QUESTION POUR UN CHAMPION EN REANIMA TION 527
PLACE DES EXAMENS BIOLOGIQUES DELOCALISES
EN ANESTHESIE – REANIMATION
F. Forestier1, C. Mouton2, C. Fornaguera1, P. Derache3 et G. Janvier1 - 1Département
d’Anesthésie-réanimation, 2Laboratoire d’Hémobiologie, 3Laboratoire de Biochimie.
Hôpital du Haut-Lévèque, avenue Magellan, 33064 Pessac cedex.
INTRODUCTION
La biologie délocalisée peut se définir comme étant l’ensemble des actes de biolo-
gie effectués à l’extérieur des locaux des laboratoires d’analyse de biologie médicale
par des personnels non formés à l’analyse biologique (le plus souvent personnel infir-
mier), à la demande expresse ou programmée d’un médecin.
1. PROBLEMATIQUE
Les services cliniques et tout particulièrement les services médico-techniques ont
des besoins d’adaptation, voire de contrôle, de leurs techniques d’assistance ou de leurs
thérapeutiques en faisant appel à des données biologiques : gaz du sang et ventilation
artificielle, hématocrite et hémodilution, glycémie et insulinothérapie, ACT et hépari-
nothérapie... Souvent, la qualité des soins et du contrôle des fonctions viscérales
s’identifie à la rapidité de la recherche à rééquilibrer les paramètres perturbés. Cela
sous-entend d’avoir à sa disposition une sélection d’informations à réponses rapides et
fiables.
C’est dans cette conception que la technologie en biologie a développé, à la demande
des cliniciens, une biologie au chevet du patient, dans certaines applications. Cette
biologie délocalisée doit répondre à des objectifs précis, apporter une solution ou une
amélioration aux exigences de l’urgence ou de l’organisation d’une structure de soins
cliniques qui ne peuvent être traitées de façon satisfaisante par des procédures classi-
ques. Dans ce cas précis, certains types de services médicaux font figure de
consommateurs privilégiés et cela depuis plusieurs années.
Les blocs opératoires ou certaines interventions chirurgicales (CEC, transplanta-
tion) ont des besoins de disponibilités instantanées de certains résultats biologiques. La
même observation peut être faite en ce qui concerne les services de néonatalogie, soins
intensifs et réanimation néonatale, auxquels sont associées les salles de naissance des
maternités.
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La fiabilité des informations et les innovations proposées par les industriels et
publiées dans les revues internationales [1, 2, 3, 4, 5] font que les services des urgen-
ces et de réanimation ou de soins intensifs souhaitent appliquer ce concept pour certaines
de leurs situations graves : sepsis, accidents cardiovasculaires, hémorragiques), d’autant
plus que leurs structures sont éloignées des laboratoires centraux.
En France, les conditions qui justifient cette demande sont :
que les données biologiques soient fiables, reproductibles, indépendantes des condi-
tions d’utilisation et des opérateurs,
que ces données biologiques répondent à des demandes cliniques spécifiques et
justifiées,
que les résultats puissent être validés tant d’un point de vue technique que
biologique,
qu’il y ait une volonté et un support organisationnel précis et auto-actualisé avec les
laboratoires de biologie, ce qui signifie qu’il y ait de la part du biologiste une volonté
d’aider les cliniciens dans ce sens,
qu’il y ait une mise en place d’une demande de qualité consensuelle (biologiste -
cliniciens) et que la réglementation concernant les actes de biologie soit respectée,
notamment dans le cadre du Guide de Bonne Exécution des Analyses (GBEA), avec
des contrats de fonctionnement évolutifs et réévalués en ce qui concerne les points
forts et les points faibles de ce partenariat. Cette évaluation doit également intégrer le
rapport coût/bénéfice de cette politique organisationnelle.
2 . RESPONSABILITES
La pratique de délocalisation d’actes de biologie se pose en termes de réglementa-
tion, de définition des compétences et de confidentialité. L’article L 753 du code de la
santé Publique, Livre 7, Chapitre 1 précise que «les analyses biologiques ne peuvent
être effectuées que dans un laboratoire sous la responsabilité de leurs directeurs et
directeurs adjoints»
L’article L 761-11 admet que, d’une part «les médecins, à l’occasion des actes mé-
dicaux auxquels ils procèdent, effectuent, personnellement ou dans leurs cabinets, des
analyses qui ne donnent pas lieu, en vertu de la législation de la sécurité sociale, à un
remboursement distinct et ne peuvent faire l’objet d’un compte-rendu écrit» et d’autre
part que «les infirmiers qui, à l’occasion de soins, effectuent les contrôles biologiques
de dépistage à lecture instantanée... Ces contrôles biologiques ne donnent pas lieu, en
vertu de la législation de la sécurité sociale à un remboursement distinct et faire l’objet
d’un compte-rendu écrit.»
Ces dispositions s’appliquent aux médecins et infirmiers libéraux. Par analogie, un
médecin et un infirmier hospitaliers pourraient faire ces examens dans leurs services,
sans en référer au biologiste. Cependant, il peut être reproché aux médecins hospita-
liers d’appliquer des législations par analogie, ce qui en droit n’est pas satisfaisant. Il
semble donc que les analyses biologiques effectuées dans le cadre d’une unité de soins
hospitalière doivent être sous la responsabilité d’un biologiste, indispensable et garant
de la qualité des actes, conformément aux règles du GBEA.
Les biologistes doivent donc être impliqués à plusieurs niveaux en pratique de bio-
logie délocalisée :
Choix des appareils par rapport aux spécificités des demandes des cliniciens.
Applications des règles du GBEA, document opposable au laboratoire d’analyses
médicales qui a une obligation de moyens et de résultats.
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Formation et contrôle des aptitudes du personnel consommateur et utilisateur dans
les services cliniques.
Mise en place, de façon contractuelle, des procédures de formation et de fonctionne-
ment.
Prévoir et gérer de façon obligatoire un système de transmission en temps réel des
informations afin de permettre la validation biologique des résultats.
Ces règles ne sont que des recommandations, car il n’existe pas de jurisprudence, ni
de réglementation précise sur le mode de fonctionnement de la biologie délocalisée.
Cependant, certaines réglementations sur la planification des services de réanimation
stipulent que ceux-ci doivent pouvoir mesurer les gaz du sang dans leur propre service,
si le laboratoire n’est pas en mesure de donner les résultats en moins de 10 minutes
(circulaire en date du 7 Février 1989 relative à la mise en œuvre des schémas régionaux
de la réanimation)
En ce qui concerne la confidentialité des résultats transmis dans les services, celle-
ci doit être conforme aux règles de gestion des dossiers médicaux dans l’application du
secret professionnel. Ce qui justifie que les appareils délocalisés soient dotés de codes
d’entrée et de normes de protection pour éviter toute infraction à ce principe si ces
appareils mémorisent des informations. Lorsque l’information est effacée après chaque
mesure, cette disposition ne paraît pas utile.
3 . PARAMETRES BIOLOGIQUES MESURES
Dans le domaine de la Biologie médicale, la tendance est actuellement à la centrali-
sation, alors que les progrès technologiques réalisés sur les biosenseurs et les
microprocesseurs permettent une mesure sur sang total non dilué. Ce dernier point
paraît favoriser au contraire la décentralisation. En fait, selon Mc Queen [6], la ques-
tion serait : faut-il privilégier le point of care ou le point of need. Dans la première
éventualité, le concept pourrait s’assimiler à un manque de soins, alors que dans le
deuxième cas, il évoquerait un raisonnement logique basés sur des faits objectifs (be-
soins en termes de coût/efficacité, qualité/prix de santé publique).
En Biochimie, l’activité de biologie délocalisée pourrait se réduire aux gaz du sang
et à la kaliémie. En pratique, la biologie délocalisée peut être beaucoup plus étendue si
on prend en compte les divers paramètres disponibles sur le marché : home testing, les
bandelettes réactives pour la détermination de la glycémie, les divers dépistages urinai-
res ou fécaux, les enzymes cardiaques, les électrolytes, l’hémoglobine glycolisée, la
procalcitonine... D’autres applications se font jour, hormones thyroïdiennes. En micro-
biologie, il existe aussi des tests proposés en biologie délocalisée.
En Hématologie, on peut actuellement différencier :
D’une part des tests, sur sang total, utilisés assez couramment et validés par des
études clinico-biologiques. Dans cette catégorie, entrent l’activated clotting time
(ACT) pour la surveillance de l’anticoagulation au cours des CEC, le PFA-100 pour
le dépistage en préopératoire d’une anomalie de l’hémostase constitutionnelle (Wille-
brand) ou acquise (aspirine).
D’autre part, des tests plus récemment développés comme le temps de prothrombine
(TP) et le temps de céphaline plus activateur (TCA) proposés par les sociétés com-
merciales comme une alternative aux tests plasmatiques des laboratoires, par exemple,
permettraient de suivre des thérapeutiques anticoagulantes (HBPM, AVK, etc). Cette
dernière approche n’est pas encore validée.
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Les lieux de pratique de la biologie délocalisée sont très divers : cabinet médical,
pharmacie, centre de soins, par le patient lui-même et bien sûr dans le service clinique
d’hospitalisation.
3.1. MOTIVATION SUR L’IMPLANTATION D’UNE BIOLOGIE DELOCALISEE
L’analyse des gaz du sang (gazométrie) est une urgence médicale et technique :
Médicale, parce que les variations de la gazométrie sont très rapides et peuvent met-
tre en jeu un pronostic vital.
Technique, parce que les gaz du sang sont par définition volatils et que toutes varia-
tions dans un sens comme dans l’autre influent sur le résultat final. Dans ces conditions,
il est évident que l’analyse des gaz du sang doit être immédiate et que les résultats de
gazométrie doivent être portés à la connaissance du clinicien dans les plus brefs dé-
lais. Compte tenu de la réglementation citée plus haut, il devient évident que
l’implantation locale d’un analyseur de gaz du sang (et métabolites bien ciblés) ne
peut être qu’un avantage en ce qui concerne la sécurité du patient et le travail de
l’anesthésiste-réanimateur.
Selon les recommandations de la Société Française de Biologie clinique, la biologie
délocalisée doit répondre à plusieurs critères : mise en place d’une stratégie de
diagnostic ou de suivi thérapeutique nécessitant la réalisation d’analyse délocalisée,
type d’examen et équipement, la formation du personnel et l’assurance qualité [9].
3.2. PARAMETRES BIOCHIMIQUES ET LEURS CRITERES DE CHOIX.
Après concertation avec les cliniciens, les paramètres les plus demandés et acces-
sibles sont la gazométrie (pH, pCO2, pO2) y compris les paramètres calculés, le
ionogramme restreint au Sodium et Potassium, le Calcium ionisé et l’hématocrite. Tous
ces paramètres sont évalués par potentiométrie directe sur sang total, sauf l’hématocri-
te qui est évaluée par conductimétrie et la pO2 par ampérométrie. Ces technologies sont
des technologies éprouvées et sûres, utilisées en routine au laboratoire central.
La glycémie fait l’objet depuis bien des années d’une implantation en biologie
délocalisée. Une attention toute particulière doit être faite en ce qui concerne l’assu-
rance qualité de ces systèmes. Des études en ce sens montrent que beaucoup de progrès
sont à faire dans ce domaine [8, 9].
Grâce aux progrès technologiques en la matière, il apparaît que l’implantation d’autres
paramètres peut être discutée. D’une manière générale, si l’utilisation des techniques
d’analyse par potentiométrie directe peuvent garantir une fiabilité suffisante des résul-
tats, l’utilisation de systèmes mettant en œuvre des techniques enzymatiques semble
plus aléatoire. Dans ce dernier cas, la plus grande prudence devra être de mise, avant de
décider de l’implantation de ces systèmes.
3.3. EXPERIENCE DU CHU AQUITAINE, SERVICE DE REANIMATION DIGES-
TIVE ET THORACIQUE
3.3.1. EQUIPEMENT DU SERVICE DE REANIMATION CHIRURGICALE
Le service de réanimation digestive et thoracique se situe sur deux niveaux diffé-
rents dans le pavillon nommé Maison du Haut-Lévèque. De par sa situation géographique
(éloignement du Laboratoire central), l’étude de l’implantation d’une biologie déloca-
lisée devient d’actualité.
En matière d’analyse de gaz du sang et avant la mise en place d’une réflexion sur la
biologie délocalisée, le service était équipé d’un analyseur de laboratoire convention-
nel de type Nova. La fréquence des maintenances et un personnel utilisateur non
technicien ont rapidement conduit à une situation difficilement contrôlable, en tout état
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de cause non conforme aux directives du GBEA en ce qui concerne les analyses de
Biologie médicale. Nous avons donc décidé, après une large discussion entre le Biolo-
giste, le Clinicien et l’Administration, d’étudier la possibilité d’implantation d’une
Biologie délocalisée.
3.3.2. CRITERES DE CHOIX DES APPAREILS
Les principaux critères de choix des appareils, compte tenu de leur implantation
future ont été les suivants : poids et encombrement aussi faibles que possible, appareil
transportable, maintenance nulle, adéquation avec l’activité du service (15 gazométries
environ par jour).
Deux conceptions d’implantation de biologie délocalisée ont été testées :
1-La première consiste à implanter un analyseur portable commun à l’ensemble des
deux structures, l’analyseur pouvant se déplacer en fonction des besoins de l’un ou
l’autre des utilisateurs.
2-La deuxième consiste à implanter les systèmes d’analyse dans le monitorage des
patients. Cette dernière répond aux critères de biologie délocalisée au chevet du pa-
tient.
Le laboratoire central a fait appel aux fournisseurs connus et réputés en matière
d’analyse des gaz du sang. Après étude, deux sociétés proposant des appareils portables
et une société proposant un système portable ou une implantation dans le monitorage
ont été retenues : Radiometer (ABL 70) et Instrumentation Laboratory (Gem Premier
Plus) pour les deux premières et Hewlett-Packard (système i-Stat®) pour son implanta-
tion au moniteur du patient ou bien un système portable. Dans tous les cas, un système
de liaison avec le laboratoire central doit être impératif.
3.3.3. STRATEGIE ADOPTEE
Après évaluation analytique par le laboratoire central, les configurations retenues
ont été testées selon l’ordre chronologique suivant :
Mise en place du système portable Intrumentation Laboratory (Gem Premier)
Mise en place du système portable Radiometer (ABL 70)
Mise en place du système portable Hewlett-Packard (i-Stat®)
Mise en place du système implantable dans le monitoring Hewlett-Packard (i-Stat®)
Seule la dernière configuration correspond réellement à un acte de biologie déloca-
lisée au chevet du patient. A la fin de chacune des sessions, une enquête d’opinion et de
praticabilité a été conduite auprès du personnel utilisateur. A la suite de ces diverses
évaluations, une concertation entre cliniciens, biologiste et administration a été faite
pour définir quelle configuration serait retenue.
3.3.4. PROTOCOLE DEVALUATION
Chaque appareil retenu a fait l’objet d’une évaluation analytique au laboratoire cen-
tral sur une durée de 15 jours. En fonction des résultats de cette évaluation préliminaire,
et avec l’accord des fournisseurs, une évaluation de praticabilité de 3 mois dans le
service clinique a été mise en place selon le schéma cité plus haut.
L’évaluation analytique a porté sur un contrôle de qualité et sur une étude de com-
paraison des résultats fournis par les appareils par rapport à ceux du laboratoire central
(appareil Corning 288). Gem Premier Plus, ABL 70 et i-Stat® montrent une évaluation
analytique tout à fait acceptable. Les résultats obtenus ont été en accord avec ceux
réalisés par d’autres auteurs sur des appareils de référence différents [10, 11, 12, 13, 14].
Le laboratoire central a donc proposé une évaluation de praticabilité dans le service
clinique sur deux appareils pendant une période de trois mois : Gem Premier Plus (so-
ciété IL), ABL 70 (société Radiometer) et i-Stat® (société Hewlett-Packard). Durant
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