L`esprit et la matière

publicité
L'esprit et la matière
Faut-il opposer l'esprit à la matière ?
Le corps humain qui fut, durant longtemps, un sujet tabou qu’il fallait taire et ignorer, est
devenu, au XXI° siècle, le centre de préoccupations multiples. En effet, l'opposition entre la
matière et l'esprit est une distinction classique dans l'histoire de la philosophie. C'est dans
cette opposition que chacun des deux termes prend son sens, puisque l'un apparait comme
la négation de l'autre: la matière est sans âme, sans pensée ou sans conscience. De plus,
elle est l'ensemble de ce que nous pouvons percevoir hors de nous et qui agit sur nos sens.
Au contraire, l'esprit désigne une réalité immatérielle, insensible, invisible et inodore.
Comment peut-on opposer esprit et matière, si on ne peut prouver l'existence de l'esprit ?
Le problème concerne le sujet humain: l'homme est-il seulement un corps, seulement une
âme immortelle, ou l'union d'un corps et d'une âme ?
Tout d'abord qu'est-ce que la matière? Par matière, on entend la réalité physique extérieure
et indépendante de l'esprit. On appelle «matériel» tout phénomène pouvant faire l'objet d'une
observation des sens comme voir, toucher, sentir...
La matière est réductible une infinité de fois et est constitué par un élément qu'on appelle
atome. Epicure (philosophe grec) et Démocrite nous disent que l'association de tous les
atomes donne naissance à tous les corps. Les atomes n'ont pas besoin de l'Esprit pour
s'associer et former de la matière. Donc cette dernière n'est pas soumise à l'esprit.
Le matérialisme soutient que la matière domine l'esprit. Il affirme que la matière est la seule
chose qui constitue la réalité.
Ainsi les matérialistes, pensent comme Diderot, que seule la matière est un principe
explicatif (qui s'explique par la science). Les explications matérialistes de l'esprit peuvent
aujourd’hui être divisées en deux approches différentes. L'approche comportementaliste:
nous sommes des «machines biologiques» ne faisant que réagir à des phénomènes nerveux
ou musculaires. Skinner (psychologue et penseur américain) a montré que de nombreux
aspects de la vie mentale sont modelés par l'environnement physique. La seconde approche
est l'approche cognitive: l'esprit humain est un réseau de connexions, programmes,
assimilables à un ordinateur. L'esprit est assimilé à un automate logique. La matière suffitelle à expliquer la vie? Démocrite (considéré comme l'initiateur du matérialisme dans
l'Antiquité), nous dit «la couleur est par convention, par convention le doux, par convention
l'amer et en réalité, il n'y a que des atomes et le vide».
Nous croyons donc que la matière est plus concrète que l'esprit. Cependant, Aristote
(philosophe grec de l'antiquité) nous dit que la matière ne saurait définir à elle seule un être
vivant: il faut lui ajouter un principe organisateur qui s'appelle âme ou esprit.
Nous avons donc formulé l'hypothèse de la vie après la mort: que se passe-t-il pour l'esprit
lorsqu’une personne décède? L'esprit n'est pas quelque chose d'abstrait, il se manifeste
dans les formes culturelles qu'édifient les hommes. La succession des cultures permet de
suivre sa trame dans l'histoire, ce qui nous fait penser que l'âme est immortelle.
Pour l'idéalisme l'esprit est une réalité indépendante et distincte de la matière où l'âme est
individuelle et immortelle. C'est à ce mouvement que Berkeley (un philosophe irlandais)
s'inscrit. Il veut enlever toute validité au matérialisme, et combattre la vision réductrice du
monde des physiciens. Pour lui les choses ne sont que des combinaisons de sensations et
d'idées.
Berkeley émet l'hypothèse suivante: au lieu de dire que Dieu (esprit infini) a créé la matière,
il convient mieux de dire que Dieu a mis dans chaque être fini (les hommes) toutes les
sensations à partir desquelles je construis mon image du monde. C'est pour cela, que la
matière est ainsi réduite à l'esprit. «Matière» n'est donc qu'un mot dépourvu de signification,
c'est l'esprit qui lui donne un sens. Donc pour Berkeley, le monde se réduit à nos
représentations des choses. Par exemple, si un enfant depuis tout petit a appris qu'un
couteau est un fourchette, nous n'aurons pas la même représentation du couteau. Donc,
être, c'est être perçu ou percevoir le monde qui nous entoure. Bien que supposé organique,
j'ai la sensation de vivre à travers mon identité propre et d'avoir une personnalité unique.
Pour Bergson le rapport entre l'esprit et la matière est comparée à une scène de théâtre.
Celui qui veut comprendre la pensée d'un homme simplement en regardant un scanner de
son cerveau, serait comme celui qui tenterait de comprendre une pièce de théâtre sans son.
Autrement dit, à part moi, personne ne peut comprendre ma pensée.
L'âme et le corps sont donc deux entités indissociables. En effet, l'âme a besoin du corps
pour s'exprimer et le corps quant à lui a besoin de l'âme, qui rend saisissable le monde des
sens. Spinoza exprime le paradoxe suivant : comment quelque chose d'abstrait l'âme (la
pensée) peut tenir dans quelque chose de concret: le corps. Comment l'âme qui est
immatérielle, peut-elle se mouvoir dans le corps matériel? Et enfin, comment le corps qui est
matériel peut affecter l'âme qui est immatérielle ?
Descartes émet une hypothèse, il loge l'âme dans la glande pinéale, partie du cerveau qui
réaliserait l'union de l'âme et du corps. L'esprit a besoin d'une matière (cerveau) mais il n'est
pas réduit à des conditions matérielles. En effet, le corps transmet des informations et des
sensations à l'Esprit qui lui permet de reconnaître la vérité parmi les apparences trompeuses
du monde des sens. Par exemple, la question de l'amour: je pense aimer mon partenaire,
avoir des sentiments pour lui, mais en réalité, c'est la représentation qu'il fait de moi que
j'aime. Cependant, le corps ne doit pas être une entrave à l'âme, il faut faire en sorte que le
corps soit en bonne santé afin d'empêcher l'inconfort de l'âme. En effet, un corps en bonne
santé permet de bien penser. Le corps informe l'Esprit de son état. Par exemple, lorsque j'ai
faim, cela m'empêche de bien réfléchir!
Le corps est une nécessité qui s'oppose à la liberté de l'Esprit. En effet, l'Esprit peut rêver de
tout, mais le corps nous rappelle la réalité du monde matériel. Par exemple, je rêve de voler
de mes propres moyens mais la réalité de mon corps me rattrape: je n'ai pas d'ailes. Platon
dénonce la violence du corps qui pour lui est le «tombeau de l'âme».
Pour conclure, nous pouvons dire que la matière définit le réel, l'esprit y ajoute un rêve. De
plus, l'homme occupe une place exceptionnelle dans la nature. En effet, il est le seul à être le
résultat de l'union d'une âme et d'un corps, une union si étroite que l'âme agit sur le corps et
le corps agit sur l'âme à travers les passions et la sensibilité. Finalement seul l'homme est à
la fois ange et bête, esprit et matière.
Pour Spinoza, il existe deux façons de comprendre une seule et même réalité. Cela n'a
donc aucun sens de vouloir expliquer l'Esprit par la matière, ou la matière par l'Esprit,
puisque ce sont deux façons différentes de parler de la même chose. Il ne faut donc pas
opposer Esprit et matière puisqu'ils cohabitent.
Sitographie:
http://bacphilo.blogspot.fr/2010/07/faut-il-opposer-lesprit-et-la-matiere.html*
Bibliographie
Philosophie Magnard d’Alain Marchal
1. Les Présocratiques de Démocrite
2. « De l'âme » d’Aristote.
La philo de A à Z de Laurence Hansen-Love
-
Annales de philosophie
« L'énergie spirituelle» de Bergson 1919 (vidéo)
La Philosophie de ARTE (documentaire).
Téléchargement