raison pour ne pas faire cette identification ? Toute la question justement est de savoir si la masse du photon est vraiment nulle ! Si tel est le cas, la vitesse limite est bien identique à la vitesse de la lumière. Mais, même dans ce cas, l’une des raisons pour lesquelles il convient de distinguer ces deux termes, c'est qu'il se peut que la vitesse limite ne soit pas seulement la vitesse des photons : les neutrinos, qui sont d’autres particules fondamentales, ont peut-être aussi une masse nulle et se déplacent alors aussi à la vitesse limite. Maintenant il s’agit de savoir si le photon a vraiment une masse nulle. Pour un physicien, il est absolument impossible d’affirmer qu’une grandeur, quelle qu’elle soit, a rigoureusement la valeur zéro, pas plus d’ailleurs que n’importe quelle autre valeur. Tout ce que je sais de la masse du photon, c’est ce que disent mes collègues expérimentateurs : « Elle est très faible ! Inférieur, selon nos mesures actuelles, à 10 – 50 kg ». Mais si demain, on découvre que cette masse est non-nulle, alors, le photon ne va pas à la vitesse de la lumière< Certes, il irait presque toujours à une vitesse It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 54/113 Research interests tellement proche de la vitesse limite que nous ne verrions que très difficilement la différence, mais conceptuellement, il pourrait exister des photons immobiles, et la différence est essentielle. Or, nous ne saurons évidemment jamais si la masse est rigoureusement nulle ; nous pourrons diminuer la borne supérieure, mais jamais l’annuler. Acceptons donc l’idée que la masse du photon est nulle, et que les photons vont à la vitesse limite, mais n’oublions pas que ce n’est pas une nécessité. Cela est important pour la raison suivante. Supposez que demain un expérimentateur soit capable de vraiment mettre la main sur le photon, et de dire qu’il n’a pas une masse nulle. Qu’il a une masse de, mettons 10 – 60 kg. Sa masse n’est pas nulle, et du coup la lumière ne va plus à la « vitesse de la lumière ». Vous pouvez imaginer les gros titres dans la presse : « la théorie de la relativité s’effondre », « Einstein s’est trompé », etc. Or cette éventuelle observation ne serait en rien contradictoire avec la théorie de la relativité ! Einstein a certes construit sa théorie en analysant des échanges de signaux lumineux propagés à la vitesse limite. Si on trouve que le photon a une masse nonnulle, ce sera que cette vitesse n’est pas la vitesse limite, et la démonstration initiale s’effondre donc. Mais ce n’est pas parce qu’une démonstration est erronée que son résultat est faux ! Quand vous avez une table à plusieurs pieds, vous pouvez en couper un, elle continue à tenir debout. Et heureusement, la théorie de la relativité a plusieurs pieds. Nous savons depuis longtemps, bien que ce ne soit pas encore de notoriété suffisamment publique, y compris dans l’enseignement, que l’on peut complètement se passer de ce prétendu « second postulat » d’Einstein sur l’invariance de la vitesse de la lumière. S’il faut s’en débarrasser, cela ne posera aucun problème de le remplacer, et ne mettra pas en péril l’édifice de la théorie elle-même. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 55/113 Research interests Comment peut-on comprendre qu’un photon ait une quantité de mouvement alors qu’il a une masse nulle ? Si l’on part de la définition de la quantité de mouvement P = mv , comment comprendre que M étant nulle, P soit différent de zéro ? Nous rencontrons une fois de plus cette situation où il faut prendre garde de ne pas extrapoler dans une théorie des concepts qui cessent justement d’y être valables. La formule P = mv est établie au sein de la théorie Newtonienne, dans une conceptualisation où la masse, la vitesse et la quantité de mouvement ont une certaine signification. Quand on passe en théorie Einsteinienne, ces trois concepts mutent. Ainsi, la bonne formule Einsteinienne n’est pas P = mv, tout au moins si l’on désigne bien par m ce que la physique moderne appelle masse, celle de l’objet au repos. La formulation correcte consiste à écrire P = Iv, I étant le coefficient d’inertie introduit plus haut, et qui généralise l’une des facettes Newtoniennes de la notion de masse. Quand Newton énonce que la force, ce n’est jamais que la dérivée par rapport au temps de la quantité de mouvement, cela signifie qu’il faut une force pour changer une quantité de mouvement, qui est , pour lui, proportionnelle à la masse. Par conséquent, plus la masse est grande, plus il va falloir une grande force. Donc, dans la formule de Newton, c’est fondamentalement la masse en tant qu’inertie qui intervient. C’est bien pour cela que lorsque l’on la généralise dans le cadre Einsteinien, il faut faire intervenir explicitement le coefficient d’inertie. Pour en revenir au photon, son inertie, en théorie Einsteinienne, ne peut s’exprimer en fonction de sa masse parce qu’elle est nulle, ni en fonction de sa vitesse, parce qu’elle est invariante. De fait, la grandeur quantité de mouvement est, d’un certain point de vue, plus fondamentale que les grandeurs masse ou vitesse, puisque même des particules qui n’ont pas de masse, ou dont la vitesse ne peut changer, ont quand même une quantité de mouvement __ comme elles ont d’ailleurs aussi une énergie. Les grandeurs énergie et quantité de mouvement, parce qu’elles sont liées à de grandes lois de transformation, sont en fait les grandeurs essentielles. Dans une présentation It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 56/113 Research interests moderne, il convient ainsi de mettre au premier plan les grandeurs conservées, la quantité de mouvement, l’énergie, et de poser dans un second temps la question de savoir comment on les exprime en termes des masses et des vitesses. Le leitmotiv de cet exposé a été la nécessité d’être suffisamment attentif dans le maniement des concepts pour ne pas poser, dans un nouveau cadre conceptuel, des questions qui n’avaient de sens que dans l’ancien. On peut éclairer cette assertion par une analogie qui a eu son heure de vérité historique. Quand on a commencé à comprendre que la Terre était ronde, on s’est dit qu’il devait y avoir des gens de l’autre côté. Le problème fondamental devenait alors : s’il y a des gens aux Antipodes, comment font-ils pour ne pas tomber ? Ce problème est tout à fait du même ordre que de poser à la quantité de mouvement dans le cadre Einsteinien une question qui n’est valable que dans le cadre Newtonien. Si la Terre est ronde, cela veut dire que la notion même de chute, c’est-à-dire de haut et de bas, doit être modifiée en même temps que la forme de la Terre. On ne peut pas à la fois accepter que la Terre soit ronde, et continuer à penser qu’il existe un haut et un bas absolus. On est obligé de faire muter tout le système conceptuel, de façon à accepter l’idée que le haut et le bas, désormais, sont relatifs à l'endroit où l'on se trouve sur la Terre. C’est pourquoi les gens des Antipodes ne tombent pas ! En d’autres termes, une théorie est un tout organisé, un jeu de concepts articulés, et on ne peut considérer l’un d’entre eux sans prendre en compte la façon dont il s’articule avec les autres. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 57/113 Research interests Témoignage d’un maître « Parmi les essais que l’on reçoit, il y a ceux que l’on pose de côté « pour plus tard », ceux que l’on parcourt et puis ceux qu’on lit. Et parmi ceux-ci, ceux qu’on aime tellement qu’on est jaloux : « Quel beau sujet, je regrette de n’y avoir pas pensé » ; ou mieux, « j’aurais aimé écrire cet essaie » ; ou encore plus, « si je l’avais écrit, j’aurais fait autrement, mieux même ». Pour celui-ci, l’écrire mieux – et même l’écrire tout court serait une autre paire de manches. Car ce que fait ce diable d’ Héikay c’est tout simplement prodigieux. On l’aura compris, en le lisant et en l’écoutant, j’ai pensé, j’ai réagi, j’ai ri, j’ai rencontré un auteur, un style, en un mot, j’ai aimé. Et je prévois _ je souhaite _ que nombreux seront ceux qui comme moi liront, réagiront, riront, aimeront ; et se diront : « En fait, si on me l’avait raconté comme cela à l’époque, la physique théorique, peut-être que moi aussi je serais devenu une tête d’œuf ! » » T.X.T. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 58/113 Research interests Théo Héikay À l’occasion de la fête de la science, j’ai voulu dans cet article répondre à la question : C’est quoi, un physicien ? Pour moi, c’est d’abord quelqu’un qui pense qu’il y a du grain à moudre pour l’intelligence lorsque celle-ci s’intéresse à la matière. Ce pari sur l’intelligibilité d’une partie du monde se décline de plusieurs manières, car la matière ne se présente pas à nous d’une façon unique. Plusieurs niveaux d’organisation doivent donc être étudiés : les particules élémentaires, les noyaux atomiques, les atomes, les solides, les tas de sable, les étoiles, les galaxies, et même l’Univers tout entier… À chaque type d’objet on peut associer une discipline de la physique. Et dans chaque discipline, des théoriciens, des expérimentateurs, des qui sont un peu les deux… Certains portés vers la philosophie, d’autres qui lui sont allergiques… L’idée d’un Univers en expansion a germé aux alentours de l’année 1917. Jusqu’à cette date, les physiciens de l’époque considéraient que l’Univers était globalement statique. Et même le plus novateur d’entre eux, Albert Einstein (1879-1955), épousa cette thèse, alors même que l’expansion de l’Univers s’intégrait naturellement dans sa théorie cosmologique. En effet, la théorie de la relativité générale d’Einstein, s’appliquait à la géométrie de l’Univers tout entier. Mais Einstein supposa d’emblée que l’Univers était statique, autrement dit, que son rayon était contant. En conséquence, la solution était trouvée, mais sa principale faille était qu’elle était vide de matière. Or comment peut-on nier l’existence de la matière ? Le modèle proposé était donc rectifiable. C’est alors que Einstein révisa sa formulation antérieure en lui rajoutant une constante. La modification opérée n’était pas arbitraire, car la solution proposée était générale. Son seul défaut était d’exiger une constante supplémentaire, ce qu’on appelle couramment aujourd’hui, la constante cosmologique. Les physiciens en revanche, ont une préférence pour des solutions simplifiées, non pour des raisons purement esthétiques (encore que la recherche de l’esthétisme peut être utile en science) mais parce que It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 59/113 Research interests le nombre de degré de liberté des paramètres dénombrables, limite une meilleure comparaison avec l’expérience. On se souvient par exemple que la simplicité du modèle planétaire de Copernic a eu raison du modèle proposé par Ptolémée, car ce dernier comportait trop de cercles épicycles et déférents. 1917 marque donc le coup d’envoi de l’expansion de l’Univers, dans la mesure où, un mathématicien néerlandais, nommé W. de Sitter (1872-1934) proposa une généralisation des équations (cosmologiques) d’Einstein. W. de Sitter trouva des solutions non statiques mais dépourvues encore de matière. Après plusieurs années de tâtonnement, A. Friedman, météorologue de formation montra qu’à condition d’accepter l’idée d’un Univers non statique, il serait possible de trouver des solutions incorporant de la matière. L’idée d’un Univers en cours de dilation commençait à être acceptée dans la sphère des physiciens. On ignore si elle a incité les astronomes à tester les prédictions qui en découlaient, à savoir que les galaxies devaient s’éloigné les une des autres dans un Univers en expansion (ou, en revanche, converger dans un Univers en contraction). Ce dont on est sûr, c’est que les bases de la découverte de ce qu’il est convenu désormais d’appeler l’expansion de l’Univers étaient jetées. J’essaierai de parler de cette découverte, mais aussi de ses enjeux et des récents progrès réalisés grâce aux télescopes spatiaux, sans oublier les théories alternatives. I- La découverte de l’expansion de l’Univers L’astronome W . Herschell (1738-1822) recensa des objets nébuleux qui furent considérés comme des éléments constitutifs de notre galaxie, la Voie lactée. Il n’était cependant pas encore possible d’évaluer leur distance, par ailleurs, les erreurs de mesures de mouvement propre empêchaient de les positionner très loin. Néanmoins, un certain nombre d’astronomes étaient convaincus de la nature extragalactique de certaines nébuleuses. La confirmation de ce résultat a été faite par l’astronome américain E. Hubble (1889-1953) qui arriva à identifier des étoiles variable dans la galaxie d’Andromède. Par suite, Hubble mena une étude sur d’autres nébuleuses de grande dimension, NGC 6822, M 33. La démonstration It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 60/113 Research interests du concept d’objets extérieurs, d’Univers-îles venait d’être faite, même si Hubble ne parlait de « système stellaire lointain », que de « galaxie ». L’identification des galaxies comme étant des objets extérieurs à notre Voie lactée était faite en partie en 1925 grâce aux recherches de Hubble. La mesure de la vitesse des astres se faisait par le biais de l’analyse spectrale par application de la loi de Döppler-Fizeau. Cette loi nous enseigne que les longueurs d’onde se décalent avec la vitesse de l’astre. À cette époque, l’un des professeurs du jeune étudiant Edwin Hubble, Slipher notait que les nébuleuses avaient des vitesses très grandes par rapport à celles des étoiles et de plus leurs vitesses divergeaient de l’observateur(exception faite à la grande galaxie d’Andromède) comme si celui-ci était placé au centre. La première tentative d’une corrélation de la vitesse de fuite des galaxies et de leur distance fut faite par K. Lundmark. Si l’on se réfère sur les rares mesures disponibles, Lundmark prédisait une loi quadratique admettant un extremum local (en l’occurrence, un maximum). Quelques années plus tard, Edwin Hubble prenait l’option d’une représentation linéaire qui s’est avérée être très efficace jusqu’à des distances de plusieurs milliards d’années-lumière. La loi de Hubble est d’une simplicité lumineuse : v=HD où v est la vitesse de fuite de la galaxie, D sa distance et H une constante de proportionnalité, la constante dite de Hubble. L’évaluation de la constante de Hubble se situe entre 50km.s1.Mpc- 1 et 100 km.s- 1.Mpc- 1 , si la mesure de la vitesse se fait en km.s - 1 et la distance en Mégaparsecs (1Mpc = 3,26 millions d’années –lumière). Qu’est ce qui suggère ces incertitudes ? Pourquoi toutes les galaxies semblent-elles diverger de d’un point fixe (l’observateur en l’occurrence) ? Qu’en résulte-t-il de notre compréhension de l’Univers ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer. II- L’éclairage de la relativité générale La déflexion (déviation d’un faisceau d’électrons par un champ électrostatique ou magnétique) de la lumière au voisinage du Soleil fut l’une des toutes premières vérifications It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 61/113 Research interests expérimentales de la théorie Einsteinienne. Le champ de gravitation intense déforme pour ainsi dire la géométrie de l’Univers, en conséquence, la lumière qui épouse les lignes naturelles de l’Univers (appelées encore les géodésiques), est déviée. Ce phénomène a été mis en exergue ces dernières années de manière amplifiée dans les amas de galaxies agissant comme des gigantesques lentilles optiques déformant l’image des objets placés en filigrane. Einstein nous enseigne que l’univers est courbe dans son ensemble. Un rayon épousant une géodésique de l’Univers suivrait une trajectoire courbe. Ce qui modifie du même coup la perception euclidienne que nous avons de l’Univers. La visualisation de la courbure de l’espace à trois dimension, jointe à la quatrième dimension qu’est le temps, n’est cependant pas aisé. Honnêtement, on imagine plutôt l’espace réel comme une sphère. Or dans cette vision des choses, un rayon lumineux se déplaçant dans l’espace physique réel serait condamné à rester à la surface de la sphère. Il y va de même pour toute matière réelle. En supposant que la croissance du rayon R de la sphère est proportionnel au temps cosmique t, on prouve aisément que deux points de la sphère _ par exemple, deux galaxies _ s’éloignent l’un de l’autre avec une vitesse qui serait proportionnelle à la mesure de leur distance dans l’espace physique, i.e le long d’un arc de cercle de la sphère (voir encadré 1 ). C’est justement ce que nous enseigne la loi de Hubble. Par ailleurs, l’observateur à la surface de la sphère a l’impression de voir les autres points de la surface s’éloigner comme s’il était au centre. La connaissance de la variation du rayon de la sphère en fonction du temps nous permet de démontrer aisément que l’âge de l’Univers est donné par l’inverse de la constante de Hubble. L’échelle des âges est une conséquence de ce point crucial. La prédiction de l’âge de l’Univers par une constante de Hubble supérieure à 75 km.s - 1.Mpc-1 est notablement au dessous des 20 milliards d’années d’âge prédits par les modèles d’évolution stellaire appliqués aux vieux amas globulaires. Il est par conséquent clair qu’il faut élucider la principale difficulté avec les grandes valeurs de la constante de Hubble, pour ne pas se retrouver avec un Univers plus jeune que son contenu. La constante cosmologique serait peut-être la réponse à ce lemme, mais nous avons vu que les physiciens et astronomes refusaient cette solution ultime. Le problème reste donc entièrement ouvert. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 62/113 Research interests Précisons toutefois que l’explication géométrique discutée ci-dessus ne fait pas l’unanimité dans la sphère scientifique. Le physicien L. de Broglie (1892-1987) suggéra une explication différente avec sa théorie dite de la « lumière fatiguée ». D’après de Broglie, les photons (les grains de lumière) sont affectés pendant leur long trajet dans l’espace. Une explication naturelle est donc trouvée par la loi linéaire de Hubble à savoir : Plus le cheminement est long, plus la perte d’énergie (qui se traduit par le décalage vers les grandes longueurs d’ondes) est importante. Cette idée est toujours d’actualité et a été reprise sous différentes formes. À l’aide de certains tests, on évalue la variation des grandeurs observables comme la brillance superficielle des galaxies, la forme des courbes de luminosité des supernovae et la température du rayonnement du fond cosmologique. En comparant les résultats obtenus avec la prédiction des théories, avec ou sans expansion, les mesures bien que difficiles, semblent confirmer l’hypothèse de l’expansion géométrique. La théorie de l’Univers stationnaire a été âprement défendue par l’astronome britannique F. Hoyle. Sa théorie présente quelques aspects séduisants dont la perfection de son principe cosmologique. Selon ce principe, aucun observateur n’est privilégié, que ça soit dans l’espace _ la description de la nature est faite par l’équivalence des points de l’espace _ ni dans le temps. À moins de créer de la matière spontanément, au fur et à mesure de la dilation de l’Univers, ce dernier point s’oppose à toute idée d’expansion. La théorie a été modifiée afin qu’elle intègre les résultats observationnels récents comme la découverte du rayonnement fossile mais obtenir l’adhésion de la communauté scientifique. Pour clore ce chapitre, nous pouvons dire que, l’explication géométrique traduit mieux la loi de Hubble. Notre Univers serait en pleine expansion ! III- La mesure de la constante de Hubble présente quelques difficultés Il est relativement facile de mesurer les vitesses de fuite des galaxies par la spectroscopie, en tenant compte du décalage des raies spectrales. Supposons que ce décalage soit , alors la c vitesse de la galaxie serait v = , c étant la vitesse de la lumière, ce, en vertu de la loi Döppler-Fizeau. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 63/113 Research interests Si la distance D d’une galaxie de vitesse radiale v, pouvait se mesurer, la constante de v Hubble se déduirait très facilement car H = . La difficulté majeure concerne la distance D des galaxies lointaines. D’où l’incertitude sur l’estimation de H. Essayons d’analyser l’origine de cette difficulté. C’est par comparaison avec une galaxie semblable, plus proche qu’on obtient la distance d’une galaxie lointaine. Mais ce qui vient d’être dit autorise à risquer une question : que signifie « semblable » ? Deux galaxies qui ont la même énergie cinétique interne – cette énergie se mesurant soit par la vitesse de rotation du gaz pour les galaxies spirales en rotation rapide, soit par la vitesse moyenne d’agitation des étoiles (dispersion des vitesses) pour les galaxies elliptiques ayant peu ou pas de rotation _ doivent avoir la même masse en vertu d’un théorème de mécanique (théorème du viriel) et donc la même luminosité dans la mesure où il existe une corrélation entre la masse et la luminosité. Deux galaxies semblables auront par conséquent intrinsèquement la même luminosité. En comparant l’éclat (c’est-à-dire la magnitude apparente) des deux galaxies semblables, nous obtenons le rapport de leurs distances, dans la mesure où l’éclat varie selon une loi très bien connue (l’éclat diminue comme l’inverse du carré de la distance, par un effet de dilution du rayonnement). Ce qui veut dire que connaissant la distance de la galaxie proche, la distance de la galaxie lointaine se déduit immédiatement de ce rapport des distances. La complexité de la nature nous empêche d’appliquer la simplicité de ce principe. Car une même énergie cinétique est associée non à une luminosité mais à une distribution de luminosités, distributions bien représentées par une courbe de Gauss. La solution serait peut-être de considérer la valeur moyenne. Hélas, il en est rien, car, pour des distances faibles, on observe toutes les galaxies d’une énergie cinétique interne donnée, alors que pour des distances très grandes, on ne voit que les plus lumineuses. La moyenne n’a pas un sens équivalent à faible distance et à grande distance. Par ailleurs, le nombre de galaxies croît avec la distance, d’où l’augmentation des chances à grande distance, d’avoir It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 64/113 Research interests des galaxies anormalement lumineuses. Le sens de la valeur moyenne est faussé par l’intervention de ce deuxième facteur. Mon propos est illustré par la figure 1, qui représente la magnitude absolue (luminosité intrinsèque en échelle logarithmique) en fonction du module de distance (distance exprimée en échelle logarithmique) pour un échantillon de plus de 20 000 galaxies extrait du CD-Rom produit par la base de données extragalactiques LEDA (PGC-ROM 2001). Cette figure à elle seule est l’illustration de l’essentiel de ce qu’il faut comprendre sur le biais de Malmquist qui parasite la détermination de la constante de Hubble : ) La coupure est associée à la limite de visibilité atteinte par les grands catalogues (magnitude apparente de 15). Au-delà de cette coupure, il est très difficile de détecter les galaxies, car elles sont trop peu lumineuses. Notons que les galaxies lumineuses sont vers le bas du graphique. Le graphique serait une bande horizontale, si toutes les galaxies étaient visibles. En réalité les galaxies restantes sont de manière intrinsèque brillantes avec des grandes distances. ) Supposons que nous isolions un instant la coupure, et complétons par la pensée les points manquants, nous nous apercevons que, le nombre de galaxies croît avec la distante, ce pour un même intervalle en distance (le graphique indique plus de points à droite qu’à gauche). ) La probabilité de trouver une galaxie exceptionnellement brillante s’accroît dans un échantillonnage plus vaste, ce qui explique pourquoi les galaxies exceptionnellement brillantes (les points les plus bas du graphique) n’apparaissent qu’à des distances très grandes. Ces raisons font qu’on a tendance à minorer les distances, donc à majorer la valeur de la constante de Hubble. Proportionnellement, on minore l’âge de l’Univers. Dès les années 1920, un astronome suédois, Malmquist (1893-1983), comprit l’origine de ce biais statistique, en étudiant les luminosités des étoiles. D’où l’appellation, biais de Malmquist. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 65/113 Research interests Le travail qui nous attend est donc d’avoir une meilleure approximation des incertitudes induites par la comparaison des galaxies lointaines aux galaxies proches. Améliorer ces incertitudes, c’est : a) Mieux évaluer la distance des galaxies dites de calibration (ie des galaxies proches) b) Mieux évaluer des mesures relatives aux galaxies lointaines. Accrochons-nous à l’espoir que le raffinement de ces mesures sera bientôt possible. IV- Les évaluations venues de l’espace La distance des galaxies dites de calibration dépend de l’étude des étoiles qu’elles contiennent. Il est par conséquent possible de reconnaître des étoiles semblables à celles rencontrées dans le voisinage du Soleil, compte tenu de la proximité de ces galaxies, d’où à une meilleure évaluation de leur distance. Certaines comme les étoiles de Céphéides, se prêtent singulièrement bien à cette identification, car la variation de leur magnitude est périodique. Mieux la période de variation est corrélée à leur luminosité. Malheureusement, nous ne pouvons appliquer la méthode géométrique de triangulation aux distances des Céphéides de notre voisinage, car, trop lointaines. Ce n’est que par une méthode indirecte que nous parvenons à connaître leur luminosité. La comparaison avec les Céphéides extragalactiques, reconnues dans les galaxies proches, conduit à une distance encore incertaine pour ces galaxies. Pouvons-nous obtenir la distance des Céphéides proches par une méthode géométrique ? Si oui, quel savoir-faire disposons-nous ? Nous sommes en effet limités par le pouvoir de séparation des instruments. Il nous faut mesurer le déplacement apparent des étoiles provoqué par la rotation de la Terre sur son orbite. Les calculs prouvent que pour les Céphéides les plus proches, et ce jusqu’à 3000 a.l., le déplacement en question n’excède pas 1 millième de seconde de degré (angle sous lequel on voit une pièce de monnaie de 1 € placée à 4 700 km !). Or l’atmosphère terrestre transforme les images ponctuelles en images de 50 à 100 fois plus grandes que le déplacement à mesurer, en conséquence, une telle précision It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 66/113 Research interests absolue est quasi inaccessible depuis le sol ( c’est un peu comme si l’on voulait mesurer au 1 10 de mm, une longueur marquée au stylo). L’astronome français P. Lacroute, proposa de lancer il y a déjà plus de 15 ans, un satellite capable d’atteindre la précision requise. Il serait probablement possible d’évaluer la position absolue des astres, par une visée simultanée dans deux directions, ce avec une précision de 0,001’’, soit dix fois mieux que ce que l’on peut obtenir depuis le sol. Ce rêve s’est concrétisé par le lancement du satellite HIPPARCOS (High Precision Parllax Collecting Satellite) en 1989. Sous la direction de J. Kovalevsky et de C. Turon, quelques astronomes français ont levé le défi de mener à bien ce projet ambitieux. Il en découle des premières estimations de ce satellite que, les galaxies servant d’étalonnage à l’échelle des distances seraient plus lointaines que ce que nous pensions. Ces distances de référence augmenteraient de 10 à 20%. Une deuxième évaluation vient encore de l’espace et singulièrement du HST, le « Hubble Space Telescope », un télescope composé d’un miroir de 2,4 mètres de diamètre et placé sur orbite circulaire à une altitude de 610 km en 1990 (un défaut de construction optique a été corrigé en 1993 en ajoutant une lentille correctrice, en raison de sa myopie). On arrive à reconnaître les Céphéides dans les galaxies beaucoup plus lointaines. Il faut donc s’attendre à une croissance du nombre de galaxies de calibration et surtout, à une obtention directe de la constante de Hubble. Qu’est-ce que cela veut dire ? Rappelons que la loi dite de Hubble nous permet de prédire l’éloignement des galaxies avec une vitesse appelée « vitesse cosmologique ». Mais alors, tout comme ce qui se passe au niveau des molécules de gaz, la vitesse dite « mécanique » d’agitation des galaxies s’ajoute à la « vitesse cosmologique ». L’ordre de grandeur de cette vitesse d’agitation est d’environ de quelques centaines de kilomètres par seconde, si bien que pour des distances très grandes, elle est négligeable devant la vitesse cosmologique. Inversement, à faible distance, on néglige It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 67/113 Research interests la vitesse cosmologique. La vitesse observée n’est cependant plus corrélée à la distance. Dans ce cas, la constante de Hubble ne peut être déduite des galaxies trop proches. La mesure directe des distances des Céphéides appartenant à des galaxies lointaines par le télescope HST, permettra de calculer la constante de Hubble sans avoir recours aux galaxies proches. Les débuts de ce travail, ont été marqué par le programme W. Freedman. On a cru rapidement, en observant les premières images des Céphéides de la belle galaxie spirale M100, appartenant probablement à l’amas de galaxie Virgo, que la constante de Hubble H = 85 km.s-1.Mpc-1, mais on s’est aperçu que la vitesse cosmologique attribuée à Virgo par Freedman était trop élevée _ une meilleure estimation aurait donné une valeur H = 72 85 km.s-1.Mpc-1. Par ailleurs, on sein de la communauté scientifique, on y trouve des écoles qui pensent que la galaxie M100 serait située en avant de l’amas Virgo, ce qui a pour conséquence de réduire considérablement la vitesse cosmologique de cette galaxie et donc la constante de Hubble qui en est déduite. Précisons que Freedman a obtenu son résultat quand parallèlement d’autres auteurs trouvaient des résultats similaires par des méthodes différentes : fluctuations de la brillance de surface avec la distance par Tonry, universalité de la fonction de luminosité des nébuleuses planétaires par Jacoby et calibration des supernovae par Phillips et Pierce, séparément. On a cru un moment que le débat sur la constante de Hubble était définitivement clos. Malheureusement, on avait pas intégré toute la subtilité du biais de Malmquist, subtilité clamée par Sandage et Tammann depuis longtemps mais admirablement analysée par l’astronome finlandais P. Teerikorpi en collaboration avec l’équipe française regroupée autour de L. Gouguenheim et L. Bottinelli. Ces chercheurs ont imaginé de tracer un diagramme où la constante de Hubble est portée en fonction de la distance et de la luminosité (distance évaluée par la vitesse et luminosité estimée par l’énergie cinétique de rotation) pour chaque galaxie de l’échantillon, afin de mettre en exergue l’existence de ce biais. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 68/113 Research interests En analysant ce diagramme, il est clair que la constante de Hubble est surévaluée si la galaxie considérée est peu lumineuse et/ou lointaine. La principale difficulté se trouve en effet là. Deux facteurs simultanés influence le biais. Ce diagramme a le mérite de sélectionner les galaxies non-biaisées, et de donner une meilleure correction de la constante de Hubble, pour ces seules galaxies. Le résultat conduit à une valeur de la constante de Hubble 70 km.s-1.Mpc-1. V- Conclusion provisoire La finesse de la constante de Hubble dépend des progrès effectués dans les mesures et dans l’analyse. La constante est passée de 500 à 200, puis il y a eu deux paradigmes : D’une part, ceux qui pensaient que H = 100 km.s-1.Mpc-1 et d’autres au contraire pour qui H = 50 km.s-1.Mpc-1 . Aujourd’hui la valeur admise de H est comprise dans l’intervalle *45, 85+, sur la base de la calibration ancienne. Si le satellite HIPPARCOS modifie cette calibration on pourrait encore s’attendre à une diminution, car le biais de Malmquist peut également s’avérer être utile pour les distances stellaires. De plus, l’âge des amas globulaires est aujourd’hui de 15 milliards d’années. Il est donc susceptible de se concilier aux faibles valeurs de la constante de Hubble. Sandage, le premier à avoir ouvert une voie nouvelle sur les petites valeurs de H, conclut dans un article récent : « Il n’y a pas de problème pour l’échelle de temps en cosmologie »< Quelle certitude ? Quelle espérance ? Quel savoir ? Que devons-nous retenir de cette tentative d’explication de l’expansion de l’Univers à haute voix ? D’abord une façon de chercher du sens dans l’insignifiant ; du « projet » dans le plus petit des hasards ; de l’événement dans la ténuité des choses. Sur un plan plus personnel, j’ai voulu en rédigeant ces lignes apporter un peu de lumière dans un sujet obscur. Et c’est ce dont nous avons tous besoin : un peu plus de lumière. Je ne sais pas si je suis parvenu à mon but, mais je me suis fait plaisir en rédigeant ces lignes. Puissent-elles nous servir. Je ne sais ce qui me fait dire que la perte de la certitude est en même temps l’invitation au méta-point de vue. L’acquisition de la relativité n’est pas la chute It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 69/113 Research interests dans le relativisme. Toute découverte d’une limite à la connaissance est en elle-même un progrès de connaissance. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 70/113 Research interests _ Pensez-vous que l’on puisse vulgariser la physique, traduire en phrases accessibles des formules purement mathématiques ? Théo _ C’est vrai que la physique théorique est si mathématique qu’elle est perçue comme une construction qui surplombe le langage. En marge des bavardages, aux antipodes du culte du vague, elle serait une sorte d’alpinisme intellectuel consistant à grimper jusqu’à des altitudes himalayennes où le logos est rare et la vérité, mutique. Les défenseurs de ce point de vue considèrent évidemment qu’expliquer la physique par des mots relève de la haute trahison. Certains faits peuvent leur donner raison : quand il s’intéresse à la science, le langage littéraire explore parfois des analogies douteuses, il monte en épingle les ressemblances les plus superficielles, bref, il enjolive : c’est tellement plus facile de dire quelque chose de beau que quelque chose de précis ! _ Alors comment s’y prendre pour faire comprendre au grand public quelque chose de la physique ? Théo _ La diffusion de ses idées suppose une narration, qui, elle, passe nécessairement par la langue ordinaire. Cette narration ne consiste jamais en une traduction pure et simple : mise en phrases, n’importe quelle équation de la physique perd toute concision et l’essentiel de sa puissance. Il n’est donc pas question de traduire symbole, en langue naturelle. Il faut trouver des « trucs » permettant de verbaliser _ de baliser le verbe _ l’étrangeté des concepts de la physique moderne. Les équations et les quarks ne parlant jamais d’eux-mêmes, il faut bien que quelqu’un le fasse à leur place. Mais je suis, aujourd’hui, désabusé quant à l’efficacité de la vulgarisation : il existe une forme de « dictature du simple », comme si tout pouvait être expliqué à la manière du journal télévisé de 20 heures ! C’est un leurre qui conduit parfois aux pires malentendus ! Voici plus de trois heures que nous conversons dans ce cadre feutré, mais me comprenez-vous si je vous dis que je ne fais pas de la vulgarisation, au sens où je n’essaie pas de simplifier, ni même d’expliquer. J’adopte une forme de stratégie d’évitement. En mettant en scène des êtres mathématiques, je ne fournis pas à l’auditeur un contenu de savoir mais j’essaie aussi It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 71/113 Research interests de l’éveiller à la réflexion. Il faut redécouvrir ce que les philosophes grecs appelaient « l’étonnement ». _ L’étonnement, c’est bien joli, mais aujourd’hui le physicien est souvent sollicité pour répondre à des questions concrètes et brûlantes< Théo _ C’est bien le problème ! Le grand public ne s’intéresse que rarement au travail, en tant que tel, du physicien. Ce qu’il attend, ce sont des réponses. Or la science ne conclut que rarement, et, quand elle conclut, elle ne conclut que de manière partielle et mesurée. Le physicien n’est pas plus habilité que qui que ce soit à se prononcer sur des questions de morale, d’amour sur le sens ultime de la vie et la mort. Les gens nous demandent s’ils ont le droit de croire en Dieu ; ils voudraient une sorte de caution scientifique. C’est toujours délicat< _ Ne peut-on espérer que les physiciens soient, un jour, capables de nous expliquer le sens de l’Univers ? Ou même de nous parler de Dieu ? Théo _ Ce sont de drôles de questions, même si elles nous sont souvent posées. La puissance de la physique vient de ce qu’elle a su limiter ses ambitions. Par exemple, elle n’essaie pas de résoudre le problème de la nature du temps. Elle cherche plutôt la meilleure façon de représenter le temps, ce qui est tout autre affaire. Quant à Dieu, elle l’a mis de côté. Cela ne veut pas dire qu’elle l’exclut. Mais qui peut dire à quoi on pourrait reconnaître Dieu au bout d’un accélérateur de particules ou au tournant d’une équation ? Je suis conscient que la physique contemporaine pose des questions qui relèvent de la métaphysique, qu’il lui faudrait affronter sans détour. En ce qui concerne Dieu, j’aime beaucoup la boutade attribuée à Wolfgang Pauli, l’un des pères de la physique quantique, parlant de Paul Dirac, un autre très grand théoricien. Pauli disait : « Notre ami Dirac a aussi sa religion. Le premier commandement de cette religion est : Dieu n’existe pas et Dirac est son prophète. » À méditer, non ? It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 72/113 Research interests Le 23 février 1987, les astronomes de l’hémisphère Sud purent observer en direct l’explosion d’une étoile massive (15 fois la masse du Soleil) dans le Grand Nuage de Magellan. Au centre, on voit le reste de la supernova entouré d’un anneau gazeux expulsé quand l’étoile morte était une géante rouge. Lorsqu’une supernova explose, elle envoie dans l’espace une grosse quantité de gaz, à très grande vitesse. L’enveloppe de gaz en expansion rapide génère une onde de choc quand elle It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 73/113 Research interests rencontre du gaz interstellaire, ce qui la chauffe à des millions de degrés et lui fait émettre de la lumière, d’où ce spectacle de toute beauté. Nous voyons ci-dessus une partie de la Boucle du Cygne, à une distance de 2600 annéeslumière, un immense complexe de lambeaux stellaires, ce qui subsiste d’une étoile massive qui a explosé il y a quelque 15 000 ans. Les restes de supernova jouent un rôle très important dans l’évolution cosmique : non seulement ils ensemencent l’espace interstellaire d’éléments lourds fabriqués par l’étoile de son vivant et par la supernova, mais l’onde de choc qu’ils créent peut aussi déclencher la formation de nouvelles étoiles en comprimant le gaz interstellaire. La galaxie de la Roue de chariot (ci-dessus), située à 500 millions d’années-lumière dans la direction de la constellation du Sculpteur, est le résultat d’une rare et spectaculaire collision frontale entre deux galaxies. Originellement, cette galaxie était une spirale, comme la Voie lactée (on voit encore son bulbe au centre). Puis une galaxie est venue la transpercer, il y a quelque 200 millions d’années, créant une immense onde de choc qui s’est propagée à 300 000 km/h à travers le disque de la galaxie, faisant s’effondrer les nuages gazeux et déclenchant la formation d’étoiles. Les étoiles lumineuses à l’intérieur de l’anneau ont vécu leur vie et sont mortes après quelques dizaines de millions d’années. Elles ne sont donc plus visibles. L’anneau, de 150 000 années-lumière de diamètre (assez grand pour contenir la Voie lactée) est composé d’étoiles bleues formées récemment, il y a quelques millions d’années, It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 74/113 Research interests après le passage de l’onde de choc, dans de gigantesques amas, ce qui lui confère un aspect grumeleux. Deux vues de l’univers, la plus profonde que l’humanité ait jamais obtenues, permettant d’étudier des galaxies plus éloignées que toutes celles connues. Elles ont été prises pendant environ 100 heures d’observations pour chacune par Hubble, dans les directions des pôles Nord (à gauche) et Sud (à droite) de la Voie lactée : il y a moins de gaz et de poussière qui obscurcissent la vue dans ces deux directions. Toutes deux nous donnent un aperçu de l’Univers à travers l’espace et le temps : les galaxies les plus grosses et les plus lumineuses sont les plus proches et les plus âgées, tandis que les plus petites et les moins brillantes et les plus distantes et les plus jeunes. Les galaxies les plus faibles sont quatre milliards de fois moins lumineuses que ce que peut percevoir l’œil humain, et elles nous permettent de remonter le temps de quelque 12 milliards d’années, quand l’Univers n’avait que le septième de son âge actuel. Les deux vues recouvrent un tout petit bout de ciel, mais chacune contient au moins 1500 galaxies de toutes sortes et à différentes étapes de développement. En émettant l’hypothèse que ces deux vues sont représentatives et en extrapolant à partir d’elles à l’Univers observable entier, on en déduit que celui-ci contient quelque 100 milliards de galaxies. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 75/113 Research interests La nébuleuse d’Orion située à 1500 années-lumière de la Terre, est l’une des pouponnières stellaires les plus proches et les plus spectaculaires, s’étendant sur quelque 100 annéeslumière, et 20 000 fois plus massive que le Soleil. Ci-contre : la pouponnière stellaire Hubble V, dans la galaxie irrégulière NGC 6822 À Ci-dessous (à gauche), à 100 000 années-lumière dans la direction de la constellation de la Carène, se trouve l’étoile jeune et massive Êta Carinae, la seconde étoile la plus brillante du ciel, après Sirus. On voit ici l’enveloppe de matière que Êta Carnae (la tache lumineuse au centre) a éjecté lors de son explosion en 1841. Le gaz éjecté se déplace encore à la vitesse de 3 millions de km/h. Êta Carinae ne vivra pas plus de quelques millions d’années. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 76/113 Research interests À droite : située dans la constellation d’Orion à une distance de 1500 années-lumière, non loin de la nébuleuse d’Orion, la nébuleuse de la Tête de cheval est un exemple spectaculaire d’un nuage de poussière vu « en silhouette » sur le fond brillant d’une pouponnière stellaire. En dessous, la nébuleuse de l’Œil du chat ou NGC 6543, située à 3000 années-lumière, dans la direction de la constellation du Dragon, âgée de 1000 ans, révèle de surprenantes structures gazeuses concentriques qui s’entrecroisent. Sa structure complexe est probablement liée à la présence d’une deuxième étoile proche de la géante rouge centrale. Les deux étoiles sont trop près l’une et l’autre pour être distinguées même par le télescope Hubble. Les formes concentriques correspondent à différents épisodes d’éjection de la géante rouge. En rencontrant le gaz interstellaire environnant, le gaz éjecté de l’étoile s’illumine. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 77/113 Research interests À gauche, la nébuleuse du Cône (Cone Nebula) C’est une énorme colonne de gaz et de poussière dans notre galaxie, la Voie lactée. Cet aspect de cône est induit par cette bande de poussière. Au sommet du cône, des jeunes étoiles lumineuses émergent de leur cocon gazeux et rayonnent de tous leurs feux. Le gaz de la colonne s’évapore peu à peu de leur intense rayonnement. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 78/113 Research interests La deuxième image (à droite) représente le milieu interstellaire. C’est un lieu où naissent des étoiles. On atteint là le nirvana. Il va se créer ainsi des noyaux d’hélium, d’hydrogène, et puis d’autres processus, dus notamment à la gravitation, vont rassembler les poussières de particules et ces poussières vont se concentrer de plus en plus jusqu’à arriver à un moment, où, la chaleur s’accroissant, se produira une température d’explosion où s’opérera l’allumage des étoiles, et ces étoiles elles-mêmes s’auto-organiseront entre implosion et explosion. Mais c’est aussi un endroit, où est expulsée, par les étoiles, la matière enrichie des produits de leur alchimie nucléaire au moment de leur mort. L’observation nous montre entre les étoiles, une distribution des nuages de gaz et de poussière dans l’immensité noire et glaciale de l’espace. À gauche, tout en haut, on y distingue, la nébuleuse du Trou de serrure (NGC 3372). (KeyHole Nebula) baptisé ainsi par l’astronome anglais John Herschel, qui l’a découvert au XIXe siècle. L’appellation Trou de serrure est due à sa structure en « trou » d’un diamètre de sept années – lumière. Des étoiles massives se sont formées sous l’effet de la gravitation de l’effondrement d’un nuage interstellaire, produit par cette nébuleuse. Les zones sombres de la nébuleuse, représentent le gaz et la poussière illuminés par des étoiles jeunes enfouies dans le nuage. La nébuleuse de Trou de serrure est une composante d’un complexe plus vaste, appelé nébuleuse de la « Carène », et située à huit milles années – lumière On touche là à la quintessence de l’observation, où si tu préfères, à la causalité récursive, dans la mesure où, les effets et produits sont nécessaires au processus qui les génère. En d’autres termes, le produit est producteur de ce qui le produit. Nous pouvons supposer qu’à l’intérieur de ces étoiles vont parfois s’unir, dans des conditions extrêmement désordonnées, trois noyaux d’hélium, lesquels vont constituer l’atome de carbone. Dans des soleils qui se sont succédé, il y aura assez de carbone pour que, finalement sur une petite planète excentrique, la Terre, il y ait ce matériau nécessaire sans lequel il n’y aurait pas ce que nous appelons vie. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 79/113 Research interests Ci-dessus, la galaxie spirale NGC 1232, à une distance d’environ 100 millions d’annéeslumière, photographiée par le VLT. S’étendant sur un diamètre de 200 000 années-lumière des centaines de milliards d’étoiles tournent autour du centre galactique. Les jeunes étoiles bleues rassemblées dans des pouponnières stellaires, vers l’extérieur, tracent l’exquis dessin des bras spiraux tandis que les étoiles jaunes, plus vielles, forment le bulbe central. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 80/113 Research interests Le nuage moléculaire NGC 1999 dans la nébuleuse d’Orion, situé à 1500 années-lumière. La poussière, en absorbant la lumière des étoiles, a crée l’apparence d’un « trou » dans le nuage. Une étoile jeune a percé et brille de tous ses feux. Sa lumière est réfléchie par les grains de poussière, illuminant les sombres contours du nuage : celui-ci est ainsi appelé « nébuleuse de réflexion ». Théo Héikay Théo Héikay Le Soleil est la source de chaleur et de lumière de notre planète. C’est notre astre de vie. Cette image obtenue depuis la station orbitale Skylab, montre plusieurs régions actives à sa surface (les plus brillantes). En particulier, on peut y voir une immense arche de feu. Une galaxie spirale : NGC 4622 à une distance de 200 millions d’années-lumière, photographiée par Hubble. C’est une spirale non barrée : leurs étoiles vieilles et jaune, au centre, se disposent en une forme sphéroïdale appelée « bulbe » It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 81/113 Research interests Théo Héikay La galaxie UGC 102144, surnommée la galaxie Têtard à cause de sa queue d’étoiles s’étendant sur quelque 400 000 années-lumière, ressemblant à la queue d’un têtard de grenouille, est située à 420 millions d’années-lumière. La longue queue d’étoiles est le produit d’une collision avec une autre galaxie. La photographie est obtenue par Hubble. On peut aussi y voir de nombreux objets lumineux et diffus : ce sont des galaxies distantes, loin derrière UGC 1021 Théo Héikay It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 82/113 Research interests Les galaxies, tout comme les humains, sont le résultat d’un mélange subtil d’inné et d’acquis. En particulier, elles sont façonnées par l’interaction gravitationnelle avec leurs voisines. Ici, le télescope Hubble a photographié la collision d’une paire de galaxies spirales, NGC 4676, située à quelques 300 millions d’années-lumière de la Terre, et surnommées « les Souris » à cause des longues traînées d’étoiles, de gaz et de poussière qui en sont éjectés, longues de centaines de milliers d’années-lumière et qui ressemblent à des queues de souris. La collision a déclenché la formation d’étoiles jeunes et chaudes (en bleu dans la galaxie ci-dessus). Dans quelques milliards d’années, les deux galaxies spirales fusionneront pour former une galaxie elliptique. Théo Héikay Théo Héikay Les lunes de Saturne sont parmi les plus complexes du système solaire. On voit ci-dessus, Titan, photographié par Cassini. Titan, avec un diamètre de 5150 kilomètres, est la plus grosse des lunes de Saturne et le deuxième plus gros satellite du système solaire après Ganymède. C’est la lune la plus énigmatique du système solaire, car sa surface est perpétuellement cachée sous une atmosphère plus épaisse et plus dense que celle de la Terre et de toute autre lune dans le système solaire. Faite principalement d’azote (90%) et d’argon (moins de 10%), celle-ci contient aussi du méthane et de l’éthane. Dans la haute atmosphère de Titan où le Soleil perce encore, les molécules d’azote et de méthane sont dissociées par son rayonnement ultraviolet et, par une série de réaction chimiques qui se déroulent à la température extrêmement basse (– 180 ° C), se recomposent en molécules organiques de plus It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 83/113 Research interests en plus complexes et plus lourdes qui descendent lentement vers la surface de la planète. Éthane (C2H6), propane (C3H8) et autres hydrocarbures (des molécules contenant seulement des atomes d’hydrogène et de carbone) s’y déposent. On pense que certaines de ces molécules étaient aussi présentes sur Terre il y a plus de quatre milliards d’années, quand celle-ci possédait encore son atmosphère primitive, et qu’elles ont servi de premières briques pour construire la vie. On ignore tout du paysage à la surface de Titan var son épaisse atmosphère bloque la vue. Mais on sait qu’à la température frigorifique qui y règne, le méthane (CH4) et l’éthane se comportent comme l’eau sur Terre. Ce qui alimente les hypothèses les plus extraordinaires. D’aucuns y voient des flaques brunes et huileuses contenant des hydrocarbures en abondance sur une surface glacée, couverte çà et là de cratères et de montagnes ; d’autres, une surface entièrement recouverte par un océan d’éthane. Ces spéculations ne pourront être vérifiées ou infirmées qu’avec l’atterrissage d’une sonde sur la surface de Titan. Alors seulement les scientifiques pourront étudier la chimie prébiotique complexe qui s’y est déroulée. Parce qu’elle a été semblable à celle qui eut lieu il y a des milliards d’années sur notre planète, ces études nous aideront à reconstituer l’une des étapes importantes qui ont conduit jusqu’à la vie et jusqu’à nous. J’y ai moi-même participé, à l’épisode de l’étude de la physico - chimique de l’atmosphère de Titan, qui a fait l’objet d’une thèse de doctorat. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 84/113 Research interests Près de deux cents comètes sont répertoriées, qui croisent à intervalles réguliers la trajectoire de notre vaisseau Terre. Nous connaissons aussi l’existence d’au moins douze cents astéroïdes dont l’orbite croise celle de la Terre ; parmi ces « géocroiseurs », il en existe au moins trois cents dont le diamètre est supérieur à 150 mètres et qui constituent un réel danger. Une collision entre la Terre et une comète ou un astéroïde est donc possible. Mais y a-t-il raison de s’alarmer ? Certaines comètes sont-elles à l’origine de destructions, apocalyptiques, comme le croyaient les devins de jadis ? Certes, la Terre a déjà été maintes fois frappées par ces bolides de pierre. En fait, notre planète reçoit chaque jour une pluie céleste d’environ 300 tonnes de pierres et de poussières ; c’est pourquoi les villes abandonnées ont tôt fait de disparaître, ensevelies. Heureusement pour notre santé, l’atmosphère terrestre constitue une sorte d’armure qui nous protège de tous les bolides de pierre de masse inférieure à 100 000 tonnes et de taille inférieure à quelques dizaines de mètres. En effet, le frottement contre l’air et le freinage lors du passage dans l’atmosphère sont si brutaux que la majorité de ces bolides se désintègrent en une multitude de petits corps. La friction de ces corps rocailleux avec les molécules d’air excitent ces dernières, les faisant émettre de la lumière. En même temps, les morceaux de pierre chauffés à vif commencent à brûler et à se consumer, ce qui les fait tracer des lignes de feu dans le firmament étoilé, offrant le merveilleux spectacle des « météores » ou, dans le langage populaire, des « étoiles filantes ». Les météores résultent pour la plupart de la mort incandescente de débris de vieilles comètes. En effet, à chaque passage près du Soleil, l’évaporation fait qu’une comète perd un peu plus de sa matière. Les débris qui se détachent suivent la même orbite que celle de la comète mère. Groupés ensemble au début, ces débris, avec le temps, vont se diffuser sur toute l’orbite de l’ancienne comète. Par conséquent, si l’orbite de la Terre vient à croiser l’orbite cométaire, les hommes ont droit chaque année, à la même date, à des pluies de météores résultant du frottement des débris de la comètes morte avec l’atmosphère terrestre. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 85/113 Research interests Les pluies de météores sont nommées d’après la constellation dans la direction de laquelle elles semblent provenir, et portent des noms poétiques comme Géminides ou Léonides. Ainsi, par les belles nuits d’été de la deuxième semaine d’août, vous pouvez admirez l‘éblouissant spectacle des Perséides, qui paraissent émaner de la constellation de Persée. Ce spectacle de feu s’étale sur plusieurs nuits, mais atteint son paroxysme à l’aube du 12 août, quand la Terre se trouve en plein dans l’essaim des débris de la vielle comète (baptisée SwiftTuttle, découverte en 1862) et que cinquante étoile filantes peuvent dessiner leurs lignes lumineuses en l’espace d’une seule heure. Le ciel nocturne plein d'étoiles impressionne l'humanité depuis toujours. Il inspire philosophes, prophètes et poètes. Contrairement à un grand nombre d'expériences nécessitant des dispositifs expérimentaux compliqués, l'observation du ciel est accessible à tout le monde; il suffit d'attendre que le temps se dégage et de ne pas être obligé de se lever tôt le lendemain matin, comme le montre cette photo, en guise de clin d’œil, Peut-être n'avezvous pas eu l'occasion d'assister cette année à la nuit des étoiles filantes, vous pouvez encore vous rattraper, car chaque année, aux environs du 17 novembre, les terriens ont droit à l'un des plus beaux spectacle céleste qui soit: une pluie de météores appelées "Léonides", car elles semblent toutes venir de la constellation du Lion. Ce spectacle grandiose est dû au passage annuel de la terre à travers les débris d'une comète morte. Ceux-ci brûlent dans l'atmosphère terrestre, traçant de superbes lignes de feu dans le ciel nocturne. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 86/113 Research interests Avec la théorie du Big Bang, l’Univers acquiert une histoire. Parce que, tout comme l’espace, le temps a surgit l’ors de l’explosion primordiale, l’Univers a origine, passé, présent et futur. L’origine de l’Univers recèle le secret de la nuit noire. Nous trouvons toute naturelle l’alternance de jour et de nuit due à la rotation de la Terre sur elle-même et qui rythme notre activité et notre sommeil. Pourtant, le fait que la nuit soit noire pose problème et a préoccupé les plus grands esprits. Kepler, en 1610, puis Newton, en 1687, avaient souligné que dans un Univers infini contenant une infinité d’étoiles aussi brillantes que le Soleil, le regard, où qu’il se porte vers le ciel, devrait toujours rencontrer une étoile, comme la vue est inévitablement arrêtée par un tronc d’arbre au milieu d’une forêt. Le ciel devrait donc être aussi brillant la nuit que le jour. Or il n’en est rien. Ce paradoxe dit d’Olbers (du nom de l’astronome allemand Heinrich Olbers qui l’exposa au grand public en 1823) ne trouva de solution qu’avec l’avènement de la théorie du Big Bang. La nuit est noire parce que l’Univers étant de moins de quatorze milliards d’années, nous pouvons seulement voir les étoiles dans une sphère de moins de quatorze milliards d’années-lumière de rayon. La lumière d’étoiles plus lointaines n’a pas eu le temps de nous parvenir. Alors, ami/amie lecteur/lectrice la prochaine fois que tu auras l’occasion de contempler le firmament étoilé d’une nuit d’été, et que tu goûteras à ces douceurs, comme je l’ai fait en compagnie des miens, contemplant Vénus et Saturne ci-dessous, n’oublie pas de te dire que s’il est beau c’est parce que l’Univers a eu un début et que les étoiles sont passagères. À moins que tu ne préfères considérer simplement, comme Edmond Rostand dans Chantecler, que « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la lumière »< It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 87/113 Research interests Il y a deux autres facteurs moins importants qui font que la nuit est noire. D’une part le nombre des étoiles est limité, parce qu’elles ne vivent pas éternellement : elles s’éteignent au bout de quelques millions, voire quelques milliards d’années, quand elles ont épuisé leur réserve de carburant nucléaire. D’autre part, du fait de l’expansion de l’Univers, les galaxies s’éloignent de plus en plus de nous, et leur lumière perd de plus en plus d’énergie pour nous parvenir, rendant les galaxies moins lumineuses. Quel beau sujet de dispute sophistiqué tu nous apportes là, ami ; c’est la théorie selon laquelle on ne peut chercher ni ce qu’on connaît, ni ce qu’on ne connais pas : ce qu’on connaît parce que, le connaissant, on n’a pas besoin de le chercher, ce qu’on ne connaît pas parce qu’on ne sait même pas ce qu’on doit chercher. Une petite remarque sur mon style. Je suis parti du principe qu’il n’est pas indispensable d’être ennuyeux pour être sérieux. Cela ne veut pas dire que j’ai réussi à rédiger un texte que chacun lira avec jubilation et réussira à faire lire à sa petite sœur, mais au moins aurai-je essayé. Je crois en tout cas, à la vertu pédagogique des images et des dialogues. Les unes comme les autres sont là. Les images qui illustrent les dialogues sont issues des longues heures nocturnes que je passais à scruter le ciel, dans un Observatoire. Quant aux dialogues, la méthode n’en est pas originale : beaucoup d’auteurs, de l’Antiquité à nos jours en passant It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 88/113 Research interests par Galilée, pour faire passer l’amère pilule d’un raisonnement ardu, ont eu recours au dialogue, probablement pour remplacer celui qu’ils aimeraient avoir avec leurs étudiants et qu’ils n’ont pas pour des raisons diverses qu’il serait trop long de développer ici. Ces lignes sont le produit de quelques conversations, menées au cours d’une belle nuit de novembre à côté d’une cheminée affectueuse sous une lumière tamisée. Le temps était comme suspendu, Là, des images nous viennent à l’esprit, entraînant des propos qui maturent depuis longtemps dans les profondeurs intérieures. Dans la sérénité du lieu, ils jaillissent au niveau de notre conscience. Il s'agit parfois d'un simple énoncé plus ou moins lapidaire. À d’autres moments un torrent de mots se précipite et s’écoule, intarissable, nous les dictons en vrac à notre fidèle magnétophone<. J’ai donc souhaité vous faire partager ce que je ressens : une impression de bonheur intellectuel quand il m’arrive de scruter le ciel en compagnie des êtres qui me sont chers, ou lorsque j’enrichis ma culture artistique ou scientifique. Là, détendu sur le plan spirituel, at home, c’est-à-dire comme chez soi dans la vie, être dans la paix de son âme, il m’arrive souvent de me laisser tomber et parfois, je me cogne par terre, mais j’apprends comment faire confiance à l’absolu et à l’inaccessible. Mon souhait le plus cher est de me droguer à la lecture du ciel, lire au sens le plus large du terme, comme on dit en anglais I read a painting, I read a symphony, c’est-à-dire avoir inclus dans cette pratique les beaux-arts et la musique. Il nous arrive souvent de nous tenir volontairement loin de l’actualité et du fracas du monde, pour réfléchir ensemble, et partager pour ainsi dire nos expériences. Elles sont dédiées à tous ceux qui sont épris de science et de poésie, à tous ceux qui scrutant le ciel et l’atome, y ont trouvé les traces de notre origine, à tous les cœurs tendres qui haïssent le néant vaste et noir, à tous ceux que le monde émerveille. Les tenants d’un conformisme ambiant, n’apprécieront pas cet esprit d’ouverture, il leur serait alors facile de passer son chemin. Je préfère de loin Héraclite et son fleuve mobile à Parménide flanqué de sa sphère immobile. Je m’adresse donc d’abord à ceux qui sont convaincus qu’en vertu des affinités électives _ ce joli mot de Goethe_, il existe une fraternité secrète et silencieuse. L’écriture pour moi, n’est pas un art, c’est un outil ; ce n’est pas un genre, c’est un véhicule ; c’est une machine prodigieusement efficace, mais prosaïque, dont le but est de réfléchir ; de mieux m’exprimer, et de rassurer ceux qui en ont besoin. Bref il y a l’amoureux de la science, et il y a l’homme. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 89/113 Research interests Il y a cet amoureux de la science qui va son chemin et l’homme qui, de temps en temps à travers des articles, se mobilise en faveur d’une cause singulière. J’écris avec mes mots, et mettre un mot sur une chose c’est lui faire perdre son « innocence », l’ « altérer », lui donner un autre type d’ « existence », une « dimension nouvelle », la « transformer » et, de ce fait, l’ « engager ». Engagé, pour moi, cela veut d’abord dire : conscient d’un pouvoir de la parole. Car ce que l’on sait est inaliénable ; on ne peut déposséder quiconque de ce qu’il porte en lui de connaissance dans un monde où règnent la censure. Je m'expose d'autant plus volontiers qu'est vif chez moi le besoin du questionnement, de l'échange, de la mise au point d'un regard scrutateur sur le monde, sur les autres, sur moi-même. De ce questionnement, je suis avide comme d'une drogue; mais une drogue bénéfique dont l'effet est de m'ouvrir au monde, au contraire des drogues destructrices qui enferment dans une sensation fugitivement agréable et solitaire. Je suis surtout en quête perpétuelle. La bonne nouvelle, c'est que je progresse dans ma quête, j'essaie de rencontrer ces moments quintessenciés, dans mes interrogations, et non plus au niveau de mes certitudes. Ils prennent leur place dans mon voyage intérieur. Ils sont la trame secrète de ce parcours qui se poursuivra tout au long de mon existence. Je les retrouve mêlé à mes angoisses et à mes questions sur le sens profond des choses. Ils sont en relation avec cette conviction intime que, au-delà de ce qui se donne à voir, il y a "quelque chose" dans lequel je suis profondément, vitalement, existentiellement impliqué. Un "quelque chose" auquel ne serait étranger, ni la beauté des paysages, les transformations de la lumière dans la journée, la variation des saisons, le spectacle de la voûte étoilée, les équations elliptiques, ni le Requiem de Mozart. Bref, j'essaie de vivre en cherchant des occasions de me réjouir. Voyez-vous, des voies nouvelles s’ouvrent à nous pour transformer les moments de notre existence en instants d’exultation. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 90/113 Research interests What in the world is the music like? Une traduction qui simplifie un peu la simplicité lapidaire de l’anglais donnerait: «À quoi au monde ressemble la musique ? » Je ne connais pas la réponse mais je sais que c’est la bonne question< "Plus on comprend l'Univers, plus il nous apparaît vide de sens", écrit dans Les Trois Premières Minutes le physicien Stephen Weinberg. Je le mets au défi de répéter ces mots en écoutant _ comme il je le fais en ce moment _ Les Noces de Figaro de Mozart. La mélodie s’élève désormais sans retenue, mêlant à l’unisson les voix du duo et celles des instruments. Mon cœur commence déjà à se faire plus gros qu’il ne devait. Pour essayer de me reprendre, je me mis à regarder le désordre étalé sur mon bureau et la pièce où je me trouve. Ici et là, le contenu de la salle attentive n’était plus qu’émotion. Ponctuelle, prévisible, et sans pudeur. Des voies nouvelles s’ouvrent à nous pour transformer les moments de notre existence en instants d’exultation. Sur un poster de mon bureau, Baudelaire me regarde. Dans ses yeux douloureux, je lis un message ; celui du Spleen de Paris : « Si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! » Pour n’être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! » Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu : à votre guise. Mais enivrez-vous ! » It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 91/113 Research interests J’ai voulu nous offrir ces vers du Poète, car j’ y vois là, la grammaire de l’espérance. En d’autres termes, notre vie dépend de notre capacité de dire l’espoir, de confier à des propositions hypothétiques et aux temps du futur nos rêves actifs de changement, de progrès, de délivrance. Ces vers de Baudelaire traduisent à mes yeux, de manière manifeste l’intuition que l’expérience de la communication de formes pleines de sens exige, fondamentalement, une courtoisie, ou un tact de cœur, un tact de sensibilité et d’intellection dont les diverses racines se rejoignent. Il ne s’agit pas de fuir la réalité, mais de la vivre avec passion. L’éveil de la jubilation est, je crois, l’antidote le plus efficace contre l’absurde à tous les degrés. « Sous l’intuition du poète, ami/amie lecteur/lectrice, si d’aventure, devant un crépuscule particulièrement somptueux, ou un océan serein, glorieusement coloré par le couchant, ou un ciel miré dans l’eau, à moins que ça ne soit un reflet mouvant du bleu parmi les ramures qui se balancent mollement, tu demandes à la feuille d'un arbre, au chant d'un oiseau, à la chute d'une goutte d'eau, ou au vent dans le vide, pourquoi le ciel est bleu ou vert ou rose, et pourquoi le feuillage change de couleur ? Si tu t’interroges sur les lois qui régissent le balancement gracieux des feuilles au bout de leur pétiole ou comment calculer le nombre de photons que ces frondaisons reflètent vers tes yeux émerveillés ? Alors la feuille, la vague, le vent, la goutte d’eau te répondront : que notre faculté d'accès au vrai désirable n'est ni l'entendement, ni la raison, ni l'intelligence mais la seule jubilation. Je fais écho ici au mot de Goethe : « Les théories sont grises, mais les feuilles toujours vertes. » Que c’est peut-être une façon de chercher du sens dans l'insignifiant; du "projet" dans le plus petit des hasards; de l'événement dans la ténuité de choses. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 92/113 Research interests Que toutes ces petites choses conspirent dans l'invisible pour former le réel, et convergent au cœur de nous-mêmes jusqu'à y faire naître un besoin irrépressible: le désir de réalité. Que ce spectacle du monde dans sa vérité est destiné à l’oreille, mais aussi à l’œil. Il suffit donc de te laisser guider par ta jouissance intérieure, elle te mènera vers l’intuition claire que tu as de l’objet. Mais, surtout, dis-toi qu’une étoile est mise dans le ciel pour chacun d’entre nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. » J’ai voulu par ces lignes, vous apporter la confiance, l’aisance et la joie. C’est du reste, ce qu’exige et réclame mon indispensable bonheur. C’est une idée qu’il est parfois difficile à suivre, mais pour ma part, j’y adhère. Face à une forme de grisaille ou de déchirement, les « amers brisements du cœur », le regard qui ne se détache pas du fond de haine ou de chiennerie qui, dans les relations entre les hommes, est toujours sur le point de resurgir, j’oppose le bonheur, la volupté, l’amitié avec les choses, l’harmonie, la sensualité, la bienvenue au monde, le goût du présent, la morale de l’instant, en un sens, l’art et la joie de vivre. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 93/113 Research interests Toute cette chorégraphie divine que je viens de décrire sous tes yeux, suivant quoi ? Je te le demande mon amour, une toute petite loi de rien du tout qui tient en un dixième de ligne, Mm que monsieur Newton a eu l’excellente idée de jeter sur papier F = cte 2 . r _ Karine : C’est merveilleux et on ne le dira jamais assez. _ Théo : Seulement c’est là que commencent les complications. Dans cette merveilleuse équation, r est la distance qui sépare les deux objets de masses m et M, qui peuvent être éloignés l’un de l’autre de milliers d’années-lumière. Supposons que d’une façon ou d’une autre nous déplacions un de ces objets. La formule nous dit que l’autre sent la nouvelle force instantanément, puisque dans cette relation la variable temps n’intervient pas. Comment veux-tu que celui qui a « inventé » une théorie dont une des conséquences les plus immédiates est qu’aucun signal ne peut se déplacer avec une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière se croise les bras et regarde les astronomes travailler avec une théorie dont une des conséquences les plus immédiates est qu’on peut envoyer des messages (par exemple en déplaçant des masses) avec une vitesse infinie ? Je ne te parle ici que d’un tout petit aspect du problème qui est beaucoup plus compliqué que cela. _ Karine : La remarque est remarquable et je suis très contrariée. _ Théo : C’est probablement ce qu’Einstein a dû se dire puisque pendant les dix années qui on suivi 1905, il n’a eu de cesse de résoudre ce problème : trouver une théorie de la gravitation qui ne soit pas en contradiction avec la Relativité Restreinte. Il a fini par y arriver : c’est la Relativité Générale. _ Karine : Oui mais le fait de ne pas être en contradiction avec ce qui est correct n’en fait pas forcément une théorie correcte. _ Théo : Tes paroles sont d’or, ma chère Vénusienne, et si les hommes les avaient toujours en tête, cela leur éviterait beaucoup de gribouillages inutiles. Précisément, la relativité Générale avait la force de toute théorie sérieuse en ce qu’elle était testable et ce, plus ou moins It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 94/113 Research interests immédiatement. Dès 1915, Einstein propose lui-même trois tests simples de sa théorie : un phénomène astronomique connu sous le nom de « l’avance du périhélie de Mercure », le fait que les rayons lumineux doivent être déviés d’un certain angle en passant au voisinage d’objets massifs et enfin le déplacement des longueurs d’onde de signaux lumineux émis dans un champ gravitationnel. Ces prédictions quantitatives et quelques autres ont petit à petit été testées, certaines presque immédiatement (le second point, vérifié, d’ailleurs très approximativement à cause de problèmes technique, par une expédition dirigée par A. Eddington en 1919 est à l’origine de l’incroyable célébrité d’ Einstein auprès de l’opinion publique mondiale). _ Karine : Tout cela est bien beau mais je crains que ce ne soit également bien compliqué. Ce qui me rendrait la plus heureuse des femmes _ enfin, n’exagérons rien ! _ ce serait que tu puisses m’expliquer en une phrase comme tu le ferrais à Solal, non pas la Relativité Générale mais ce qui la distingue de la théorie newtonienne. _ Théo : Ce n’est pas aisé mais je peux essayer. La différence entre les deux théories est d’ordre purement géométrique, au sens minkowskien : l’espace-temps newtonien (et même celui de la Relativité Restreinte) est euclidien. Celui de la Relativité Générale est un espacetemps localement courbé, la courbure étant d’autant plus importante que nous nous trouvons au voisinage d’objets plus massifs. Je vois à ta grimace que ma définition n’arrange rien à la confusion atavique qui règne dans ta tête. Pourtant la notion n’a rien de très complexe. Prenons ce merveilleux objet que nous avons offert à Solal lors de son cinquième anniversaire et sur lequel il n’arrête pas de sauter, le trampoline. Tu vois que ce n’est rien d’autre qu’une toile fixée par de solides élastiques à un cadre métallique et plan. Tant que Solal n’est pas dessus, l’ensemble est une excellente approximation d’espace euclidien à deux dimensions. Une petite expérience permet même de vérifier une des propriétés de tels espaces : si tu pousses une bille à partir d’un des bords du trampoline, cette bille va suivre une ligne droite jusqu’à atteindre l’autre bord. Les trajectoires que suit la bille, pour des conditions initiales données, sont ce qu’on appelle des géodésiques et celles-ci sont des lignes droites dans un espace euclidien. Maintenant supposons que nous ayons placé une boule de pétanque au beau milieu de la toile et que nous recommencions l’expérience. Qu’allons-nous observer ? It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 95/113 Research interests _ Karine : Eh bien ! La trajectoire de la bille sera une trajectoire curviligne, d’autant plus courbée que son énergie sera faible et/ou qu’elle passera à proximité de la boule. C’est comme si la boule exerçait une attraction sur la bille, plus grande à faible distance et inversement, ai-je bien répondu ? _ Théo : Parfaitement ma chérie. Or, il se trouve que ton explication est identique à ce que j’ai dit il y a peu et qui a failli provoquer des crampes dans tes muscles zygomatiques. La présence d’un objet massif provoque une déformation locale de l’espace-temps, ce qui modifie l’allure des géodésiques. Le fait que les trajectoires s’incurvent pour se rapprocher de l’objet massif peut être de façon légitime interprété comme la preuve de l’existence d’une force attractive. Tout est une question de point de vue, selon que tu préfères travailler dans le cadre de la Géométrie ou celui de Mécanique. Ce petit voyage me fait dire que notre regard sur le monde et sur nous n’est pas seulement chargé d’informations, il se colore d’émotions. Nous trouvons une fleur belle, une aurore émouvante, mais cette beauté, cette émotion ne sont ni dans la fleur ni dans l’aurore, elles sont en nous. Tout est changé lorsque nous sommes capables de passer de la connaissance au rêve, de la phrase du géographe affirmant que le fleuve Seine passe sous le pont Mirabeau, à la phrase du poète : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine< ». Le courage nécessaire pour participer à l’orientation de l’humanité, vers un destin digne de ce qu’elle peut faire, trouvons-le dans ce constat : l’Univers est beau parce que je le regarde ; je n’ai pas le droit de le priver de sa beauté en le privant de mon regard. J’ai compris cela pour la première fois, au milieu du désert. C’est la nuit, il fait froid, les étoiles brilles ; nous étions immergés dans la beauté. Pourquoi est-ce beau ? La réponse est évidente : parce que je me retrouvais là avec toi. _ Karine : Mais Théo, quand tu dis beauté pour parler de la nuit au désert, quand tu ressens ce que tu appelles de la beauté, n’est-ce pas une façon de désirer que l’Univers soit cohérent, puisque la notion de beauté implique finalement une harmonie, donc un sens par rapport à nous ? Dire que l’Univers est beau, n’est-ce pas une façon de le rendre ou de le vouloir proche parent de nous-mêmes ? It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 96/113 Research interests _Théo : Le sentiment du beau est peut-être une façon de s’approprier le monde. Ce n’est pas la seule façon. Je me l’approprie aussi en essayant de le comprendre et en imaginant des modèles explicatifs des phénomènes que je constate, c’est-à-dire en participant à ma manière au développant la science. Mais peut-être les mythes, toutes ces belles histoires inventées pour raconter l’histoire du monde, ne sont-ils qu’une tentative d’appropriation. _ Karine : Tu viens de prononcer une phrase qu’on trouve presque identique dans le Phèdre de Platon, une phrase qui m’a déconcertée en son temps, car elle allait à l’encontre de mes choix surréalistes. Platon dit (je le cite approximativement) qu’il est impossible de trouver beau ce que par ailleurs on ne comprend pas. Selon lui, ce sentiment résulte de l’appréhension et de la compréhension des harmonies cachées au sein des éléments qui le composent. Par exemple, s’agissant d’une statue, de la perception claire de ses proportions, etc.< C’est la raison, je crois, pour laquelle les Grecs anciens s’intéressaient très peu à la nature et beaucoup en revanche, aux œuvres d’art : parce qu’ elles étaient des créations purement humaines où l’artiste pouvait, justement, modifier les lois naturelles et en inventer d’autres. Pour Platon, le sentiment de la beauté ne peut résulter d’une illumination ou d’une révélation soudaine, pas plus que la création d’une œuvre d’art ne peut procéder d’une pure inspiration. Beauté et création sont le résultat d’un cheminement, d’une maîtrise de plus en plus sensible de la matière ou d’une appréhension de plus en plus claire de ce qu’on It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 97/113 Research interests nommerait aujourd’hui les structures de l’œuvre. Bref, d’une technique. Apprendre à créer, apprendre à regarder exige la même soumission aux lois, secrètes du monde et de l’art. Il y a un peu de ça dans tout ce que tu as dit, un lien qui ne peu être gratuit ou arbitraire entre le sentiment d’une révélation diffuse et la perception de ce que l’artiste a voulu nous dire ou nous montrer. _Théo : De toute façon, il y a d’un côté l’objet, que ce soit un caillou, un papillon, une femme, un homme ou l’Univers entier avec ses galaxies, et de l’autre, en face, moi. J’ai besoin de créer un contact, un lien qui fasse émerger une connivence entre cet objet et moi. Le mot connivence est sans doute meilleur que celui d’appropriation. J’ai besoin d’être avec, de me construire avec, et pour cela de m’efforcer d’en comprendre les transformations ou de le trouver beau. _ Karine : Au fond, tu sais déjà ce que tu vas voir avant de le voir. Ce qui me surprend chez toi, c’est que tu n’as pas encore perdu ton innocence. À force d’étudier le ciel depuis au moins que je te connais, tu trouves encore le temps de regarder les étoiles, de regarder le ciel, tout bêtement, comme un enfant qui le découvre ou comme un promeneur qui s’émerveille ou, en tout cas, s’étonne. _Théo : Dieu merci, le jour où je ne serai plus capable de voir aussi dans les étoiles des sources lumineuses qui nous racontent une histoire ancienne avec des jolies fables, je crois It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 98/113 Research interests que je ne trouverai alors plus aucun plaisir à mon travail. Mais le fait d’avoir acquis à mon modeste niveau, une certaine connaissance des objets que je vois, me permet de regarder le ciel autrement, d’imaginer des galaxies lointaines que jamais mes yeux ne sauront discerner, mais dont des instruments complexes et des déductions savantes m’ont révélé la présence. _ Karine : Veux-tu dire que ce que l’on voit, c’est aussi ce que l’on crée ? _ Théo : Oh ! Certes, en permanence. C’est pourquoi je ressens un tel plaisir devant certaines théories mathématiques. La beauté d’une formule était, pour Einstein, un critère de vérité. Dieu, parfois, est peut-être compliqué, mais il ne peut pas être pervers, disait-il. Il n’a pu créer un univers que seules les équations inesthétiques pourraient décrire et expliquer. _Karine : Il a bon goût, au fond ! Mais lorsque Einstein dit c’est une phrase de lui que je connais parce qu’elle est plus célèbre que d’autres : « Dieu ne joue pas aux dés avec l’Univers » ? _Théo : Nombreux sont ceux qui pensent qu’il a eu tort de le dire. Cette phrase semble signifier que demain est prévisible, qu’il existe à l’intérieur d’aujourd’hui. Or, selon la physique actuelle, cette affirmation est fausse. D’Einstein, je préfère cette pensée, beaucoup plus profonde : « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible. » En effet, cette compréhensibilité montre que notre esprit est construit de telle façon qu’il parvient à pénétrer au cœur caché de l’Univers. La découverte des quarks, ces constituants peut-être ultimes des noyaux d’atomes, prouve une espèce de connivence fondamentale entre notre façon de raisonner et une certaine réalité que nous approchons sans jamais pouvoir l’atteindre<. _ Karine : J’aimerais faire un léger retour en te demandant ce que C’est qu’un physicien ? _ Théo : Je te donnerai la réponse faite un jour aux étudiants qui visitaient mon labo, lors de la fête de la science. Pour moi, c’est d’abord quelqu’un qui pense qu’il y a du grain à moudre pour l’intelligence lorsque celle-ci s’intéresse à la matière. Ce pari sur l’intelligibilité d’une partie du monde se décline de plusieurs manières, car la matière ne se présente pas à nous d’une façon unique. Plusieurs niveaux d’organisation doivent donc être étudiés : les It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 99/113 Research interests particules élémentaires, les noyaux atomiques, les atomes, les solides, les tas de sable, les étoiles, les galaxies, et même l’Univers tout entier< À chaque type d’objet on peut associer une discipline de la physique. Et dans chaque discipline, des théoriciens, des expérimentateurs, des qui sont un peu les deux< Certains portés vers la philosophie, d’autres qui lui sont allergiques< _ Karine : Qu’est- ce que c’est exactement un théoricien ? _ Théo : C’est quelqu’un qui dit aux expérimentateurs quelle expérience ils doivent faire pour vérifier sa théorie, et qui leur explique ensuite pourquoi leur expérience n’a pas marché. Dans le cas présent, il est vrai que chaque expérience qui apporte un résultat différent de celui qui était attendu trouve une explication dans le cadre classique. _ Karine : Je ne vois toujours pas pourquoi tu as annoncé le jeune Albert comme le Messie qu’on attend en période d’Apocalypse. _ Théo : Ne vois-tu pas que le problème c’est que l’ensemble de tout cela n’est pas cohérent ? Écoute ! Pour ne pas t’assommer d’infinies listes d’expériences aussi diverses qu’ingénieuses, je me limite à une catégorie très particulière parmi celles-ci, les expériences basées sur le phénomène de la propagation de la lumière (a), l’expérience de Fizeau (b), l’expérience de Michelson et Morley (c), l’expérience de Kennedy et Thorndyke (d). Pour rendre compte des résultats de ces expériences, nous avons à notre disposition disons quatre hypothèses : éther stationnaire (1), éther stationnaire plus contraction de FitzGerald (2), entraînant de l’éther par les objets massifs (hypothèse de Fresnel) (3) et les postulats de la Relativité Restreinte (4). On peut maintenant se livrer à un petit jeu, qui devient évidemment d’autant plus intéressant que les expériences et les hypothèses sont multipliées. L’hypothèse (1) rend compte de (a) mais pas des autres, l’hypothèse (2) est en accord avec toutes sauf (d), l’hypothèse (3) est exclue par (a), l’hypothèse (4) n’est exclue par aucune. Maintenant, comme je suis un hypocrite, je t’ai cachée des théories qui expliquent parfaitement les quatre expériences, par exemple certaines théories dites « de l’émission » qui proposent que la vitesse de la lumière soit toujours la même, c, mais par rapport à la source émettrice. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 100/113 Research interests _ Karine : Mais alors ?! _Théo : Mais alors, je t’ai cachée des expériences qui démolissent ces théories, comme celle de Sitter sur l’observation des étoiles binaires. _Karine : Mais tout cela n’a pas de fin et je suis sur des charbons ardents car je désespère de connaître un jour la fin de l’histoire. _ Théo : La fin de l’histoire arrive toujours quand quelqu’un ose enfin sauter le pas. _ Karine : En quoi consiste le fait de « sauter le pas » ? _ Théo : À faire table -rase de tout ce qui est inutile. Au Moyen - Age, il paraît que le franciscain Guillaume d’Occam (celui qu’un écrivain italien utilisera longtemps après comme le modèle du héros d’un polar médiéval, avait énoncé un principe que beaucoup, hélas !, ignorent ou feignent d’ignorer : éliminer d’un raisonnement ou d’une proposition tout ce qui n’est pas strictement nécessaire. Entia non sunt mulplicanda praeter necessitatem. Les anglosaxons ont trouvé un joli nom pour ce principe. Ils l’appellent le Rasoir d’Occam. Le Pape d’Avignon a failli transformer Guillaume en barbecue pour cela ; on se demande bien en quoi l’exigence de rigueur intellectuelle pouvait autant le déranger. Bref, le jeune Albert, en 1905, est le premier à se décider à utiliser le Rasoir d’Occam. Compare la simplicité de son second postulat, qui résout tous les problèmes, avec les hypothèses de plus en plus extravagantes sur la théorie de l’électromagnétisme auxquelles on était arrivé, et tu verras la différence entre la routine et peut-être le génie. Cependant, mon petit cœur, comme les panégyriques m’ennuient un peu, j’aimerais attirer ton attention sur un phénomène courant dans le domaine scientifique : dans l’intervalle de quelques mois, en 1905, plusieurs chercheurs sont sur le point d’arriver aux mêmes résultats et de manière autonome les uns des autres. Einstein a battu au poteau au moins Lorentz et Poincaré, peut-être tout simplement parce qu’il était le plus jeune et celui qui avait le moins à se soucier de l’opinion de ses collègues. L’audace de la jeunesse est toujours plus productive que la prudence tatillonne de la maturité. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 101/113 Research interests L’expérience que je vais raconter est celle de Pfleegor et Mandel, publiée quelques années plus tôt. Mes étudiants en maîtrise de physiques de l’année dernière (2003 /2004) ne l’avaient pas appréciée à sa juste valeur. Il s’agissait pourtant d’un de ce triomphes de la physique qui aurait dû leur donner au moins un petit frisson d’excitation. Mais dans l’université des sciences où j’ai le privilège de participer à l’encadrement des travaux dirigés, ces étudiants sont trop blasés pour éprouver de telles sensations ou même de les admettre. Nathan un collègue promis à un brillant avenir, était même allé jusqu’à dire : « je ne comprends pas pourquoi on s’est donné la peine de vérifier cette théorie expérimentalement. On le savait bien, qu’elle était juste ! » Or Nathan avait réagi comme Einstein, quand ce dernier balaya sans grand enthousiasme les observations sur certaines éclipses qui avaient permis à Eddington et à d’autres de confirmer sa théorie sur la relativité générale. Einstein avait paru s’en soucier comme d’une guigne. Tout comme Nathan, il avait demandé : « Pourquoi s’être donné tant de mal ? » Et à l’objection évidente : « Et si les données expérimentales avaient désavoué votre théorie ? », Einstein avait répondu par une réplique qui allait devenir célèbre : « J’aurais été terriblement déçu, déçu pour le Père Éternel, j’entends. » J’étais moins blasé qu’Einstein et les individus du genre de Nathan. Ces brillantes confirmations expérimentales des théories physiques suscitaient en moi un émerveillement ingénu pour les pouvoirs de l’intellect. Qui sait< Avec un auditoire de femmes de lettres, les choses allaient peut-être se passer autrement. Karine qui me sert souvent de cobaye serait peut-être moins blasée que Nathan. Il me fallait peut-être trouver un truc pour lui transmettre la force et l’originalité de la théorie de Dirac, et l’essence de l’expérience de Pfleegor et Mandel qui venait de la confirmer. Des années après ! Le tout, simplement et sans « formules ». Je décidais de m’y mettre dès le soir avec mon amie, diplômée en sciences économie et sociale et généralement plutôt rétive à la physique. Si je parvenais à éveiller sa curiosité, je n’hésiterais pas de recommencer cette année avec mes étudiants de maîtrise. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 102/113 Research interests Durant le dîner, dans le patio sur lequel donnait notre grande cuisine très moderne, j’annonçai à Karine avec ma franchise habituelle, en lui disant que j’avais pensé à une expérience et que j’aimerais « tester » aussitôt mon cours sur elle. « Be my guest, je t’en prie », répliqua Karine en utilisant à dessein cette détestable formule toute faite pour faire preuve de bonne volonté, malgré une intonation quelque peu résignée. Elle pensa que ses projets pour la soirée étaient bien compromis. Elle aurait souhaité lire une thèse de doctorat sur le métissage, thèse d’un anthropologue français effectuée en Amérique latine, pour inclure ses résultats dans ses propres recherches. Elles vit ce projet s’envoler en fumée, mais s’efforça de ne pas laisser paraître son désappointement. Sans me faire prier, j’entrai directement dans le vif du sujet. « Tu as entendu parler de Dirac ? Paul Adrian Maurice Dirac, un physicien anglais, prix Nobel, qui méritait d’être aussi célèbre qu’Einstein. » Comme toujours, Karine me répondit par une autre question : « Ce bel homme maigre, à moustache, qui décore les murs de ton bureau en compagnie de Baudelaire, Marie Curie, Einstein, Bohr, Heisenberg et d’autre savants ? » « Oui, c’est bien lui. Bravo ! » La curiosité de Karine s’en trouva piquée : « Et comment se fait-il qu’il ne soit pas aussi célèbre qu’Einstein ? _ C’est un homme très réservé, il ne se lance jamais dans les généralisations philosophiques, il n’a jamais rien eu à faire avec la bombe atomique, ni avec la politique des sciences, et surtout il déteste se mettre en avant. Tu sais, il y a des gens qui pensent, à tort j’en conviens, que la célébrité d’Einstein lui vient surtout du lobby sioniste. » Karine, qui est juive, ne dit mot mais fit un geste péremptoire qui ne laissait planer aucun doute sur ce qu’elle pensait de ces idiotes antisémites. Je revins à mon sujet principal. « Dans les années trente, Dirac fournit une interprétation très intéressante et particulièrement hardie du comportement des particules élémentaires. Comme on peut le lire dans son célèbre manuel de mécanique quantique, un classique qu’ont déjà dévoré des générations d’étudiants en physique, Dirac avance que ce que l’on appelle la probabilité de dispersion d’une particule dans l’espace serait associée à chaque particule et non à un grand nombre de particules identiques. » It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 103/113 Research interests Cela ne semblait être qu’un préambule et Karine, qui avait déjà du mal à suivre, se borna à dire : « Je ne comprends pas très bien, mais si ça n’est pas très important, continue. _ Je fis hum, perplexe, c’est pourtant extrêmement important. Si cela ne te semble pas clair, tu ne vas rien comprendre au reste. » Après une courte pause, pour mieux présenter mon explication, je repris sur un ton convaincu : « Donc, tu te rappelles le concept classique de trajectoire, par exemple celle d’un boulet de canon ? _ Oui, je crois. _Et bien, les particules élémentaires, disons un électron ou un photon, ne suivent pas une véritable trajectoire, comme celle d’un projectile ; elles sont étirées dans l’espace comme le contenu d’un verre d’eau lancé en l’air. On représente cette dispersion par une fraction dite fonction d’onde qui, exactement comme les vagues de la mer, a des maximums et de minimums. On avait appris comment calculer cette fonction, mais on ne savait pas très bien ce qu’elle représentait. La réalité physique effective qu’elle décrivait restait problématique. Or il y avait deux façons différentes de la calculer, celle de Schrödinger représentant la fonction comme une onde mobile de probabilité (imagine une onde se déplaçant dans le sillage de la particule) et celle d’Heisenberg qui la représentait comme une table, ou « matrice », et donc comme une suite de multiples probabilité plus abstraites. Imagine-la comme un tableau plein d’états possibles, un tableau des différentes probabilités, pour la particule, de se trouver dans chacun de ces états possibles. » Je réalisai que j’étais allé un peu loin, mais Karine ne protestait pas et j’entendais revenir calmement sur ces concepts. Je poursuivis donc. « Tous les physiciens s’accordaient à dire que ces deux méthodes donnaient de bons résultats, mais ils en ignoraient les raisons. Les interprétations physiques qu’ils donnaient étaient différentes, mais les résultats finals du calcul coïncidaient toujours. Cependant, on ne savait toujours pas quelle réalité physique effective était à l’origine de ces deux conceptions différentes. » Je me suis mis à débarrasser et à ranger assiettes, verres et tasses dans le lave-vaisselle, tout en continuant mon explication. « C’est justement Dirac qui a démontré que les deux méthodes de calcul des fonctions d’onde, celle de Schrödinger et celle d’Heisenberg, étaient parfaitement équivalentes et qu’une théorie unifié, encore plus abstraite et plus générale, trouvait dans ces deux méthodes des solutions particulières. Bref, depuis Dirac, adopter l’une ou l’autre n’est plus qu’une It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 104/113 Research interests question de choix, un moyen de simplifier les calculs et de bien mettre en évidence des aspects différents d’un même phénomène. Aujourd’hui encore, nous enseignons les trois méthodes à nos étudiants, celle de Schrödinger, d’Heisenberg et de Dirac, à la fois pour des raison historiques et parce que chacune a ses avantages particuliers. » Karine commençait à se résigner à l’idée de laisser tomber sa thèse sur le métissage et d’ingurgiter toutes ces ondes de particules et ces bizarreries typiques des physiciens. La chose commençait même à l’intéresser. Pourtant, un point ne lui paraissait pas clair. « Mais derrière tous ces calculs, quel phénomène effectif réel, y avait-il ? » Je mis énergiquement le lave-vaisselle en route et saisi la balle au bond. « Justement, c’est là que se situe l’intuition géniale de Dirac. Tout le monde s’accordait à reconnaître qu’il s’agissait d’une probabilité. Mais personne ne savait de quoi. Au lieu d’avoir une trajectoire avec une particule qui, petit à petit, se trouvait en un certain point, comme le projectile d’un fusil, la particule était étirée dans l’espace. Elle était en quelque sorte distribuée dans l’espace, avec une probabilité différente de se trouver en un point ou un autre de la trajectoire. Très forte sans doute pour certains points, et très faible pour d’autres. De toute façon, la particule n’était pas totalement localisée en un point précis, un instant après l’autre, mais s’entourait toujours d’un nuage diffus de probabilités. _ Probabilité de quoi ? Demanda Karine, un peu agacée de ne pas avoir encore compris. _ Selon Dirac, il s’agit, point, de la probabilité pour la particule d’être effectivement en ce point. Pour un projectile, cette probabilité est égale à un pour le point sur lequel il se trouve, et à zéro ailleurs. La probabilité est toute concentrée en un point, alors que pour une particule élémentaire, elle n’est jamais concentrée en un seul point, mais toujours dispersée entre plusieurs. _ Et d’après les autres physiciens ? Pour les autres, Einstein compris, le phénomène physique décrit par la fonction d’onde était plutôt une probabilité moyenne, calculée sur une vaste population de particules identiques, et non sur une seule particule. Leur idée était plus traditionnelle, plus proche de la physique classique selon laquelle la distribution de la probabilité exprimait une distribution de résultats sur de nombreuses expériences, avec certains instruments de mesure, sur un grand nombre de particules d’une nature donnée, on pouvait calculer la moyenne des différents résultats grâce à la fonction d’onde. Bref, la fonction d’onde n’était pas vraiment une It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 105/113 Research interests propriété d’une particule, mais une manière élégante de regrouper des résultats sur un lot de particules identiques, ou en tout cas très semblables. » Karine trouvait tout ceci sensé, mais également très rassurant. « Et Dirac, il soutenait quoi ? _ Qu’il s’agissait justement d’une propriété de chaque particule individuelle. Il proposait d’abandonner radicalement notre intuition classique, traditionnelle, et de voir chaque particule individuelle comme distribuée dans l’espace. En somme, sa statistique n’était pas un compte moyen sur plusieurs têtes, mais un compte sur une seule tête. Selon l’interprétation de Dirac, une même particule est simultanément, avec une probabilité différente, en des lieux différents. C’est comme si moi-même, j’étais ici avec une probabilité de quatre-vingts pour cent, mais aussi à Paris avec une probabilité de dix pour cent et à New -York avec une probabilité de dix pour cent. » Karine commençait à penser que Dirac était un peu fou. « Mais, Théo, puisque tu es ici, il me semble que tu l’es à cent pour cent, et à zéro pour cent ailleurs. Je me trompe ou quoi ? ! _ Si ma présence ici était gérée par un phénomène quantique, Dirac ne serait pas d’accord avec ce que tu viens de dire. Selon lui et Schrödinger, un chat assis sur une bombe atomique dont le détonateur est actionné par un dispositif quantique, avec cinquante pour cent de probabilités de la faire exploser, et cinquante pour cent de probabilités de ne pas le faire exploser, est exactement et littéralement mort à cinquante pour cent et vivant à cinquante pour cent. Le principe de Dirac s’applique à ce cas célèbre, celui du « chat de Schrödinger » : il vaut à la lettre toutes les fois que l’état d’un corps macroscopique (comme le chat sur la bombe) est piloté par des phénomènes élémentaires de nature quantique. D’habitude, les corps macroscopiques, les nôtres, les chats et les chaises par exemple, se comportent différemment, exactement comme tu viens de le dire. Mais quand il s’agit de phénomènes liés aux particules élémentaires, de phénomènes dits quantiques, les choses changent du tout au tout. Le chat vivant à cinquante pour cent et mort à cinquante pour cent n’est qu’un exemple hypothétique, imaginé par Schrödinger et repris par Dirac, mais il illustre bien cette idée. » It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 106/113 Research interests Désormais, Karine ne pensait plus à son anthropologue. L’hypothèse de Dirac l’irritait un peu. Ce qui me ravissait, car cela me prouvait qu’elle était accrochée par le sujet. « J’ignore tout des particules élémentaires. Mais je sais que si toi (comme c’est du reste la réalité), tu es en moyenne, tout au long de l’année, un jour sur dix à Paris et un jour sur dix à Aix-en-Provence, une personne qui voudrait te téléphoner un soir quelconque sur (un fixe) et qui ne connaîtrait pas tes habitudes n’aurait que quatre-vingts pour cent de chances de te joindre. Un soir pris au hasard, elle aurait également dix pour cent de chances de te trouver à Paris et dix à Aix-en-Provence. Mais si elle te trouve effectivement, elle sait où tu es, à cent pour cent. Un point c’est tout. Affirmer le contraire, c’est de la folie pure, Dirac ou non ! » Karine se sentit satisfaite d’avoir exprimé ainsi son exaspération. La nuit était tombée. Karine s’excusa et me dit qu’elle n’en avait que pour une minute. Elle monta prendre un pull-over et, disciplinée, revint s’installer dans la chaise longue de la véranda. Les réactions de la charmante Karine me rassuraient. Il me semblait que j’avais fini par trouver une meilleure façon d’introduire ce sujet dans mon cours pour les étudiants de maîtrise. « Tu vois, Karine, tu réagis comme les physiciens avant Dirac. Pourtant, il est apparu que leur comportement était erroné. Dans le monde des particules élémentaires, le concept de présence simultanée dans des lieux différents doit être pris absolument à la lettre. Non seulement une particule individuelle peut être au même instant en des points différents, mais il lui est également possible de parcourir simultanément des itinéraires différents. C’est comme si pour me rendre demain à Paris je prenais simultanément la navette aérienne d’Air France et le train TGV de la SNCF ; et un seul Théo voyagerait simultanément à bord de ces différents moyens de transport. Toutes les versions ou « états de Théo se recomposeraient ensuite à l’arrivée à Paris. Comme ces idées te paraissent folles et qu’elles sont contraires au bon sens le plus élémentaire, il a fallu de nombreuses années pour que les physiciens les acceptent. Or il se trouve qu’il y a quelques années, à l’université de Rochester, deux excellents expérimentateurs ont démontré une fois pour toutes que Dirac avait tout à fait raison. C’est l’expérience dont je voudrais parler à mes étudiants. Il a fallu trente-sept ans pour prouver expérimentalement que l’interprétation de Dirac est la seule qui soit correcte. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 107/113 Research interests _Correcte sans, doute, mais folle quand même ! » Karine commençait à basculer dans le désaccord résigné. « Tu as raison ! En un certain sens, cette idée est folle. Folle, mais vraie ! C’est pourquoi elle est fascinante. À quoi bon faire des sciences si on n’arrive pas à découvrir des choses qui sont souvent à l’opposé exact de ce qu’on attendait ? Non ? Voilà justement pourquoi j’espère que mes étudiants s’intéresseront à cette histoire. » Karine opta pour la résignation totale. « Bien, je t’écoute ! Ils ont vu quoi, tes collègues de Rochester : qu’un individu peut être en même temps à Paris et à New York ? _ Presque. Ils ont démontré qu’un photon, à savoir une particule de radiation élémentaire et indivisible, fait partie en même temps de deux lasers, c’est-à-dire de deux sortes de superlampes< » Là, Karine m’interrompit. « Je sais ce qu’est un laser, merci Théo ! Il y en a même dans les films de James Bond ! » Aussitôt, je pensai que j’utiliserai cette référence le jeudi en question avec mes étudiants, mais je n’osai pas l’avouer à Karine. Je me bornai à dire : « Exact ! On en voit dans les films de James Bond, mais personne ne se soucie de comprendre comment ils fonctionnent. Ça, c’est typique. J’expliquerai à mes étudiants qu’avant l’existence des lasers, on ne pouvait démontrer scientifiquement que Dirac avait raison. C’est la raison pour laquelle il a fallu tant d’années. On se doutait qu’il avait raison, mais sans les lasers, on ne pouvait pas le démontrer d’une manière scientifique. » Karine ne s’avouait pas vaincue pour autant. « Pourquoi ? Une ampoule ordinaire n’est pas assez puissante pour vous autres physiciens ? _ Il ne s’agit pas de puissance, répliquai-je, en enregistrant soigneusement toutes les exclamations de Karine, mais de régularité et de prévisibilité. Une bougie, le Soleil, une étoile ou une ampoule émettent de la lumière quand ça leur chante, au gré des transformations subies par les atomes qui les composent, alors qu’un laser émet de la lumière sur commande : une quantité exacte de photons, à des moments exacts, avec une longueur d’onde fixe et exactement connue, sans bavures. On ne peut pas contrôler les atomes d’une ampoule à l’aide d’un bouton. Mais le laser, oui. On sait très précisément quand il émet un photon, c’est-à-dire un « quantum » indivisible de lumière. On peut donc faire en sorte It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 108/113 Research interests qu’une certaine zone d’espace ne soit jamais traversée par plus d’un photon à la fois. Quand un photon part d’un laser, on peut bloquer l’appareil tant qu’il n’est pas parvenu à destination, par exemple sur une plaque photographique ultra-sensible. On peut bloquer le laser afin qu’il n’émette pas d’autres photons tans que celui qu’il vient d’émettre est en transit. C’est exactement ce qu’ont fait Pfleegor et Mandel, les deux auteurs de l’expérience avec deux lasers identiques. » Caricaturant le ton didactique que j’avais inconsciemment adopté, Karine ajouta : « < Et ils virent qu’un même photon provient des deux lasers au même moment. Comme l’avait dit Dirac. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » Karine ne semblait pas éprouver le moindre enthousiasme. Je commençai à désespérer de l’effet de ma diatribe. Peut-être l’élégance de la procédure choisie pourrait-elle encore créer une étincelle. « C’est tout à fait ça. On sait qu’il ne passe jamais plus d’un photon à la fois dans l’espace de l’expérience. Et voici comment on procède : on prend deux lasers identiques et on mes met en position de tir, comme deux canons de défense antiaérienne. On allume d’abord un seul laser et on fait partir un seul photon à la fois, jamais plus, et on voit comment une pellicule photo réagit aux photons émis par ce laser. On allume ensuite le second, et on observe la réaction de la pellicule. Puis on allume les deux à la fois, mais en les soumettant au contrôle d’un système draconien qui évite toute coïncidence : chaque fois qu’un photon part d’un laser, aucun autre ne part tant que le premier n’est pas arrivé à destination. Si la physique classique avait eu raison, et si la probabilité associée à la fonction d’onde des photons, sur la plaque photographique, les taches auraient dû constituer la somme des deux taches observées, séparément et indépendamment, quand on allume un seul laser à la fois. Or Pfleegor et Mandel ont démontré que les taches sont différentes. Même si l’installation ne « tire » jamais plus d’un photon à la fois, chaque photon, émis par l’un ou l’autre laser, interfère avec lui-même. Et la plaque le montre bien : on a un système de taches différent de la somme des taches laissées par chaque laser quand l’autre est parfaitement éteint. » L’élégance de la méthode commence à ébranler mon interlocutrice et néanmoins amie. En esthète professionnelle, Karine savait reconnaître quelque chose d’élégant. En dépit de ses incertitudes, elle avait bien compris qu’il y avait toujours un seul photon à la fois, mais pourquoi il fallait deux lasers. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 109/113 Research interests « Pourquoi utiliser deux lasers ? Un seul ne suffirait-il pas ? » Je vous avoue que j’espérais cette objection. « En théorie, oui, mais il faudrait de toute façon créer deux itinéraires possibles par photon et constater que chacun d’eux passe simultanément par les deux. Techniquement parlant, le fait d’utiliser deux lasers simplifie beaucoup les choses : on obtient vraiment l’information souhaitée. Il s’agit de constater que chaque photon emprunte au même moment deux voies différentes. » De temps en temps, Karine avait le sentiment que ce que je disais était très sensé ; je venais de lui en fournir un exemple. Elle se dit que ce mélange de folie extrême et de bon sens était la caractéristique de la physique moderne. « Attends un peu. Voyons si j’ai bien compris. Donc, un photon part du laser numéro un et tchac, tout se bloque. Les deux photons ne se rencontrent jamais. Mais si les deux lasers sont allumés, c’est comme si le photon ne savait plus par quel laser il a été émis. C’est comme s’il avait été émis par les deux en même temps, même si, en fait, il a toujours été émis par l’un ou par l’autre. C’est bien ça ? » Enfin ! Le succès mon test sur Karine dépassait toutes mes espérances. Karine avait parfaitement compris l’essence de cette expérience. « C’est bien ça, acquiesçai-je. L’interférence qui se crée entre les deux lasers n’est pas due à une interférence entre leurs photons respectifs et distincts. Ce ne sont pas deux photons différents qui interfèrent entre eux, mais chaque photon qui interfère avec lui-même. Retiens bien ces mots. Je reviens tout de suite. » Je me précipitai en courant dans mon bureau et revins avec le texte de Dirac. J’ouvris à la page fatidique et le mis sous les yeux de Karine, en lui indiquant les lignes décisives. Je venais prononcer les mêmes mots, écrits par Dirac en 1930. « Tu vois, Karine, dans l’expérience de Pfleegor et Mandel, des photons différents ne pourraient interférer l’un avec l’autre parce qu’il n’y en a jamais plus d’un à la fois ! L’interférence a lieu seulement parce que l’autre laser est allumé ; il existe donc un itinéraire alternatif pour chaque photon. Il est effectivement émis par un seul laser, mais c’est comme s’il était émis par les deux. Il parcourt simultanément deux chemins différents, lesquels produisent une figure d’interférence. » It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 110/113 Research interests Pour être sûre d’avoir bien compris, Karine décida de se faire l’avocat du diable, en avançant une affirmation qui risquait fort de ne pas être correcte. « Qu’un photon ait été émis par l’un ou l’autre des lasers, nous, nous ne pouvons pas le savoir< » Voyant qu’enfin ma flèche approchait de la cible, je me suis permis d’interrompre Karine. « Le point capital est que le photon lui-même ne le sait pas ! Ce que tu viens de dire était la théorie avant Dirac : la statistique reflète notre ignorance, l’ignorance de l’expérimentateur. Or Dirac souligne que l’ignorance, ou indétermination, est une propriété du photon en soi. D’une certaine façon, chaque photon est associé aux deux lasers simultanément et passe donc en même temps par deux voies différentes. Bref, il n’interfère qu’avec ses différentes possibilités, et rien d’autre. Ce résultat s’explique uniquement, je dis bien uniquement, si l’on accepte ce qu’affirme Dirac dans les lignes que tu viens de lire. D’après Dirac, la probabilité quantique doit être pensée comme une probabilité liée à chaque particule individuelle et non à la « distribution » de notre ignorance sur de multiples particules différentes. Dans l’expérience de Pfeegor et Mandel, chaque photon ne peut interférer qu’avec lui-même. Dirac avait donc absolument raison. _ J’apprécie l’esthétique de cette folie, dut admettre Karine, mais je continue à ne pas comprendre. Pourquoi ne pas supposer que chaque laser fournit un demi-photon, ou quelque chose de ce genre ? _ Un photon, comme tout quantum – le terme même l’indique -, est rigoureusement indivisible. Il n’ y a pas de demi-photons, de même qu’il ne peut y avoir quatre-vingt-dix pour cent d’une particule élémentaire. Ils existent ou n’existent pas. On ne compte qu’en nombres entiers. C’est de cela que vient le caractère étrange et la beauté, que tu reconnais toimême, de la théorie des quanta vue par Dirac. Les particules sont indivisibles, mais chacune « appartient à » ou, si tu préfères, « se distribue entre » plusieurs états, plusieurs voies possibles, simultanément. _ Alors, elles sont divisibles !, dit Karine, jouant encore l’avocat du diable, et je continuais à enregistrer soigneusement ses objections. _ Non, elles se distribuent tout en restant indivisibles. Comme tout autre appareil de mesure ou de relevé des particules, la plaque photographique enregistre un photon ou n’en enregistre aucun. On n’enregistre jamais une fraction de photon. Mais ce photon est passé simultanément par deux itinéraires différents. Il s’agit d’un seul objet, d’un individu unique It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 111/113 Research interests et indivisible, mais il « appartient » aux deux lasers. C’est un concept tout à fait révolutionnaire, aucune analogie n’est possible avec les objets qui nous sont familiers. » Constatant que Karine était à court d’objections, je décidai de ne plus abuser de sa patience. Je me contentai d’ajouter : « J’espère que mes étudiants de maîtrise apprécieront l’extrême profondeur du paradoxe. » La réponse de Karine fut sincère et, pour cette raison, des plus encourageantes : « Je suis sûre qu’ils s’amuseront beaucoup. Commence par le chat à moitié vivant et à moitié mort et ils seront suspendus à tes lèvres. » Karine alla ouvrir le lave-vaisselle qui, entre-temps, avait fini de tourner. Elle se mit à ranger la vaisselle dans le buffet. Quelques minutes plus tard, elle brisa le silence avec une réflexion résolument mondaine : « Dommage que Dirac ne soit plus de ce monde, j’aurais su au moins de quoi lui parler si d’aventure, je le rencontrais. J’imagine qu’il était ravi de l’expérience. » « Sans doute< Ou alors il n’en a même pas eu connaissance. De toute façon, il était déjà sûr d’avoir raison< » Karine émergea de derrière la porte du buffet et lança, sur un ton mi-impertinent, miréprobateur : « Un peu plus de modestie, Messieurs les savants, je vous prie ! Et si l’expérience lui avait donné tort ? » J’essayais de répondre en citant ce qu’auraient dit Einstein et sans doute Dirac lui-même : que cela ne pouvait se produire, parce que Dirac avait raison. La tête de Karine disparut, cette fois définitivement, derrière la porte du buffet. Elle avait décidé de ne pas insister. Cependant, elle n’imaginait pas combien il eût été difficile, pour moi, de répondre en son nom et non « à la Einstein ». Je réalisai que je n’aurais pas trouvé ma propre réponse pour jeudi, dix heures. « Saalle trois cent ciinq », répétai-je à la texane, en montant les escaliers et en balançant lourdement les épaules, pour mimer un maître qui su me transmettre le virus de l’enseignement. . Mon absence n’était que de quelques minutes< Karine continue de parler, de la vie, des choses naturellement. Je lève mon regard, mes yeux rencontre les siens, j’entends « We got by d’Al Jarreau ». Le temps coule comme dans la mélodie qui se dilue en nous. Je ne voudrais pas que ce moment s’arrête pour la douceur qu’il nous offre alors, la paix It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 112/113 Research interests Cette conversation _ authentique entre Karine et moi_ exprime les faits, des concepts et des arguments parfaitement vraisemblables. Dirac expose ses interprétations dans son traité de mécanique quantique (première édition : 1930). L’expérience géniale de R.L. Pfleegor et L. Mandel est racontée dans la Physical Review de juillet 1967. Elle s’intitulait Interference of Independent Photon Beams. Malheureusement, elle n’a jamais reçu toute l’attention méritée, ni de la part des physiciens, ni de celle d’un plus vaste public. Je trouve extraordinairement intéressant cette confirmation expérimentale d’une conjecture formulée près de quarante ans plus tôt. It is worth remembering, if only for the sense of calm that it provides, that We belong to those who reject darkness Teacher and Researcher 113/113