En tant que directrice de Santésuisse,
que vous inspire l’augmentation massive
des primes prévue en 2017?
Ce n’est pas une surprise: nous examinons
mensuellement les coûts canton par canton.
Les prestations médicales ont grimpé de 4%,
parfois davantage, et les primes ne reètent
que le développement des coûts, il faut le
rappeler. Nous avons aussi constaté que c’est
du côté de l’ambulatoire, dans les hôpitaux et
les visites dans les cabinets de médecins, que
l’augmentation est la plus importante par
rapport aux autres années. De plus, le prix
des médicaments n’a pas été adapté par le
Conseil fédéral en 2015 et 2016.
Y a-t-il une explication structurelle
aux primes plus élevées du côté romand?
Les Suisses romands consomment davantage
de prestations médicales que les Suisses
alémaniques. Il s’agit sans doute d’une
question culturelle, mais cela s’explique
surtout par une ore médicale plus dense,
sauf en Valais.
Donc, plus il y a de médecins, plus on y va?
Oui, surtout du côté des médecins spécialisés.
Il existe un rapport clair entre le nombre
de spécialistes et l’augmentation des coûts
de la santé dans un canton donné.
Malgré de nombreux regroupements
hospitaliers, d’ailleurs parfois diciles à
accepter pour la population, la Suisse
romande peut donc encore mieux faire?
Ces regroupements n’ont pas empêché
les coûts de l’ambulatoire d’augmenter de
façon marquée. Il n’y a sans doute pas assez
de contrôle en la matière.
Les contrôles de qualité existants ne sont
donc pas susants?
Ils le sont pour ce qui concerne les hôpitaux
dans le domaine stationnaire, mais pas pour
l’ensemble des prestations ambulatoires ou
en cabinet. Dès qu’un médecin a l’autori-
sation de pratiquer en Suisse, il n’y a plus
de contrôle de l’excellence de son travail.
C’est ce que Santésuisse aimerait changer.
Pourquoi, selon vous, les assureurs
ont-ils si mauvaise presse?
Dans le système de santé, les médecins et les
hôpitaux soignent et soulagent les malades.
Les assurances, elles, envoient la facture.
Bio express
Une carrièredans la santé
Verena Nold (54 ans) estdirectrice de
l’associationfaîtière desassureurs-
maladie,Santésuisse, depuis2013.
Auparavant, elle y a exercé plusieurs
fonctions, dont celle de vice-directrice
mais également directrice de la
liale Tarifsuisse, où elle a mené
des négociationstarifairessurles
plansnationalet cantonalet
a dirigé quelque soixante
collaborateurs. Avant cela, de 1990
à1997, elle a été membredela
direction d’HelsanaAssurances.
Ce n’est pas forcément le plus beau rôle. Et
forcément, plus la facture augmente, moins
l’image est bonne. Mais en même temps,
les assureurs maladie n’ont pas à leur
disposition les compétences pour maîtriser
l’ensemble des facteurs de coûts.
Parexemple?
Reprenons celui du nombre de spécialistes
dans une région: il est de la compétence du
canton, tout comme le nombre d’hôpitaux
qui peuvent facturer à charge de l’assurance-
maladie. Pour limiter les coûts, les assureurs
peuvent limiter le poids de leur administra-
tion, contrôler chaque facture et négocier
des tarifs qui respectent le principe
d’économicité inscrit dans la Loi fédérale
sur l’assurance-maladie (Lamal).
Qui se chargerait de ces contrôles?
Voilà plus d’une décennie que nous cherchons
un accord à ce sujet avec la Fédération des
médecins suisses (FMH): comment dénir
la qualité, selon quels critères et comment
la vérier. Des concepts existent, encore
convient-il d’accepter de les appliquer dans
notre pays. Si un médecin a un diplôme
reconnu, qu’il suit des formations continues
et qu’il parle une langue nationale, cela est
aujourd’hui susant. Pour notre part, nous
estimons que cela ne permet pas de garantir
de bons traitements. Par exemple tel traite-
ment a-t-il apporté un bénéce en termes
de santé au patient? On l’ignore.
Un autre gros désaccord avec la FMH
est la discussion autour du fameux point
Tarmed. Pouvez-vous nous en rappeler
l’enjeu?
Depuis 2004, il existe un tarif identique
dans tous les cantons suisses pour les
médecins et l’ambulatoire. Mais entre-
temps, la médecine s’est développée. Ainsi,
l’opération fréquente de la cataracte,
qui durait trois heures il y a vingt ans, ne
demande plus que vingt minutes de nos
jours. Or, le tarif correspond toujours à
une opération de trois heures. Il faudrait à
l’évidence adapter la structure tarifaire à la
médecine d’aujourd’hui. Evidemment, c’est
un immense travail puisque Tarmed est
très complexe. Comme les intérêts entre
assureurs et médecins sont très diérents,
on ne parvient pas à trouver un accord. Dès
le départ, Santésuisse a posé comme condi-
tion que la révision du point Tarmed ne
débouche pas sur une autre augmentation
des coûts. Et que l’on connaisse la réalité
de ce qui est payé en frais médicaux. Sans
certitudes sur ces points, nous avons refusé
de participer aux discussions. Depuis
septembre 2015, nous tentons une autre
approche avec les médecins spécialistes
en révisant chapitre par chapitre. Nous
pensons qu’en allant petit à petit, nous
avons plus de chances de parvenir à
un accord global.
Les médecins ne se préoccupent-ils donc
pas de l’augmentation des coûts de la santé?
Ils ont dit qu’ils voulaient être rémunérés
selon leurs besoins et leurs coûts. Mais
comme l’a aussi précisé le Conseil fédéral,
l’ecacité joue également un rôle si on veut
être remboursé par une assurance sociale.
Comment se fait-il que les salaires
des médecins soient aujourd’hui
si diciles à obtenir?
Ils ont été publiés par la FMH pour la
dernière fois en 2009. Et comme on ignore
les chires actuels, il est aussi dicile
de calculer un tarif correct. En passant,
le nombre important de praticiens étrangers
qui viennent ou veulent venir chez nous
montre que les rémunérations restent
très attractives.
Pourquoi Santésuisse a-t-elle proposé
au Conseil fédéral une rémunération
basée sur des forfaits?
Reprenons l’opération de la cataracte:
De quoi parle-t-on?
Lecouperetesttombéilya
quelquessemaines:les primes
maladie auront bien mauvaise
mine l’an prochain, avec une
augmentation prévue entre
4% et 6,5%. Et c’est du côté romand
que la pilule sera le plus dure
à avaler. La directrice de Santé-
suisse en appelle àune vraie prise
de responsabilité, y compris
de la partdes patients.
SOCIÉTÉ |MM47,21.11.2016 | 35