faire apprendre la grammaire à des enfants de 7 à 11 ans. Bien qu'il fut mentionné dans le protocole
de recherche et lors des prises de contact préliminaires à l'observation filmée, qu'il n’était pas
question d’évaluation, certains enseignants confièrent avoir modifié leurs pratiques habituelles pour
la circonstance. Heureusement, leurs propos permirent de rétablir certaines données et quelque peu
« colmater » ce que l'on pourrait considérer comme un « biais » dans notre étude. Il est vrai que les
pédagogues ne sont pas formés au débriefing, à la confrontation avec leurs images professionnelles,
encore moins à la méthode ergonomique d’'auto-confrontation. Hormis, les maîtres-formateurs qui
reçoivent des professeurs stagiaires dans leur classe, la plupart ne bénéficient jamais d'un regard
extérieur sur leur pratique, un regard « bienveillant », serions-nous tentés d’écrire (pour reprendre la
phraséologie psychanalytique). Ils n’accueillent que la visite évaluative, une heure durant, d'un
inspecteur qui a pour fonction d'inspecter l'accomplissement de leur « mission de service public
d'enseignement » et de les noter. Cela dit, nous avons tenté avec plus ou moins de succès de
ramener les enseignants au film de leur pratique lorsque la parole débordait, et de réduire avec leurs
explications en autoconfrontation l’éventuel écart entre ce qu’ils font en général et ce qu’ils ont
montré. Cet écart, cela dit, apparaît moins au niveau didactique que relationnel (afin de ne pas se
laisser par exemple déborder par le groupe-classe devant la caméra) et n’affecte guère nos résultats
sur la question plus « pointue » de « glissements » vers la métalangue.
Notre échantillonnage de classe formant notre protocole de recherche est hétérogène, les notions
abordées un peu moins. Trois classes (C.P., CE1, CM1) nous ont permis d'effectuer une pré enquête.
Nous avons donc observé dix-huit classes du C.P. au CM2, des classes à cours simple ou des classes
à double niveau, des classes rurales ou des classes urbaines, dans les régions parisiennes,
avignonnaises, aixoises, nantaises, havraises, toulousaines et picardes. Nous avons étudié trois
cours préparatoires, sept cours élémentaires et huit cours moyens. Nos observations duraient entre
45 minutes et 1h 15 minutes.
La recherche de classes et enseignants partenaires s’avéra difficile en raison du manque d’habitude
des professeurs à être observés lors de leur travail (sinon en situation d’évaluation par un
inspecteur), de l’aspect très intrusif de la caméra qui dérobe une « intimité professionnelle », la
difficulté à se regarder faire, à se distancer de son image et de ses représentations de la pratique
enseignante, le peu d’appétence à un enseignement grammatical peu gratifiant au vu des résultats
scolaires, la crainte de ne pas présenter une « bonne » pratique enseignante, omniprésente dans les
esprits et l’institution scolaire. Il pourrait aussi s’ajouter les aléas que tout chercheur est susceptible
de rencontrer : les refus d’autorisation de filmer, des réseaux pour entrer en contact avec des
professionnels défaillants, les longues grèves enseignantes du printemps 2003 annulant certaines
rencontres, un calendrier scolaire court qui amène à opérationnaliser (trop ?) rapidement la
recherche et une mobilité des professeurs (changements de niveau de classe ou de lieux
d’enseignement, voire de fonction) difficile à gérer lorsque les rendez-vous sont pris sur un long
terme.
B- Repérage d’épisodes de glissement conceptuel significatifs
Un premier travail d’intelligibilité des protocoles fut opéré avec un phasage liminaire en des
situations d’action, de communication et de validation (d’après Brousseau), que nous avons
enrichies dans un second temps avec les 4 critères ou gestes professionnels de Sensevy (définition
du jeu, dévolution, régulation, institutionnalisation), que nous définissons plus bas. Cette
segmentation nous permet, outre l’écriture d’un script de chacune des séquences, de déterminer les
épisodes de glissements conceptuels apparaissant dans chacune des séances filmées. Cet ouvrage de
La médiation grammaticale en école élémentaire, Philippe Clauzard,
CNAM, Paris, Février 2008