La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - no 7 - septembre 2013 | 191
ÉDITORIAL
L’hépatotoxicité du paracétamol est donc connue depuis très longtemps. Ilestdifficile
d’en évaluer réellement la fréquence. Apriori, dans des conditions normales d’utilisation,
c’est-à-dire 4g par jour au maximum, chez des patients n’ayantpas depathologie
hépatique sous-jacente, l’hépatotoxicité du paracétamol est tout àfait exceptionnelle(7).
Il est néanmoins nécessaire de connaître cettehépatotoxicité potentielle, même
ensituation de prescription à dose adéquate, pour éviter notamment la coprescription
d’autres médicaments hépatotoxiques, et de prévenir lepatient de la nécessité absolue
denepasdépasser 4g par jour, notamment danslecadre d’uneéventuelle automédication,
etderespecter ledélai minimal de 4heures entre 2prises de1g.
Tolérance gastro-intestinale
La tolérance gastro-intestinale du paracétamol est classiquement considérée comme
excellente. Une méta-analyse publiée sur ce sujet en2002 dans le British Journal ofClinical
Pharmacology a conclu qu’il n’y avait pas d’augmentation significative durisque gastro-
intestinal sous paracétamol(9). Certaines publications ont suggéré le contraire, mettant
enévidence un risque d’ulcère ou de saignement digestif sous paracétamol supérieur àcelui
duplacebo. Ces données sont souvent critiquables, carleparacétamol est volontiers prescrit
chez lessujets à haut risque digestif, d’unepart, et, d’autrepart, il est même utilisé par certains
patients pour soulager leurs douleurs digestives, qui sont quelquefois des signes révélateurs
d’un ulcère évolutif. Dans leur revue de la littérature, G.G. Graham etal.(7) semblent estimer
que, silerisque gastro-intestinal ne peut être totalement nul, ilreste tout àfait exceptionnel,
et considérer l’ensemble des données de la littérature comme globalement rassurantes.
Toxicité rénale
Un surdosage massif en paracétamol peut induire une insuffisance rénale aiguë
avecnécrose tubulaire, bien que celle-ci soit bien moins fréquente que l’atteinte hépatique.
En revanche, dans le cadre de la prise de paracétamol à dose adéquate, ilnesemble pas
qu’il puisse y avoir de néphrotoxicité même au long cours(10). Certaines publications ont
pointé la néphrotoxicité potentielle du paracétamol à dose thérapeutique, mais, là encore,
G.G. Graham et al.(7) suggèrent à juste titre que leparacétamol, “victime” de sa bonne
tolérance, est prescrit chez des sujets à très haut risque, notamment les personnes très âgées,
ayant une insuffisance rénale latente ouprenant d’autres médicaments néphrotoxiques.
Apriori, le risque de néphrotoxicité estdonc tout à fait exceptionnel.
Hypertension
À l’inverse, le risque d’hypertension artérielle sous paracétamol, suggéré
paruneétude en2002, semble se confirmer dans une étude récente publiée en2010.
Eneffet, dansunarticle publié en2002 dans Archive of International Medicine, G.Curhan
etal. ontmontré que, dans une cohorte de 80 000 femmes âgées de 30 à 50ans, lerisque
relatif dedévelopper une hypertension est de 1,86 sous AINS (22jours detraitement
parmois) etde2sous paracétamol (22jours de traitement par mois)[11]. I.Sudano
etal. ont confirmé cerisque d’hypertension artérielle dans Circulation en2010 : il s’agit
néanmoins, danscecas précis, d’une hypertension artérielle survenant sous paracétamol
chez des patients ayant unecoronaropathie sous-jacente(12). Cerisque d’augmentation
delapression artérielle n’était pas répertorié dans la revue deG.G.Graham etal.
en2005(7). Ilest donc nécessaire desurveiller la tension artérielle sous paracétamol,
notamment chezlespatients hypertendus ou coronariens.
Troubles de l’hémostase
Une thrombocytopénie peut accompagner l’hépatotoxicité du paracétamol dans le
cadre des surdosages massifs, mais elle est extrêmement rare aux doses thérapeutiques(7).
Références
bibliographiques
1. American College of Rheu-
matology Pain Management
Task Force. Report of the Ame-
rican College of Rheumatology
Pain Management Task Force.
Arthritis Care Res (Hoboken)
2010;62:590-9.
2. Hochberg M, Altman R, April K
et al. ; American College of Rheu-
matology. American College of
Rheumatology 2012 Recommen-
dations for the use of nonphar-
macologic and pharmacologic
therapies in osteoarthritis of the
hand, hip, and knee. Arthritis Care
Res 2012;64:465-74.
3. Towheed TE, Maxwell L, Judd
MG et al. Acetamino phen for
osteoarthritis. Cochrane Database
Syst Rev 2006;25(1):CD004257.
4. Wienecke T, Gøtzsche PC.
Paracetamol versus non steroidal
anti-inflammatory drugs for rheu-
matoid arthritis. Cochrane Data-
base Syst Rev 2004;1:CD003789.
5. Toms L, McQuay HJ, Derry S,
Moore RA. Single dose oral parace-
tamol (acetaminophen) for post-
operative pain in adults (Review).
The Cochrane Library 2012;6.
http://onlinelibrary.wiley.com
6. Bertin P, Keddad K, Jolivet-
Landreau I et al. Acetaminophen
as symptomatic treatment of
pain from osteoarthritis. Joint
Bone Spine 2004;71(4):266-74.