Pérampanel - Neurologies

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Pérampanel
Ce qu’il faut savoir
Sylvain Rheims*
Introduction
Le pérampanel (PER) est disponible en France dans le traitement en add-on
des épilepsies partielles pharmacorésistantes de l’adolescent (> 12 ans) et de
l’adulte, depuis mai 2014.
Mécanisme d’action
Le glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système
nerveux central. Il met en jeu des
récepteurs ionotropiques et métabotropiques, les récepteurs ionotropiques sous-tendant la transmission synaptique excitatrice rapide.
La transmission glutamatergique
joue ainsi un rôle pivot dans la génération des crises d’épilepsie [1-3]. Il
existe trois types de récepteurs ionotropiques : les AMPA qui sont les
plus abondants, les NMDA dont l’activation requiert une dépolarisation
membranaire AMPA-dépendante
préalable et les kaïnates [4].
Le PER est un antagoniste non compétitif sélectif des récepteurs AMPA
[5]. La fixation du PER sur un site
spécifique différent de celui du glutamate bloque ainsi l’ouverture du
récepteur AMPA, et ce quelle que
soit la quantité de glutamate présente dans la fente synaptique.
A ce jour, le PER est le seul antiépileptique disponible ciblant spécifiquement la voie glutamatergique [6].
Pharmacologie
Les points importants à garder à
l’esprit d’un point de vue pharmacologique, lors de la prescription
de PER, sont :
• sa demi-vie
d’élimination
longue, qui permet une prise quoti*Service de Neurologie fonctionnelle et d’Epileptologie, Hospices
Civils de Lyon, Lyon, et Centre de Recherche en Neurosciences de
Lyon (INSERM U1028/CNRS UMR 5292), Equipe TIGER, Lyon
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dienne unique ;
• son élimination principalement hépatique ;
• les interactions médicamenteuses qui en découlent.
Le PER n’est disponible que sous
forme orale, ses caractéristiques
pharmacochimiques ne permettant pas d’envisager le développement d’une forme intraveineuse.
Par voie orale :
• la concentration maximale est atteinte 0,5 à 2 heures après la prise ;
• la biodisponibilité est proche de
100 % ;
• La liaison aux protéines plasmatiques est élevée (95 %) ;
• La demi-vie plasmatique est
d’environ 70 heures [7].
Le PER est principalement éliminé après métabolisme hépatique oxydatif dépendant du cytochrome P450 (CYP3A4) ; 70 % de
la dose est ainsi éliminée dans les
selles, contre 2 % par voie rénale
sous forme inactive.
Le métabolisme du PER est associé à la formation de métabolites
intermédiaires actifs dont l’impact est actuellement inconnu [8].
Interactions et
précautions liées
au CYP450
Du fait de son métabolisme hépatique dépendant du CYP450, le
PER est sujet à de nombreuses
interactions médicamenteuses et
son utilisation imposera des précautions chez des patients présentant une hépatopathie. Le métabolisme du PER est ainsi accéléré
ou ralenti en présence, respectivement, d’inducteurs du CYP3A4 ou
d’inhibiteurs du CYP3A4.
Parmi les inducteurs du CYP3A4,
on compte notamment la carbamazépine, qui triple la clearance
d’élimination du PER. Les autres
antiépileptiques exposant à cette
interaction sont la phénytoïne, les
barbituriques, l’oxcarbazépine, le
topiramate à dose > 200 mg et le
rufinamide.
Par ailleurs, la demi-vie d’élimination du PER est doublée chez les patients présentant une dysfonction
hépatique modérée, aucune donnée n’étant disponible chez les patients ayant une dysfonction sévère.
De son côté, le PER n’a pas montré, in vitro, d’effet inducteur sur le
CYP3A4. Néanmoins, un impact sur
le métabolisme des progestatifs
a été rapporté à fortes doses. Ainsi,
si des doses de 4 et 8 mg ne modifient pas la pharmacocinétique de
l’éthinyl-estradiol et du lévonorgestrel, une diminution de 40 % de la
biodisponibilité du lévonorgestrel a
été rapportée après administration
de 12 mg/j de PER [8], justifiant des
précautions en pratique clinique.
Efficacité
épilepsie partielle
pharmacorésistante
La seule indication disposant
Fycompa®
laboratoire Eisai
• Comprimés dosés à 2 mg, 4 mg,
6 mg, 8 mg, 10 mg et 12 mg de
perampanel - 1 prise par jour
• Instauration : 2 mg/j, puis paliers
de 2 mg/j
• Dose maximale : 12 mg/j
Neurologies • Octobre 2014 • vol. 17 • numéro 171
Pérampanel
d’une AMM est le traitement en
add-on de l’épilepsie partielle
pharmacorésistante chez le sujet
de plus de 12 ans à une posologie
comprise entre 4 et 12 mg/j [8].
Dans cette indication, le PER a été
évalué contre placebo au cours de
trois essais de phase III [9-11]. Au
cours de ces essais, des doses de
2 mg, 4 mg, 8 mg et 12 mg/j ont été
évaluées. Si la dose de 2 mg/j ne différait pas du placebo, les doses de
4, 8 et 12 mg/j ont toutes démontré
leur efficacité [12].
Sous ces doses, 30 à 35 % des patients présentaient une réduction
de la fréquence des crises de plus
de 50 %, en comparaison d’environ
20 % sous placebo. Il existait une relation dose-effet avec une efficacité
plus importante pour les doses de 8
et 12 mg/j que pour la dose de 4 mg/j
[11]. Comme cela est habituellement
observé dans ces essais de phase III
contre placebo, une proportion très
faible de patients (< 5 %) était libre
de crises sous traitement [12].
On notera en revanche que le PER
est une des rares molécules pour lesquelles une évaluation de l’impact
sur les crises secondairement généralisées a été réalisée [13], avec pour
le PER une efficacité démontrée.
Néanmoins, aucune de ces données d’efficacité, et ce quel que soit
l’outcome évalué, ne permettent
d’évaluer de manière satisfaisante
l’efficacité relative du PER dans le
traitement de l’épilepsie partielle
pharmacorésistante par rapport
aux autres molécules disponibles
[13, 14].
Au cours des phases d’extension
en ouvert des essais de phase III, la
proportion de patients répondeurs
restait globalement stable, autour
de 50 % [15].
De manière importante, et en écho
aux données pharmacocinétiques
Neurologies • Octobre 2014 • vol. 17 • numéro 171
discutées plus haut, une variation
importante du taux de patients
répondeurs était observée en fonction des traitements associés.
Ainsi, le taux de répondeurs était
globalement 3 fois plus faible dans
le groupe de patients prenant un
inducteur enzymatique par rapport
aux patients traités avec un antiépileptique non inducteur [16].
Autres indications
chez l’adulte
Il n’existe aucune donnée publiée
concernant l’efficacité du PER en
monothérapie.
Concernant les autres cadres syndromiques, le PER a été évalué
comme traitement adjuvant dans
les épilepsies généralisées idiopathiques pharmacorésistantes avec
crises tonicocloniques fréquentes
[17]. Les résultats de cet essai sont
attendus prochainement.
épilepsie partielle
de l’enfant
Comme évoqué ci-dessus, les
essais de phase III dans les épilepsies partielles pharmacorésistantes ont inclus des enfants
âgés de plus de 12 ans, avec une
efficacité de la molécule similaire
chez l’enfant et l’adulte. L’AMM,
dans cette indication, couvre par
conséquent l’adulte et l’enfant âgé
de plus de 12 ans. Aucune donnée
n’est en revanche disponible chez
l’enfant avant 12 ans.
Etats de mal
épileptiques
Aucune donné spécifique n’est disponible.
De par la physiopathologie des
états de mal épileptiques, une
molécule ciblant la transmission
glutamatergique pourrait apporter un réel bénéfice dans la prise
en charge. Malheureusement, la
non-disponibilité d’une forme parentérale du PER limitera probablement fortement son utilisation
dans le contexte d’un état de mal.
Tolérance
Les données concernant la tolérabilité du PER sont principalement
issues des essais de phase III.
Les principales problématiques
à souligner sont celles des effets
secondaires neurologiques non
spécifiques, des troubles psychiatriques et de la prise de poids.
Concernant les effets secondaires neurologiques non spécifiques [16], il s’agit comme à l’accoutumée avant tout de :
• vertiges,
• ataxie,
• tremblements,
• somnolence.
La fréquence de ces troubles est
proportionnelle à la dose quotidienne et est également influencée
par la vitesse de titration. Certains
auteurs suggèrent ainsi d’utilisation une titration très lente,
avec des paliers de 1 mois [18].
Par ailleurs, il semble utile de profiter de la monoprise quotidienne
et de recommander au patient de
prendre la traitement au coucher
afin de diminuer la gêne occasionnée par la majoration de ces effets
secondaires lors du pic plasmatique.
Concernant les effets secondaires psychiatriques, il s’agit
essentiellement :
• d’une anxiété,
• de troubles du sommeil,
• d’une irritabilité.
Ces effets ont été observés chez
15 % des patients inclus dans les
essais de phase III. Par ailleurs,
dans ces mêmes essais, 10 patients
ont présenté des troubles psychotiques sous PER contre un seul
sous placebo. A ce titre, l’Agence
Européenne du Médicament a
émis une alerte concernant l’utilisation du PER chez des patients
présentant des antécédents psychotiques [8]. Dans l’étude à long
terme, la proportion de patients
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ayant présenté au moins un effet
indésirable étaient néanmoins
plus basse que celle observée dans
les essais en double aveugle (4 %).
Une prise de poids supérieure à
7 % a été observée chez 19 % des
patients sous PER, contre 8 %
sous placebo, dans un des trois
essais de phase III [9]. Cela a été
confirmé dans l’étude d’extension
en ouvert où une prise de poids
cliniquement significative (> 7 %)
était rapportée par 38 % des patients, alors que 11 % des patients
ont rapporté une perte de poids
significative (> 7 %) [15].
n
Conflits d’intérêts : Sylvain Rheims a
reçu des honoraires en tant qu’orateur/
consultant de GSK, EISAI et UCB pharma.
Correspondance
Dr Sylvain Rheims
Service de Neurologie fonctionnelle
et d’Epileptologie
Hospices Civils de Lyon
59, Bd Pinel
69677 Bron Cedex
E-mail : [email protected]
Mots-clés : Pérampanel, Epilepsies partielles pharmacorésistantes, Adulte, Enfant, Glutamate, Récepteurs AMPA, CYTP450, Interactions, Efficacité, Tolérance, Titration
Bibliographie
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The Kork experience in 74 patients. Epilepsia 2014 ; 55 (Suppl 1) :16-8.
16 RENCONTRES
DE NEUROLOGIES
Les coordinateurs vous présentent leurs ateliers
16es RENCONTRES
DE NEUROLOGIES
15 - 16 - 17 décembre 2014 • Paris
ATELIER « Neurovasculaire » - Mardi 16 décembre 2014 - de 14h00 à 17h45
Coordination : Igor Sibon (Bordeaux)
Igor Sibon vous a concocté une session à la pointe de
l’actualité.
• Pour commencer, Xavier Barreau fera une mise
au point sur la prise en charge des malformations
cérébrales : quelles sont les nouveautés en matière
de techniques d’imagerie ? Quelles sont les stratégies
interventionnelles à privilégier à la lumière des données récentes de la littérature ?
• Ensuite, Stéphanie Debette vous proposera une revue de la littérature épidémiologique en termes de dissections des troncs supra-aortiques. Quel est le rôle
des facteurs ­génétiques ?
286
16es RENCONTRES
DE NEUROLOGIES
• Claire Delecci répondra a des questions très pratiques : chez quels patients post-AVC rechercher des
troubles vésico-sphinctériens ? Quand et comment
faire des investigations, comme un bilan urodynamique ?
Quelle stratégie proposer à ces patients souffrant de
troubles peu considérés et pourtant si invalidants ?
• Igor Sibon conclura sur les troubles de l’humeur
post-AVC : quels sont les paramètres cliniques permettant de les identifier précocement chez les patients
à risque ? Dans quelle mesure l’imagerie peut-elle
aider ? Quelles stratégies thérapeutiques utiliser ?
Autant de questions qui trouveront leurs réponses
lors de cet atelier à ne pas rater.
Neurologies • Octobre 2014 • vol. 17 • numéro 171
Pour plus d’information : www.rencontresdeneurologies.fr
voir
également
p.296, 302,
308, 316.
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