appel à projets

publicité
APPEL A PROJETS DE RECHERCHE MILDT – INSERM - INCA 2006
Drogues et conduites addictives : accélérer la recherche pour améliorer la
pertinence des interventions en matière de prévention et de soins
La Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT), l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et l’Institut National du Cancer (INCa) ont
décidé d’unir leurs moyens d’action en direction de la communauté scientifique et médicale en lançant
cette année un nouvel appel à projets de recherche conjoint dans le champ des drogues et des conduites
addictives.
Cet appel à projets vise à promouvoir des travaux scientifiques et médicaux originaux portant sur
l’usage, l’abus et/ou la dépendance à l’alcool et au tabac ainsi qu’aux substances psychoactives
illicites. Le mésusage et/ou le détournement de médicaments psychotropes et des médicaments de
substitution aux opiacés (méthadone, buprénorphine haut dosage) ainsi que de divers produits
psychoactifs utilisés dans une perspective d’amélioration des performances constituent également des
domaines d’investigation inclus dans le périmètre de cet appel d’offres. A qualité scientifique
équivalente, préférence sera donnée aux projets de recherche clinique et aux travaux permettant
d’améliorer directement ou indirectement les interventions de prévention primaire et secondaire.
Dans ce cadre général, la MILDT, l’Inserm et l’INca appellent plus particulièrement l’attention
des chercheurs sur six priorités de recherche stratégiques qu’ils ont identifiées et qui sont
explicitées en pages 2 et 3 du présent document.
Cette action incitative est ouverte à tous les chercheurs, quelle que soit leur appartenance
institutionnelle. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de posséder une expérience dans le domaine des
substances psychoactives pour pouvoir déposer un projet sur de nombreux items de l’appel d’offres,
en particulier ceux qui concernent directement les sciences sociales ou le champ de la santé publique.
Si nécessaire, ces projets pourront prendre la forme de contrats de définition (cf. p… « informations
pratiques »).
La MILDT est attachée à ce rendez-vous annuel avec la communauté scientifique : il entre en effet
dans ses missions explicites de stimuler les efforts de recherche sur les drogues et sur les conduites de
dépendance. A cet égard, il s’agit non seulement d’accélérer les avancées de la connaissance
scientifique mais aussi d’œuvrer à leur insertion effective dans les orientations des politiques
publiques en matière de drogues ainsi que dans les démarches de soins et de prévention.
Pour l’Inserm, la collaboration initiée depuis plusieurs années avec la MILDT constitue un levier utile
pour renforcer sa politique de développement de la recherche dans le domaine des substances
psychoactives, politique qui consiste à associer des programmes incitatifs au soutien récurrent de ses
unités de recherche dans le domaine.
L’INCa a décidé d’être partie prenante de cette action incitative sur les dimensions alcool et tabac. En
effet, il est clairement établi aujourd’hui que l’usage régulier du tabac ainsi que la consommation
excessive d’alcool constituent des facteurs de risque majeurs qui favorisent ou accélèrent l’apparition
de nombreuses pathologies cancéreuses graves avec mise en jeu du pronostic vital. La prévention des
cancers passe donc par une action préventive diversifiée sur les conduites d’alcoolisation et les
1
comportements tabagiques. Mieux comprendre les processus et les mécanismes qui interviennent dans
la genèse et la perpétuation de ces conduites ainsi que dans les freins à leur changement constitue, de
ce fait, un enjeu majeur de connaissance pour l’INCa avec, en perspective, la mise en place d’une
culture de la prévention des cancers en France.
LES PRIORITES DE RECHERCHE DU PRESENT APPEL A PROJETS
La MILDT, l’Inserm et l’Inca souhaitent susciter des propositions de recherche portant, de préférence,
sur l’une ou l’autre des six priorités de recherche suivantes.
1) Démarches innovantes dans le champ de la prévention et dans celui de la thérapie des
conduites addictives.
Sur le versant de la prévention des conduites addictives, des projets de recherche en sciences humaines
et sociales et/ou en santé publique s’attachant à proposer de nouvelles interventions (recherche-action
évaluative), à expliciter et à mesurer les effets des démarches et des modes d’intervention existants, les
difficultés rencontrées et proposant des outils d’évaluation et/ou de modélisation des effets des actions
feront l’objet d’une attention particulière, notamment s’ils portent sur la prévention des conduites
tabagiques et d’alcoolisation des jeunes. Par ailleurs, à mi-chemin entre prévention primaire et action
thérapeutique, des projets de recherche sur les interventions et les prises en charge brèves visant à
sensibiliser les usagers sur leurs consommations et à leur apporter une aide ponctuelle à l’arrêts sont
également attendus, en particulier sur la consommation de cannabis chez les adolescents et les jeunes
adultes
Sur le versant des thérapies, des projets de recherche clinique portant sur l’ouverture de nouvelles
voies thérapeutiques, la conception et/ou l’évaluation de protocoles de soins novateurs sont
particulièrement attendus.
2) Les « arrêts spontanés » des conduites de dépendance. Cette modalité de cessation des
consommation qu’on devrait appeler plus justement « le changement sans traitement » représente une
réalité significative, en particulier dans le domaine de l’arrêt du tabac, mais elle est paradoxalement
peu étudiée en France et dans les pays francophones alors qu’elle pourrait améliorer les stratégies de
prévention secondaire.
3) Approches intégrées des effets de la consommation de substances psychoactives. Il s’agit
notamment de favoriser des projets de recherche associant des chimistes, des biochimistes, des
neurobiologistes, des neuroanatomistes, des neurophysiologistes et des spécialistes en neuroimagerie
afin de progresser dans la compréhension des différents mécanismes biologiques mis en jeu par la
consommation de drogues et de leurs différents niveaux d’interaction. Dans ce cadre, des projets
abordant la question des synergies entre les effets hédoniques et addictifs de l’alcool et du tabac sont
plus particulièrement attendus.
4) Les relations entre violences, délinquance et usage de substances psychoactives. L’intrication
de ces phénomènes est encore peu étudiée en France alors qu’ils constituent un sujet de préoccupation
important pour la société et pour les pouvoirs publics. Les projets attendus peuvent porter aussi bien
sur les aspects individuels que sur les dimensions collectives de ces phénomènes.
5) Les transformations en cours des politiques publiques en matière de réduction et de contrôle
de la consommation et de prise en charge des comportements d’abus et de dépendance. Depuis
une quinzaine d’années, les références, les concepts et les méthodes de l’action publique dans le
champ des drogues ont connu des évolutions extrêmement sensibles mais, paradoxalement, ces
transformations restent insuffisamment étudiées par la communauté scientifique, que ce soit dans une
perspective de recherche ou d’évaluation des politiques conduites. Par exemple, les politiques
2
publiques en matière d’alcool et de tabac transforment en profondeur le fonctionnement de ces
marchés réglementés qui ont une forte dimension internationale. Le poids respectif et l’éventuelle
synergie des différents modes d’action utilisés (restrictions législatives et réglementaires, politique
tarifaire et fiscale, campagnes publiques de prévention, lutte contre la contrebande,…) sont à étudier
en conjuguant une approche nationale et une approche comparative dans des objectifs à la fois de
compréhension et d’évaluation. S’agissant du tabac, cet angle d’analyse semble prometteur dans le
contexte actuel marqué par la conduite en France et dans d’autres pays européens d’une politique
intégrée de restriction du tabagisme et par le fait que la France a souscrit en la matière un certain
nombre d’engagements internationaux en ratifiant la convention - cadre de l’OMS sur le contrôle du
tabac et qu’elle doit donc s’assurer des moyens de les réaliser.
6) Les addictions aux jeux. Plusieurs spécialistes des « addictions sans produit » attirent depuis
plusieurs années l’attention de la MILDT sur le développement des phénomènes d’addiction aux jeux
entendus à la fois dans leur acception classique (jeux d’argent, jeux de hasard) mais également dans
leurs nouvelles formes que sont l’addiction à l’Internet et aux jeux vidéo, lesquelles peuvent concerner
des enfants relativement jeunes et des adolescents. Leur nature, leur fréquence et leurs conséquences
sanitaires sont peu étudiées en France alors que certains pays ont d’ores et déjà mis en place des
dispositifs de réponse sanitaire proches de ceux existants pour les drogues (Canada et Pays-Bas
notamment). Les projets attendus pourront aborder plusieurs dimensions : ampleur épidémiologique,
mécanismes psycho-sociologiques, conséquences sanitaires, modes de prévention et de prise en
charge.
Des projets de recherche n’ayant pas directement trait à l’une ou l’autre de ces six priorités ne seront
pris en considération que s’ils présentent une originalité ou une qualité évidente.
On trouvera ci-dessous l’exposé détaillé des items correspondant à chacune des six priorités retenues.
Priorité 1 : Démarches innovantes dans le champ de la prévention et dans celui de la thérapie
des conduites addictives.
a) Démarches innovantes dans le champ de la prévention.
Comme indiqué plus haut, des projets de recherche en sciences humaines et sociales et/ou en santé
publique s’attachant à proposer de nouvelles interventions (recherche-action évaluative), à expliciter et
à mesurer les effets des démarches et des modes d’intervention existants, les difficultés rencontrées et
proposant des outils d’évaluation et/ou de modélisation des effets des actions feront l’objet d’une
attention particulière. S’agissant des éléments contextuels des démarches de prévention, les angles
d’analyse suivants mériteraient d’être analysés :
Les enjeux de la prévention autour des conduites d’alcoolisation des jeunes et de leurs comportements
tabagiques. On constate que les produits psychoactifs dont l’usage est le plus répandu dans la
population (alcool, tabac, cannabis) sont paradoxalement ceux qui sont le moins étudiés du point de
vue de leurs fonctions sociales et relationnelles dans différentes populations. S’agissant notamment de
l’alcool, l’expertise collective Inserm relative aux dommages sociaux liés aux usages de ce produit
(expertise commanditée par la MILDT en 2002) souligne le retard pris en France en ce qui concerne
l’histoire et l’anthropologie des usage sociaux de l’alcool et qui conduit à sous-évaluer l’ensemble des
facteurs sociaux liés à la consommation d’alcool. Ce constat vaut tout particulièrement pour l’analyse
des conduites d’alcoolisation des adolescents et des jeunes adultes. On sait que les modes de
consommation ont fortement évolué chez les jeunes en relation avec les transformations des formes de
la fête : plusieurs fêtes à la suite, déplacements en voiture, consommation d’alcool et d’autres produits
psychoactifs, ambiance musicale bruyante,… Il semble que ces nouvelles formes de fêtes soient très
différentes de celles qui ont prévalu jusqu’au seuil des années soixante dix et induisent des modes de
consommation spécifiques qui, en France, ne coïncident pas nécessairement avec le « binge drinking »
propre à la culture anglo-saxonne. Des recherches sur les recompositions de l’espace festif de la
3
jeunesse contemporaine et sur la place qu’y tient l’alcool et d’autres substances psychoactives (tabac,
cannabis) seraient extrêmement utiles pour aider à l’élaboration de messages et d’actions de
prévention adaptés aux nouvelles manières de boire des jeunes.
Le rôle des relations familiales. Il y a fort peu de recherches en France qui s’intéressent à l’impact des
dynamiques familiales sur les comportements tabagiques et sur les conduites d’alcoolisation des
préadolescents et des adolescents. Quelle est l’influence réelle des modèles de consommation des
parents sur la construction des pratiques d’usage de leurs enfants ? En quoi les normes et les pratiques
éducatives mises en avant par les parents en matière de tabac et d’alcool exercent-elles une emprise
mesurable sur l’élaboration des modes de consommation des enfants parvenus à l’adolescence ? On
peut se demander par exemple si les familles qui ont une attitude plutôt « répressive » à l’égard de la
consommation de tabac et/ou d’alcool de leurs enfants sous le toit familial parviennent à influencer
durablement les conduites d’usage de ces derniers ? A l’inverse, la « permissivité » familiale est-elle
automatiquement synonyme d’une plus grande probabilité d’entrée des adolescents dans des
consommations régulières, voire abusives ? Les réponses à ces questions sont importantes pour mieux
appréhender le rôle potentiel des dynamiques familiales dans la prévention des conduites addictives et
élaborer des messages pertinents en direction des parents. Les mêmes interrogations peuvent d’ailleurs
être posées à propos de la consommation de cannabis dans un contexte souvent plus conflictuel.
S’agissant du rapport des enfants et des adolescents aux médicaments psychotropes et à la nécessité de
sensibiliser les parents sur leur rôle éducatif dans ce domaine, des recherches relatives à l’émergence
de nouvelles normes familiales et éducatives pouvant conduire à des prescriptions de plus en plus
précoces de produits psychotropes dans un contexte général de transformation des structures
familiales pourraient être intéressantes.
Le jeu des acteurs de la prévention. On ne dispose que de connaissances très fragmentaires sur la
place et le rôle des différents acteurs qui interviennent dans le domaine de la prévention des conduites
addictives et qui relèvent aussi bien du secteur public (éducation, santé, police, justice,…) que du
secteur privé (associations). A travers l’analyse de ce système d’acteurs et en se situant tant au plan
national qu’au plan local, il s’agit de mieux comprendre les fonctionnements et dysfonctionnements
constatés, les différents modes d’appréhension de la prévention des conduites addictives et de la lutte
contre les drogues ainsi que les différentes logiques et modalités d’action mises en œuvre. Le
développement de ce type de recherche devrait permettre d’identifier les points d’appui à mobiliser
pour promouvoir une véritable culture de la prévention des conduites addictives parmi les intervenants
professionnels, qu’ils soient spécialisés ou généralistes.
Plus précisément, des recherches dans les domaines suivants seraient très utiles :
- des analyses croisées de la formation (contenu, modes de transmission), de l’investissement et des
modes d’intervention des différents acteurs répressifs et sanitaires impliqués dans les actions de
prévention et de réduction des risques ; sur ce premier item, des comparaisons internationales
pourraient être particulièrement éclairantes ;
- des travaux sur les conceptions diverses qu’ont les décideurs (Etat, collectivités territoriales) ou des
responsables d’association sur la question des drogues et de la toxicomanie et des conséquences que
cela induit au niveau des formes et des modalités des actions de terrain et de leurs résultats.
Tout en permettant d’identifier certains facteurs de réussite ou d’échec des dispositifs mis en place, ces
recherches devraient apporter des éléments d’appréciation sur une question aujourd’hui centrale : fautil concevoir les politiques publiques en matière de drogues et de comportements de dépendance en se
focalisant sur ses aspects sanitaires et/ou sécuritaires ou bien est-il préférable de les articuler à d’autres
politiques (comme la politique de la ville) afin de leur donner un caractère plus structurel et plus
intégré ? Et dans un cas comme dans l’autre, comment intégrer les dimensions locales et territoriales
désormais incontournables ?
4
Les facteurs sociaux associés aux mutations des modes de consommation. La connaissance des
facteurs sociaux les plus agissants sur les transformations actuelles des modes de consommation dans
diverses populations continue globalement à faire défaut. Or cette connaissance constitue un préalable
incontournable si l’on veut pouvoir mettre au point des stratégies de prévention efficientes qui
suscitent l’adhésion des groupes auxquels elles s’adressent. De ce point de vue, plusieurs catégories de
facteurs mériteraient de faire l’objet d’investigations approfondies ; on pense notamment :
- aux transformations des conditions et des contraintes au travail (mise en œuvre de nouveaux modes
de gestion de la main d’œuvre centrés sur la performance individuelle ou collective, développement de
l’emploi féminin, du travail à temps contraint, à horaires décalés ou intensifs comme dans certains
emplois saisonniers, sans oublier le contexte particulier du télétravail,...) ;
- à l’augmentation de l’incertitude professionnelle au cours du cycle de vie (discontinuité des carrières,
risque de chômage plus élevé,…) ;
- à l’émergence de nouveaux modes de vie et de nouvelles formes de loisirs et de sport amateur
structurés autour du corps, de l’exercice physique, du culte de la « forme », des activités de plein air,
de la mobilité spatiale sous toutes ses formes ;
- aux transformations des modes d’organisation et d’exercice du sport professionnel et de haut niveau.
S’agissant des deux derniers items, les propositions de recherche ne porteront pas uniquement sur un
phénomène comme le dopage, mais tout autant sur les pratiques ordinaires de soin, d’hygiène de vie
ou de recherche de sensations repérables chez les pratiquants d’activités physiques ou sportives, à
quelque niveau que ce soit, en liaison avec leurs modes de vie.
Sur l’ensemble des questions évoquées ci-dessus, le Comité d’évaluation de l’appel d’offres portera
une attention particulière à la mise en œuvre méthodologique des enquêtes envisagées, à la
constitution d’échantillons raisonnés de taille suffisante, au choix des personnes-ressources et aux
méthodes de recueil des données. Les critères de choix des personnes interrogées devront être
explicités dans les propositions, quel que soit le type d’approche préconisé (monographies, enquêtes
quantitatives et/ou qualitative, transversales ou longitudinales, prospectives ou rétrospectives).
b) Le champ des « interventions brèves ».
Dans l’espace interstitiel entre prévention et prises en charge, les promoteurs de cet appel à projets
souhaitent recueillir des propositions dans le champ dit des interventions brèves (conseil minimal
donné par un professionnel, aide à l’autoévaluation de sa consommation,…) qui s’adressent
prioritairement à des usagers qui ne sont pas encore installés dans la dépendance et qui peuvent tirer
parti, de ce fait, d’une aide ponctuelle à l’arrêt. Certaines de ces interventions brèves pratiquées en
médecine de ville ont d’ores et déjà fait la preuve de leur efficacité pour l’alcool et le tabac
(notamment en termes d’induction de tentatives d’arrêt). Il serait extrêmement intéressant de tester les
potentialités de ce mode d’approche dans le domaine de la consommation de cannabis au travers de
protocoles évaluatifs relativement simples à concevoir et à mettre en oeuvre. La mise en place, à
l’initiative de la MILDT et du Ministère de la santé, d’un réseau national de « consultations cannabis »
opérationnel depuis plus d’un an est de nature à favoriser l’initiation de ces protocoles évaluatifs.
c) Démarches innovantes dans le champ de la thérapie des conduites addictives
L’ouverture de nouvelles voies thérapeutiques. Plusieurs considérations rendent cette voie de
recherche fortement prioritaire : le dynamisme des neurosciences qui fait naître des besoins
significatifs de validation clinique des données expérimentales acquises sur les modèles animaux (en
particulier l’identification de cibles pharmacologiques potentielles) et qui se sont accumulées ces
5
dernières années ; la nécessité de diversifier les voies de traitement et de prise en charge pour les
situations de dépendance et de co-dépendance à l’alcool et au tabac qui touchent plusieurs millions de
personnes et pour lesquelles l’arsenal thérapeutique actuel apparaît limité avec des taux d’échec qui
restent élevés. Par ailleurs, d’autres formes d’addiction deviennent plus fréquentes depuis quelques
années comme l’addiction à la cocaïne et à ses dérivés (crack). De plus, les cliniciens constatent
l’apparition chez de jeunes adolescents d’usages intensifs et problématiques de cannabis ainsi que la
multiplication des situations de poly-addiction, en particulier chez des usagers en situation de grande
précarité économique et sociale. Ces situations nouvelles posent aux cliniciens de réels problèmes de
prise en charge en l’absence de molécules pharmacologiques susceptibles d’aider à l’inscription des
patients dans une démarche de soins et de protocoles d’intervention validés pour la prévention de la
rechute.
A côté des traitements pharmacologiques existants (traitements de substitution par la méthadone ou la
buprénorphine haut dosage, patchs nicotiniques, produits d’aide au sevrage pour la dépendance
alcoolique,...), l’objectif est donc d’encourager des recherches sur l’identification et l’évaluation de
nouvelles cibles thérapeutiques (en y incluant la mise au point d’agents pharmacologiques pour ces
cibles) ainsi que l’identification et l’évaluation de molécules nouvelles ou existantes qui semblent
présenter un intérêt potentiel pour l’aide au sevrage ou la réduction des rechutes. Cet effort de
recherche semble particulièrement prioritaire pour les produits pour lesquels on ne dispose pas
aujourd’hui de molécules à l’efficacité démontrée dans le cadre de protocoles de sevrage (on pense en
particulier à la cocaïne) ou ceux pour lesquels l’arsenal pharmacologique existant est loin de répondre
à toutes les situations (alcool – tabac).
De la même manière, des recherches portant sur la mise au point et/ou l’évaluation de nouveaux
protocoles de prise en charge (thérapies cognitives et comportementales, psychothérapies,...) ciblés sur
des points critiques comme la gestion du manque retiendront l’intérêt du Comité d’évaluation de cet
appel à projets. Dans le même esprit, des projets relatifs à la question de l’abord et de la prise en
charge clinique des co-dépendances (possibilité ou non d’un abord simultané), en particulier pour les
co-dépendances à l’alcool et au tabac, sont souhaités.
L’évaluation des dispositifs de soins et de prise en charge existants. De nombreux traitements et
différentes stratégies de prise en charge sont mis en œuvre pour obtenir la diminution ou l’arrêt de la
consommation de substances psychoactives. On manque souvent d’éléments scientifiquement étayés
pour évaluer leur efficacité et envisager leur efficience. Or c’est un point important, qu’on raisonne en
termes sanitaires (impact sur l’état de santé général des personnes dépendantes, réduction des comorbidités), en termes sociaux (impact sur l’insertion professionnelle et sociale), en termes de
comportements (action sur la modification des comportements de consommation), ou encore en termes
d’effets pervers (par exemple le détournement des prescriptions ou le report de la consommation sur
d’autres produits). De plus, le rapport coût/efficacité des traitements disponibles mériterait d’être
davantage étudié, en particulier au travers d’approches descriptives et comparatives s’appuyant sur des
protocoles rigoureux de recueil et d’analyse des données.
Sur tous les points évoqués, des études évaluatives sont nécessaires, en particulier dans les domaines
qui restent insuffisamment documentés : traitements de substitution aux opiacés, sevrage alcoolique ou
tabagique, systèmes d’obligation de soins, prises en charge de type comportemental. Dans la mesure
du possible, l’évaluation reposera sur une étude expérimentale, randomisée ou non. Idéalement, de
telles études devraient associer des épidémiologistes, des chercheurs en sciences sociales, des
cliniciens et des praticiens de santé publique.
Priorité 2. Les « arrêts spontanés » des conduites de dépendance
Il s’agit de comprendre comment des individus, engagés de longue date dans des consommations
abusives, voire dépendantes, parviennent à modifier leur comportement pour revenir à des
consommations maîtrisées ou à l’abstinence sans faire appel à une intervention médicale ou
professionnelle. Cette problématique de « l’arrêt spontané », appelé plus justement « changement sans
6
traitement » est à l’évidence importante dans le champ du tabac quoique fort peu étudiée en France.
Selon les données de la littérature internationale, le changement sans traitement concernerait 80 à 90
% des fumeurs dépendants et une proportion significative de buveurs excessifs. Les quelques études
qui portent sur les usagers abusifs ou dépendants de substances illicites observent également dans ces
populations des processus de changement sans traitement. Mieux comprendre les ressorts et les
mécanismes du changement sans traitement devrait permettre d’explorer un nouveau champ
d’intervention situés entre la prévention et le soin : celui des incitations au changement de
comportement, lequel est également concerné par la technique des interventions brèves (cf. ci-dessus
p. 5). S’agissant du tabac, les arrêts avec utilisation des substituts nicotiniques en accès libre entrent
dans cette problématique des arrêts spontanés.
Le thème du changement sans traitement suscite un courant de recherche substantiel au niveau
international car il esquisse un nouveau paradigme de l’addiction comprise ni comme une déviance
sociale (perspective classique de la psychosociologie américaine) ni comme une maladie chronique
(paradigme actuel de l’addictologie) mais comme une mise en jeu permanente du libre arbitre du sujet.
Cette nouvelle conceptualisation, ouverte en France par les travaux pionniers de Robert Castel, devrait
contribuer à enrichir et à renouveler les questionnements de tous les acteurs de la recherche en
addictologie qu’ils appartiennent aux neurosciences, aux disciplines cliniques ou aux sciences
humaines et sociales. Ainsi, sur le plan clinique, certains auteurs émettent l’hypothèse qu’il y a sans
doute du changement sans traitement dans tous les traitements qui réussissent, c’est-à-dire que la
préparation du sujet au changement est vraisemblablement une des conditions de son changement
effectif, fut-il aidé et appuyé par une intervention professionnelle. Vis-à-vis des sciences de l’homme
et de la société, le changement sans traitement repose la question des marges de manœuvre de l’usager
de drogues d’un côté, par rapport au réseau des déterminations affectives, sociales, culturelles qui
conditionnent son comportement et de l’autre, par rapport à l’institution médicale.
En amont des processus de « sortie » des conduites addictives dont le changement sans traitement
constitue une modalité majeure, la question de l’entrée dans les consommations et de l’installation
éventuelle dans des comportements de dépendance continue de nécessiter des recherches, tant en
neurosciences et en clinique qu’en sciences humaines et sociales et en santé publique. De ce point de
vue, deux grands thèmes apparaissent importants.
Les facteurs de vulnérabilité à l’addiction. Il s’agit de mieux appréhender l’action des différents
facteurs qui font que les individus ne sont pas égaux vis à vis de la dépendance aux substances
psychoactives, certains pouvant tomber rapidement dans une forte dépendance à ces produits là où
d’autres parviennent à maintenir une utilisation épisodique et contrôlée. Dans cette optique, il s’agit de
progresser dans la compréhension des mécanismes de sensibilisation aux produits psychoactifs et
d’installation éventuelle de la dépendance.
A priori, ces mécanismes obéissent à des facteurs extrêmement variés qui incluent :
- des facteurs propres au champ des neurosciences fondamentales et pré cliniques (facteurs génétiques
et environnementaux, facteurs moléculaires et cellulaires, circuits neuronaux activés,…) ;
- des facteurs cliniques se rapportant au champ de la cognition et au phénomène de la comorbidité
(vulnérabilités cliniques préexistantes, régulation des émotions, processus de mémoire et
d’apprentissage,…) ;
- des facteurs propres au champ des sciences humaines et sociales (facteurs liés au cadre social et de
sociabilité, facteurs économiques et sociaux professionnels, facteurs anthropologiques et
ethnologiques, facteurs liés aux styles de vie,…).
Les parcours de consommation. Par définition, les parcours de consommation sont pluriels. Tous ne
conduisent pas à la dépendance : une majorité de consommateurs de substances psychoactives
7
parviennent ainsi à maintenir un usage contrôlé même s’il n’est pas dénué de risques. Par ailleurs, la
dépendance n’est pas un processus mécanique et inéluctable : beaucoup d’usagers dépendants finissent
par s’affranchir de leur addiction dans une trajectoire émaillée de périodes d’abstinence (ou de
réduction de la consommation) et de rechutes. Dans cette perspective, il serait utile de mieux
appréhender cette variété de parcours et notamment, l’enchaînement dans le temps des diverses formes
de consommation des substances psychoactives à l’échelle des individus (ou de groupes restreints) de
manière à identifier :
- des facteurs clés de contrôle des risques (se traduisant par un comportement d’usage maîtrisé) ;
- d’éventuels facteurs prédictifs (au sens de signes d’appel) du passage de la consommation à l’abus,
de l’abus à la dépendance, de la rechute après une période d’abstinence ;
- des facteurs impliqués dans l’éventuel passage d’une dépendance à une autre (par exemple le passage
d’une dépendance aux opiacés à une dépendance à l’alcool).
Priorité 3. Approches intégrées des effets de la consommation de substances psychoactives
Compte tenu de l’insuffisance de données concernant les mécanismes de transformation neuronale et
dans certains cas, de dégénérescence, induits par la prise de certaines drogues, une attention
particulière sera portée aux projets associant des chimistes et des biochimistes à des neurobiologistes,
à des neuroanatomistes, à des neurophysiologistes et à des spécialistes en neuroimagerie et visant à
développer des approches intégrées sur les effets de la consommation de substances psychoactives.
Dans ce cadre, des projets abordant la question des synergies entre les effets hédoniques et addictifs de
l’alcool et du tabac sont plus particulièrement attendus.
Plus largement, les promoteurs du présent appel à projets souhaitent encourager des recherches
permettant de mieux documenter l’ensemble des dommages sanitaires associés à l’usage nocif et à la
dépendance aux divers produits psychoactifs, de façon à mieux situer les enjeux de la prévention et
des politiques de réduction de l’offre dans ce domaine. On s’intéressera en priorité aux effets à long
terme ou à distance de l’usage de certaines drogues (cannabis, drogues de synthèse, cocaïne et crack,
produits dopants), aux répercussions somatiques et neuropsychiques de la co-dépendance à l’alcool et
au tabac (95% des personnes dépendantes à l’alcool sont également des fumeurs dépendants) ainsi
qu’aux conséquences des consommations au sein de populations vulnérables : femmes enceintes,
préadolescents et adolescents présentant des signes de fragilité psychique, polyconsommateurs,…Dans
ce cadre, des recherches sur les thèmes suivants sont particulièrement attendues :
- effets sur la santé et le comportement de la consommation de cannabis chez les adolescents et les
jeunes adultes, d’une part dans le contexte d’utilisation le plus commun (usage épisodique sur
quelques années) et d’autre part, dans des contextes d’utilisation plus minoritaires mais plus
problématiques (consommation régulière et intensive sur moyenne et longue période) ;
- effets sur la santé de l’utilisation concomitante ou successive de différentes substances psychoactives
à court et à moyen termes ; on pense ici aux polyconsommations « classiques » associant l’alcool et le
tabac mais également à celles qui ont cours dans l’espace festif de la jeunesse : association de l’alcool
avec divers produits comme le cannabis, la cocaïne, l’ecstasy, la methamphétamine ou encore
l’héroïne fumée ;
- interactions entre psychopathologies, pathologies mentales et consommations de substances
psychoactives ; en particulier, quel est le retentissement psychopathologique et neurocognitif de la
consommation de substances psychoactives chez des sujets vulnérables ? Y a-t-il un rôle précipitant de
telles consommations sur le déclenchement de pathologies psychiatriques caractérisées (troubles
anxieux, dépressions, psychoses,..) ? Inversement, certains sujets utilisent-ils des substances
8
psychoactives à des fins d’automédication et avec quelles répercussions (aggravation ou amélioration
de l’humeur in fine) ?
- interactions de l’usage des substances psychoactives avec des facteurs génétiques et/ou
environnementaux dans l’apparition d’événements de santé défavorables ; identification des
mécanismes étiologiques par lesquels les produits psychoactifs interviennent dans la survenue de
pathologies (sur ces différents aspects, des études épidémiologiques ou cliniques sont plus
spécialement attendues) ;
Priorité 4. Les relations entre violences, délinquance et usage de substances psychoactives.
L’intrication de ces phénomènes est encore peu étudiée en France alors qu’ils représentent un sujet de
préoccupation important pour la société et pour les pouvoirs publics. En regard des nombreux travaux
réalisés sur ce sujet dans les pays de tradition anglo-américaine, les projets attendus pourront porter
aussi bien sur les aspects individuels que sur les dimensions collectives de ces phénomènes. Des
projets visant à démêler ce qui relève de la corrélation ou de la causalité seront examinés avec une
attention particulière.
De façon plus générale, les pouvoirs publics comme les professionnels concernés sont confrontés à un
manque flagrant de travaux de recherche sur la plupart des dommages sociaux corrélés ou associés à la
consommation ou à l’abus de substances psychoactives. La relation peut d’ailleurs s’observer et
s’analyser dans les deux sens : chez certaines personnes, les problèmes rencontrés et les dommages
subis induisent des consommations ; chez d’autres, des consommations induisent des dommages (pour
soi-même et/ou pour les autres) ; chez d’autres encore, on observe l’installation d’une sorte
d’interaction et de circularité entre consommations, problèmes, dommages et à nouveau
consommations.
Les dommages sociaux peuvent être de divers ordres :
- on songe aux accidents associés aux consommations de substances psychoactives (accidents du
travail, de la circulation, de la vie courante et en particulier les accidents domestiques et les accidents
scolaires) ;
- on songe aussi aux phénomènes de violence (violences actives contre les autres ou contre soi-même ;
violences subies,…)
- on songe également aux dommages familiaux, aux risques de marginalisation, aux risques d’échec
scolaire ou d’exclusion professionnelle et sociale associés à la consommation de substances
psychoactives ; sur le thème spécifique des exclusions professionnelles, des recherches de nature
juridique pourraient utilement éclairer certains aspects des problèmes posés, en particulier la question
des interdictions professionnelles liées à des condamnations pour usage ou trafic de stupéfiants ou
celle des licenciements ou des suspensions d’activité pour cause d’usage de substances psychoactives ;
de façon sous-jacente se trouve posé le problème du dépistage de la consommation de drogues sur les
lieux de travail ou à l’école en relation avec la priorité 5 de cet appel d’offres.
- on songe enfin à certaines « externalités sociales » induites par le trafic et par les usages de
substances psychoactives : ainsi, la structuration du marché du travail autour du trafic dans certains
lieux et pour certaines catégories de population peut favoriser l’émergence de normes locales
spécifiques pour le rapport au travail ayant un impact péjoratif même en situation de reprise
économique ; dans un autre ordre d’idée, il serait intéressant de pouvoir soutenir des travaux relatifs à
l’évaluation des coûts médicaux et sanitaires générés par les différents dispositifs de prise en charge
des personnes dépendantes aux substances psychoactives.
9
Priorité 5. Les transformations des politiques publiques en matière de réduction et de contrôle
de la consommation et de prise en charge des comportements d’abus et de dépendance.
Les dernières années ont été marquées par des transformations assez sensibles touchant à l’orientation
et à la mise en œuvre des politiques publiques dans le champ des drogues et des comportements de
dépendance. On peut citer à titre d’illustration : la suppression progressive de la notion de « fléaux
sociaux » au profit de mesures de prévention ; la montée en charge d’une approche transversale des
comportements de dépendance, qui se traduit par un effort de recomposition de l’offre de soins, en
particulier dans les structures hospitalières, la régionalisation des politiques de santé,… De même, les
politiques publiques mises en œuvre ces dernières années en matière d’alcool et de tabac transforment
en profondeur le fonctionnement de ces marchés réglementés qui ont aussi une forte dimension
internationale. Toutes ces évolutions ne sont d’ailleurs pas propres à la France et se retrouvent, sous
diverses formes, dans les autres pays européens. Or elles ne sont pratiquement pas étudiées alors
qu’elles contribuent à modifier profondément la nature et les modalités de l’intervention publique.
Les politiques publiques relatives aux marchés des boissons alcoolisées et des produits du tabac. Ces
politiques combinent une grande variété d’outils et de dispositifs dont l’évaluation pourrait être riche
d’enseignements pour les pouvoirs publics : restrictions législatives et réglementaires, politique
tarifaire et fiscale particulière, campagnes publiques de prévention, lutte contre la contrebande,… Des
recherches centrées sur le poids respectif et l’éventuelle synergie de ces différents modes d’action sont
particulièrement attendues, surtout s’ils elles conjuguent une approche nationale et un versant
comparatif dans une perspective de compréhension et d’évaluation. Plus largement, des propositions
d’études centrées sur l’exploration du triangle formé par les stratégies des offreurs, les comportements
des consommateurs et les politiques conduites par les pouvoirs publics en matière de tabac et d’alcool
seront examinées avec une attention particulière. Compte tenu de la politique de hausse significative et
rapide des prix du tabac mise en œuvre depuis trois ans par les pouvoirs publics articulée à une
stratégie de restriction des possibilités de consommation, ce marché pourrait constituer un « modèle »
particulièrement intéressant pour la réalisation de telles études intégrées.
Les politiques publiques relatives aux marchés de substances illicites (y compris les produits licites
détournés). Ces politiques visent, par différents moyens, à réduire l’offre de produits illicites et à en
diminuer l’accessibilité pour l’usager. Aussi serait-il intéressant de développer des recherches
descriptives et compréhensives sur l’action des différents services répressifs impliqués dans la lutte
contre le trafic de drogues illicites et la contrebande de produits licites, en particulier sur les services
des douanes (qui réalisent les saisies les plus importantes, devant la police et la gendarmerie).
En amont des politiques conduites et pour mieux en cerner le contexte d’application, il serait
également utile de disposer d’études descriptives de différents marchés de substances illicites (ecstasy,
cannabis,...) ou licites mais détournées (buprénorphine haut dosage, méthadone, médicaments
psychotropes, trafic de cigarettes,...). Il s’agit d’explorer, à des échelles locales, les logiques de trafic
(organisées, d’opportunité, libertaires,...) en relation avec les modes de consommation, le profil des
acheteurs (occasionnels, expérimentés) et les conditions d’approvisionnement (régularité, « qualité »
des produits, prix,...) ; de même, il serait extrêmement utile de disposer de telles études descriptives
sur le phénomène en plein essor de la vente de produits psychoactifs par Internet, qu’il s’agisse des
produits du tabac ou de drogues illicites ; en effet, cette émergence de marchés immatériels est
susceptible d’augmenter l’accessibilité des produits pour l’usager (qui échappe ainsi aux risques et
aux aléas du trafic de rue) tout en appelant la mise sur pied de nouveaux moyens de lutte par les
services répressifs. S’agissant enfin de la capacité des services répressifs à modifier les paramètres de
ces marchés, il serait intéressant d’évaluer, par des études mixant approches qualitatives et
quantitatives, l’impact mesurable de l’action de ces services sur l’organisation locale des marchés :
effets sur les prix, la qualité, l’accessibilité et la disponibilité, effets sur la visibilité, effets sur la
structure des marchés et l’organisation de l’offre.
Sur l’ensemble de ces points, il serait particulièrement utile de disposer d’études comparatives, tant à
l’échelle locale (par exemple une comparaison entre deux ou plusieurs villes) qu’au niveau national,
10
européen ou international. Des études de droit public économique et de droit comparé européen
seraient aussi particulièrement éclairantes.
Logiques d’action sous-tendant les politiques répressives et les politiques de santé et conflits de
normes. Les politiques répressives et les politiques de santé procèdent, historiquement, de logiques
d’action différentes qui sont à l’origine de conflits de normes (ou de divergence d’interprétation des
normes). Ces conflits sont particulièrement visibles dans le champ de la lutte contre l’usage des
drogues illicites et compliquent singulièrement la coordination de l’action publique dans ce domaine.
Afin de progresser dans l’identification des points de cristallisation de ces conflits de normes et la
compréhension de leur genèse, il pourrait être éclairant de disposer de recherches sur les parcours
judiciaires d’usagers de drogues poursuivis pour infractions à la législation sur les stupéfiants, en
particulier pour évaluer les réponses de l’institution judiciaire en termes d’alternatives aux poursuites
et à l’incarcération. Les questions soulevées par les infractions de provocations à l’usage de
stupéfiants ou d’alcool et de présentation sous un jour favorable de l’usage de stupéfiants mériteraient
également d’être étudiées.
L’apparition de mesures qui appréhendent l’usage de drogues dans une perspective de trouble à l’ordre
public mériterait également d’être approfondie. Enfin, l’étude de la situation d’usage de drogues en
milieu carcéral reste une préoccupation forte en termes de recherche dans le champ du droit, de la
sociologie pénale et de la criminologie.
Priorité 6. Les addictions aux jeux
Le phénomène des « addictions sans produit » suscite depuis une vingtaine d’années un courant de
recherche qui est loin d’être négligeable au niveau international. La France est restée jusqu’ici très en
retrait sur cette problématique alors qu’un certain nombre d’indications laissent penser que les
phénomènes de jeu pathologique augmentent dans notre pays, parallèlement à l’augmentation
constatée sur les 20 dernières années du chiffre d’affaires des sociétés de jeux.
A côté des formes classiques d’addiction au jeu (jeu d’argent, jeu de hasard), de nouveaux types
d’addiction apparaissent comme l’addiction à l’Internet et aux jeux vidéo. Ces nouvelles formes
interpellent les parents, les éducateurs et les pouvoirs publics dans la mesure où elles peuvent toucher
des enfants relativement jeunes ainsi que des préadolescents et adolescents. Par ailleurs, le
développement de jeux de hasard à résultat instantané (jeux de grattage, rapidos) semble favoriser chez
certaines personnes une installation rapide dans des situations de jeu pathologique. Enfin, certains
pays ont d’ores et déjà mis en place des dispositifs de réponse sanitaire pour ces addictions proches de
ceux existants pour les drogues (Canada et Pays-bas notamment).
Il apparaît donc important d’initier un effort de recherche sur les addictions aux jeux. Les projets
attendus pourront aborder plusieurs dimensions : ampleur épidémiologique, mécanismes
psychosociologiques, conséquences sanitaires, modes de prévention et de prise en charge.
§§§§
11
Téléchargement