L`amas thématique des mathématiques

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Sujet proposé par Théo Héikay
« Il n’y a pas de choses simples, mais il y a une manière simple de voir les choses. »
INTRODUCTION
Y a-t-il de la vie ailleurs ? Dans ce système solaire, à part la Terre, cela semble peu
probable, et en tout cas inobservé. Et plus loin ? Il faudrait qu’il y ait des planètes
autour d’étoiles proches du Soleil, si possible, pour qu’on ait une chance de les
étudier un jour. Car observer un objet de cette nature, tout près d’un objet si brillant
qu’il le dissimule dans ses feux, et si loin cependant que cette planète en est encore
plus indiscernable, a tenu pour longtemps de la vraie gageure. Une voie indirecte a
alors été suivie : un compagnon peut, en orbitant autour d’une étoile, créer de très
légers effets cinématiques sur celles-ci se manifestant dans des décalages Doppler du
rayonnement stellaire pouvant être mis en évidence par une optique
spectrophotométrique de très grande précision.
1995 a vu cette entreprise couronnée pour la première fois de succès, initialisant
désormais une quête fructueuse puisqu’à l’heure actuelle + de 100 planètes
extrasolaires ont été ainsi (indirectement) observées.
PRÉREQUIS
Les notions nécessaires, comme la magnitude, le corps noir, la vitesse d’évasion ou la
vitesse thermique sont apportées dans le problème.
ÉNONCÉ
À l’automne 1995, des astronomes suisses ont découvert des variations périodiques
dans les vitesses radiales de l’étoile m Pegasi, très comparable au Soleil, de
magnitude visible apparente 6,18 et située à 44,7 années-lumière de nous. Ces
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résultats ont été attribués à la présence, autour de l’étoile, d’une planète dont la
période orbitale serait de 4,23 jours, et dont la masse serait comparable à celle de
Jupiter.
I _ Rappels sur des définitions astronomiques
a) L’année lumière (al) est la distance parcourue par la lumière en un an.
Donner la valeur de al (c = 3.108 m.s– 1).
Le parsec (pc) est la distance d’une étoile d’où on verrait le rayon de l’orbite
terrestre (UA) sous un angle de 1’’.
Donner la valeur du parsec (UA = 1,496.1011 m). Donner la relation numérique entre
pc et al.
b) La notion de magnitude remonte à l’antiquité, quand Hipparque établissait le
premier catalogue d’étoiles en inventant la notion de grandeur, nombre entier,
d’autant plus élevée que l’étoile est faible, l’étoile la plus brillante étant de
grandeur 1.
De façon moderne, la magnitude apparente d’une étoile est liée à son
éclairement (flux de puissance observé) par la relation
m = – 2,5 log E + cste
Plus précisément, il faut spécifier le domaine de rayonnement observé, la
constante étant fixée selon une source établie.
Pour une observation dans le domaine visible,
mV = – 2,5 log E – 14,2
II _ Propriétés de m Pegasi
On appelle magnitude absolue m la magnitude apparente qu’aurait l’étoile si elle
était placée à une distance de 10 pc. L’intérêt de cette notion est qu’elle permet de
comparer les luminosités intrinsèques des étoiles puisqu’elles sont placées ainsi
artificiellement à la même distance.
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i.
ii.
iii.
Calculer la magnitude absolue MV(©) du Soleil (L © = 3,86. 1026 W).
Donner la relation entre magnitude apparente et magnitude absolue. On appelle m
– M le « module de distance ». Pourquoi ?
Calculer MV pour M. Le résultat est-il plausible pour une étoile semblable au
Soleil ? On appréciera la rapport des luminosités du Soleil et de M Pegasi.
III _ Propriétés de la planète extrasolaire
i.
En utilisant la 3e loi de Kepler (a3/T2 = GM/42) calculer, en UA, la distance
approximative de la planète à son étoile. La comparer avec celles du système solaire
(M© = 2.1030 kg). Commenter.
ii.
On suppose que la planète se comporte comme un corps noir (elle émet par
unité de surface une puissance T4,  = 5,67.10– 8 SI) sphérique de rayon R. Son
albédo (rapport de la puissance réfléchie à la puissance incidente) est .
Si L est la luminosité de l’étoile, donner l’expression de T en fonction de , L et R, en
partant de l’équilibre énergétique de la planète.
Estimer la température de surface de la planète supposée semblable à Jupiter ( = 0,34).
iii.
Démontrer que la vitesse de libération v à la surface d’une planète de masse M et de
rayon R est
2GM
R
Démontrer que la masse moyenne d’agitation thermique d’une particule de masse m d’un
gaz de température T est
v1 =
3kT
m
Discuter l’existence possible d’une atmosphère à la surface de la planète.
(Masse de Jupiter M = 1,9.1027 kg, rayon de Jupiter R = 71 300 km, masse de
l’atome d’hydrogène m = 1,67.10– 27 kg).
vt =
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CORRECTION DE L’AUTEUR
I _ a) La durée de l’année (365,25 j de 86 400 s chacun) est 1 a = 3,16. 107 s d’où
al = cT = 3,16.107 = 9,48.1015 m
UA
soit
d
1,496.1011
d=
= 3,086.1016 m

18060
60
D’après la définition du persec 1’’ =
d’où pc = 3,26 al.
II _ a) La luminosité du Soleil L © donne, à une distance d, un éclairement
L©
EV =
4d²
(4d² est la surface de rayon d).
La magnitude absolue est calculée d’après l’éclat à d = 10pc d’où
L©
MV(©) = – 2,5 log
– 14,2
4(10pc)²
A.N. On trouve MV(©) ~ 4,5.
c) Si pour une étoile donnée de luminosité L, E est l’éclat à la distance d, et E 10
l’éclat à la distance de 10 parsec, on a L = 4d²E = 4(10pc)²E10
Soit
E
10
=  ²
E10
d
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si d est mesurée en pc. Par ailleurs
m = – 2,5 log E + cste
M = – 2,5 log E10 + cste
d’où
E
10
= – 5 log
E10
d
d’où m – M = 5 log d – 5 module de distance.
m – m mérite son nom parce qu’il n’est fonction que de la distance, et
qu’inversement sa connaissance permet d’atteindre la distance.
d) Pour M Pegasi, MV = mV + 5 – 5 log d soit
44,7
MV = 6,18 + 5 – 5 log
~ 5,5
3,26
Cette valeur est proche de celle du Soleil, ce qui confirme que M Pegasi est bien une
étoile de type solaire.
m – M = – 2,5 log
MV (©) – MV (Pegasi) = 4,5 – 5,5 = 1 = – 2,5 log
E10(©)
E10(Pegasi)
d’où
E10(©)
= 100,4 ~ 2,5
E10(Pegasi)
qui est le rapport des luminosités.
III _ a) La masse de M Pegasi doit être comparable à celle du Soleil ce qui n’a pas
une grande incidence car
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GMT² 1/3
a= 

 4² 
varie peu avec M. On sait, d’après la trajectoire de la Terre que
GM©(1 an)²1/3
UA = 

4²


d’où
a
 4,23 2/3
=
 ~ 0,05
UA 365,25
Cette planète, de nature géante, est extrêmement proche de l’étoile. Ce n’est pas sans
poser un problème sur la compréhension des systèmes planétaires car, dans le
mécanisme de formation adopté actuellement pour le système solaire, les planètes
géantes sont à grande distance du Soleil.
b)
La planète reçoit de l’étoile et par unité de surface perpendiculaire au
L
rayonnement une puissance
. La puissance absorbée est donc
4d²
R²
(1 – )L 
4d²
À l’équilibre énergétique
R²
(1 – )L 
= 4R²T4
4d²
d’où
(1 – ) L1/4
T = 

 16d² 
A.N. L ~ 0, 4 L © ~ 1,5.1026 W. m– 1 ; d ~ 0,05  1,496 ; 1011 = 7,5.109 m ;  = 0,34 .
D’où T ~ 1250 K qui est une température de surface très élevée pour une planète.
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c) L’énergie totale d’un corps de masse m, de vitesse v, situé à une distance r du
centre d’un objet attractif massif de masse M >> m, est
GmM
1
E = mv² –
r
2
On obtient v = v1 pour E = 0 (l’objet de masse m peut aller jusqu’à l’infini avec une
vitesse nulle) d’où pour la planète de masse m et de rayon R,
2GM
R
Pour un gaz en équilibre à la température T, le théorème de l’équipartition de
1
l’énergie donne kT par degré de liberté.
2
Pour l’énergie cinétique de translation, il y a 3 degrés de liberté d’où
1
1
mvt2 = 3  kT
2
2
v1 =
soit
3 kT
m
Pour la planète extrasolaire assimilée à Jupiter, R = 7,13.107 m, M = 1,9.1027 kg soit
vt =
v1 ~ 60 Km. S– 1
Pour un gaz d’hydrogène (m = 1,67. 10– 27 kg) à la température de 1 250 K,
vt ~ 5, 6 km. S– 1
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L’hydrogène qui est le gaz le plus léger et donc a de plus de facilité à s’échapper à
cependant une vitesse moyenne d’agitation thermique nettement inférieure à la
vitesse de libération de la planète extrasolaire. L’existence d’une atmosphère sur
cette planète est donc plausible.
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Sujet proposé par Théo Héikay
« J’aime les vieilles questions.
Ah ! Les vieilles questions, les vieilles réponses, il n’y a que ça ! »
Introduction
Les planètes du système solaire possèdent pour la plupart des satellites naturels.
L’homme a également inventé des satellites artificiels, d’abord autour de la Terre,
puis des planètes et l’intérêt scientifique, technologique, économique (pour ne pas
parler du militaire) de ces satellites est unanimement reconnu. Comme sont reconnus
aussi les problèmes qu’ils peuvent poser à l’environnement, voire de façon très
directe lorsque des morceaux menacent immédiatement la vie humaine.
Le présent problème examine quelques phénomènes généraux concernant les
satellites sur leur trajectoire, considérée comme circulaire pour simplifier.
Prérequis
Notions de mécanique appliquées à la gravitation. Résolution d’équations
différentielles.
Énoncé
I _ Modification de trajectoire
a) On considère un satellite de masse m en orbite elliptique autour de la Terre
(masse MT).
En appliquant la conservation du moment cinétique aux points M1 (apogée) et M2 (périgée),
montrer que l’énergie totale E du système (m, MT) dans un référentiel géocentrique est
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GMTm
a1 + a2
où a =
est le demi-grand axe de l’ellipse.
2a
2a
b) On considère que le satellite est initialement en orbite circulaire (cas particulier
d’ellipse,

a = a1 = a2). Un moteur agit sur le satellite de telle sorte que sa vitesse v devienne

instantanément  v ( > 0).
Donner, suivant la valeur de , la forme de la nouvelle trajectoire.
E=–
II _ Rendez-vous spatial
Deux satellites S0 et S1 sont sur une même orbite circulaire autour de la Terre, de
rayon a, qu’ils parcourent avec la même vitesse angulaire 0. S0 précède S1 d’une

distance ℓ0. Grâce à son moteur, à t = 0, S1 se donne une variation de vitesse  v0 (

réel << 1), où v0 est la vitesse initiale du satellite (v0 = 0a). On supposera qu’en toute
circonstance les orbites des satellites restent circulaires.
(a) Donner l’expression de la nouvelle vitesse angulaire 1 de S1 en fonction de 0 et .
(b) Écrire l’équation donnant l’ensemble des dates pour lesquelles les directions Terre-satellite
de S0 et S1, sont confondues, c’est-à-dire pour lesquelles S1 « rattrape » S0.
(c) Quelle peut être la valeur de  pour que S1 rattrape S0 au bout d’une période de S0 ?
(d) Le mot « rattrape » n’est pas tout à fait exact dans la mesure où il sous-entend que
les deux satellites sont exactement sur la même orbite, ce qui est la condition
nécessaire des rendez-vous spatiaux.
À partir d’une situation analogue à leur situation initiale, décrive qualitativement la suite de
manœuvre amenant S1 au rendez-vous avec S0.
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III _ Effet dynamique de l’atmosphère
On suppose que la haute atmosphère, supposée ténue, de masse volumique , a un
effet de freinage tel sur un satellite que sa variation d’énergie par unité de temps
dE
peut se mettre sous la forme
= – kv où k est une constante positive et v la vitesse
dt
du satellite.
On admettra que l’orbite du satellite, initialement de rayon a et de période T 0, reste
circulaire au cours du temps, de période T(t), rayon r(t).
(a) Discuter qualitativement le comportement de la trajectoire au cours du temps en
décrivant notamment l’évolution de r, v, et T.
dT
(b) Trouver l’expression de en fonction de k, m, T et MT
dt

t
(c) Intégrer cette équation en supposant une loi de puissance pour T telle que T = T0   où
t0
t0 est le temps initial.
(d) Déterminer r(t).
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CORRECTION DE L’AUTEUR
I _ a)
GMTm
1
mv12 –
a1
2
GMTm
1
En M2, E = mv22 –
a2
2
moment cinétique donne
En M1, E =
La
conservation
Ea 2 – Ea
1
2
2
du
v1a1
=
v2a2
d’où
= – GMTm(a1 – a )
2
soit finalement
GMTm
GMTm
= –
a1 + a2
2a


c) Le point M où le changement de vitesse se fait est tel que OM orthogonal à v :
c’est un sommet de la nouvelle trajectoire. Avant ce changement, l’orbite
circulaire est telle que
E= –

GMTm m v0
=
a2
a
soit
v0 =
GMTm
a
Après le changement de vitesse, l’énergie devient
GMTm 1 GMTm 2
1

E’ = m ² v0 –
=
( – 2)
a
2
2 a
1) si 0 <  <
I.
2 la trajectoire est elliptique (E’ < 0) avec trois cas
0 <  < 1. Il y a freinage. Le nouveau demi-grand axe est :
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a’ =
II.
a
< a
2 – ²
a = 1 pas de changement.
III.
0 < 2  < 2. Il y a accélération.
Le nouveau demi-grand axe est
a’’ > a
2) Si  =
2 la trajectoire est parabolique (E’ = 0).
3) Si  >
2 la trajectoire est hyperbolique (E’ < 0).
II __
a) Pour l’orbite initial circulaire l’énergie du système (S 1, Terre) dans le
référentiel géocentrique est
Gm1MT
1
E1 = m1v02 –
a
2
On a aussi d’après I b),
GmMT
1
mv02 = –
2a
2
On voit que, pour une orbite circulaire, si E est l’énergie totale et r le rayon, v la
vitesse, on a les relations
E1 = –
E . r = cste et
E
= cste
v²
Soit encore
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dE
dr dE
dv
=–
= 2
E
r
E
v
Après la modification de vitesse, l’énergie (S1, Terre) devient
Gm1MT
1
E’1 = m(v0 + v0)2 –
a
2
Soit dE1 = mv02 d’où
dE1
dr
dv
= – 2 et
= 2
= – 
E1
r
v
Comme  =
v d
dv
dr
d
,
=
–
d’où
= – 3. La nouvelle vitesse angulaire de S1

r 
v
r
est donc
1 = 0 (1 – 3)
b) L’angle entre la direction de S0 et S1, est alors
c)
ℓ0


(TS0 , TS1) = 0(1 – 3)t –
a

(ℓ0 petit devant a)

Les directions se confondent si (TS0 , TS1) = 2k, k entier relatif, d’où l’ensemble des
valeurs possibles de t, données par
– 30t =
ℓ0
+ 2k
a
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Comme ℓ0 << a, le premier rattrapage se fait pour k = 0. Si l’on veut qu’il ait lieu pour
2
t = T0 =
, on a finalement
0
ℓ0
=–
2a
La valeur négative de  signifie, selon un paradoxe apparent, que le satellite S1 doit
freiner pour rattraper S0 devant lui.
d) La série de manœuvres à accomplir pour un rendez-vous spatial est dictée par les
résultats précédents.
Les différentielles de II a) montrent que si un satellite accélère ( > 0), son rayon
augmente ainsi que sa période, sa vitesse et sa vitesse angulaire diminuent. C’est
l’inverse s’il freine ( < 0) ; son rayon diminue ainsi que sa période. Sa vitesse et sa
vitesse angulaire augmentent.
S’il faut que S1 rattrape S0 , il doit d’abord freiner, dépasser S0 sur une orbite
légèrement plus basse, puis accélérer pour remonter à une orbite supérieure afin que
S0 le rattrape, etc<
III ____ a) Le satellite voit son énergie totale diminuer en permanence parce que
dE = – kv dt < 0. D’après les résultats précédents, le satellite voit augmente sa
vitesse sur une orbite de plus en plus basse, avec une période de plus en plus courte.
Il va donc se désintégrer à terme.
b) D’après I.a)
d 3 dE
=

2 E
Or
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T=
2
dT
d
soit
=–
.


T
D’où
dT
3 dE
=–
.
T
2 E
Soit
1 dT 3
v
= k
T T
2
E
On trouve la relation entre T et E d’après les égalités de II. a) pour une orbite
circulaire
T = 2
r
GMTm
avec r = –
v
2E
v =
–2
E
m
Soit
T=
GMT
2
m3/2( – E) –
3/2
d’où
–
v
=
E
–1
- Em
d’où
 GMT2/3
E=
 m
 2T 
1 dT
3
1  GMT- 1/3
= – k 
T dt
2
m  2T 
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soit finalement
dT
3k
= –
(2 GMT)-1/3T4/3
dt
m
c) On met cette équation sous la forme
dT
= – A T4/3
dt
Après dérivation de T(t) = T0(t/t0)  , on identifie les termes en t ce qui donne  = – 3,
et les termes constants, ce qui donne
3
= T01/3  t0
A
d’où
 t  – 3  3 3
T(t) = T0   =   t – 3
t0
A
Soit encore
 m 3
T(t) =   2 GMTt – 3
k
d)
T = 2
r
et v =
v
GMT
d’après I. b)
r
d’où
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T = 2
r3
GMT
Ou
T²
4²
=
3
r
GMT
qui est aussi la troisième loi de Képler appliquée à une orbite circulaire de rayon r,
d’où
GMT1/3 2/3
r(t) = 
 T
 4² 
soit finalement
 m  2 GMT –2
r(t) =  
t
k (2)1/3
qui est une expression de type
t -2
 m 2 GMT
r(t) = a   avec at02 =  
.
t0
k (2) 1/3
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Sujet proposé par Théo Héikay
« Les hommes d’habitude, voient les choses telles qu’elles sont et disent ’’pourquoi ?’’.
Je rêve de choses qui ne sont pas et je demande ’’pourquoi pas ?’’. »
INTRODUCTION
À côté des planètes, de dimensions plus faibles, et nettement plus nombreuses, on
trouve les astéroïdes et les comètes. Ces objets, même s’ils peuvent donner lieu à des
phénomènes spectaculaires comme la queue des comètes, sont en général
d’observation difficile en raison de leur petitesse. Pourtant il est tout à fait essentiel
de bien les connaître car ils sont le plus souvent les témoins des conditions originelles
ayant prévalu à la formation du système solaire. Corps solides, ils réfléchissent la
lumière visible du Soleil. Corps chauds, ils émettent un rayonnement thermique
infrarouge. C’est donc dans ces deux domaines des ondes électromagnétiques que se
font les observations, et le lancement de satellites a nettement amélioré notre
connaissance de l’infrarouge émis par les objets célestes.
Dans cette veine, le lancement de sondes, outre de très belles images d’objet aux
formes souvent torturées, a fourni une meilleure compréhension des petits objets du
système solaire et des conditions de formation de ce dernier.
PRÉREQUIS
Ils sont pour l’essentiel fournis par l’exercice qui, parfois, simplifie les théories
existantes sans en travestir les résultats, comme dans le cas de la théorie cinétique des
gaz et du recensement des chocs des molécules.
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ÉNONCÉ
L’étude du rayonnement des comètes et des astéroïdes permet de remonter à deux
caractéristiques essentielles : leur taille et leur albédo (rapport de l’énergie qu’ils
réfléchissent à l’énergie qu’ils reçoivent). Ce dernier est relié à leur constitution, et
l’ensemble permet d’appréhender leur masse. On dispose ainsi d’informations
précieuses sur la dynamique et la nature de ces objets, et à partir de là, sur le
comportement et l’évolution du système solaire.
I _ Détermination de la taille et de l’albédo
L’observation d’un petit corps peut se faire en lumière visible, cet objet réfléchissant
vers la Terre une partie de la lumière solaire reçue, ainsi qu’en infrarouge car le
rayonnement solaire absorbé en fait un émetteur thermique, assimilable à un corps
noir.
Soient EV et EIR les éclats (énergie reçue par unité de temps et unité de surface
réceptrice perpendiculaire à la direction d’observation) de l’objet en visible et en
infrarouge.
On considère le petit corps A à son opposition (la Terre se situe entre lui et le Soleil).
Sa distance à la Terre est alors ℓ et sa distance au Soleil d. Il est assimilé à un objet
sphérique de rayon r et d’albédo . La distance de la Terre au Soleil est l’unité
astronomique UA (d = 1 + UA). La luminosité du Soleil est L©.
a) Considérant qu’à l’opposition, l’objet A réfléchit vers la Terre quatre fois plus de
lumière visible qu’il ne le ferait pour une répartition isotrope dans tout l’espace,
exprimer EV (1).
b) Considérant que l’objet A se comporte comme un corps noir émettant thermiquement
de façon isotrope un rayonnement infrarouge dans tout l’espace, exprimer EIR (2).
c) De (1) et (2), tirer  et r en fonction de EIR et EV.
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d) Pour l’astéroïde Ida, on a ℓ = 1,86 UA, EV = 0,54 nW/cm², EIR = 0, 77 n W/cm².
Calculer r et .
(On rappelle UA = 1,5.1011 m, L© = 3,86.1026 W)
La sonde Galileo a survolé cet astéroïde et révélé un objet irrégulier, allongé de
dimensions 50 km  15 km environ.
Est-ce compatible avec les résultats précédents ? (L’analyse spectrophotométrique révèle
un astéroïde dit de type S, c’est-à-dire silicaté pour lequel l’albédo est typiquement
de 0,1 à 0,2).
Si l’on prend  ~ 3g/cm3 pour un minéral silicaté, estimer la masse de Ida.
En fait, Galileo a mis en évidence la présence d’un petit satellite, Dactyl, qui orbite
autour de Ida en 20 heures, à une distance d’environ 100 km.
Estimer la masse de Ida en utilisant la 3e loi de Képler (a3/T2 = GM/4² où a est le rayon de
la trajectoire du satellite, T sa période, M la masse de l’objet principal).
En considérant Ida comme un « cigare » cylindrique ayant 50 km de long et 15 km de
diamètre, calculer la masse volumique ’ réelle de Ida. Comparer avec .
’
Calculer l’indice de « porosité » de Ida  = 1 –
. Que conclure quand à la structure interne

de Ida ? Peut-on suggérer un mécanisme pour sa formation ?
e) La comète de Halley a été « redécouverte » en 1982, à une distance ℓ ~ 5 UA.
Les mesures du rayonnement donnaient : EV = 2,1.10– 3 nW/cm², EIR = 1,3.10– 2
nW/cm².
Calculer r et . La sonde Giotto en frôlant la comète (1985) a révélé un objet plus sombre que
tout objet connu, en forme de « cacahuète » de dimensions 15  8 km environ. Le modèle est-il
compatible avec ces observations in situ
En supposant que la comète est faite de glace poreuse ( ~ 0,5/cm3) estimer la masse de Halley.
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II _ La situation particulière des comètes
La méthode précédente est applicable a priori à tout corps du système solaire, petit ou
non, comètes, astéroïdes, planètes, etc. Les comètes présentent cependant une
situation particulière en ce sens qu’elles développent cette structure qui les rend si
spectaculaires (atmosphère puis chevelure et queues) lorsqu’elles se rapprochent du
Soleil, en raison de la sublimation de la glace s’échauffant sous l’effet de l’énergie
croissante apportée par le rayonnement solaire. Soit L la chaleur latente de
sublimation de la glace pour une molécule et Q le flux (nombre par unité de temps
par unité de surface) de particules sublimées.
a. Écrire l’équation de l’équilibre énergétique de la comète en considérant qu’elle rayonne
comme un corps noir de température T.
b. On veut déterminer la distance au Soleil en de-ça de laquelle la comète
développe son atmosphère, ce qui invalide le modèle précédent. On considère
que cette distance est celle à laquelle la chaleur nécessaire à la sublimation
devient comparable à celle émise par rayonnement thermique, à savoir
lorsque QL ~  T4. On doit exprimer Q en fonction de la température T de la
comète. Soit donc un gaz à la température T, contenant n particules par unité
de volume, de masse m.
1

En utilisant le théorème de l’équipartition de l’énergie  kT par degré de liberté donner
2

la vitesse thermique moyenne v des particules en fonction de m et T.
Exprimer le flux de particules heurtant la surface de n et v : Pour cela on considère un
élément de volume cubique dont l’une des faces repose sur la surface et on
admettra que la répartition isotrope des vitesses peut être simplifiée par des
mouvements selon trois axes de coordonnées seulement. On suppose ensuite que
chaque particule heurtant la surface s’y condense et on utilise la notion
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d’équilibre thermodynamique pour affirmer que le flux de particules sublimées Q
est égal au flux de particules condensées.
Exprimer alors Q en fonction de n, T et m.
c. Rappeler l’équation d’état d’un gaz parfait reliant la pression P à n et T. En supposant
que la pression de vapeur PV du matériau cométaire sublimé suit une telle loi, montrer
que l’on a
Q=
PV
12kTm
On considère la comète comme un bloc de glace (propre). La chaleur latente de
sublimation de la glace dépend peu de la température. On la prendra égale à
2,5.106 J.kg– 1.
d. En déduire la valeur numérique de L. Le diagramme de phrases de l’eau est
connu, en l’équation de la courbe de sublimation dans un diagramme P,T).
Remplir le tableau suivant ( = 5,67.10– 8).
T(K)
150
170
200
250
T4 (W/m²)
PV (Pa)
3,5.10– 5
1,7.10– 3
1,7.10– 3
77
QL (W/m²)
e. Commenter les comportements respectifs de T4 et QL. On appréciera en
particulier la température à laquelle ces deux termes s’égalent (on peut par
exemple tracer les courbes
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log (T4) et log(QL) en fonction de T).
Utiliser l’équation de II.a. pour trouver la distance au Soleil correspondante. On
pourra utiliser pour cela la valeur de  pour Halley.
À quelle région du système solaire cette distance correspond-elle ?
La plupart des comètes, probablement parce qu’elles sont constituées de glace
(sale) semblent développer leur atmosphère après avoir passé l’orbite de Jupiter.
Cela est-il compatible avec le résultat précédent ? Certaines comètes commencent
cependant à développer leur atmosphère à des distances supérieures, sans doute
parce qu’elles sont constituées de matériaux beaucoup plus volatils que la glace
d’eau (glace de CO2 par exemple).
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CORRIGÉ DE L’AUTEUR
I __ a) Le Soleil étant une source isotrope, la puissance reçue par l’objet A est égale à
d
r²
L©
où d est l’angle solide sous lequel A est vu du Soleil, soit d =
4
d²
A réfléchit vers la Terre une puissance
 r²
  L© 
 4  d ’,
4  d²
où d ’ est l’angle solide sous lequel la Terre est vue de A, soit
 R²©
d ’ =
.
d²
L’éclat EV est égal à cette puissance divisée par la surface perpendiculaire au
rayonnement
( R²©) d’où
 L© r²
EV =
(1)
4 d²ℓ²
b) Pour calculer EIR on appliqué le même raisonnement sachant que A absorbe la
partie (1 – ) de la puissance incidente et qu’en tant que corps noir il émet de
façon isotrope dans tout l’espace.
D’où
(1 – ) L©r²
EIR =
16d²ℓ²
c) De (1) et (2), on tire aisément
EV
=
EV + 4EIR
4 d²ℓ²(EV + 4E IR) 1/2
r = 

L©


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d) A.N. pour Ida.
On trouve  ~ 0,15 et r ~ 13 km.
Ces résultats sont compatibles avec les observations de Galileo. L’albédo trouvé est
bien conforme à un astéroïde de type S. Le volume d’une sphère de rayon 13 km est
équivalent à celui d’un « cigare » de 50 km de hauteur et de 15 km de diamètre, à
savoir 8800 km3 environ.
Avec  ~ 3.103 kg/m3, on trouve une masse d’environ 2, 6. 1017 kg.
L’application de la 3e loi de Képler à la trajectoire de Dactyl donne
4a3
M=
~ 1,2.1017 kg
GT²
La masse volumique « réelle » ’ est moins élevée que celle du matériau censé
constituer l’astéroïde, à savoir
1,2.1017
’ ~
~ 1400 kg/m3 = 1,4 g/cm3
3,8.1013
L’indice de porosité est alors
’
p=1–
= 0,53

L’astéroïde serait donc loin d’être compact et le matériau silicaté serait en fait plein
d’interstices : on peut suggérer que l’astéroïde s’est formé par accrétion progressive
de petits corps laissant entre eux, lors de leur fusion, de tels interstices.
e) A.N. pour Halley
On trouve  ~ 0,04 ( = 0,1 pour du charbon) et r ~ 9 km.
Résultats compatibles avec les observations de Giotto.
Masse de Halley :
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4 3
r  ~ 1,5.1015 kg
3
II _ a) À l’équilibre énergétique, on a
 r²
(1 – ) L© 
= 4  r²  T4 + 4  r² Q L.
4  d²
soit encore
(1 – ) L©
=  T4 + QL.
16  d²
M~
b)
D’après l’équilibre de l’énergie, la vitesse cinétique d’une particule sera
3
1
mv² = kT (3 degrés de liberté pour la translation)
2
2
soit
v=
3
kL
m
1
du nombre de particules va frapper la face du cube à la
6
surface de la comète. Si cette face a comme surface S, les particules heurtant la
surface pendant l’instant dt sont comprises dans un parallélépipède de section S et
de hauteur v dt, ce qui donne nv particules par unité de temps et unité de surface.
On a finalement
D’après le modèle, seul
Q=
1
1
 nv = n
6
6
3kT
m
c) On trouve aisément l’équation d’état du gaz parfait P = knT
d’où
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Q=
PV
6kT
3kT
=
m
PV
12 m KT
d) L est la chaleur de sublimation par molécule, soit 2,5.106 J/N où N est le
nombre de molécules d’eau contenues dans 1 kg, d’où L = 7,5.10– 20 J/molécule.
Le tableau rempli est le suivant :
_
T(K)
150
170
200
250
T4 (W/m²)
29
47
90
220
PV (Pa)
3,5.10– 5
1,7.10– 3
1,7.10– 3
77
QL (W/m²)
0,13
4,4
4,05.102
1,6.105
On voit que la part de l’énergie utilisée dans la sublimation de la glace cométaire,
négligeable à températures basses (et fortes distances) devient comparable
rapidement à l’émission thermique, puis prépondérante à des températures plus
élevées (et des distances plus faibles).
Une rapide résolution graphique montre que les deux types d’énergie sont
comparables pour
T ~ 190 K, correspondant à  T4 ~ Q L = 75 W/m². De l’équation II. a), on déduit
aisément,
 (1 – )L 1/2
d=
 ~ 4,5. 1011 m = 3 UA
32   T4 
Ce qui correspond à une région comprise entre Mars et Jupiter, compatible avec les
observations.
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Sujet proposé par Théo Héikay
« Oh puissance d’imaginer, toi qui nous emportes parfois
si loin hors de nous qu’on ne s’aperçoit pas que sonnent
alentour mille trompettes, qui te met en mouvement ? »
INTRODUCTION
L’astrophysique présente en particulier deux intérêts essentiels :
 Montrer l’universalité des lois physiques « terrestres »
 Montrer en quoi le milieu terrestre est singulier.
C’est cet aller-retour qu’on trouve à l’œuvre dans la planétologie. Les observateurs
des planètes du système solaire montrent des phénomènes interprétables en termes
de connaissances issues de l’observation de faits terrestres comparables.
Inversement, l’immense diversité des phénomènes planétaires à l’œuvre dans le
système solaire permet de mieux comprendre la grande singularité de la Terre et les
raisons de cette singularité.
Le présent problème examine dans un esprit comparatif les propriétés des planètes
telluriques et la Lune de différents points de vue : formation, structure interne,
vitesse d’évasion, températures, périastre et apoastre.
PRÉREQUIS
Les différentes notions nécessaires sont introduites dans le texte (équation d’équilibre
d’hydrostatique, vitesse d’évasion, émission du corps noir, périastre et apoastre).
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ÉNONCÉ
On donne le tableau suivant, pour la Lune et les planètes telluriques
Objet
Terre
Lune
Mercure
Vénus
Mars
Masse (kg)
5,97.1024
7,3.1022
3,3.1023
4,87.1024
6,4.1023
Rayons (103 km)
6,38
1,74
2,44
6,05
3,39
Demi-grand axe
de l’orbite (UA)
Excentricité
1
-
0,387
0,723
1,524
0,017
-
0,206
0,007
0,093
Albédo
0,3
0,07
0,06
0,76
0,15
Pression au sol
(atm)
1
0
0
90
7.10 – 3
15
3
170
480
– 55
T (°C) moyenne
On y trouve notamment les caractéristiques des ellipses orbitales des planètes : le
demi – grand axe (a) et l’excentricité (e) qui est le rapport CS/a où S est la position du
Soleil (foyer de l’ellipse) et C le centre de celle-ci. L’albédo () est le rapport de
l’énergie solaire réfléchie par la planète à l’énergie solaire incidente.
I Évolution originelle des planètes telluriques
a) Utiliser les données des deux premières lignes pour construire un graphe donnant la
masse volumique des différents objets en fonction de leur rayon.
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b) On remarquera qu’il est possible de tracer une droite passant assez bien par 4
de ces 5 objets.
Que peut-on en déduire quant à l’origine du 5e objet ?
II Structure interne des planètes telluriques
Soit P® la pression à l’intérieur d’une planète, supposée sphérique et de masse
volumique  uniforme, à une distance r du centre. On rappelle que l’équation
d’équilibre hydrostatique, qui donne la variation de pression dP sur une couche
sphérique d’épaisseur dr, s’écrit
Gm(r)
dP = –
dr
r²
où M ( r ) est la masse de la sphère de rayon r.
a) Déterminer la pression PC au centre de la planète en fonction de G,  et R rayon
de la planète, en admettant que la pression à la surface est négligeable.
b) Réaliser l’application numérique pour les objets du tableau. Que penser de
la structure interne de Mars ? Peut-on justifier la non-existence actuelle d’un
champ magnétique dipolaire martien ?
c) On considère une comète de noyau sphérique de rayon RC = 1 km, de
masse volumique C = 500 kgm– 3. Calculer sa masse et sa pression au centre.
Que penser de la structure interne du noyau ?
III Vitesses d’évasion
On considère un satellite de masse m orbitant à une distance  d’un objet de masse
M >>m. Les deux sont considérés comme sphériques. La vitesse de m dans un
référentiel lié à M est v. On appelle vitesse de libération v 1 la valeur de v telle que le
mobile puisse s’écarter à l’infini de M avec une vitesse alors nulle.
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Exprimer v1 en fonction de M et . Calculer les vitesses de libération à la surface des objets.
Commenter en rapprochant ces valeurs trouvées avec la présence ou non d’atmosphère
(révélée par la valeur de la pression au sol).
IV Températures
Sous l’effet du rayonnement solaire les planètes s’échauffent et rayonnent à leur tour,
mais dans l’infrarouge. On admet qu’elles se comportent comme des corps noirs
sphériques (elles émettent de façon isotrope un rayonnement de puissance  T4 par
unité de surface.  est la constante de Stefan-Bolztmann = 5,67.10– 8 SI).
a) L© étant la luminosité solaire, exprimer la puissance solaire absorbée par l’objet en
fonction de L© , a, D er R (D distance Soleil-planète)
b) Donner la puissance émise par la planète à la température Te (température effective
déduite des lois du corps noir) et déduire Te en fonction de L© , D, , de l’équilibre
énergétique de l’objet.
c) Faire l’application numérique (on assimilera D à a) et comparer la valeur de Te avec les
températures observées. Commenter. (UA = 1,496.1011m, L© = 3,86.1026 W )
d) Différencier l’expression de IV. b) pour exprimer dTe en fonction de dD.
V Périastre et apoastre
Le point d’une orbite planétaire le plus éloigné de l’étoile attractive s’appelle
apoastre (aphélie pour le Soleil). Le plus rapproché, le périastre (périhélie pour le
Soleil). On rappelle que les distances de l’astre au périastre et à l’apoastre sont
respectivement a(1 – e) et a(1 + e).
a) Donner l’expression littérale de l’écart entre les distances de l’aphélie et du périhélie.
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b) Faire l’application numérique pour les 4 planètes. Calculer Te correspondant. Que
penser du Te de Mars pour son régime climatique ?
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CORRIGÉ DE L’AUTEUR
I _ a) Le tableau servant pour le graphe est le suivant :
Objet
Rayon (103 km)
(g/cm3)
Terre
6,38
5,52
Lune
1,74
3,33
Mercure
2,44
5,44
Venus
6,05
5,25
Mars
3,39
3,94
c) Le point représentatif de Mercure est notablement en-dehors de la droite. On
peut raisonnablement penser que Mercure provient en fait de la rupture d’un
objet plus important. Cela est cohérent avec son orbite plus excentrique (e =
0,2) et située relativement en-dehors du plan moyen des orbites des planètes
du système solaire (l’angle entre les deux plans est de 7°)
II _ a)
M ( r) =
4
  r3
3
d’où
dP = –
4 G 2
 rdr
3
d’où par intégration
P (r) – 0 =
2 G 2 2 2
 (R – r )
3
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On a P( r ) = PC pour r = 0, d’où
2G2 2
R
3
GM
qu’on peut encore mettre sous la forme PC =
2R
b) A.N.
PC =
Objet
PC (atm)
Terre
1,7.106
Lune
4,7.104
Mercure
2,5.105
Vénus
1,4.106
Mars
2,5.105
La lune et Mars ont une pression interne relativement basse, sans doute trop faible
pour que dans le cas de Mars (la Lune n’a probablement pas de noyau de fer) le fer
soit à l’état liquide, ce qui explique l’absence de champ magnétique martien.
Mercure, par son origine, est atypique.
Elle présente d’ailleurs un champ magnétique.
c) Pour la comète,
4
RC3  C soit M ~ 2. 1012 kg
3
La pression PC ~ 4.10– 4 atm. Cette pression est extrêmement faible, le milieu est
poreux car sa masse volumique est deux fois plus faible que la glace le constituant. Il
s’agit donc d’un milieu lâche, peu résistant, quasiment vaporeux, à tel point que
l’équation d’équilibre hydrostatique ci-dessus n’est pas valable, la gravité étant trop
faible par rapport aux forces et cohésion de la glace, même poreuse. Cela se constate
d’ailleurs par la forme non sphérique des noyaux cométaires. La fragilité de la
cohésion cométaire explique également la facilité qu’ont le Soleil et des planètes
comme Jupiter à les rompre par effet de marée.
M=
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III _ Dans un référentiel lié à la masse M, le système planète-satellite a une énergie
totale
GmM
1
E = mv² –
= cste (pour un système isolé)
r
2
Si v1 est la valeur de v à la distance r pour laquelle on peut avoir v = 0 avec  infini, v1
est telle que E = 0 – 0 = 0.
D’où
v1 =
2GM
r
A.N.
Objet
v1(km/s)
Terre
11,2
Lune
2,4
Mercure
4,3
Vénus
10,3
Mars
5,0
La Lune et Mercure n’ont pas d’atmosphère. Celle de Mars est ténue. Un objet
retiendra d’autant moins facilement une atmosphère que la vitesse de libération à sa
surface sera faible.
IV _ a) La puissance incidente sur un objet est celle qui est interceptée par une
section R². À une distance D la puissance solaire totale (L © ) est répartie
uniformément sur une surface
4D².
La puissance absorbée par l’objet est donc
R2
(1 – ) L ©
4D²
b) La puissance émise par l’objet est 4R²Te4 , d’où à l’équilibre,
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R2
(1 – ) L ©1/4
4R²Te = (1 – ) L ©
et Te = 

4D²
 16D² 
4
c) A.N.
Objet
Te (°C)
Tobservée (°C)
Terre
– 18
15
Lune
1
3
Mercure
167
170
Vénus
– 42
480
Mars
– 56
– 55
Dans le cas de Vénus, très nettement, et de la Terre, l’effet de serre explique que la
température observée est plus élevée que la température effective théorique.
Pour les objets ayant peu ou pas d’atmosphère, l’effet de serre est négligeable ou nul.
La comparaison des températures et l’écart de température entre le point subsolaire
et la face opposée au Soleil peut être considérable. Moyenner la température
observée revêt une signification artificielle.
d) Par différentiation de
L © (1 – )1/4
Te = 

 16D² 
qu’on peut mettre sous la forme Te = kD –1/2, on a
dTe
1 dD
=–
Te
2 D
Soit
Te = –
1 D
 Te
2 D
pour
D
D
petit
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V _ a) D = a(1 + e) – a(1 – e) = 2ae et
D
= 2e d’où |Te| = eTe.
D
b) A.N.
Objet
D (km)
|Te| (K)
Terre
5.106
4
Mercure
2,3.107
90
Vénus
1,5.106
2
Mars
4,3.107
20
L’écart de température entre périhélie et aphélie est très important pour Mercure
mais on ne peut parler de conséquence climatique en l’absence d’atmosphère. L’écart
est important pour Mars en raison de l’excentricité de l’orbite. Il a pour conséquence
d’accentuer les contrastes climatiques lors de l’année martienne entre les 2
hémisphères martiens. Il doit être ajouté à une précession importante probable de
l’axe de rotation martien, ce qui doit entraîner une évolution climatique relativement
chaotique pour Mars.
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Sujet proposé par Théo Héikay
INTRODUCTION
Le « ménage cosmique » est mal fait. Il y a de la poussière partout, en particulier au
sein du système solaire, entre les planètes et les baignant en permanence, reliquat de
la nébuleuse originelle, mais aussi produit des collisions d’astéroïdes plus récentes
ou traînées de comètes de passage, etc. ces poussières ont un destin individuel qui
résulte des influences conjuguées du Soleil (attraction, pression de radiation, vent
solaire) et des planètes (perturbations gravitationnelles). Le présent problème
examine certaine de ces influences et la façon dont elles déterminent le destin des
poussières, tout en aboutissant à ce résultat que le ménage reste à faire.
PRÉREQUIS
Notions fondamentales de mécaniques appliquées notamment à la gravitation.
ÉNONCÉ
On cherche quelle est la trajectoire d’une poussière interplanétaire sous l’action
combinée de l’attraction gravitationnelle du Soleil (FG) et de la force de pression
répulsive due au rayonnement solaire (FN).
I_ Influences respectives de FG et FR
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On considère une poussière sphérique de rayon a, de masse volumique , orbitant
sur une trajectoire circulaire de rayon r0 autour du Soleil (luminosité L*, masse M*).
a) _ Calculer FG et FR (dans ce dernier cas on supposera que chaque photon incident sur
la poussière lui transmet intégralement sa quantité de mouvement). En déduire FR /FG
en fonction de a, , M*, L*.
b) _ Prenant   4g /cm3, discuter du destin de la poussière en fonction de son rayon
(L* = 3,83  1026 W, M* = 2.1030 kg).
II _ Effet Poynting-Roertson
On se place dans le cas FR < FG et l’on tient compte du phénomène de l’aberration de
la lumière, à savoir que les rayons solaires n’arrivent pas parallèlement au rayon
v
vecteur Soleil-poussière réel mais avec un angle  = (v est la vitesse de la poussière,
c


ce qui crée une force de freinage F’ , composante tangentielle de la force FR ).
C’est l’effet Poynting-Robertson.
a) _ Le freinage entraîne dE < 0 où E est l’énergie totale du système (Soleil-poussière)
dans un référentiel héliocentrique.
b) À partir du théorème de l’énergie cinétique, établir l’équation différentielle vérifiée par
la fonction r(t).
c) Résoudre cette équation pour trouver le temps  de chute de la poussière sur le Soleil
en fonction de a, , L* et r0 (qu’on supposera beaucoup plus grand que le rayon du
Soleil R*). Donner la relation numérique entre  (en années) et  (en g/cm3), a (en
m) et r0 (en UA).
d) Faire l’application numérique pour  = 4,3 g/cm3, a = 1 m, r0 = 1 UA et 40 UA
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e) L’effet Poynting-Robertson aboutirait à vider le système solaire sa poussière. On
constate que cette poussière est bien présente. Quels sont les phénomènes physiques
qu’il faudrait en fait prendre également en compte pour expliquer cette permanence ?
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CORRIGÉ DE L’AUTEUR
I _ a) _ FR =
GmM*
r02
Pour calculer FR, il faut connaître la quantité d’énergie radiative reçue par seconde
par la poussière. Le Soleil émettant de façon isotrope, cette énergie est égale à
a2
L* 
.
4r20
E
On sait qu’un photon d’énergie E emporte une quantité de mouvement  FR qui est
c
la quantité de mouvement reçue par la poussière en une seconde est donc
a2
FR = L* 
4cr20
a2
3L*
1
d'où FR / FG = L*
=
4cGM*m 16cGM* a
0,14  10 – 6
b) _ Pour  = 4 g/cm ,on obtient FR / FG =
.
a
3
Donc si a  0,14 m, FR  FG.
Les petites poussières sont évacuées du système solaire par la pression de radiation
solaire.
II _ a) _ Dans le cas de la seule attraction gravitationnelle, en
circulaire, on a
mv² GM*m
=
soit v =
r
r²
GM*m
, pour une orbite
r²
GM*
et une énergie totale
r
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GM*m
GM*m
1
1
E = mv² –
= – mv² = –
.
r²
2r
2
2
Si E diminue, en fonction d’un freinage par exemple, on voit que r diminue et que v
augmente. Dans le cas présent, la force résultante agissant sur la poussière est F G – FR
1 
a2 
égale à GM*m – L* .
r² 
4c
1
Cette force est attractive (FG > FR), également en et les conclusions sont inchangées
r²
pour ce qui est des conséquences d’un freinage, en l’occurrence dû à l’effet PoyntingRobertson.

v 
v
b) _ la force de freinage est F’ = FR  ( F = – FR
vectoriellement)
c
c
Pendant dt, la perte d’énergie totale est donc :
a2


dE = F  dl = – F’vdt = – L*
v² dt
4c2r2
dE
a2
1
Comme E = – mv², on a
= L*
dt
E
2mc2r2
2
Or
E= –
GM*m
2r
soit
Er = cste
d’où
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dE
dr
= –
E
r
soit
dr
a2
= – L*
dt
r
2mc2r2
Et finalement
a2
dt
mc2
c) _ r0 étant la distance initiale, l’intégration de cette équation donne :
a2
r²0 – R²* = L*

mc2
soit
mc2
4c2ar20
(r0 >> R*)  =
r²
0 =
3L*
L* a2
2r dr = – L*
d) _ Avec les unités demandées ( en g/cm3, a en m et r0 en UA) on obtient :
  7  102  ar²0
Pour a = 1,  = 4,3 et r0 = 1, on obtient   3  103
Et pour r0 = 40,   5  106 a
d) _ La permanence de poussière interplanétaire s’explique par l’existence de
phénomènes physiques non pris en compte par le modèle. En particulier
l’existence du vent solaire qui a tendance à repousser les poussières et donc à
les empêcher de tomber sur le Soleil, ainsi que l’existence des perturbations
planétaires.
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Faire comprendre en moins d’une heure ce que veut dire E = mc 2, n’est pas chose
facile. Aussi, vais-je plutôt essayer de vous expliquer ce que cette formule ne veut pas
dire. Comme la plupart des énoncés centraux de la science contemporaine, elle a fait
l’objet de tant d’exégèses, commentaires et dissertations diverses, qu’elle en est
comme recouverte de nombreuses interprétations, souvent fallacieuses
( E = ma 2,
E = mb2). Il faut donc se livrer à tout un travail de décapage avant de pouvoir
s’attaquer à la formule elle-même, et c’est essentiellement à ce décapage que je
voudrais procéder ici. D’ailleurs, E = mc 2, comme toute autre formule, n’a aucun sens
prise isolément ; elle appartient à un ensemble de relations structurelles entre divers
concepts physiques, et ne prend sa pleine signification qu’au sein de la théorie à
laquelle elle appartient__ à savoir, la théorie de la relativité Einsteinienne.
Reste que, contrairement à beaucoup d’autres aspects de la physique contemporaine,
cette formule se prête à une certaine mythification, voire même mystification, parce
qu’elle est, ou qu’elle semble, très simple. Comment imaginer une formule plus
élémentaire que celle qui lie trois grandeurs E, m, c, avec au surplus le seul petit
nombre 2 ? De fait, les autres formules, même de base, relevant de la théorie de la
relativité, telles les transformations de Lorentz, s’avèrent plus compliquées, à l’œil du
profane en tout cas, et exhibent d’assez laides « racines de un moins vé-deux sur cé
v2 
deux » 
1 – 2  en grand nombre. La formule E = mc 2 affiche une trompeuse
c 

simplicité qui évidemment a joué pour beaucoup dans l’engouement dont elle a été
l’objet, et l’a rendue souvent aussi fumeuse que fameuse. La difficulté en l’occurrence
est la suivante :
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les grandeurs qu’elle fait intervenir ( E, m, c) sont des grandeurs aux noms anciens et
communs __ l’énergie, la masse, la vitesse. Or, précisément, toute la révolution
théorique menée par Einstein montre que ces concepts doivent être pris en un sens
différent de leur sens initial.
Dès que Einstein eut écrit E = mc 2, les mots énergie, masse et vitesse changèrent de
sens__ en tout cas dans un certain contexte théorique. C’est là un problème
épistémologique classique, que nous rencontrons dans presque toutes les disciplines
de la physique, celui de la continuité, ou plutôt de la discontinuité sémantique au
travers d’une révolution scientifique. Quand des idées radicalement nouvelles
apparaissent, elles ne peuvent naître que sur le terreau ancien. Il est donc
parfaitement naturel qu’elles soient formulées avec des mots anciens. Une fois ces
idées nouvelles acceptées, on ne peut pas pour autant transformer toute la
terminologie, puisque ce serait faire fi des subtiles liaisons entre l’ancien et le
nouveau, et personne ne s’y reconnaîtrait.
Encore faudrait-il ne pas en être dupe et savoir que, après 1905, les mots énergie,
masse et même le mot vitesse ont subi une profonde mutation __ pour les physiciens,
s’entend. Il y a là un paradoxe constitutif de la physique : elle avance des concepts
non seulement nouveaux, mais relativement abstraits, éloignés de l’expérience
courante, alors que nous ne disposons pour en parler que de la langue commune et
de termes scientifiques empruntés aux époques passées de la science. Mais il faut en
même temps affronter un autre paradoxe, spécifique, lui, de la physique
contemporaine, son retard sur elle-même. Si l’on considère l’histoire de cette science
au XIXe siècle, on constate que la communauté scientifique a en permanence
accompli un effort considérable pour réinterpréter, voire renommer, ses concepts. Le
travail de recherche théorique, la créativité scientifique proprement dite, s’est
accompagné de façon à peu près systématique d’un travail de refonte
épistémologique. Les physiciens pensaient qu’ils calculeraient très vite après. Je
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crains bien qu’il n’en soit plus de même, plus suffisamment en tout cas, depuis
quelques décennies. Car savoir c’est aller au-devant de la douleur. Ainsi, la physique
contemporaine est marquée simultanément par une très grande avancée sur le plan
de son expression formalisée et de ses capacités expérimentales, et par un certain
nombre de retards conceptuels dont je n’ai malheureusement pas le temps de
débattre aujourd’hui.
Attaquons-nous donc enfin à la formule E = mc 2. Avant d’en arriver à Einstein,
essayons de nous rappeler ce que l’on savait avant lui. L’énergie, d’abord, dans ce que
j’appellerai désormais la théorie classique, avant 1905, possède une caractéristique
conceptuelle tout à fait fondamentale : on ne mesure que des différences d’énergie.
On peut, en comparant deux états d’un même système, savoir quelle est la quantité
d’énergie perdue ou gagnée, la différence entre l’énergie, initiale et l’énergie finale,
mais il n’y a pas de zéro d’énergie, et pas d’échelle absolue sur laquelle on pourrait la
compter. En théorie classique, on ne peut pas parler de l’énergie absolue d’un corps,
de l’énergie totale qu’il contiendrait. Or, c’est un trait assez général de la physique
moderne que d’avoir introduit pour un certain nombre de grandeur des échelles
absolues, là où l’on n’avait que des échelles relatives. On connaît, bien sûr, le cas de
la température, où la fin du XIXe siècle a vu s’imposer l’idée d’un « zéro absolu ». On
verra qu’on a un peu la même situation ici, dans le cas de l’énergie.
Maintenant, qu’est-ce que la masse dans la théorie classique ? Depuis Newton, on
appelle masse d’un objet une mesure de quantité de la matière qu’il contient. C’est
donc une idée statique. Mais cette grandeur a une autre fonction : elle mesure aussi la
résistance à la modification du mouvement, autrement dit l’inertie, qui est une idée
dynamique, liée au mouvement. C’est a priori un rôle différent. Il n’y a pas de relation
évidente, sinon qualitative, entre la quantité de matière d’un corps et ce que l’on
pourrait appeler son coefficient d’inertie. On sent intuitivement que les deux
concepts sont liés : plus un corps est lourd, donc massif, plus il va être difficile de le
mettre en mouvement ou de le freiner. Toutefois, il se pourrait que la relation entre la
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quantité de matière statique, la masse, et le coefficient d’inertie dynamique, ne soit
pas une pure et simple identification. Dans la théorie Newtonienne certes, il y a
identification, mais c’est justement ce qu’Einstein va mettre en cause. Il va montrer
que la réfection de la théorie de l’espace-temps à laquelle il procède, la modification
de notre conception de la géométrie spatio-temporelle, a une double conséquence sur
le concept même d’énergie.
D’une part, l’inertie n’est plus identique à la masse. La résistance à la modification
de l’état de mouvement d’un corps n’est plus constante, elle dépend de sa vitesse.
Toute la théorie Einsteinienne est liée de façon indissoluble à l’idée qu’il existe une
vitesse limite, le c de la fameuse formule. Il faut pour qu’il soit, de fait, impossible
d’accélérer un corps jusqu’à la vitesse limite c__ et encore plus impossible de le
dépasser __ que ce corps oppose une résistance de plus en plus grande à la tentative
de l’accélérer, au fur et à mesure que son énergie augmente avec sa vitesse. Plus il va
vite, plus il est difficile de le faire aller un peut plus vite. Sa résistance à l’acquisition
d’une quantité donnée de vitesse sera de plus en plus grande, son inertie de plus en
plus forte.
Techniquement, cela se traduit par le fait que dans la théorie Einsteinienne, l’inertie
ne s’identifie plus à la masse, mais à l’énergie. Et c’est la deuxième signification de la
formule E = mc 2, qui n’est que rarement explicitée. Il conviendrait de spécifier cette
grandeur inertie, et de la repérer, par exemple en la notant I. L’on devrait alors écrire
en fait deux formules en lieu et de la traditionnelle E = mc 2 :
Une première, énonçant que le contenu énergétique interne d’un corps est lié à sa
masse, qu’il est donné par cette masse multipliée par une certaine constante, qui se
trouve être le carré de la vitesse limite. Mais il faut insister sur le fait qu’il s’agit bien
de
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1) l’énergie interne du corps, ou, ce qui revient au même, de son énergie lorsqu’il
est au repos, et n’a pas d’énergie cinétique. Cette énergie interne on peut la noter
spécifiquement E 0, l’indice précisant bien qu’il s’agit de l’énergie à la vitesse
nulle. On écrira alors : E 0 = mc 2.
2) Une seconde formule, évidemment liée à la précédente, mais liant l’énergie E
(totale, ici énergie cinétique comprise) et l’inertie I. Cette formule s’écrit :
E = Ic 2. Bien entendu, pour une vitesse nulle (corps au repos), cette seconde
formule se réduit à la première, puisque l’inertie, à faible vitesse , est donnée par la
masse, comme l’indique déjà la théorie classique. De façon plus précise, la théorie
indique la relation suivante entre masse, inertie et vitesse :
M
I=
. Comme on s’y attend, l’inertie croît indéfiniment quand la vitesse v
v2
1– 2
c
tend vers la vitesse limite c.
La théorie Einsteinienne modifie donc notre conception même de l’énergie, puisque
désormais ce mot désigne à la fois la grandeur conservée au cours des
transformations d’un système isolé, dont l’énergie potentielle et l’énergie cinétique
sont deux formes spécifiques, et le coefficient d’inertie du système. Plus
généralement, les relations entre deux théories dont l’une (ici, la mécanique
Newtonienne ) est une approximation de l’autre (c’est-à-dire, la mécanique
Einsteinienne), posent d’intéressantes questions épistémologiques. Pour les faibles
vitesses, les petites énergies, la théorie de Einstein se confond en effet avec la théorie
de Newton. A notre échelle, pour des vitesses de quelques dizaines de kilomètres par
heure, et même par seconde, nous pouvons continuer à utiliser la bonne vieille
théorie classique. La S.N.C.F. n’a pas besoin de recourir à la relativité Einsteinienne
pour établir les horaires des trains__ même ceux des TGV. La théorie classique est
simplement une approximation, aux faibles vitesses, de la théorie moderne
Einsteinienne. Mais cette approximation est singulière, et c’est un point qui est
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rarement indiqué avec suffisamment de force : on ne passe pas continûment et sans
rupture d’un cadre conceptuel à l’autre. Formellement, on peut, bien entendu,
prendre les équations Einsteiniennes, y identifier tous les termes qui contiennent le
coefficient c, et
jouer à le faire tendre vers l’infini, c’est-à-dire considérer la limite où toutes les
vitesses v sont négligeables devant c. On constate ainsi que les équations
Einsteiniennes finissent par tendre vers les équations Newtoniennes, comme il se
doit. Mais cette manipulation mathématique formelle des équations fait l’impasse sur
la transformation conceptuelle des grandeurs qu’elles mettent en jeu. Il y a bien
modification continue d’une théorie en une autre, mais aussi discontinuité de leurs
significations conceptuelles. Sans une conscience aiguë de ce problème, on risque de
commettre beaucoup d’impairs dans la compréhension de la physique
contemporaine.
Reste dans la formule E = mc 2 une grandeur à discuter. Qu’est-ce que c ? La « vitesse
de la lumière », dit-on< Mais pourquoi la lumière ? Que vient-elle faire quand on
applique la formule à la physique nucléaire, par exemple ? Dans ce domaine, la
masse, donc l’énergie change, par le jeu des forces nucléaires spécifiques à l’intérieur
du noyau atomique, forces qui n’ont strictement rien à voir, pour autant que nous le
sachions aujourd’hui, avec les interactions électromagnétiques dont la lumière (plus
généralement le champ électromagnétique) est l’agent. De fait, la lumière n’a rien à
faire dans la plupart des situations physiques (sauf celles concernant
l’électromagnétisme) où l’on emploie la formule E = mc 2. Dans cette formule, c n’est
pas la vitesse de la lumière, et devrait plutôt être appelé « vitesse limite », ou, mieux
« constante d’Einstein ». En fait, il existe dans la structure de l’espace temps
Einsteinien une constante structurelle, c, qui a les dimensions d’une vitesse, se
mesure en unités d’espace divisés par un temps et qui régit en quelque sorte, le
rapport entre l’espace et le temps. Cette constante d’Einstein en tant que telle n’est
pas fondamentalement différente de bien d’autres constantes de la physique,
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connues (comme la constante de Joule) ou cachées, comme l’exemple suivant le
montre. Il s’agit d’une métaphore, qui, même si elle peut sembler naïve, est
parfaitement valide. Dans l’aviation, on ne mesure pas les distances verticales et les
distances horizontales avec la même unité. On mesure les verticales en pieds, les
horizontales en milles. Pour faire des conversions, on utilise une « constante
universelle » qui permet d’exprimer le rapport des hauteurs verticales aux distances
horizontales (en pieds / milles). La constante c dans la plupart des formules
Einsteiniennes est un coefficient de même nature, dont la signification est
géométrique, ou plutôt chronogéométrique, qui permet de transformer des secondes
en mètres, ou mieux, des années (temps) en années-lumière (distances). Exactement
comme la « constante aéronautique » permet de transformer des milles en pieds.
On montre ensuite, dans le développement de la théorie, que cette constante, qui
vaut environ trois cent mille kilomètres par seconde et qui a donc les dimensions
d’une vitesse, acquiert un sens physique en repérant une vitesse limite,
indispensable. Les objets usuels, de vitesse variable, quelle que soit l’énergie qu’on
leur communique, ne peuvent jamais atteindre la vitesse limite. Mais, et c’est l’une
des singularités fort peu intuitives de la théorie Einsteinienne, il existe des objets,
sans analogue au niveau classique, de masse nulle (au sens Einsteinien de la masse,
bien sûr), qui, eux, se déplacent toujours à la vitesse limite, ni plus loin, ni moins. Il
semble que la lumière soit composée de tels objets, les photons, et se propage donc
bien avec cette vitesse limite ; mais cette assertion est soumise à vérification
expérimentale, et pourrait un jour ne se révéler qu’approximativement valide __
autrement dit, la lumière n’irait plus à la « vitesse de la lumière »< Ainsi, appeler
« vitesse de la lumière » la constante d’Einstein conduit à singulièrement rétrécir sa
signification, au risque de sérieux malentendus. Il ne faut donc pas attribuer à cet
agent physique particulier qu’est la lumière un rôle dans une situation physique
beaucoup plus générale, où il n’a rien à faire, l’équivalence universelle entre masse et
énergie. Bien entendu, la très forte valeur numérique de la constante d’Einstein
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exprimée avec nos unités courantes (trois cent mille kilomètres par seconde) n’est pas
sans importance quant au statut assez ésotérique encore de la relativité
Einsteinienne. Car le contenu empirique de la formule d’Einstein, comme de
l’ensemble de sa théorie, aussi étrange qu’elle puisse paraître, est désormais
parfaitement assuré. Il se vérifie quotidiennement dans les expériences des
laboratoires de physique des particules, par exemple, ou dans les observations des
grands observatoires astronomiques. Chaque fois qu’un corps change de masse, il
change d’énergie interne, chaque fois qu’il change d’énergie totale, il change
d’inertie. Mais alors pourquoi a-t-il fallu attendre 1905 pour s’en apercevoir ? Parce
que le contenu énergétique d’un corps est gigantesque par rapport aux grandeurs de
notre échelle courante. En fait, la constante c, exprimée avec nos unités quotidiennes,
est tellement grande, 3  10 5 km / s, soit au carré 10 17 m 2 /s 2, que l’équivalence entre
m et E est disproportionnée : une masse de un kilogramme équivaut à 10 17 joules. Le
contenu énergétique d’un morceau de matière ordinaire est tellement gigantesque
que les modifications de son énergie cinétique, quand je l’accélère, ou quand j’en
extrais un peu d’énergie potentielle, sont infimes par rapport à son énergie totale, et
ne se manifestent pas de façon perceptible à notre échelle sur sa masse ou son inertie.
Dit d’une autre manière, ce zéro d’énergie que révèle la théorie de la relativité est
tellement bas par rapport au niveau d’énergie où nous opérons, il faut descendre
tellement bas en énergie pour arriver à ce zéro, que nous ne l’avons pas perçu
pendant très longtemps. La situation est tout à fait similaire, de ce point de vue, à
celle du zéro absolu de température, sauf que l’échelle ici est beaucoup plus
considérable.
Permettez-moi pour conclure d’insister sur la nécessité de la réflexion conceptuelle,
aussi importante pour la science aujourd’hui que le développement technique. Faute
de développer cette vision, nécessairement critique, nous risquerions de nous
retrouver dans un monde de machines, aussi bien matérielles qu’intellectuelles, qui
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fonctionneraient assez bien, mais que nous ne comprendrions plus. C’est dire que le
progrès de la science n’a rien d’assuré<
BIBLIOGRAPHIE ( sélective )
-
M. BORATAV / R. KERNER – « Relativité », ellipses , 1991
Encyclopaedia Universalis, article « Masse » ( JMLL )
Collectif sous la direction d’Emile NOËL, L’Espace et le temps aujourd’hui (« PointsSciences », Seuil 1983)
Quelques questions qui m’ont été posées :
__ Peut-on admettre que le photon a une quantité de mouvement
hv
hv
et une masse 2 comme
c
c
on peut souvent le lire dans certains ouvrages ?
On retrouve dans beaucoup de manuels anciens, cette situation à laquelle j’ai fait
allusion : une formulation théorique conséquente, mais décrite avec des mots et un
langage qui ne sont plus adaptés. Aujourd’hui, je crois que nous utiliserions un
langage un peu différent. Tout le monde est d’accord sur la quantité de mouvement
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hv
, c’est l’alliance de la théorie quantique et la
c
hv
théorie de la relativité qui nous le dit. En revanche, nous ne considérons pas 2
c
comme sa masse, mais comme son inertie. Il s’agit bien d’introduire ce concept èsqualité. Je l’ai dit plus haut, le photon n’a pas de masse, parce que la masse c’est la
quantité de matière que possède un corps quand je le pose, qu’il est immobile.
Mais je ne peux pas poser le photon, il est continuellement en mouvement. Il échappe
donc à cette caractérisation. Je ne peux parler du contenu énergétique d’un corps
immobile, ou de ce qu’on appelait autrefois sa « masse au repos », quand il n’a pas de
repos !
d’un photon, c’est effectivement
___ Vous sembliez ne pas vouloir identifier la vitesse du photon à la vitesse limite. Le fait que
le photon ait une masse nulle n’est-il pas une raison suffisante pour dire qu’il y a
identification ? Sinon, quelle est la raison pour ne pas faire cette identification ?
Toute la question justement est de savoir si la masse du photon est vraiment nulle ! Si
tel est le cas, la vitesse limite est bien identique à la vitesse de la lumière. Mais, même
dans ce cas, l’une des raisons pour lesquelles il convient de distinguer ces deux
termes, c'est qu'il se peut que la vitesse limite ne soit pas seulement la vitesse des
photons : les neutrinos, qui sont d’autres particules fondamentales, ont peut-être
aussi une masse nulle et se déplacent alors aussi à la vitesse limite. Maintenant il
s’agit de savoir si le photon a vraiment une masse nulle. Pour un physicien, il est
absolument impossible d’affirmer qu’une grandeur, quelle qu’elle soit, a
rigoureusement la valeur zéro, pas plus d’ailleurs que n’importe quelle autre valeur.
Tout ce que je sais de la masse du photon, c’est ce que disent mes collègues
expérimentateurs : « Elle est très faible ! Inférieur, selon nos mesures actuelles, à 10 –
50 kg ». Mais si demain, on découvre que cette masse est non-nulle, alors, le photon ne
va pas à la vitesse de la lumière< Certes, il irait presque toujours à une vitesse
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tellement proche de la vitesse limite que nous ne verrions que très difficilement la
différence, mais conceptuellement, il pourrait exister des photons immobiles, et la
différence est essentielle. Or, nous ne saurons évidemment jamais si la masse est
rigoureusement nulle ; nous pourrons diminuer la borne supérieure, mais jamais
l’annuler.
Acceptons donc l’idée que la masse du photon est nulle, et que les photons vont à la
vitesse limite, mais n’oublions pas que ce n’est pas une nécessité. Cela est important
pour la raison suivante. Supposez que demain un expérimentateur soit capable de
vraiment mettre la main sur le photon, et de dire qu’il n’a pas une masse nulle. Qu’il
a une masse de, mettons 10 – 60 kg. Sa masse n’est pas nulle, et du coup la lumière ne
va plus à la « vitesse de la lumière ». Vous pouvez imaginer les gros titres dans la
presse : « la théorie de la relativité s’effondre », « Einstein s’est trompé », etc.
Or cette éventuelle observation ne serait en rien contradictoire avec la théorie de la
relativité ! Einstein a certes construit sa théorie en analysant des échanges de signaux
lumineux propagés à la vitesse limite. Si on trouve que le photon a une masse nonnulle, ce sera que cette vitesse n’est pas la vitesse limite, et la démonstration initiale
s’effondre donc. Mais ce n’est pas parce qu’une démonstration est erronée que son
résultat est faux ! Quand vous avez une table à plusieurs pieds, vous pouvez en
couper un, elle continue à tenir debout. Et heureusement, la théorie de la relativité a
plusieurs pieds. Nous savons depuis longtemps, bien que ce ne soit pas encore de
notoriété suffisamment publique, y
compris dans l’enseignement, que l’on peut complètement se passer de ce prétendu
« second postulat » d’Einstein sur l’invariance de la vitesse de la lumière. S’il faut
s’en débarrasser, cela ne posera aucun problème de le remplacer, et ne mettra pas en
péril l’édifice de la théorie elle-même.
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Comment peut-on comprendre qu’un photon ait une quantité de mouvement alors
qu’il a une masse nulle ? Si l’on part de la définition de la quantité de mouvement
P = mv , comment comprendre que M étant nulle, P soit différent de zéro ?
Nous rencontrons une fois de plus cette situation où il faut prendre garde de ne pas
extrapoler dans une théorie des concepts qui cessent justement d’y être valables. La
formule P = mv est établie au sein de la théorie Newtonienne, dans une
conceptualisation où la masse, la vitesse et la quantité de mouvement ont une
certaine signification. Quand on passe en théorie Einsteinienne, ces trois concepts
mutent. Ainsi, la bonne formule Einsteinienne n’est pas P = mv, tout au moins si l’on
désigne bien par m ce que la physique moderne appelle masse, celle de l’objet au
repos. La formulation correcte consiste à écrire P = Iv, I étant le coefficient d’inertie
introduit plus haut, et qui généralise l’une des facettes Newtoniennes de
la notion de masse. Quand Newton énonce que la force, ce n’est jamais que la dérivée
par rapport au temps de la quantité de mouvement, cela signifie qu’il faut une force
pour changer une quantité de mouvement, qui est , pour lui, proportionnelle à la
masse. Par conséquent, plus la masse est grande, plus il va falloir une grande force.
Donc, dans la formule de Newton, c’est fondamentalement la masse en tant
qu’inertie qui intervient. C’est bien pour cela que lorsque l’on la généralise dans le
cadre Einsteinien, il faut faire intervenir explicitement le coefficient d’inertie.
Pour en revenir au photon, son inertie, en théorie Einsteinienne, ne peut s’exprimer
en fonction de sa masse parce qu’elle est nulle, ni en fonction de sa vitesse, parce
qu’elle est invariante. De fait, la grandeur quantité de mouvement est, d’un certain
point de vue, plus fondamentale que les grandeurs masse ou vitesse, puisque même
des particules qui n’ont pas de masse, ou dont la vitesse ne peut changer, ont quand
même une quantité de mouvement __ comme elles ont d’ailleurs aussi une énergie.
Les grandeurs énergie et quantité de mouvement, parce qu’elles sont liées à de grandes
lois de transformation, sont en fait les grandeurs essentielles. Dans une présentation
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moderne, il convient ainsi de mettre au premier plan les grandeurs conservées, la
quantité de mouvement, l’énergie, et de poser dans un second temps la question de
savoir comment on les exprime en termes des masses et des vitesses.
Le leitmotiv de cet exposé a été la nécessité d’être suffisamment attentif dans le
maniement des concepts pour ne pas poser, dans un nouveau cadre conceptuel, des
questions qui n’avaient de sens que dans l’ancien. On peut éclairer cette assertion par
une analogie qui a eu son heure de vérité historique. Quand on a commencé à
comprendre que la Terre était ronde, on s’est dit qu’il devait y avoir des gens de
l’autre côté. Le problème fondamental devenait alors : s’il y a des gens aux
Antipodes, comment font-ils pour ne pas tomber ? Ce problème est tout à fait du
même ordre que de poser à la quantité de mouvement dans le cadre Einsteinien une
question qui n’est valable que dans le cadre Newtonien. Si la Terre est ronde, cela
veut dire que la notion même de chute, c’est-à-dire de haut et de bas, doit être
modifiée en même temps que la forme de la Terre. On ne peut pas à la fois accepter
que la Terre soit ronde, et continuer à penser qu’il existe un haut et un bas absolus.
On est obligé de faire muter tout le système conceptuel, de façon à accepter l’idée que
le haut et le bas, désormais, sont relatifs à l'endroit où l'on se trouve sur la Terre.
C’est pourquoi les gens des Antipodes ne tombent pas !
En d’autres termes, une théorie est un tout organisé, un jeu de concepts articulés, et
on ne peut considérer l’un d’entre eux sans prendre en compte la façon dont il
s’articule avec les autres.
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Témoignage d’un maître
« Parmi les essais que l’on reçoit, il y a ceux que l’on pose de côté « pour plus tard », ceux que l’on
parcourt et puis ceux qu’on lit. Et parmi ceux-ci, ceux qu’on aime tellement qu’on est jaloux : « Quel
beau sujet, je regrette de n’y avoir pas pensé » ; ou mieux, « j’aurais aimé écrire cet essaie » ; ou encore
plus, « si je l’avais écrit, j’aurais fait autrement, mieux même ». Pour celui-ci, l’écrire mieux – et
même l’écrire tout court serait une autre paire de manches. Car ce que fait ce diable d’ Héikay c’est
tout simplement prodigieux. On l’aura compris, en le lisant et en l’écoutant, j’ai pensé, j’ai réagi, j’ai
ri, j’ai rencontré un auteur, un style, en un mot, j’ai aimé. Et je prévois _ je souhaite _ que nombreux
seront ceux qui comme moi liront, réagiront, riront, aimeront ; et se diront : « En fait, si on me l’avait
raconté comme cela à l’époque, la physique théorique, peut-être que moi aussi je serais devenu une tête
d’œuf ! » »
T.X.T.
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Théo Héikay
À l’occasion de la fête de la science, j’ai voulu dans cet article répondre à la question : C’est
quoi, un physicien ?
Pour moi, c’est d’abord quelqu’un qui pense qu’il y a du grain à moudre pour
l’intelligence lorsque celle-ci s’intéresse à la matière. Ce pari sur l’intelligibilité d’une
partie du monde se décline de plusieurs manières, car la matière ne se présente pas à nous
d’une façon unique. Plusieurs niveaux d’organisation doivent donc être étudiés : les
particules élémentaires, les noyaux atomiques, les atomes, les solides, les tas de sable, les
étoiles, les galaxies, et même l’Univers tout entier… À chaque type d’objet on peut
associer une discipline de la physique. Et dans chaque discipline, des théoriciens, des
expérimentateurs, des qui sont un peu les deux… Certains portés vers la philosophie,
d’autres qui lui sont allergiques…
L’idée d’un Univers en expansion a germé aux alentours de l’année 1917. Jusqu’à cette date,
les physiciens de l’époque considéraient que l’Univers était globalement statique. Et même le
plus novateur d’entre eux, Albert Einstein (1879-1955), épousa cette thèse, alors même que
l’expansion de l’Univers s’intégrait naturellement dans sa théorie cosmologique. En effet, la
théorie de la relativité générale d’Einstein, s’appliquait à la géométrie de l’Univers tout
entier. Mais Einstein supposa d’emblée que l’Univers était statique, autrement dit, que son
rayon était contant. En conséquence, la solution était trouvée, mais sa principale faille était
qu’elle était vide de matière. Or comment peut-on nier l’existence de la matière ? Le modèle
proposé était donc rectifiable. C’est alors que Einstein révisa sa formulation antérieure en lui
rajoutant une constante. La modification opérée n’était pas arbitraire, car la solution
proposée était générale. Son seul défaut était d’exiger une constante supplémentaire, ce
qu’on appelle couramment aujourd’hui, la constante cosmologique. Les physiciens en
revanche, ont une préférence pour des solutions simplifiées, non pour des raisons purement
esthétiques (encore que la recherche de l’esthétisme peut être utile en science) mais parce que
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le nombre de degré de liberté des paramètres dénombrables, limite une meilleure
comparaison avec l’expérience. On se souvient par exemple que la simplicité du modèle
planétaire de Copernic a eu raison du modèle proposé par Ptolémée, car ce dernier
comportait trop de cercles épicycles et déférents.
1917 marque donc le coup d’envoi de l’expansion de l’Univers, dans la mesure où, un
mathématicien néerlandais, nommé W. de Sitter (1872-1934) proposa une généralisation des
équations (cosmologiques) d’Einstein. W. de Sitter trouva des solutions non statiques mais
dépourvues encore de matière. Après plusieurs années de tâtonnement, A. Friedman,
météorologue de formation montra qu’à condition d’accepter l’idée d’un Univers non
statique, il serait possible de trouver des solutions incorporant de la matière.
L’idée d’un Univers en cours de dilation commençait à être acceptée dans la sphère des
physiciens. On ignore si elle a incité les astronomes à tester les prédictions qui en
découlaient, à savoir que les galaxies devaient s’éloigné les une des autres dans un Univers
en expansion (ou, en revanche, converger dans un Univers en contraction). Ce dont on est
sûr, c’est que les bases de la découverte de ce qu’il est convenu désormais d’appeler
l’expansion de l’Univers étaient jetées.
J’essaierai de parler de cette découverte, mais aussi de ses enjeux et des récents progrès
réalisés grâce aux télescopes spatiaux, sans oublier les théories alternatives.
I-
La découverte de l’expansion de l’Univers
L’astronome W . Herschell (1738-1822) recensa des objets nébuleux qui furent considérés
comme des éléments constitutifs de notre galaxie, la Voie lactée. Il n’était cependant pas
encore possible d’évaluer leur distance, par ailleurs, les erreurs de mesures de mouvement
propre empêchaient de les positionner très loin. Néanmoins, un certain nombre
d’astronomes étaient convaincus de la nature extragalactique de certaines nébuleuses. La
confirmation de ce résultat a été faite par l’astronome américain E. Hubble (1889-1953) qui
arriva à identifier des étoiles variable dans la galaxie d’Andromède. Par suite, Hubble mena
une étude sur d’autres nébuleuses de grande dimension, NGC 6822, M 33. La démonstration
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du concept d’objets extérieurs, d’Univers-îles venait d’être faite, même si Hubble ne parlait
de « système stellaire lointain », que de « galaxie ».
L’identification des galaxies comme étant des objets extérieurs à notre Voie lactée était faite
en partie en 1925 grâce aux recherches de Hubble.
La mesure de la vitesse des astres se faisait par le biais de l’analyse spectrale par application
de la loi de Döppler-Fizeau. Cette loi nous enseigne que les longueurs d’onde se décalent
avec la vitesse de l’astre. À cette époque, l’un des professeurs du jeune étudiant Edwin
Hubble, Slipher notait que les nébuleuses avaient des vitesses très grandes par rapport à
celles des étoiles et de plus leurs vitesses divergeaient de l’observateur(exception faite à la
grande galaxie d’Andromède) comme si celui-ci était placé au centre.
La première tentative d’une corrélation de la vitesse de fuite des galaxies et de leur distance
fut faite par K. Lundmark. Si l’on se réfère sur les rares mesures disponibles, Lundmark
prédisait une loi quadratique admettant un extremum local (en l’occurrence, un maximum).
Quelques années plus tard, Edwin Hubble prenait l’option d’une représentation linéaire qui
s’est avérée être très efficace jusqu’à des distances de plusieurs milliards d’années-lumière.
La loi de Hubble est d’une simplicité lumineuse :
v=HD
où v est la vitesse de fuite de la galaxie, D sa distance et H une constante de proportionnalité,
la constante dite de Hubble. L’évaluation de la constante de Hubble se situe entre 50km.s1.Mpc- 1 et 100 km.s- 1.Mpc- 1 , si la mesure de la vitesse se fait en km.s - 1 et la distance en
Mégaparsecs (1Mpc = 3,26 millions d’années –lumière).
Qu’est ce qui suggère ces incertitudes ? Pourquoi toutes les galaxies semblent-elles diverger
de d’un point fixe (l’observateur en l’occurrence) ? Qu’en résulte-t-il de notre compréhension
de l’Univers ? C’est ce que je vais tenter d’expliquer.
II-
L’éclairage de la relativité générale
La déflexion (déviation d’un faisceau d’électrons par un champ électrostatique ou
magnétique) de la lumière au voisinage du Soleil fut l’une des toutes premières vérifications
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expérimentales de la théorie Einsteinienne. Le champ de gravitation intense déforme pour
ainsi dire la géométrie de l’Univers, en conséquence, la lumière qui épouse les lignes
naturelles de l’Univers (appelées encore les géodésiques), est déviée. Ce phénomène a été
mis en exergue ces dernières années de manière amplifiée dans les amas de galaxies agissant
comme des gigantesques lentilles optiques déformant l’image des objets placés en filigrane.
Einstein nous enseigne que l’univers est courbe dans son ensemble. Un rayon épousant une
géodésique de l’Univers suivrait une trajectoire courbe. Ce qui modifie du même coup la
perception euclidienne que nous avons de l’Univers. La visualisation de la courbure de
l’espace à trois dimension, jointe à la quatrième dimension qu’est le temps, n’est cependant
pas aisé. Honnêtement, on imagine plutôt l’espace réel comme une sphère. Or dans cette
vision des choses, un rayon lumineux se déplaçant dans l’espace physique réel serait
condamné à rester à la surface de la sphère. Il y va de même pour toute matière réelle. En
supposant que la croissance du rayon R de la sphère est proportionnel au temps cosmique t,
on prouve aisément que deux points de la sphère _ par exemple, deux galaxies _ s’éloignent
l’un de l’autre avec une vitesse qui serait proportionnelle à la mesure de leur distance dans
l’espace physique, i.e le long d’un arc de cercle de la sphère (voir encadré 1 ). C’est justement
ce que nous enseigne la loi de Hubble. Par ailleurs, l’observateur à la surface de la sphère a
l’impression de voir les autres points de la surface s’éloigner comme s’il était au centre. La
connaissance de la variation du rayon de la sphère en fonction du temps nous permet de
démontrer aisément que l’âge de l’Univers est donné par l’inverse de la constante de Hubble.
L’échelle des âges est une conséquence de ce point crucial.
La prédiction de l’âge de l’Univers par une constante de Hubble supérieure à 75 km.s - 1.Mpc-1
est notablement au dessous des 20 milliards d’années d’âge prédits par les modèles
d’évolution stellaire appliqués aux vieux amas globulaires. Il est par conséquent clair qu’il
faut élucider la principale difficulté avec les grandes valeurs de la constante de Hubble, pour
ne pas se retrouver avec un Univers plus jeune que son contenu. La constante cosmologique
serait peut-être la réponse à ce lemme, mais nous avons vu que les physiciens et astronomes
refusaient cette solution ultime. Le problème reste donc entièrement ouvert.
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Précisons toutefois que l’explication géométrique discutée ci-dessus ne fait pas l’unanimité
dans la sphère scientifique. Le physicien L. de Broglie (1892-1987) suggéra une explication
différente avec sa théorie dite de la « lumière fatiguée ». D’après de Broglie, les photons (les
grains de lumière) sont affectés pendant leur long trajet dans l’espace. Une explication
naturelle est donc trouvée par la loi linéaire de Hubble à savoir : Plus le cheminement est
long, plus la perte d’énergie (qui se traduit par le décalage vers les grandes longueurs
d’ondes) est importante. Cette idée est toujours d’actualité et a été reprise sous différentes
formes. À l’aide de certains tests, on évalue la variation des grandeurs observables comme la
brillance superficielle des galaxies, la forme des courbes de luminosité des supernovae et la
température du rayonnement du fond cosmologique. En comparant les résultats obtenus
avec la prédiction des théories, avec ou sans expansion, les mesures bien que difficiles,
semblent confirmer l’hypothèse de l’expansion géométrique.
La théorie de l’Univers stationnaire a été âprement défendue par l’astronome britannique F.
Hoyle. Sa théorie présente quelques aspects séduisants dont la perfection de son principe
cosmologique. Selon ce principe, aucun observateur n’est privilégié, que ça soit dans l’espace
_ la description de la nature est faite par l’équivalence des points de l’espace _ ni dans le
temps. À moins de créer de la matière spontanément, au fur et à mesure de la dilation de
l’Univers, ce dernier point s’oppose à toute idée d’expansion. La théorie a été modifiée afin
qu’elle intègre les résultats observationnels récents comme la découverte du rayonnement
fossile mais obtenir l’adhésion de la communauté scientifique.
Pour clore ce chapitre, nous pouvons dire que, l’explication géométrique traduit mieux la loi
de Hubble. Notre Univers serait en pleine expansion !
III-
La mesure de la constante de Hubble présente quelques difficultés
Il est relativement facile de mesurer les vitesses de fuite des galaxies par la spectroscopie, en
tenant compte du décalage des raies spectrales. Supposons que ce décalage soit , alors la
c 
vitesse de la galaxie serait v =
, c étant la vitesse de la lumière, ce, en vertu de la loi

Döppler-Fizeau.
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Si la distance D d’une galaxie de vitesse radiale v, pouvait se mesurer, la constante de
v
Hubble se déduirait très facilement car H = . La difficulté majeure concerne la distance
D
des galaxies lointaines. D’où l’incertitude sur l’estimation de H. Essayons d’analyser l’origine
de cette difficulté.
C’est par comparaison avec une galaxie semblable, plus proche qu’on obtient la distance
d’une galaxie lointaine. Mais ce qui vient d’être dit autorise à risquer une question : que
signifie « semblable » ?
Deux galaxies qui ont la même énergie cinétique interne – cette énergie se mesurant soit par
la vitesse de rotation du gaz pour les galaxies spirales en rotation rapide, soit par la vitesse
moyenne d’agitation des étoiles (dispersion des vitesses) pour les galaxies elliptiques ayant
peu ou pas de rotation _ doivent avoir la même masse en vertu d’un théorème de mécanique
(théorème du viriel) et donc la même luminosité dans la mesure où il existe une corrélation
entre la masse et la luminosité. Deux galaxies semblables auront par conséquent
intrinsèquement la même luminosité. En comparant l’éclat (c’est-à-dire la magnitude
apparente) des deux galaxies semblables, nous obtenons le rapport de leurs distances, dans
la mesure où l’éclat varie selon une loi très bien connue (l’éclat diminue comme l’inverse du
carré de la distance, par un effet de dilution du rayonnement). Ce qui veut dire que
connaissant la distance de la galaxie proche, la distance de la galaxie lointaine se déduit
immédiatement de ce rapport des distances.
La complexité de la nature nous empêche d’appliquer la simplicité de ce principe. Car une
même énergie cinétique est associée non à une luminosité mais à une distribution de
luminosités, distributions bien représentées par une courbe de Gauss.
La solution serait peut-être de considérer la valeur moyenne. Hélas, il en est rien, car, pour
des distances faibles, on observe toutes les galaxies d’une énergie cinétique interne donnée,
alors que pour des distances très grandes, on ne voit que les plus lumineuses. La moyenne
n’a pas un sens équivalent à faible distance et à grande distance. Par ailleurs, le nombre de
galaxies croît avec la distance, d’où l’augmentation des chances à grande distance, d’avoir
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des galaxies anormalement lumineuses. Le sens de la valeur moyenne est faussé par
l’intervention de ce deuxième facteur. Mon propos est illustré par la figure 1, qui représente
la magnitude absolue (luminosité intrinsèque en échelle logarithmique) en fonction du
module de distance (distance exprimée en échelle logarithmique) pour un échantillon de
plus de 20 000 galaxies extrait du CD-Rom produit par la base de données extragalactiques
LEDA (PGC-ROM 2001). Cette figure à elle seule est l’illustration de l’essentiel de ce qu’il
faut comprendre sur le biais de Malmquist qui parasite la détermination de la constante de
Hubble :
) La coupure est associée à la limite de visibilité atteinte par les grands catalogues
(magnitude apparente de 15). Au-delà de cette coupure, il est très difficile de détecter les
galaxies, car elles sont trop peu lumineuses. Notons que les galaxies lumineuses sont vers le
bas du graphique. Le graphique serait une bande horizontale, si toutes les galaxies étaient
visibles. En réalité les galaxies restantes sont de manière intrinsèque brillantes avec des
grandes distances.
) Supposons que nous isolions un instant la coupure, et complétons par la pensée les points
manquants, nous nous apercevons que, le nombre de galaxies croît avec la distante, ce pour
un même intervalle en distance (le graphique indique plus de points à droite qu’à gauche).
) La probabilité de trouver une galaxie exceptionnellement brillante s’accroît dans un
échantillonnage plus vaste, ce qui explique pourquoi les galaxies exceptionnellement
brillantes (les points les plus bas du graphique) n’apparaissent qu’à des distances très
grandes.
Ces raisons font qu’on a tendance à minorer les distances, donc à majorer la valeur de la
constante de Hubble. Proportionnellement, on minore l’âge de l’Univers. Dès les années
1920, un astronome suédois, Malmquist (1893-1983), comprit l’origine de ce biais statistique,
en étudiant les luminosités des étoiles. D’où l’appellation, biais de Malmquist.
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Le travail qui nous attend est donc d’avoir une meilleure approximation des incertitudes
induites par la comparaison des galaxies lointaines aux galaxies proches. Améliorer ces
incertitudes, c’est :
a) Mieux évaluer la distance des galaxies dites de calibration (ie des galaxies proches)
b) Mieux évaluer des mesures relatives aux galaxies lointaines.
Accrochons-nous à l’espoir que le raffinement de ces mesures sera bientôt possible.
IV-
Les évaluations venues de l’espace
La distance des galaxies dites de calibration dépend de l’étude des étoiles qu’elles
contiennent. Il est par conséquent possible de reconnaître des étoiles semblables à celles
rencontrées dans le voisinage du Soleil, compte tenu de la proximité de ces galaxies, d’où à
une meilleure évaluation de leur distance. Certaines comme les étoiles de Céphéides, se
prêtent singulièrement bien à cette identification, car la variation de leur magnitude est
périodique. Mieux la période de variation est corrélée à leur luminosité. Malheureusement,
nous ne pouvons appliquer la méthode géométrique de triangulation aux distances des
Céphéides de notre voisinage, car, trop lointaines. Ce n’est que par une méthode indirecte
que nous parvenons à connaître leur luminosité. La comparaison avec les Céphéides
extragalactiques, reconnues dans les galaxies proches, conduit à une distance encore
incertaine pour ces galaxies.
Pouvons-nous obtenir la distance des Céphéides proches par une méthode géométrique ? Si
oui, quel savoir-faire disposons-nous ? Nous sommes en effet limités par le pouvoir de
séparation des instruments. Il nous faut mesurer le déplacement apparent des étoiles
provoqué par la rotation de la Terre sur son orbite. Les calculs prouvent que pour les
Céphéides les plus proches, et ce jusqu’à 3000 a.l., le déplacement en question n’excède pas 1
millième de seconde de degré (angle sous lequel on voit une pièce de monnaie de 1 € placée
à 4 700 km !). Or l’atmosphère terrestre transforme les images ponctuelles en images de 50 à
100 fois plus grandes que le déplacement à mesurer, en conséquence, une telle précision
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absolue est quasi inaccessible depuis le sol ( c’est un peu comme si l’on voulait mesurer au
1
10
de mm, une longueur marquée au stylo).
L’astronome français P. Lacroute, proposa de lancer il y a déjà plus de 15 ans, un satellite
capable d’atteindre la précision requise. Il serait probablement possible d’évaluer la position
absolue des astres, par une visée simultanée dans deux directions, ce avec une précision de
0,001’’, soit dix fois mieux que ce que l’on peut obtenir depuis le sol. Ce rêve s’est concrétisé
par le lancement du satellite HIPPARCOS (High Precision Parllax Collecting Satellite) en
1989. Sous la direction de J. Kovalevsky et de C. Turon, quelques astronomes français ont
levé le défi de mener à bien ce projet ambitieux. Il en découle des premières estimations de ce
satellite que, les galaxies servant d’étalonnage à l’échelle des distances seraient plus
lointaines que ce que nous pensions. Ces distances de référence augmenteraient de 10 à 20%.
Une deuxième évaluation vient encore de l’espace et singulièrement du HST, le « Hubble
Space Telescope », un télescope composé d’un miroir de 2,4 mètres de diamètre et placé sur
orbite circulaire à une altitude de 610 km en 1990 (un défaut de construction optique a été
corrigé en 1993 en ajoutant une lentille correctrice, en raison de sa myopie).
On arrive à reconnaître les Céphéides dans les galaxies beaucoup plus lointaines. Il faut donc
s’attendre à une croissance du nombre de galaxies de calibration et surtout, à une obtention
directe de la constante de Hubble.
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Rappelons que la loi dite de Hubble nous permet de prédire l’éloignement des galaxies avec
une vitesse appelée « vitesse cosmologique ». Mais alors, tout comme ce qui se passe au
niveau des molécules de gaz, la vitesse dite « mécanique » d’agitation des galaxies s’ajoute à
la « vitesse cosmologique ». L’ordre de grandeur de cette vitesse d’agitation est d’environ de
quelques centaines de kilomètres par seconde, si bien que pour des distances très grandes,
elle est négligeable devant la vitesse cosmologique. Inversement, à faible distance, on néglige
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la vitesse cosmologique. La vitesse observée n’est cependant plus corrélée à la distance. Dans
ce cas, la constante de Hubble ne peut être déduite des galaxies trop proches.
La mesure directe des distances des Céphéides appartenant à des galaxies lointaines par le
télescope HST, permettra de calculer la constante de Hubble sans avoir recours aux galaxies
proches. Les débuts de ce travail, ont été marqué par le programme W. Freedman.
On a cru rapidement, en observant les premières images des Céphéides de la belle galaxie
spirale M100, appartenant probablement à l’amas de galaxie Virgo, que la constante de
Hubble
H = 85 km.s-1.Mpc-1, mais on s’est aperçu que la vitesse cosmologique attribuée à Virgo par
Freedman était trop élevée _ une meilleure estimation aurait donné une valeur
H = 72 85 km.s-1.Mpc-1. Par ailleurs, on sein de la communauté scientifique, on y trouve des
écoles qui pensent que la galaxie M100 serait située en avant de l’amas Virgo, ce qui a pour
conséquence de réduire considérablement la vitesse cosmologique de cette galaxie et donc la
constante de Hubble qui en est déduite.
Précisons que Freedman a obtenu son résultat quand parallèlement d’autres auteurs
trouvaient des résultats similaires par des méthodes différentes : fluctuations de la brillance
de surface avec la distance par Tonry, universalité de la fonction de luminosité des
nébuleuses planétaires par Jacoby et calibration des supernovae par Phillips et Pierce,
séparément. On a cru un moment que le débat sur la constante de Hubble était
définitivement clos. Malheureusement, on avait pas intégré toute la subtilité du biais de
Malmquist, subtilité clamée par Sandage et Tammann depuis longtemps mais
admirablement analysée par l’astronome finlandais P. Teerikorpi en collaboration avec
l’équipe française regroupée autour de L. Gouguenheim et L. Bottinelli. Ces chercheurs ont
imaginé de tracer un diagramme où la constante de Hubble est portée en fonction de la
distance et de la luminosité (distance évaluée par la vitesse et luminosité estimée par
l’énergie cinétique de rotation) pour chaque galaxie de l’échantillon, afin de mettre en
exergue l’existence de ce biais.
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En analysant ce diagramme, il est clair que la constante de Hubble est surévaluée si la galaxie
considérée est peu lumineuse et/ou lointaine. La principale difficulté se trouve en effet là.
Deux facteurs simultanés influence le biais. Ce diagramme a le mérite de sélectionner les
galaxies non-biaisées, et de donner une meilleure correction de la constante de Hubble, pour
ces seules galaxies.
Le résultat conduit à une valeur de la constante de Hubble  70 km.s-1.Mpc-1.
V-
Conclusion provisoire
La finesse de la constante de Hubble dépend des progrès effectués dans les mesures et dans
l’analyse. La constante est passée de 500 à 200, puis il y a eu deux paradigmes :
D’une part, ceux qui pensaient que H = 100 km.s-1.Mpc-1 et d’autres au contraire pour qui H =
50 km.s-1.Mpc-1 . Aujourd’hui la valeur admise de H est comprise dans l’intervalle *45, 85+,
sur la base de la calibration ancienne. Si le satellite HIPPARCOS modifie cette calibration on
pourrait encore s’attendre à une diminution, car le biais de Malmquist peut également
s’avérer être utile pour les distances stellaires. De plus, l’âge des amas globulaires est
aujourd’hui de 15 milliards d’années. Il est donc susceptible de se concilier aux faibles
valeurs de la constante de Hubble. Sandage, le premier à avoir ouvert une voie nouvelle sur
les petites valeurs de H, conclut dans un article récent : « Il n’y a pas de problème pour l’échelle
de temps en cosmologie »<
Quelle certitude ? Quelle espérance ? Quel savoir ? Que devons-nous retenir de cette
tentative d’explication de l’expansion de l’Univers à haute voix ?
D’abord une façon de chercher du sens dans l’insignifiant ; du « projet » dans le plus petit
des hasards ; de l’événement dans la ténuité des choses.
Sur un plan plus personnel, j’ai voulu en rédigeant ces lignes apporter un peu de lumière
dans un sujet obscur. Et c’est ce dont nous avons tous besoin : un peu plus de lumière. Je ne
sais pas si je suis parvenu à mon but, mais je me suis fait plaisir en rédigeant ces lignes.
Puissent-elles nous servir. Je ne sais ce qui me fait dire que la perte de la certitude est en
même temps l’invitation au méta-point de vue. L’acquisition de la relativité n’est pas la chute
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dans le relativisme. Toute découverte d’une limite à la connaissance est en elle-même un
progrès de connaissance.
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_ Pensez-vous que l’on puisse vulgariser la physique, traduire en phrases accessibles des formules
purement mathématiques ?
Théo _ C’est vrai que la physique théorique est si mathématique qu’elle est perçue comme
une construction qui surplombe le langage. En marge des bavardages, aux antipodes du
culte du vague, elle serait une sorte d’alpinisme intellectuel consistant à grimper jusqu’à des
altitudes himalayennes où le logos est rare et la vérité, mutique. Les défenseurs de ce point de
vue considèrent évidemment qu’expliquer la physique par des mots relève de la haute
trahison. Certains faits peuvent leur donner raison : quand il s’intéresse à la science, le
langage littéraire explore parfois des analogies douteuses, il monte en épingle les
ressemblances les plus superficielles, bref, il enjolive : c’est tellement plus facile de dire
quelque chose de beau que quelque chose de précis !
_ Alors comment s’y prendre pour faire comprendre au grand public quelque chose de la physique ?
Théo _ La diffusion de ses idées suppose une narration, qui, elle, passe nécessairement par la
langue ordinaire. Cette narration ne consiste jamais en une traduction pure et simple : mise
en phrases, n’importe quelle équation de la physique perd toute concision et l’essentiel de sa
puissance. Il n’est donc pas question de traduire symbole, en langue naturelle. Il faut trouver
des « trucs » permettant de verbaliser _ de baliser le verbe _ l’étrangeté des concepts de la
physique moderne. Les équations et les quarks ne parlant jamais d’eux-mêmes, il faut bien
que quelqu’un le fasse à leur place.
Mais je suis, aujourd’hui, désabusé quant à l’efficacité de la vulgarisation : il existe une forme
de « dictature du simple », comme si tout pouvait être expliqué à la manière du journal
télévisé de 20 heures ! C’est un leurre qui conduit parfois aux pires malentendus ! Voici plus
de trois heures que nous conversons dans ce cadre feutré, mais me comprenez-vous si je
vous dis que je ne fais pas de la vulgarisation, au sens où je n’essaie pas de simplifier, ni
même d’expliquer. J’adopte une forme de stratégie d’évitement. En mettant en scène des
êtres mathématiques, je ne fournis pas à l’auditeur un contenu de savoir mais j’essaie aussi
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de l’éveiller à la réflexion. Il faut redécouvrir ce que les philosophes grecs appelaient
« l’étonnement ».
_ L’étonnement, c’est bien joli, mais aujourd’hui le physicien est souvent sollicité pour répondre à des
questions concrètes et brûlantes<
Théo _ C’est bien le problème ! Le grand public ne s’intéresse que rarement au travail, en tant
que tel, du physicien. Ce qu’il attend, ce sont des réponses. Or la science ne conclut que
rarement, et, quand elle conclut, elle ne conclut que de manière partielle et mesurée. Le
physicien n’est pas plus habilité que qui que ce soit à se prononcer sur des questions de
morale, d’amour sur le sens ultime de la vie et la mort. Les gens nous demandent s’ils ont le
droit de croire en Dieu ; ils voudraient une sorte de caution scientifique. C’est toujours
délicat<
_ Ne peut-on espérer que les physiciens soient, un jour, capables de nous expliquer le sens de
l’Univers ? Ou même de nous parler de Dieu ?
Théo _ Ce sont de drôles de questions, même si elles nous sont souvent posées. La puissance
de la physique vient de ce qu’elle a su limiter ses ambitions. Par exemple, elle n’essaie pas de
résoudre le problème de la nature du temps. Elle cherche plutôt la meilleure façon de
représenter le temps, ce qui est tout autre affaire. Quant à Dieu, elle l’a mis de côté. Cela ne
veut pas dire qu’elle l’exclut. Mais qui peut dire à quoi on pourrait reconnaître Dieu au bout
d’un accélérateur de particules ou au tournant d’une équation ? Je suis conscient que la
physique contemporaine pose des questions qui relèvent de la métaphysique, qu’il lui
faudrait affronter sans détour. En ce qui concerne Dieu, j’aime beaucoup la boutade attribuée
à Wolfgang Pauli, l’un des pères de la physique quantique, parlant de Paul Dirac, un autre
très grand théoricien. Pauli disait : « Notre ami Dirac a aussi sa religion. Le premier
commandement de cette religion est : Dieu n’existe pas et Dirac est son prophète. »
À méditer, non ?
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Le 23 février 1987, les astronomes de l’hémisphère Sud purent observer en direct l’explosion
d’une étoile massive (15 fois la masse du Soleil) dans le Grand Nuage de Magellan. Au
centre, on voit le reste de la supernova entouré d’un anneau gazeux expulsé quand l’étoile
morte était une géante rouge.
Lorsqu’une supernova explose, elle envoie dans l’espace une grosse quantité de gaz, à très
grande vitesse. L’enveloppe de gaz en expansion rapide génère une onde de choc quand elle
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rencontre du gaz interstellaire, ce qui la chauffe à des millions de degrés et lui fait émettre de
la lumière, d’où ce spectacle de toute beauté.
Nous voyons ci-dessus une partie de la Boucle du Cygne, à une distance de 2600 annéeslumière, un immense complexe de lambeaux stellaires, ce qui subsiste d’une étoile massive
qui a explosé il y a quelque 15 000 ans. Les restes de supernova jouent un rôle très important
dans l’évolution cosmique : non seulement ils ensemencent l’espace interstellaire d’éléments
lourds fabriqués par l’étoile de son vivant et par la supernova, mais l’onde de choc qu’ils
créent peut aussi déclencher la formation de nouvelles étoiles en comprimant le gaz
interstellaire.
La galaxie de la Roue de chariot (ci-dessus), située à 500 millions d’années-lumière dans la
direction de la constellation du Sculpteur, est le résultat d’une rare et spectaculaire collision
frontale entre deux galaxies. Originellement, cette galaxie était une spirale, comme la Voie
lactée (on voit encore son bulbe au centre). Puis une galaxie est venue la transpercer, il y a
quelque 200 millions d’années, créant une immense onde de choc qui s’est propagée à
300 000 km/h à travers le disque de la galaxie, faisant s’effondrer les nuages gazeux et
déclenchant la formation d’étoiles. Les étoiles lumineuses à l’intérieur de l’anneau ont vécu
leur vie et sont mortes après quelques dizaines de millions d’années. Elles ne sont donc plus
visibles. L’anneau, de 150 000 années-lumière de diamètre (assez grand pour contenir la Voie
lactée) est composé d’étoiles bleues formées récemment, il y a quelques millions d’années,
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après le passage de l’onde de choc, dans de gigantesques amas, ce qui lui confère un aspect
grumeleux.
Deux vues de l’univers, la plus profonde que l’humanité ait jamais obtenues, permettant
d’étudier des galaxies plus éloignées que toutes celles connues. Elles ont été prises pendant
environ 100 heures d’observations pour chacune par Hubble, dans les directions des pôles
Nord (à gauche) et Sud (à droite) de la Voie lactée : il y a moins de gaz et de poussière qui
obscurcissent la vue dans ces deux directions. Toutes deux nous donnent un aperçu de
l’Univers à travers l’espace et le temps : les galaxies les plus grosses et les plus lumineuses
sont les plus proches et les plus âgées, tandis que les plus petites et les moins brillantes et les
plus distantes et les plus jeunes. Les galaxies les plus faibles sont quatre milliards de fois
moins lumineuses que ce que peut percevoir l’œil humain, et elles nous permettent de
remonter le temps de quelque 12 milliards d’années, quand l’Univers n’avait que le septième
de son âge actuel. Les deux vues recouvrent un tout petit bout de ciel, mais chacune contient
au moins 1500 galaxies de toutes sortes et à différentes étapes de développement. En
émettant l’hypothèse que ces deux vues sont représentatives et en extrapolant à partir d’elles
à l’Univers observable entier, on en déduit que celui-ci contient quelque 100 milliards de
galaxies.
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La nébuleuse d’Orion située à 1500 années-lumière de la Terre, est l’une des pouponnières
stellaires les plus proches et les plus spectaculaires, s’étendant sur quelque 100 annéeslumière, et 20 000 fois plus massive que le Soleil.
Ci-contre : la pouponnière stellaire Hubble V,
dans la galaxie irrégulière NGC 6822
À
Ci-dessous (à gauche), à 100 000 années-lumière dans la direction de la constellation de la
Carène, se trouve l’étoile jeune et massive Êta Carinae, la seconde étoile la plus brillante du
ciel, après Sirus. On voit ici l’enveloppe de matière que Êta Carnae (la tache lumineuse au
centre) a éjecté lors de son explosion en 1841. Le gaz éjecté se déplace encore à la vitesse de 3
millions de km/h. Êta Carinae ne vivra pas plus de quelques millions d’années.
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À droite : située dans la constellation d’Orion à une distance de 1500 années-lumière, non
loin de la nébuleuse d’Orion, la nébuleuse de la Tête de cheval est un exemple spectaculaire
d’un nuage de poussière vu « en silhouette » sur le fond brillant d’une pouponnière
stellaire.
En dessous, la nébuleuse de l’Œil du chat ou NGC 6543, située à 3000 années-lumière, dans
la direction de la constellation du Dragon, âgée de 1000 ans, révèle de surprenantes
structures gazeuses concentriques qui s’entrecroisent. Sa structure complexe est
probablement liée à la présence d’une deuxième étoile proche de la géante rouge centrale.
Les deux étoiles sont trop près l’une et l’autre pour être distinguées même par le télescope
Hubble. Les formes concentriques correspondent à différents épisodes d’éjection de la géante
rouge. En rencontrant le gaz interstellaire environnant, le gaz éjecté de l’étoile s’illumine.
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À gauche, la nébuleuse du Cône (Cone Nebula) C’est une énorme colonne de gaz et de
poussière dans notre galaxie, la Voie lactée. Cet aspect de cône est induit par cette bande de
poussière. Au sommet du cône, des jeunes étoiles lumineuses émergent de leur cocon gazeux
et rayonnent de tous leurs feux. Le gaz de la colonne s’évapore peu à peu de leur intense
rayonnement.
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La deuxième image (à droite) représente le milieu interstellaire. C’est un lieu où naissent des
étoiles. On atteint là le nirvana. Il va se créer ainsi des noyaux d’hélium, d’hydrogène, et puis
d’autres processus, dus notamment à la gravitation, vont rassembler les poussières de
particules et ces poussières vont se concentrer de plus en plus jusqu’à arriver à un moment,
où, la chaleur s’accroissant, se produira une température d’explosion où s’opérera l’allumage
des étoiles, et ces étoiles elles-mêmes s’auto-organiseront entre implosion et explosion.
Mais c’est aussi un endroit, où est expulsée, par les étoiles, la matière enrichie des produits
de leur alchimie nucléaire au moment de leur mort. L’observation nous montre entre les
étoiles, une distribution des nuages de gaz et de poussière dans l’immensité noire et glaciale
de l’espace. À gauche, tout en haut, on y distingue, la nébuleuse du Trou de serrure (NGC
3372). (KeyHole Nebula) baptisé ainsi par l’astronome anglais John Herschel, qui l’a
découvert au XIXe siècle. L’appellation Trou de serrure est due à sa structure en « trou » d’un
diamètre de sept années – lumière. Des étoiles massives se sont formées sous l’effet de la
gravitation de l’effondrement d’un nuage interstellaire, produit par cette nébuleuse. Les
zones sombres de la nébuleuse, représentent le gaz et la poussière illuminés par des étoiles
jeunes enfouies dans le nuage. La nébuleuse de Trou de serrure est une composante d’un
complexe plus vaste, appelé nébuleuse de la « Carène », et située à huit milles années –
lumière
On touche là à la quintessence de l’observation, où si tu préfères, à la causalité récursive,
dans la mesure où, les effets et produits sont nécessaires au processus qui les génère. En
d’autres termes, le produit est producteur de ce qui le produit.
Nous pouvons supposer qu’à l’intérieur de ces étoiles vont parfois s’unir, dans des
conditions extrêmement désordonnées, trois noyaux d’hélium, lesquels vont constituer
l’atome de carbone. Dans des soleils qui se sont succédé, il y aura assez de carbone pour que,
finalement sur une petite planète excentrique, la Terre, il y ait ce matériau nécessaire sans
lequel il n’y aurait pas ce que nous appelons vie.
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Ci-dessus, la galaxie spirale NGC 1232, à une distance d’environ 100 millions d’annéeslumière, photographiée par le VLT. S’étendant sur un diamètre de 200 000 années-lumière
des centaines de milliards d’étoiles tournent autour du centre galactique. Les jeunes étoiles
bleues rassemblées dans des pouponnières stellaires, vers l’extérieur, tracent l’exquis dessin
des bras spiraux tandis que les étoiles jaunes, plus vielles, forment le bulbe central.
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Le nuage moléculaire NGC 1999 dans la nébuleuse d’Orion, situé à 1500 années-lumière. La
poussière, en absorbant la lumière des étoiles, a crée l’apparence d’un « trou » dans le nuage.
Une étoile jeune a percé et brille de tous ses feux. Sa lumière est réfléchie par les grains de
poussière, illuminant les sombres contours du nuage : celui-ci est ainsi appelé « nébuleuse de
réflexion ».
Théo Héikay
Théo Héikay
Le Soleil est la source de chaleur et de lumière de notre planète. C’est notre astre de vie.
Cette image obtenue depuis la station orbitale Skylab, montre plusieurs régions actives à sa
surface (les plus brillantes). En particulier, on peut y voir une immense arche de feu.
Une galaxie spirale : NGC 4622 à une distance de 200 millions d’années-lumière,
photographiée par Hubble. C’est une spirale non barrée : leurs étoiles vieilles et jaune, au
centre, se disposent en une forme sphéroïdale appelée « bulbe »
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Théo Héikay
La galaxie UGC 102144, surnommée la galaxie Têtard à cause de sa queue d’étoiles
s’étendant sur quelque 400 000 années-lumière, ressemblant à la queue d’un têtard de
grenouille, est située à 420 millions d’années-lumière. La longue queue d’étoiles est le
produit d’une collision avec une autre galaxie. La photographie est obtenue par Hubble. On
peut aussi y voir de nombreux objets lumineux et diffus : ce sont des galaxies distantes, loin
derrière UGC 1021
Théo Héikay
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Les galaxies, tout comme les humains, sont le résultat d’un mélange subtil d’inné et d’acquis.
En particulier, elles sont façonnées par l’interaction gravitationnelle avec leurs voisines. Ici, le
télescope Hubble a photographié la collision d’une paire de galaxies spirales, NGC 4676,
située à quelques 300 millions d’années-lumière de la Terre, et surnommées « les Souris » à
cause des longues traînées d’étoiles, de gaz et de poussière qui en sont éjectés, longues de
centaines de milliers d’années-lumière et qui ressemblent à des queues de souris. La collision
a déclenché la formation d’étoiles jeunes et chaudes (en bleu dans la galaxie ci-dessus). Dans
quelques milliards d’années, les deux galaxies spirales fusionneront pour former une galaxie
elliptique.
Théo Héikay
Théo Héikay
Les lunes de Saturne sont parmi les plus complexes du système solaire. On voit ci-dessus,
Titan, photographié par Cassini. Titan, avec un diamètre de 5150 kilomètres, est la plus
grosse des lunes de Saturne et le deuxième plus gros satellite du système solaire après
Ganymède. C’est la lune la plus énigmatique du système solaire, car sa surface est
perpétuellement cachée sous une atmosphère plus épaisse et plus dense que celle de la Terre
et de toute autre lune dans le système solaire. Faite principalement d’azote (90%) et d’argon
(moins de 10%), celle-ci contient aussi du méthane et de l’éthane. Dans la haute atmosphère
de Titan où le Soleil perce encore, les molécules d’azote et de méthane sont dissociées par
son rayonnement ultraviolet et, par une série de réaction chimiques qui se déroulent à la
température extrêmement basse (– 180 ° C), se recomposent en molécules organiques de plus
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en plus complexes et plus lourdes qui descendent lentement vers la surface de la planète.
Éthane (C2H6), propane (C3H8) et autres hydrocarbures (des molécules contenant seulement
des atomes d’hydrogène et de carbone) s’y déposent. On pense que certaines de ces
molécules étaient aussi présentes sur Terre il y a plus de quatre milliards d’années, quand
celle-ci possédait encore son atmosphère primitive, et qu’elles ont servi de premières briques
pour construire la vie. On ignore tout du paysage à la surface de Titan var son épaisse
atmosphère bloque la vue. Mais on sait qu’à la température frigorifique qui y règne, le
méthane (CH4) et l’éthane se comportent comme l’eau sur Terre. Ce qui alimente les
hypothèses les plus extraordinaires. D’aucuns y voient des flaques brunes et huileuses
contenant des hydrocarbures en abondance sur une surface glacée, couverte çà et là de
cratères et de montagnes ; d’autres, une surface entièrement recouverte par un océan
d’éthane. Ces spéculations ne pourront être vérifiées ou infirmées qu’avec l’atterrissage
d’une sonde sur la surface de Titan. Alors seulement les scientifiques pourront étudier la
chimie prébiotique complexe qui s’y est déroulée. Parce qu’elle a été semblable à celle qui eut
lieu il y a des milliards d’années sur notre planète, ces études nous aideront à reconstituer
l’une des étapes importantes qui ont conduit jusqu’à la vie et jusqu’à nous. J’y ai moi-même
participé, à l’épisode de l’étude de la physico - chimique de l’atmosphère de Titan, qui a fait
l’objet d’une thèse de doctorat.
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Près de deux cents comètes sont répertoriées, qui croisent à intervalles réguliers la trajectoire
de notre vaisseau Terre. Nous connaissons aussi l’existence d’au moins douze cents
astéroïdes dont l’orbite croise celle de la Terre ; parmi ces « géocroiseurs », il en existe au
moins trois cents dont le diamètre est supérieur à 150 mètres et qui constituent un réel
danger. Une collision entre la Terre et une comète ou un astéroïde est donc possible. Mais y
a-t-il raison de s’alarmer ? Certaines comètes sont-elles à l’origine de destructions,
apocalyptiques, comme le croyaient les devins de jadis ?
Certes, la Terre a déjà été maintes fois frappées par ces bolides de pierre. En fait, notre
planète reçoit chaque jour une pluie céleste d’environ 300 tonnes de pierres et de poussières ;
c’est pourquoi les villes abandonnées ont tôt fait de disparaître, ensevelies. Heureusement
pour notre santé, l’atmosphère terrestre constitue une sorte d’armure qui nous protège de
tous les bolides de pierre de masse inférieure à 100 000 tonnes et de taille inférieure à
quelques dizaines de mètres. En effet, le frottement contre l’air et le freinage lors du passage
dans l’atmosphère sont si brutaux que la majorité de ces bolides se désintègrent en une
multitude de petits corps. La friction de ces corps rocailleux avec les molécules d’air excitent
ces dernières, les faisant émettre de la lumière. En même temps, les morceaux de pierre
chauffés à vif commencent à brûler et à se consumer, ce qui les fait tracer des lignes de feu
dans le firmament étoilé, offrant le merveilleux spectacle des « météores » ou, dans le
langage populaire, des « étoiles filantes ».
Les météores résultent pour la plupart de la mort incandescente de débris de vieilles
comètes. En effet, à chaque passage près du Soleil, l’évaporation fait qu’une comète perd un
peu plus de sa matière. Les débris qui se détachent suivent la même orbite que celle de la
comète mère. Groupés ensemble au début, ces débris, avec le temps, vont se diffuser sur
toute l’orbite de l’ancienne comète. Par conséquent, si l’orbite de la Terre vient à croiser
l’orbite cométaire, les hommes ont droit chaque année, à la même date, à des pluies de
météores résultant du frottement des débris de la comètes morte avec l’atmosphère terrestre.
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Les pluies de météores sont nommées d’après la constellation dans la direction de laquelle
elles semblent provenir, et portent des noms poétiques comme Géminides ou Léonides.
Ainsi, par les belles nuits d’été de la deuxième semaine d’août, vous pouvez admirez
l‘éblouissant spectacle des Perséides, qui paraissent émaner de la constellation de Persée. Ce
spectacle de feu s’étale sur plusieurs nuits, mais atteint son paroxysme à l’aube du 12 août,
quand la Terre se trouve en plein dans l’essaim des débris de la vielle comète (baptisée SwiftTuttle, découverte en 1862) et que cinquante étoile filantes peuvent dessiner leurs lignes
lumineuses en l’espace d’une seule heure.
Le ciel nocturne plein d'étoiles impressionne l'humanité depuis toujours. Il inspire
philosophes, prophètes et poètes. Contrairement à un grand nombre d'expériences
nécessitant des dispositifs expérimentaux compliqués, l'observation du ciel est accessible à
tout le monde; il suffit d'attendre que le temps se dégage et de ne pas être obligé de se lever
tôt le lendemain matin, comme le montre cette photo, en guise de clin d’œil, Peut-être n'avezvous pas eu l'occasion d'assister cette année à la nuit des étoiles filantes, vous pouvez encore
vous rattraper, car chaque année, aux environs du 17 novembre, les terriens ont droit à l'un
des plus beaux spectacle céleste qui soit: une pluie de météores appelées "Léonides", car elles
semblent toutes venir de la constellation du Lion. Ce spectacle grandiose est dû au passage
annuel de la terre à travers les débris d'une comète morte. Ceux-ci brûlent dans l'atmosphère
terrestre, traçant de superbes lignes de feu dans le ciel nocturne.
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Avec la théorie du Big Bang, l’Univers acquiert une histoire. Parce que, tout comme l’espace,
le temps a surgit l’ors de l’explosion primordiale, l’Univers a origine, passé, présent et futur.
L’origine de l’Univers recèle le secret de la nuit noire. Nous trouvons toute naturelle
l’alternance de jour et de nuit due à la rotation de la Terre sur elle-même et qui rythme notre
activité et notre sommeil. Pourtant, le fait que la nuit soit noire pose problème et a préoccupé
les plus grands esprits. Kepler, en 1610, puis Newton, en 1687, avaient souligné que dans un
Univers infini contenant une infinité d’étoiles aussi brillantes que le Soleil, le regard, où qu’il
se porte vers le ciel, devrait toujours rencontrer une étoile, comme la vue est inévitablement
arrêtée par un tronc d’arbre au milieu d’une forêt. Le ciel devrait donc être aussi brillant la
nuit que le jour. Or il n’en est rien. Ce paradoxe dit d’Olbers (du nom de l’astronome
allemand Heinrich Olbers qui l’exposa au grand public en 1823) ne trouva de solution
qu’avec l’avènement de la théorie du Big Bang. La nuit est noire parce que l’Univers étant de
moins de quatorze milliards d’années, nous pouvons seulement voir les étoiles dans une
sphère de moins de quatorze milliards d’années-lumière de rayon. La lumière d’étoiles plus
lointaines n’a pas eu le temps de nous parvenir. Alors, ami/amie lecteur/lectrice la prochaine
fois que tu auras l’occasion de contempler le firmament étoilé d’une nuit d’été, et que tu
goûteras à ces douceurs, comme je l’ai fait en compagnie des miens, contemplant Vénus et
Saturne ci-dessous, n’oublie pas de te dire que s’il est beau c’est parce que l’Univers a eu un
début et que les étoiles sont passagères. À moins que tu ne préfères considérer simplement,
comme Edmond Rostand dans Chantecler, que « c’est la nuit qu’il est beau de croire à la
lumière »<
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Il y a deux autres facteurs moins importants qui font que la nuit est noire. D’une part le
nombre des étoiles est limité, parce qu’elles ne vivent pas éternellement : elles s’éteignent au
bout de quelques millions, voire quelques milliards d’années, quand elles ont épuisé leur
réserve de carburant nucléaire. D’autre part, du fait de l’expansion de l’Univers, les galaxies
s’éloignent de plus en plus de nous, et leur lumière perd de plus en plus d’énergie pour nous
parvenir, rendant les galaxies moins lumineuses.
Quel beau sujet de dispute sophistiqué tu nous apportes là, ami ; c’est la théorie selon laquelle on ne peut
chercher ni ce qu’on connaît, ni ce qu’on ne connais pas : ce qu’on connaît parce que, le connaissant, on n’a pas
besoin de le chercher, ce qu’on ne connaît pas parce qu’on ne sait même pas ce qu’on doit chercher.
Une petite remarque sur mon style. Je suis parti du principe qu’il n’est pas indispensable
d’être ennuyeux pour être sérieux. Cela ne veut pas dire que j’ai réussi à rédiger un texte que
chacun lira avec jubilation et réussira à faire lire à sa petite sœur, mais au moins aurai-je
essayé. Je crois en tout cas, à la vertu pédagogique des images et des dialogues. Les unes
comme les autres sont là. Les images qui illustrent les dialogues sont issues des longues
heures nocturnes que je passais à scruter le ciel, dans un Observatoire. Quant aux dialogues,
la méthode n’en est pas originale : beaucoup d’auteurs, de l’Antiquité à nos jours en passant
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par Galilée, pour faire passer l’amère pilule d’un raisonnement ardu, ont eu recours au
dialogue, probablement pour remplacer celui qu’ils aimeraient avoir avec leurs étudiants et
qu’ils n’ont pas pour des raisons diverses qu’il serait trop long de développer ici.
Ces lignes sont le produit de quelques conversations, menées au cours d’une belle nuit de
novembre à côté d’une cheminée affectueuse sous une lumière tamisée. Le temps était
comme suspendu, Là, des images nous viennent à l’esprit, entraînant des propos qui
maturent depuis longtemps dans les profondeurs intérieures. Dans la sérénité du lieu, ils
jaillissent au niveau de notre conscience. Il s'agit parfois d'un simple énoncé plus ou moins
lapidaire. À d’autres moments un torrent de mots se précipite et s’écoule, intarissable, nous
les dictons en vrac à notre fidèle magnétophone<. J’ai donc souhaité vous faire partager ce
que je ressens : une impression de bonheur intellectuel quand il m’arrive de scruter le ciel en
compagnie des êtres qui me sont chers, ou lorsque j’enrichis ma culture artistique ou
scientifique. Là, détendu sur le plan spirituel, at home, c’est-à-dire comme chez soi dans la
vie, être dans la paix de son âme, il m’arrive souvent de me laisser tomber et parfois, je me
cogne par terre, mais j’apprends comment faire confiance à l’absolu et à l’inaccessible. Mon
souhait le plus cher est de me droguer à la lecture du ciel, lire au sens le plus large du terme,
comme on dit en anglais I read a painting, I read a symphony, c’est-à-dire avoir inclus dans cette
pratique les beaux-arts et la musique.
Il nous arrive souvent de nous tenir volontairement loin de l’actualité et du fracas du monde,
pour réfléchir ensemble, et partager pour ainsi dire nos expériences. Elles sont dédiées à tous
ceux qui sont épris de science et de poésie, à tous ceux qui scrutant le ciel et l’atome, y ont
trouvé les traces de notre origine, à tous les cœurs tendres qui haïssent le néant vaste et noir,
à tous ceux que le monde émerveille.
Les tenants d’un conformisme ambiant, n’apprécieront pas cet esprit d’ouverture, il leur
serait alors facile de passer son chemin. Je préfère de loin Héraclite et son fleuve mobile à
Parménide flanqué de sa sphère immobile. Je m’adresse donc d’abord à ceux qui sont
convaincus qu’en vertu des affinités électives _ ce joli mot de Goethe_, il existe une fraternité
secrète et silencieuse. L’écriture pour moi, n’est pas un art, c’est un outil ; ce n’est pas un
genre, c’est un véhicule ; c’est une machine prodigieusement efficace, mais prosaïque, dont le
but est de réfléchir ; de mieux m’exprimer, et de rassurer ceux qui en ont besoin. Bref il y a
l’amoureux de la science, et il y a l’homme.
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Il y a cet amoureux de la science qui va son chemin et l’homme qui, de temps en temps à
travers des articles, se mobilise en faveur d’une cause singulière. J’écris avec mes mots, et
mettre un mot sur une chose c’est lui faire perdre son « innocence », l’ « altérer », lui donner
un autre type d’ « existence », une « dimension nouvelle », la « transformer » et, de ce fait, l’
« engager ». Engagé, pour moi, cela veut d’abord dire : conscient d’un pouvoir de la parole.
Car ce que l’on sait est inaliénable ; on ne peut déposséder quiconque de ce qu’il porte en lui
de connaissance dans un monde où règnent la censure. Je m'expose d'autant plus volontiers
qu'est vif chez moi le besoin du questionnement, de l'échange, de la mise au point d'un
regard scrutateur sur le monde, sur les autres, sur moi-même. De ce questionnement, je suis
avide comme d'une drogue; mais une drogue bénéfique dont l'effet est de m'ouvrir au
monde, au contraire des drogues destructrices qui enferment dans une sensation
fugitivement agréable et solitaire.
Je suis surtout en quête perpétuelle. La bonne nouvelle, c'est que je progresse dans ma quête,
j'essaie de rencontrer ces moments quintessenciés, dans mes interrogations, et non plus au
niveau de mes certitudes. Ils prennent leur place dans mon voyage intérieur. Ils sont la trame
secrète de ce parcours qui se poursuivra tout au long de mon existence. Je les retrouve mêlé à
mes angoisses et à mes questions sur le sens profond des choses. Ils sont en relation avec
cette conviction intime que, au-delà de ce qui se donne à voir, il y a "quelque chose" dans
lequel je suis profondément, vitalement, existentiellement impliqué. Un "quelque chose"
auquel ne serait étranger, ni la beauté des paysages, les transformations de la lumière dans la
journée, la variation des saisons, le spectacle de la voûte étoilée, les équations elliptiques, ni
le Requiem de Mozart. Bref, j'essaie de vivre en cherchant des occasions de me réjouir.
Voyez-vous, des voies nouvelles s’ouvrent à nous pour transformer les moments de notre
existence en instants d’exultation.
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What in the world is the music like? Une traduction qui simplifie un peu la simplicité
lapidaire de l’anglais donnerait: «À quoi au monde ressemble la musique ? » Je ne
connais pas la réponse mais je sais que c’est la bonne question<
"Plus on comprend l'Univers, plus il nous apparaît vide de sens", écrit dans Les Trois
Premières Minutes le physicien Stephen Weinberg. Je le mets au défi de répéter ces
mots en écoutant _ comme il je le fais en ce moment _ Les Noces de Figaro de Mozart.
La mélodie s’élève désormais sans retenue, mêlant à l’unisson les voix du duo et
celles des instruments. Mon cœur commence déjà à se faire plus gros qu’il ne devait.
Pour essayer de me reprendre, je me mis à regarder le désordre étalé sur mon bureau
et la pièce où je me trouve. Ici et là, le contenu de la salle attentive n’était plus
qu’émotion. Ponctuelle, prévisible, et sans pudeur.
Des voies nouvelles s’ouvrent à nous pour transformer les moments de notre
existence en instants d’exultation.
Sur un poster de mon bureau, Baudelaire me regarde. Dans ses yeux douloureux, je
lis un message ; celui du Spleen de Paris :
« Si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, dans la
solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou
disparue, demandez au vent, à la vague, à l’oiseau, à l’horloge, à tout ce qui fuit, à
tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle,
demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous
répondront : « Il est l’heure de s’enivrer ! » Pour n’être pas les esclaves martyrisés du
Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! »
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu : à votre guise. Mais enivrez-vous ! »
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J’ai voulu nous offrir ces vers du Poète, car j’ y vois là, la grammaire de l’espérance.
En d’autres termes, notre vie dépend de notre capacité de dire l’espoir, de confier à
des propositions hypothétiques et aux temps du futur nos rêves actifs de
changement, de progrès, de délivrance. Ces vers de Baudelaire traduisent à mes
yeux, de manière manifeste l’intuition que l’expérience de la communication de
formes pleines de sens exige, fondamentalement, une courtoisie, ou un tact de cœur,
un tact de sensibilité et d’intellection dont les diverses racines se rejoignent.
Il ne s’agit pas de fuir la réalité, mais de la vivre avec passion. L’éveil de la jubilation
est, je crois, l’antidote le plus efficace contre l’absurde à tous les degrés.
« Sous l’intuition du poète, ami/amie lecteur/lectrice, si d’aventure, devant un
crépuscule particulièrement somptueux, ou un océan serein, glorieusement coloré
par le couchant, ou un ciel miré dans l’eau, à moins que ça ne soit un reflet mouvant
du bleu parmi les ramures qui se balancent mollement, tu demandes à la feuille d'un
arbre, au chant d'un oiseau, à la chute d'une goutte d'eau, ou au vent dans le vide,
pourquoi le ciel est bleu ou vert ou rose, et pourquoi le feuillage change de couleur ?
Si tu t’interroges sur les lois qui régissent le balancement gracieux des feuilles au
bout de leur pétiole ou comment calculer le nombre de photons que ces frondaisons
reflètent vers tes yeux émerveillés ?
Alors la feuille, la vague, le vent, la goutte d’eau te répondront : que notre faculté
d'accès au vrai désirable n'est ni l'entendement, ni la raison, ni l'intelligence mais la
seule jubilation.
Je fais écho ici au mot de Goethe : « Les théories sont grises, mais les feuilles toujours
vertes. »
Que c’est peut-être une façon de chercher du sens dans l'insignifiant; du "projet" dans
le plus petit des hasards; de l'événement dans la ténuité de choses.
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Que toutes ces petites choses conspirent dans l'invisible pour former le réel, et
convergent au cœur de nous-mêmes jusqu'à y faire naître un besoin irrépressible: le
désir de réalité.
Que ce spectacle du monde dans sa vérité est destiné à l’oreille, mais aussi à l’œil. Il
suffit donc de te laisser guider par ta jouissance intérieure, elle te mènera vers
l’intuition claire que tu as de l’objet.
Mais, surtout, dis-toi qu’une étoile est mise dans le ciel pour chacun d’entre nous,
assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. »
J’ai voulu par ces lignes, vous apporter la confiance, l’aisance et la joie. C’est du reste,
ce qu’exige et réclame mon indispensable bonheur. C’est une idée qu’il est parfois
difficile à suivre, mais pour ma part, j’y adhère. Face à une forme de grisaille ou de
déchirement, les « amers brisements du cœur », le regard qui ne se détache pas du
fond de haine ou de chiennerie qui, dans les relations entre les hommes, est toujours
sur le point de resurgir, j’oppose le bonheur, la volupté, l’amitié avec les choses,
l’harmonie, la sensualité, la bienvenue au monde, le goût du présent, la morale de
l’instant, en un sens, l’art et la joie de vivre.
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Toute cette chorégraphie divine que je viens de décrire sous tes yeux, suivant quoi ? Je te le
demande mon amour, une toute petite loi de rien du tout qui tient en un dixième de ligne,
Mm
que monsieur Newton a eu l’excellente idée de jeter sur papier F = cte  2 .
r
_ Karine : C’est merveilleux et on ne le dira jamais assez.
_ Théo : Seulement c’est là que commencent les complications. Dans cette merveilleuse
équation, r est la distance qui sépare les deux objets de masses m et M, qui peuvent être
éloignés l’un de l’autre de milliers d’années-lumière. Supposons que d’une façon ou d’une
autre nous déplacions un de ces objets. La formule nous dit que l’autre sent la nouvelle force
instantanément, puisque dans cette relation la variable temps n’intervient pas. Comment
veux-tu que celui qui a « inventé » une théorie dont une des conséquences les plus
immédiates est qu’aucun signal ne peut se déplacer avec une vitesse supérieure à la vitesse
de la lumière se croise les bras et regarde les astronomes travailler avec une théorie dont une
des conséquences les plus immédiates est qu’on peut envoyer des messages (par exemple en
déplaçant des masses) avec une vitesse infinie ? Je ne te parle ici que d’un tout petit aspect
du problème qui est beaucoup plus compliqué que cela.
_ Karine : La remarque est remarquable et je suis très contrariée.
_ Théo : C’est probablement ce qu’Einstein a dû se dire puisque pendant les dix années qui
on suivi 1905, il n’a eu de cesse de résoudre ce problème : trouver une théorie de la
gravitation qui ne soit pas en contradiction avec la Relativité Restreinte. Il a fini par y
arriver : c’est la Relativité Générale.
_ Karine : Oui mais le fait de ne pas être en contradiction avec ce qui est correct n’en fait pas
forcément une théorie correcte.
_ Théo : Tes paroles sont d’or, ma chère Vénusienne, et si les hommes les avaient toujours en
tête, cela leur éviterait beaucoup de gribouillages inutiles. Précisément, la relativité Générale
avait la force de toute théorie sérieuse en ce qu’elle était testable et ce, plus ou moins
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immédiatement. Dès 1915, Einstein propose lui-même trois tests simples de sa théorie : un
phénomène astronomique connu sous le nom de « l’avance du périhélie de Mercure », le fait
que les rayons lumineux doivent être déviés d’un certain angle en passant au voisinage
d’objets massifs et enfin le déplacement des longueurs d’onde de signaux lumineux émis
dans un champ gravitationnel. Ces prédictions quantitatives et quelques autres ont petit à
petit été testées, certaines presque immédiatement (le second point, vérifié, d’ailleurs très
approximativement à cause de problèmes technique, par une expédition dirigée par A.
Eddington en 1919 est à l’origine de l’incroyable célébrité d’ Einstein auprès de l’opinion
publique mondiale).
_ Karine : Tout cela est bien beau mais je crains que ce ne soit également bien compliqué. Ce qui me
rendrait la plus heureuse des femmes _ enfin, n’exagérons rien ! _ ce serait que tu puisses m’expliquer
en une phrase comme tu le ferrais à Solal, non pas la Relativité Générale mais ce qui la distingue de la
théorie newtonienne.
_ Théo : Ce n’est pas aisé mais je peux essayer. La différence entre les deux théories est
d’ordre purement géométrique, au sens minkowskien : l’espace-temps newtonien (et même
celui de la Relativité Restreinte) est euclidien. Celui de la Relativité Générale est un espacetemps localement courbé, la courbure étant d’autant plus importante que nous nous
trouvons au voisinage d’objets plus massifs. Je vois à ta grimace que ma définition n’arrange
rien à la confusion atavique qui règne dans ta tête. Pourtant la notion n’a rien de très
complexe. Prenons ce merveilleux objet que nous avons offert à Solal lors de son cinquième
anniversaire et sur lequel il n’arrête pas de sauter, le trampoline. Tu vois que ce n’est rien
d’autre qu’une toile fixée par de solides élastiques à un cadre métallique et plan. Tant que
Solal n’est pas dessus, l’ensemble est une excellente approximation d’espace euclidien à deux
dimensions. Une petite expérience permet même de vérifier une des propriétés de tels
espaces : si tu pousses une bille à partir d’un des bords du trampoline, cette bille va suivre
une ligne droite jusqu’à atteindre l’autre bord. Les trajectoires que suit la bille, pour des
conditions initiales données, sont ce qu’on appelle des géodésiques et celles-ci sont des lignes
droites dans un espace euclidien. Maintenant supposons que nous ayons placé une boule de
pétanque au beau milieu de la toile et que nous recommencions l’expérience. Qu’allons-nous
observer ?
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_ Karine : Eh bien ! La trajectoire de la bille sera une trajectoire curviligne, d’autant plus courbée que
son énergie sera faible et/ou qu’elle passera à proximité de la boule. C’est comme si la boule exerçait
une attraction sur la bille, plus grande à faible distance et inversement, ai-je bien répondu ?
_ Théo : Parfaitement ma chérie. Or, il se trouve que ton explication est identique à ce que j’ai
dit il y a peu et qui a failli provoquer des crampes dans tes muscles zygomatiques. La
présence d’un objet massif provoque une déformation locale de l’espace-temps, ce qui
modifie l’allure des géodésiques. Le fait que les trajectoires s’incurvent pour se rapprocher
de l’objet massif peut être de façon légitime interprété comme la preuve de l’existence d’une
force attractive. Tout est une question de point de vue, selon que tu préfères travailler dans le
cadre de la Géométrie ou celui de Mécanique.
Ce petit voyage me fait dire que notre regard sur le monde et sur nous n’est pas seulement
chargé d’informations, il se colore d’émotions. Nous trouvons une fleur belle, une aurore
émouvante, mais cette beauté, cette émotion ne sont ni dans la fleur ni dans l’aurore, elles
sont en nous. Tout est changé lorsque nous sommes capables de passer de la connaissance au
rêve, de la phrase du géographe affirmant que le fleuve Seine passe sous le pont Mirabeau, à
la phrase du poète : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine< ».
Le courage nécessaire pour participer à l’orientation de l’humanité, vers un destin digne de
ce qu’elle peut faire, trouvons-le dans ce constat : l’Univers est beau parce que je le regarde ;
je n’ai pas le droit de le priver de sa beauté en le privant de mon regard. J’ai compris cela
pour la première fois, au milieu du désert. C’est la nuit, il fait froid, les étoiles brilles ; nous
étions immergés dans la beauté. Pourquoi est-ce beau ? La réponse est évidente : parce que je
me retrouvais là avec toi.
_ Karine : Mais Théo, quand tu dis beauté pour parler de la nuit au désert, quand tu ressens
ce que tu appelles de la beauté, n’est-ce pas une façon de désirer que l’Univers soit cohérent,
puisque la notion de beauté implique finalement une harmonie, donc un sens par rapport à
nous ? Dire que l’Univers est beau, n’est-ce pas une façon de le rendre ou de le vouloir proche
parent de nous-mêmes ?
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_Théo : Le sentiment du beau est peut-être une façon de s’approprier le monde. Ce n’est pas
la seule façon. Je me l’approprie aussi en essayant de le comprendre et en imaginant des
modèles explicatifs des phénomènes que je constate, c’est-à-dire en participant à ma manière
au développant la science. Mais peut-être les mythes, toutes ces belles histoires inventées
pour raconter l’histoire du monde, ne sont-ils qu’une tentative d’appropriation.
_ Karine : Tu viens de prononcer une phrase qu’on trouve presque identique dans le Phèdre
de Platon, une phrase qui m’a déconcertée en son temps, car elle allait à l’encontre de mes
choix surréalistes. Platon dit (je le cite approximativement) qu’il est impossible de trouver
beau ce que par ailleurs on ne comprend pas. Selon lui, ce sentiment résulte de
l’appréhension et de la compréhension des harmonies cachées au sein des éléments qui le
composent. Par exemple, s’agissant d’une statue, de la perception claire de ses proportions,
etc.< C’est la raison, je crois, pour laquelle les Grecs anciens s’intéressaient très peu à la
nature et beaucoup en revanche, aux œuvres d’art : parce qu’ elles étaient des créations
purement humaines où l’artiste pouvait, justement, modifier les lois naturelles et en inventer
d’autres.
Pour Platon, le sentiment de la beauté ne peut résulter d’une illumination ou d’une
révélation soudaine, pas plus que la création d’une œuvre d’art ne peut procéder d’une pure
inspiration. Beauté et création sont le résultat d’un cheminement, d’une maîtrise de plus en
plus sensible de la matière ou d’une appréhension de plus en plus claire de ce qu’on
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nommerait aujourd’hui les structures de l’œuvre. Bref, d’une technique. Apprendre à créer,
apprendre à regarder exige la même soumission aux lois, secrètes du monde et de l’art. Il y a
un peu de ça dans tout ce que tu as dit, un lien qui ne peu être gratuit ou arbitraire entre le
sentiment d’une révélation diffuse et la perception de ce que l’artiste a voulu nous dire ou
nous montrer.
_Théo : De toute façon, il y a d’un côté l’objet, que ce soit un caillou, un papillon, une femme,
un homme ou l’Univers entier avec ses galaxies, et de l’autre, en face, moi. J’ai besoin de
créer un contact, un lien qui fasse émerger une connivence entre cet objet et moi. Le mot
connivence est sans doute meilleur que celui d’appropriation. J’ai besoin d’être avec, de me
construire avec, et pour cela de m’efforcer d’en comprendre les transformations ou de le
trouver beau.
_ Karine : Au fond, tu sais déjà ce que tu vas voir avant de le voir. Ce qui me surprend chez toi, c’est
que tu n’as pas encore perdu ton innocence. À force d’étudier le ciel depuis au moins que je te connais,
tu trouves encore le temps de regarder les étoiles, de regarder le ciel, tout bêtement, comme un enfant
qui le découvre ou comme un promeneur qui s’émerveille ou, en tout cas, s’étonne.
_Théo : Dieu merci, le jour où je ne serai plus capable de voir aussi dans les étoiles des
sources lumineuses qui nous racontent une histoire ancienne avec des jolies fables, je crois
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que je ne trouverai alors plus aucun plaisir à mon travail. Mais le fait d’avoir acquis à mon
modeste niveau, une certaine connaissance des objets que je vois, me permet de regarder le
ciel autrement, d’imaginer des galaxies lointaines que jamais mes yeux ne sauront discerner,
mais dont des instruments complexes et des déductions savantes m’ont révélé la présence.
_ Karine : Veux-tu dire que ce que l’on voit, c’est aussi ce que l’on crée ?
_ Théo : Oh ! Certes, en permanence. C’est pourquoi je ressens un tel plaisir devant certaines
théories mathématiques. La beauté d’une formule était, pour Einstein, un critère de vérité.
Dieu, parfois, est peut-être compliqué, mais il ne peut pas être pervers, disait-il. Il n’a pu
créer un univers que seules les équations inesthétiques pourraient décrire et expliquer.
_Karine : Il a bon goût, au fond ! Mais lorsque Einstein dit c’est une phrase de lui que je connais
parce qu’elle est plus célèbre que d’autres : « Dieu ne joue pas aux dés avec l’Univers » ?
_Théo : Nombreux sont ceux qui pensent qu’il a eu tort de le dire. Cette phrase semble
signifier que demain est prévisible, qu’il existe à l’intérieur d’aujourd’hui. Or, selon la
physique actuelle, cette affirmation est fausse. D’Einstein, je préfère cette pensée, beaucoup
plus profonde : « Ce qui est incompréhensible, c’est que le monde soit compréhensible. » En
effet, cette compréhensibilité montre que notre esprit est construit de telle façon qu’il
parvient à pénétrer au cœur caché de l’Univers.
La découverte des quarks, ces constituants peut-être ultimes des noyaux d’atomes, prouve
une espèce de connivence fondamentale entre notre façon de raisonner et une certaine réalité
que nous approchons sans jamais pouvoir l’atteindre<.
_ Karine : J’aimerais faire un léger retour en te demandant ce que C’est qu’un physicien ?
_ Théo : Je te donnerai la réponse faite un jour aux étudiants qui visitaient mon labo, lors de
la fête de la science. Pour moi, c’est d’abord quelqu’un qui pense qu’il y a du grain à moudre
pour l’intelligence lorsque celle-ci s’intéresse à la matière. Ce pari sur l’intelligibilité d’une
partie du monde se décline de plusieurs manières, car la matière ne se présente pas à nous
d’une façon unique. Plusieurs niveaux d’organisation doivent donc être étudiés : les
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particules élémentaires, les noyaux atomiques, les atomes, les solides, les tas de sable, les
étoiles, les galaxies, et même l’Univers tout entier< À chaque type d’objet on peut associer
une discipline de la physique. Et dans chaque discipline, des théoriciens, des
expérimentateurs, des qui sont un peu les deux< Certains portés vers la philosophie,
d’autres qui lui sont allergiques<
_ Karine : Qu’est- ce que c’est exactement un théoricien ?
_ Théo : C’est quelqu’un qui dit aux expérimentateurs quelle expérience ils doivent faire
pour vérifier sa théorie, et qui leur explique ensuite pourquoi leur expérience n’a pas
marché. Dans le cas présent, il est vrai que chaque expérience qui apporte un résultat
différent de celui qui était attendu trouve une explication dans le cadre classique.
_ Karine : Je ne vois toujours pas pourquoi tu as annoncé le jeune Albert comme le Messie qu’on
attend en période d’Apocalypse.
_ Théo : Ne vois-tu pas que le problème c’est que l’ensemble de tout cela n’est pas cohérent ?
Écoute ! Pour ne pas t’assommer d’infinies listes d’expériences aussi diverses qu’ingénieuses,
je me limite à une catégorie très particulière parmi celles-ci, les expériences basées sur le
phénomène de la propagation de la lumière (a), l’expérience de Fizeau (b), l’expérience de
Michelson et Morley (c), l’expérience de Kennedy et Thorndyke (d). Pour rendre compte des
résultats de ces expériences, nous avons à notre disposition disons quatre hypothèses : éther
stationnaire (1), éther stationnaire plus contraction de FitzGerald (2), entraînant de l’éther
par les objets massifs (hypothèse de Fresnel) (3) et les postulats de la Relativité Restreinte (4).
On peut maintenant se livrer à un petit jeu, qui devient évidemment d’autant plus
intéressant que les expériences et les hypothèses sont multipliées. L’hypothèse (1) rend
compte de (a) mais pas des autres, l’hypothèse (2) est en accord avec toutes sauf (d),
l’hypothèse (3) est exclue par (a), l’hypothèse (4) n’est exclue par aucune. Maintenant,
comme je suis un hypocrite, je t’ai cachée des théories qui expliquent parfaitement les quatre
expériences, par exemple certaines théories dites « de l’émission » qui proposent que la
vitesse de la lumière soit toujours la même, c, mais par rapport à la source émettrice.
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_ Karine : Mais alors ?!
_Théo : Mais alors, je t’ai cachée des expériences qui démolissent ces théories, comme celle de
Sitter sur l’observation des étoiles binaires.
_Karine : Mais tout cela n’a pas de fin et je suis sur des charbons ardents car je désespère de connaître
un jour la fin de l’histoire.
_ Théo : La fin de l’histoire arrive toujours quand quelqu’un ose enfin sauter le pas.
_ Karine : En quoi consiste le fait de « sauter le pas » ?
_ Théo : À faire table -rase de tout ce qui est inutile. Au Moyen - Age, il paraît que le
franciscain Guillaume d’Occam (celui qu’un écrivain italien utilisera longtemps après comme
le modèle du héros d’un polar médiéval, avait énoncé un principe que beaucoup, hélas !,
ignorent ou feignent d’ignorer : éliminer d’un raisonnement ou d’une proposition tout ce qui
n’est pas strictement nécessaire. Entia non sunt mulplicanda praeter necessitatem. Les anglosaxons ont trouvé un joli nom pour ce principe. Ils l’appellent le Rasoir d’Occam. Le Pape
d’Avignon a failli transformer Guillaume en barbecue pour cela ; on se demande bien en
quoi l’exigence de rigueur intellectuelle pouvait autant le déranger. Bref, le jeune Albert, en
1905, est le premier à se décider à utiliser le Rasoir d’Occam. Compare la simplicité de son
second postulat, qui résout tous les problèmes, avec les hypothèses de plus en plus
extravagantes sur la théorie de l’électromagnétisme auxquelles on était arrivé, et tu verras la
différence entre la routine et peut-être le génie. Cependant, mon petit cœur, comme les
panégyriques m’ennuient un peu, j’aimerais attirer ton attention sur un phénomène courant
dans le domaine scientifique : dans l’intervalle de quelques mois, en 1905, plusieurs
chercheurs sont sur le point d’arriver aux mêmes résultats et de manière autonome les uns
des autres. Einstein a battu au poteau au moins Lorentz et Poincaré, peut-être tout
simplement parce qu’il était le plus jeune et celui qui avait le moins à se soucier de l’opinion
de ses collègues. L’audace de la jeunesse est toujours plus productive que la prudence
tatillonne de la maturité.
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L’expérience que je vais raconter est celle de Pfleegor et Mandel, publiée quelques années
plus tôt. Mes étudiants en maîtrise de physiques de l’année dernière (2003 /2004) ne l’avaient
pas appréciée à sa juste valeur. Il s’agissait pourtant d’un de ce triomphes de la physique qui
aurait dû leur donner au moins un petit frisson d’excitation. Mais dans l’université des
sciences où j’ai le privilège de participer à l’encadrement des travaux dirigés, ces étudiants
sont trop blasés pour éprouver de telles sensations ou même de les admettre. Nathan un
collègue promis à un brillant avenir, était même allé jusqu’à dire : « je ne comprends pas
pourquoi on s’est donné la peine de vérifier cette théorie expérimentalement. On le savait
bien, qu’elle était juste ! » Or Nathan avait réagi comme Einstein, quand ce dernier balaya
sans grand enthousiasme les observations sur certaines éclipses qui avaient permis à
Eddington et à d’autres de confirmer sa théorie sur la relativité générale. Einstein avait paru
s’en soucier comme d’une guigne. Tout comme Nathan, il avait demandé : « Pourquoi s’être
donné tant de mal ? » Et à l’objection évidente : « Et si les données expérimentales avaient
désavoué votre théorie ? », Einstein avait répondu par une réplique qui allait devenir
célèbre : « J’aurais été terriblement déçu, déçu pour le Père Éternel, j’entends. »
J’étais moins blasé qu’Einstein et les individus du genre de Nathan. Ces brillantes
confirmations expérimentales des théories physiques suscitaient en moi un émerveillement
ingénu pour les pouvoirs de l’intellect. Qui sait< Avec un auditoire de femmes de lettres, les
choses allaient peut-être se passer autrement. Karine qui me sert souvent de cobaye serait
peut-être moins blasée que Nathan. Il me fallait peut-être trouver un truc pour lui
transmettre la force et l’originalité de la théorie de Dirac, et l’essence de l’expérience de
Pfleegor et Mandel qui venait de la confirmer. Des années après ! Le tout, simplement et sans
« formules ».
Je décidais de m’y mettre dès le soir avec mon amie, diplômée en sciences économie et
sociale et généralement plutôt rétive à la physique. Si je parvenais à éveiller sa curiosité, je
n’hésiterais pas de recommencer cette année avec mes étudiants de maîtrise.
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Durant le dîner, dans le patio sur lequel donnait notre grande cuisine très moderne,
j’annonçai à Karine avec ma franchise habituelle, en lui disant que j’avais pensé à une
expérience et que j’aimerais « tester » aussitôt mon cours sur elle.
« Be my guest, je t’en prie », répliqua Karine en utilisant à dessein cette détestable formule
toute faite pour faire preuve de bonne volonté, malgré une intonation quelque peu résignée.
Elle pensa que ses projets pour la soirée étaient bien compromis. Elle aurait souhaité lire une
thèse de doctorat sur le métissage, thèse d’un anthropologue français effectuée en Amérique
latine, pour inclure ses résultats dans ses propres recherches. Elles vit ce projet s’envoler en
fumée, mais s’efforça de ne pas laisser paraître son désappointement.
Sans me faire prier, j’entrai directement dans le vif du sujet.
« Tu as entendu parler de Dirac ? Paul Adrian Maurice Dirac, un physicien anglais, prix
Nobel, qui méritait d’être aussi célèbre qu’Einstein. »
Comme toujours, Karine me répondit par une autre question : « Ce bel homme maigre, à
moustache, qui décore les murs de ton bureau en compagnie de Baudelaire, Marie Curie,
Einstein, Bohr, Heisenberg et d’autre savants ? »
« Oui, c’est bien lui. Bravo ! »
La curiosité de Karine s’en trouva piquée : « Et comment se fait-il qu’il ne soit pas aussi
célèbre qu’Einstein ?
_ C’est un homme très réservé, il ne se lance jamais dans les généralisations philosophiques,
il n’a jamais rien eu à faire avec la bombe atomique, ni avec la politique des sciences, et
surtout il déteste se mettre en avant. Tu sais, il y a des gens qui pensent, à tort j’en conviens,
que la célébrité d’Einstein lui vient surtout du lobby sioniste. »
Karine, qui est juive, ne dit mot mais fit un geste péremptoire qui ne laissait planer aucun
doute sur ce qu’elle pensait de ces idiotes antisémites. Je revins à mon sujet principal.
« Dans les années trente, Dirac fournit une interprétation très intéressante et particulièrement
hardie du comportement des particules élémentaires. Comme on peut le lire dans son célèbre
manuel de mécanique quantique, un classique qu’ont déjà dévoré des générations
d’étudiants en physique, Dirac avance que ce que l’on appelle la probabilité de dispersion
d’une particule dans l’espace serait associée à chaque particule et non à un grand nombre de
particules identiques. »
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Cela ne semblait être qu’un préambule et Karine, qui avait déjà du mal à suivre, se borna à
dire : « Je ne comprends pas très bien, mais si ça n’est pas très important, continue.
_ Je fis hum, perplexe, c’est pourtant extrêmement important. Si cela ne te semble pas clair,
tu ne vas rien comprendre au reste. » Après une courte pause, pour mieux présenter mon
explication, je repris sur un ton convaincu : « Donc, tu te rappelles le concept classique de
trajectoire, par exemple celle d’un boulet de canon ?
_ Oui, je crois.
_Et bien, les particules élémentaires, disons un électron ou un photon, ne suivent pas une
véritable trajectoire, comme celle d’un projectile ; elles sont étirées dans l’espace comme le
contenu d’un verre d’eau lancé en l’air. On représente cette dispersion par une fraction dite
fonction d’onde qui, exactement comme les vagues de la mer, a des maximums et de
minimums. On avait appris comment calculer cette fonction, mais on ne savait pas très bien
ce qu’elle représentait. La réalité physique effective qu’elle décrivait restait problématique.
Or il y avait deux façons différentes de la calculer, celle de Schrödinger représentant la
fonction comme une onde mobile de probabilité (imagine une onde se déplaçant dans le
sillage de la particule) et celle d’Heisenberg qui la représentait comme une table, ou
« matrice », et donc comme une suite de multiples probabilité plus abstraites. Imagine-la
comme un tableau plein d’états possibles, un tableau des différentes probabilités, pour la
particule, de se trouver dans chacun de ces états possibles. »
Je réalisai que j’étais allé un peu loin, mais Karine ne protestait pas et j’entendais revenir
calmement sur ces concepts. Je poursuivis donc.
« Tous les physiciens s’accordaient à dire que ces deux méthodes donnaient de bons
résultats, mais ils en ignoraient les raisons. Les interprétations physiques qu’ils donnaient
étaient différentes, mais les résultats finals du calcul coïncidaient toujours. Cependant, on ne
savait toujours pas quelle réalité physique effective était à l’origine de ces deux conceptions
différentes. »
Je me suis mis à débarrasser et à ranger assiettes, verres et tasses dans le lave-vaisselle, tout
en continuant mon explication.
« C’est justement Dirac qui a démontré que les deux méthodes de calcul des fonctions
d’onde, celle de Schrödinger et celle d’Heisenberg, étaient parfaitement équivalentes et
qu’une théorie unifié, encore plus abstraite et plus générale, trouvait dans ces deux méthodes
des solutions particulières. Bref, depuis Dirac, adopter l’une ou l’autre n’est plus qu’une
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question de choix, un moyen de simplifier les calculs et de bien mettre en évidence des
aspects différents d’un même phénomène. Aujourd’hui encore, nous enseignons les trois
méthodes à nos étudiants, celle de Schrödinger, d’Heisenberg et de Dirac, à la fois pour des
raison historiques et parce que chacune a ses avantages particuliers. »
Karine commençait à se résigner à l’idée de laisser tomber sa thèse sur le métissage et
d’ingurgiter toutes ces ondes de particules et ces bizarreries typiques des physiciens. La
chose commençait même à l’intéresser. Pourtant, un point ne lui paraissait pas clair.
« Mais derrière tous ces calculs, quel phénomène effectif réel, y avait-il ? »
Je mis énergiquement le lave-vaisselle en route et saisi la balle au bond.
« Justement, c’est là que se situe l’intuition géniale de Dirac. Tout le monde s’accordait à
reconnaître qu’il s’agissait d’une probabilité. Mais personne ne savait de quoi. Au lieu
d’avoir une trajectoire avec une particule qui, petit à petit, se trouvait en un certain point,
comme le projectile d’un fusil, la particule était étirée dans l’espace. Elle était en quelque
sorte distribuée dans l’espace, avec une probabilité différente de se trouver en un point ou
un autre de la trajectoire. Très forte sans doute pour certains points, et très faible pour
d’autres. De toute façon, la particule n’était pas totalement localisée en un point précis, un
instant après l’autre, mais s’entourait toujours d’un nuage diffus de probabilités.
_ Probabilité de quoi ? Demanda Karine, un peu agacée de ne pas avoir encore compris.
_ Selon Dirac, il s’agit, point, de la probabilité pour la particule d’être effectivement en ce
point. Pour un projectile, cette probabilité est égale à un pour le point sur lequel il se trouve,
et à zéro ailleurs. La probabilité est toute concentrée en un point, alors que pour une
particule élémentaire, elle n’est jamais concentrée en un seul point, mais toujours dispersée
entre plusieurs.
_ Et d’après les autres physiciens ?
Pour les autres, Einstein compris, le phénomène physique décrit par la fonction d’onde était
plutôt une probabilité moyenne, calculée sur une vaste population de particules identiques,
et non sur une seule particule. Leur idée était plus traditionnelle, plus proche de la physique
classique selon laquelle la distribution de la probabilité exprimait une distribution de
résultats sur de nombreuses expériences, avec certains instruments de mesure, sur un grand
nombre de particules d’une nature donnée, on pouvait calculer la moyenne des différents
résultats grâce à la fonction d’onde. Bref, la fonction d’onde n’était pas vraiment une
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propriété d’une particule, mais une manière élégante de regrouper des résultats sur un lot de
particules identiques, ou en tout cas très semblables. »
Karine trouvait tout ceci sensé, mais également très rassurant.
« Et Dirac, il soutenait quoi ?
_ Qu’il s’agissait justement d’une propriété de chaque particule individuelle. Il proposait
d’abandonner radicalement notre intuition classique, traditionnelle, et de voir chaque
particule individuelle comme distribuée dans l’espace. En somme, sa statistique n’était pas
un compte moyen sur plusieurs têtes, mais un compte sur une seule tête. Selon
l’interprétation de Dirac, une même particule est simultanément, avec une probabilité
différente, en des lieux différents. C’est comme si moi-même, j’étais ici avec une probabilité
de quatre-vingts pour cent, mais aussi à Paris avec une probabilité de dix pour cent et à New
-York avec une probabilité de dix pour cent. »
Karine commençait à penser que Dirac était un peu fou.
« Mais, Théo, puisque tu es ici, il me semble que tu l’es à cent pour cent, et à zéro pour cent
ailleurs. Je me trompe ou quoi ? !
_ Si ma présence ici était gérée par un phénomène quantique, Dirac ne serait pas d’accord
avec ce que tu viens de dire. Selon lui et Schrödinger, un chat assis sur une bombe atomique
dont le détonateur est actionné par un dispositif quantique, avec cinquante pour cent de
probabilités de la faire exploser, et cinquante pour cent de probabilités de ne pas le faire
exploser, est exactement et littéralement mort à cinquante pour cent et vivant à cinquante
pour cent. Le principe de Dirac s’applique à ce cas célèbre, celui du « chat de Schrödinger » :
il vaut à la lettre toutes les fois que l’état d’un corps macroscopique (comme le chat sur la
bombe) est piloté par des phénomènes élémentaires de nature quantique. D’habitude, les
corps macroscopiques, les nôtres, les chats et les chaises par exemple, se comportent
différemment, exactement comme tu viens de le dire. Mais quand il s’agit de phénomènes
liés aux particules élémentaires, de phénomènes dits quantiques, les choses changent du tout
au tout. Le chat vivant à cinquante pour cent et mort à cinquante pour cent n’est qu’un
exemple hypothétique, imaginé par Schrödinger et repris par Dirac, mais il illustre bien cette
idée. »
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Désormais, Karine ne pensait plus à son anthropologue. L’hypothèse de Dirac l’irritait un
peu. Ce qui me ravissait, car cela me prouvait qu’elle était accrochée par le sujet.
« J’ignore tout des particules élémentaires. Mais je sais que si toi (comme c’est du reste la
réalité), tu es en moyenne, tout au long de l’année, un jour sur dix à Paris et un jour sur dix à
Aix-en-Provence, une personne qui voudrait te téléphoner un soir quelconque sur (un fixe) et
qui ne connaîtrait pas tes habitudes n’aurait que quatre-vingts pour cent de chances de te
joindre. Un soir pris au hasard, elle aurait également dix pour cent de chances de te trouver à
Paris et dix à Aix-en-Provence. Mais si elle te trouve effectivement, elle sait où tu es, à cent pour
cent. Un point c’est tout. Affirmer le contraire, c’est de la folie pure, Dirac ou non ! »
Karine se sentit satisfaite d’avoir exprimé ainsi son exaspération.
La nuit était tombée. Karine s’excusa et me dit qu’elle n’en avait que pour une minute. Elle
monta prendre un pull-over et, disciplinée, revint s’installer dans la chaise longue de la
véranda.
Les réactions de la charmante Karine me rassuraient. Il me semblait que j’avais fini par
trouver une meilleure façon d’introduire ce sujet dans mon cours pour les étudiants de
maîtrise.
« Tu vois, Karine, tu réagis comme les physiciens avant Dirac. Pourtant, il est apparu que
leur comportement était erroné. Dans le monde des particules élémentaires, le concept de
présence simultanée dans des lieux différents doit être pris absolument à la lettre. Non
seulement une particule individuelle peut être au même instant en des points différents,
mais il lui est également possible de parcourir simultanément des itinéraires différents. C’est
comme si pour me rendre demain à Paris je prenais simultanément la navette aérienne d’Air
France et le train TGV de la SNCF ; et un seul Théo voyagerait simultanément à bord de ces
différents moyens de transport. Toutes les versions ou « états de Théo se recomposeraient
ensuite à l’arrivée à Paris. Comme ces idées te paraissent folles et qu’elles sont contraires au
bon sens le plus élémentaire, il a fallu de nombreuses années pour que les physiciens les
acceptent. Or il se trouve qu’il y a quelques années, à l’université de Rochester, deux
excellents expérimentateurs ont démontré une fois pour toutes que Dirac avait tout à fait
raison. C’est l’expérience dont je voudrais parler à mes étudiants. Il a fallu trente-sept ans
pour prouver expérimentalement que l’interprétation de Dirac est la seule qui soit correcte.
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_Correcte sans, doute, mais folle quand même ! » Karine commençait à basculer dans le
désaccord résigné.
« Tu as raison ! En un certain sens, cette idée est folle. Folle, mais vraie ! C’est pourquoi elle
est fascinante. À quoi bon faire des sciences si on n’arrive pas à découvrir des choses qui sont
souvent à l’opposé exact de ce qu’on attendait ? Non ? Voilà justement pourquoi j’espère que
mes étudiants s’intéresseront à cette histoire. »
Karine opta pour la résignation totale.
« Bien, je t’écoute ! Ils ont vu quoi, tes collègues de Rochester : qu’un individu peut être en
même temps à Paris et à New York ?
_ Presque. Ils ont démontré qu’un photon, à savoir une particule de radiation élémentaire et
indivisible, fait partie en même temps de deux lasers, c’est-à-dire de deux sortes de superlampes< »
Là, Karine m’interrompit. « Je sais ce qu’est un laser, merci Théo ! Il y en a même dans les
films de James Bond ! »
Aussitôt, je pensai que j’utiliserai cette référence le jeudi en question avec mes étudiants,
mais je n’osai pas l’avouer à Karine. Je me bornai à dire : « Exact ! On en voit dans les films
de James Bond, mais personne ne se soucie de comprendre comment ils fonctionnent. Ça,
c’est typique. J’expliquerai à mes étudiants qu’avant l’existence des lasers, on ne pouvait
démontrer scientifiquement que Dirac avait raison. C’est la raison pour laquelle il a fallu tant
d’années. On se doutait qu’il avait raison, mais sans les lasers, on ne pouvait pas le
démontrer d’une manière scientifique. »
Karine ne s’avouait pas vaincue pour autant.
« Pourquoi ? Une ampoule ordinaire n’est pas assez puissante pour vous autres physiciens ?
_ Il ne s’agit pas de puissance, répliquai-je, en enregistrant soigneusement toutes les
exclamations de Karine, mais de régularité et de prévisibilité. Une bougie, le Soleil, une étoile
ou une ampoule émettent de la lumière quand ça leur chante, au gré des transformations
subies par les atomes qui les composent, alors qu’un laser émet de la lumière sur
commande : une quantité exacte de photons, à des moments exacts, avec une longueur
d’onde fixe et exactement connue, sans bavures. On ne peut pas contrôler les atomes d’une
ampoule à l’aide d’un bouton. Mais le laser, oui. On sait très précisément quand il émet un
photon, c’est-à-dire un « quantum » indivisible de lumière. On peut donc faire en sorte
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qu’une certaine zone d’espace ne soit jamais traversée par plus d’un photon à la fois. Quand
un photon part d’un laser, on peut bloquer l’appareil tant qu’il n’est pas parvenu à
destination, par exemple sur une plaque photographique ultra-sensible. On peut bloquer le
laser afin qu’il n’émette pas d’autres photons tans que celui qu’il vient d’émettre est en
transit. C’est exactement ce qu’ont fait Pfleegor et Mandel, les deux auteurs de l’expérience
avec deux lasers identiques. »
Caricaturant le ton didactique que j’avais inconsciemment adopté, Karine ajouta : « < Et ils
virent qu’un même photon provient des deux lasers au même moment. Comme l’avait dit
Dirac. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »
Karine ne semblait pas éprouver le moindre enthousiasme. Je commençai à désespérer de
l’effet de ma diatribe. Peut-être l’élégance de la procédure choisie pourrait-elle encore créer
une étincelle.
« C’est tout à fait ça. On sait qu’il ne passe jamais plus d’un photon à la fois dans l’espace de
l’expérience. Et voici comment on procède : on prend deux lasers identiques et on mes met
en position de tir, comme deux canons de défense antiaérienne. On allume d’abord un seul
laser et on fait partir un seul photon à la fois, jamais plus, et on voit comment une pellicule
photo réagit aux photons émis par ce laser. On allume ensuite le second, et on observe la
réaction de la pellicule. Puis on allume les deux à la fois, mais en les soumettant au contrôle
d’un système draconien qui évite toute coïncidence : chaque fois qu’un photon part d’un
laser, aucun autre ne part tant que le premier n’est pas arrivé à destination. Si la physique
classique avait eu raison, et si la probabilité associée à la fonction d’onde des photons, sur la
plaque photographique, les taches auraient dû constituer la somme des deux taches
observées, séparément et indépendamment, quand on allume un seul laser à la fois. Or
Pfleegor et Mandel ont démontré que les taches sont différentes. Même si l’installation ne
« tire » jamais plus d’un photon à la fois, chaque photon, émis par l’un ou l’autre laser,
interfère avec lui-même. Et la plaque le montre bien : on a un système de taches différent de la
somme des taches laissées par chaque laser quand l’autre est parfaitement éteint. »
L’élégance de la méthode commence à ébranler mon interlocutrice et néanmoins amie. En
esthète professionnelle, Karine savait reconnaître quelque chose d’élégant. En dépit de ses
incertitudes, elle avait bien compris qu’il y avait toujours un seul photon à la fois, mais
pourquoi il fallait deux lasers.
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« Pourquoi utiliser deux lasers ? Un seul ne suffirait-il pas ? »
Je vous avoue que j’espérais cette objection.
« En théorie, oui, mais il faudrait de toute façon créer deux itinéraires possibles par photon et
constater que chacun d’eux passe simultanément par les deux. Techniquement parlant, le fait
d’utiliser deux lasers simplifie beaucoup les choses : on obtient vraiment l’information
souhaitée. Il s’agit de constater que chaque photon emprunte au même moment deux voies
différentes. »
De temps en temps, Karine avait le sentiment que ce que je disais était très sensé ; je venais
de lui en fournir un exemple. Elle se dit que ce mélange de folie extrême et de bon sens était
la caractéristique de la physique moderne.
« Attends un peu. Voyons si j’ai bien compris. Donc, un photon part du laser numéro un et
tchac, tout se bloque. Les deux photons ne se rencontrent jamais. Mais si les deux lasers sont
allumés, c’est comme si le photon ne savait plus par quel laser il a été émis. C’est comme s’il
avait été émis par les deux en même temps, même si, en fait, il a toujours été émis par l’un ou
par l’autre. C’est bien ça ? »
Enfin ! Le succès mon test sur Karine dépassait toutes mes espérances. Karine avait
parfaitement compris l’essence de cette expérience.
« C’est bien ça, acquiesçai-je. L’interférence qui se crée entre les deux lasers n’est pas due à
une interférence entre leurs photons respectifs et distincts. Ce ne sont pas deux photons
différents qui interfèrent entre eux, mais chaque photon qui interfère avec lui-même. Retiens
bien ces mots. Je reviens tout de suite. »
Je me précipitai en courant dans mon bureau et revins avec le texte de Dirac. J’ouvris à la
page fatidique et le mis sous les yeux de Karine, en lui indiquant les lignes décisives. Je
venais prononcer les mêmes mots, écrits par Dirac en 1930.
« Tu vois, Karine, dans l’expérience de Pfleegor et Mandel, des photons différents ne
pourraient interférer l’un avec l’autre parce qu’il n’y en a jamais plus d’un à la fois !
L’interférence a lieu seulement parce que l’autre laser est allumé ; il existe donc un itinéraire
alternatif pour chaque photon. Il est effectivement émis par un seul laser, mais c’est comme
s’il était émis par les deux. Il parcourt simultanément deux chemins différents, lesquels
produisent une figure d’interférence. »
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Pour être sûre d’avoir bien compris, Karine décida de se faire l’avocat du diable, en avançant
une affirmation qui risquait fort de ne pas être correcte.
« Qu’un photon ait été émis par l’un ou l’autre des lasers, nous, nous ne pouvons pas le
savoir< »
Voyant qu’enfin ma flèche approchait de la cible, je me suis permis d’interrompre Karine.
« Le point capital est que le photon lui-même ne le sait pas ! Ce que tu viens de dire était la
théorie avant Dirac : la statistique reflète notre ignorance, l’ignorance de l’expérimentateur.
Or Dirac souligne que l’ignorance, ou indétermination, est une propriété du photon en soi.
D’une certaine façon, chaque photon est associé aux deux lasers simultanément et passe donc
en même temps par deux voies différentes. Bref, il n’interfère qu’avec ses différentes
possibilités, et rien d’autre. Ce résultat s’explique uniquement, je dis bien uniquement, si l’on
accepte ce qu’affirme Dirac dans les lignes que tu viens de lire. D’après Dirac, la probabilité
quantique doit être pensée comme une probabilité liée à chaque particule individuelle et non
à la « distribution » de notre ignorance sur de multiples particules différentes. Dans
l’expérience de Pfeegor et Mandel, chaque photon ne peut interférer qu’avec lui-même. Dirac
avait donc absolument raison.
_ J’apprécie l’esthétique de cette folie, dut admettre Karine, mais je continue à ne pas
comprendre. Pourquoi ne pas supposer que chaque laser fournit un demi-photon, ou
quelque chose de ce genre ?
_ Un photon, comme tout quantum – le terme même l’indique -, est rigoureusement
indivisible. Il n’ y a pas de demi-photons, de même qu’il ne peut y avoir quatre-vingt-dix
pour cent d’une particule élémentaire. Ils existent ou n’existent pas. On ne compte qu’en
nombres entiers. C’est de cela que vient le caractère étrange et la beauté, que tu reconnais toimême, de la théorie des quanta vue par Dirac. Les particules sont indivisibles, mais chacune
« appartient à » ou, si tu préfères, « se distribue entre » plusieurs états, plusieurs voies
possibles, simultanément.
_ Alors, elles sont divisibles !, dit Karine, jouant encore l’avocat du diable, et je continuais à
enregistrer soigneusement ses objections.
_ Non, elles se distribuent tout en restant indivisibles. Comme tout autre appareil de mesure
ou de relevé des particules, la plaque photographique enregistre un photon ou n’en
enregistre aucun. On n’enregistre jamais une fraction de photon. Mais ce photon est passé
simultanément par deux itinéraires différents. Il s’agit d’un seul objet, d’un individu unique
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et indivisible, mais il « appartient » aux deux lasers. C’est un concept tout à fait
révolutionnaire, aucune analogie n’est possible avec les objets qui nous sont familiers. »
Constatant que Karine était à court d’objections, je décidai de ne plus abuser de sa patience.
Je me contentai d’ajouter : « J’espère que mes étudiants de maîtrise apprécieront l’extrême
profondeur du paradoxe. »
La réponse de Karine fut sincère et, pour cette raison, des plus encourageantes : « Je suis sûre
qu’ils s’amuseront beaucoup. Commence par le chat à moitié vivant et à moitié mort et ils
seront suspendus à tes lèvres. »
Karine alla ouvrir le lave-vaisselle qui, entre-temps, avait fini de tourner. Elle se mit à ranger
la vaisselle dans le buffet. Quelques minutes plus tard, elle brisa le silence avec une réflexion
résolument mondaine : « Dommage que Dirac ne soit plus de ce monde, j’aurais su au moins
de quoi lui parler si d’aventure, je le rencontrais. J’imagine qu’il était ravi de l’expérience. »
« Sans doute< Ou alors il n’en a même pas eu connaissance. De toute façon, il était déjà sûr
d’avoir raison< »
Karine émergea de derrière la porte du buffet et lança, sur un ton mi-impertinent, miréprobateur :
« Un peu plus de modestie, Messieurs les savants, je vous prie ! Et si l’expérience lui avait
donné tort ? »
J’essayais de répondre en citant ce qu’auraient dit Einstein et sans doute Dirac lui-même :
que cela ne pouvait se produire, parce que Dirac avait raison.
La tête de Karine disparut, cette fois définitivement, derrière la porte du buffet. Elle avait
décidé de ne pas insister. Cependant, elle n’imaginait pas combien il eût été difficile, pour
moi, de répondre en son nom et non « à la Einstein ».
Je réalisai que je n’aurais pas trouvé ma propre réponse pour jeudi, dix heures. « Saalle trois
cent ciinq », répétai-je à la texane, en montant les escaliers et en balançant lourdement les
épaules, pour mimer un maître qui su me transmettre le virus de l’enseignement. . Mon
absence n’était que de quelques minutes<
Karine continue de parler, de la vie, des choses naturellement. Je lève mon regard, mes yeux
rencontre les siens, j’entends « We got by d’Al Jarreau ». Le temps coule comme dans la
mélodie qui se dilue en nous. Je ne voudrais pas que ce moment s’arrête pour la douceur
qu’il nous offre alors, la paix
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Cette conversation _ authentique entre Karine et moi_
exprime les faits, des
concepts et des arguments parfaitement vraisemblables. Dirac expose ses
interprétations dans son traité de mécanique quantique (première édition : 1930).
L’expérience géniale de R.L. Pfleegor et L. Mandel est racontée dans la Physical
Review de juillet 1967. Elle s’intitulait Interference of Independent Photon Beams.
Malheureusement, elle n’a jamais reçu toute l’attention méritée, ni de la part des
physiciens, ni de celle d’un plus vaste public. Je trouve extraordinairement
intéressant cette confirmation expérimentale d’une conjecture formulée près de
quarante ans plus tôt.
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