Congrès de participation CSC, 2015 Discours de clôture de Marc Leemans, Président de la CSC Chers amies, chers amis, Chers invités, Au terme de notre Congrès – notre congrès de participation – vous avez droit à un discours du président que je prononcerai dans un instant. Mais permettez-moi d’abord d’adresser des remerciements. D’abord et surtout à ceux qui ont fait de ce congrès ce qu’il est : les militants ici présents et ceux qui ont apporté leurs contributions en amont. Sans ces discussions, sans leur participation, ce congrès n’aurait pas été possible. Ce sont eux et vous qui faites la CSC. Merci. Merci à nos invités, nationaux et internationaux, pour l’intérêt que vous portez à la CSC. Un grand ‘merci’ à ceux qui ont permis l’organisation de ce congrès : - Le Bureau journalier, avec une mention spéciale pour Mathieu Verjans qui a joué le rôle de locomotive. - Toutes les personnes qui ont contribué aux sessions de septembre. 1 - Tous les collaborateurs qui se sont déplacés pour fournir des informations et dispenser des formations. - Chris Serroyen et Herman Fonck qui ont traité toutes les contributions et qui, sur cette base, ont rédigé les textes et les lignes de force pour ensuite les adapter et les remanier. Leurs nuits ont été écourtées. - Patrick Wirix et Chris Venstermans qui ont assuré l’organisation pratique de ce congrès. Eux n’ont pas dormi. - Toutes les personnes qui ont contribué aux préparatifs, dans les sections et les ateliers, le secrétariat, les présentateurs et surtout les traducteurs et interprètes. Sans eux, pas de rapport, pas de textes, pas d’adaptations,…Eux aussi ont subi quelques nuits courtes ou de longues journées, c’est selon. - Ceux qui ont conçu les images, le son, les films et la décoration, sans qui cet endroit aurait été très ennuyeux. - Certainement aussi les collaborateurs de Vayamundo, des hôtels et du service de restauration, de la technique, du Kursaal. Sans eux, nous aurions été dans l’obscurité, sans lit ou pire … sans nourriture ni boisson. Si j’ai oublié quelqu’un, je le prie de recevoir mes excuses ainsi que mes remerciements. Bedankt allemaal ! Un grand merci à vous tous ! 2 Chers amies, chers amis, Ce Congrès constitue le point d’orgue d’un parcours beaucoup plus long. Il aura un impact sur nos actions et aspirations futures. Partant du désir de participation des travailleurs. Les syndicats sont nés de cette aspiration. La CSC est née de cette aspiration. Et les syndicats continuent d’exister dans ce but. Au grand dam de ceux qui nous envient. Parce que les syndicats sont un des seuls leviers permettant aux travailleurs de faire entendre leur voix, sur le terrain et dans l’arène politique. A condition que les syndicats se renouvellent parce que le groupe des travailleurs évolue. Parce que de nouveaux problèmes et de nouveaux dangers apparaissent. Et parce que le monde change autour de nous, à un rythme accéléré. Autant de raisons de procéder au grand entretien de notre vision de la démocratie socioéconomique. Nous y sommes parvenus de façon remarquable. Avec de nouvelles idées. Avec des réponses aux nouveaux défis. Après nos ‘faiseurs’ d’égalité de 2002, nos ‘faiseurs’ de solidarité de 2006 et nos ‘faiseurs’ d’avenir de 2010, permettez-moi de fusionner ces idées en 10 ‘faiseurs’ de participation. 3 Un, davantage de participation dans les entreprises et institutions, quel que soit leur type. Nous disposons d’un modèle de concertation très élaboré. Mais encore largement insuffisant. Par conséquent, nous entendons d’abord poursuivre son renforcement. Le congrès ne demande pas la participation de représentants dans les conseils d’administration. Certains disent aujourd’hui que si les travailleurs veulent plus de pouvoir, ils doivent engager leur patrimoine, à l’instar des nantis. Les travailleurs n’ont qu’à acheter les actions de leur entreprise pour ainsi la codiriger. Ce n’est pas notre approche. La participation des travailleurs doit reposer sur l’apport de leur travail, pas celui de leur capital. Deux, nous revendiquons le droit pour les travailleurs de solliciter une expertise externe dans les entreprises. Pour pouvoir, en toute connaissance de cause, avec toutes les informations, entamer le dialogue sur l’avenir de l’entreprise. Trois, nous mettons notre modèle de participation en adéquation avec l’harmonisation des statuts. Pour mi-2018, nous voulons finaliser la refonte des structures de la CSC. A partir de cette date, il n’y aura donc plus qu’une seule centrale par secteur ou entreprise. Et pour les élections de 2020, nous voulons également des organes de concertation réformés dans les entreprises et les institutions. 4 Quatre, la participation des travailleurs et la concertation sociale sont des droits fondamentaux. Et les droits fondamentaux s’appliquent partout, y compris dans les PME. Cinq, nous étendons notre action aux faux indépendants et aux indépendants sans personnel parce que leurs problèmes diffèrent peu de ceux des travailleurs salariés. Six, nous voulons évoluer vers de nouvelles formes d’organisation du travail, telle que le travail sans contrainte de lieu ni de temps. Nous en percevons les avantages mais également les risques. C’est pourquoi il est nécessaire qu’elles soient bien encadrées et fassent l’objet d’une bonne concertation, avec des accords clairs. Sept, dans le cadre de la concertation, nous portons encore plus fortement les intérêts de ceux qui sont faibles sur le marché de l’emploi : les jeunes, les demandeurs d’emploi, les femmes, les travailleurs sous contrat précaire et les travailleurs en soustraitance. Avec un test du genre et un test des générations. Huit, nous élargissons la concertation à ce qui est essentiel pour l’avenir de l’entreprise. Plus la vision des actionnaires et des top managers, soumis à la pression du cours des actions et des bonus, est réductrice, plus les travailleurs doivent se préoccuper eux-mêmes de l’avenir de l’entreprise, à travers l’innovation, la 5 diversité, la formation, la qualité du travail, le climat et l’environnement aussi. Neuf, nous voulons avoir voix au chapitre dans les chaînes d’approvisionnement. Avec plus de CCT européennes et mondiales, qui ne se limitent pas à dépoussiérer l’image de l’entreprise à travers de vagues engagements. Nous commémorons aujourd’hui le catastrophique incendie survenus il y a tout juste deux ans dans les ateliers de confection du Rana Plaza et ses nombreuses victimes. Aujourd’hui encore, les enseignes de vêtements internationales multiplient les faux semblants et les engagements hypocrites. Et dix, nous voulons sécuriser nos moyens d’action, mais également les renouveler. Devenir médiagéniques. Car nous voulons avoir un impact sur la politique. Nous restons le syndicat des propositions constructives. 10 faiseurs de participation, 10 “snapshots” d’une palette de lignes de force beaucoup plus riche. Lignes et Force, cela fait deux mots. Des lignes qui définissent les orientations et pour lesquelles nous nous engageons de toutes nos forces. Dans chaque entreprise, chaque région et chaque secteur. Et également sur le plan interprofessionnel. Au niveau européen et mondial. Ensemble avec d’autres syndicats, en Belgique et à l’étranger. Avec la CES et la CSI. Ensemble, toujours plus 6 ensemble, avec ceux qui, même en dehors du syndicat, défendent les mêmes valeurs que nous, de 11.11.11. au Réseau de justice fiscale. Pour construire une société où le cœur l’emporte sur une politique de rigueur. Pour tout autre chose et en mieux ! L’an dernier, avec la mise en place des nouveaux gouvernements, certains espéraient écraser rapidement les travailleurs. Ils avaient bien envisagé quelques échauffourées. Avant le retour au calme. Quelle erreur de calcul ! Le scénario a été tout autre. Le syndicat est toujours là. Rejoint dans l’intervalle par d’autres organisations. Avec 120.000 manifestants le 6 novembre. Avec des actions et des grèves provinciales et nationales. Avec 20.000 participants à la Grande Parade de Hart boven Hard et Tout autre chose le 29 mars, sous une pluie battante. La CSC y était, vous y étiez ! Mais ces actions sont-elles bien utiles ? Cette question nous est posée quotidiennement. Même ici au Congrès. J’admets volontiers que c’est largement insuffisant. Mais autorisons-nous à reconnaître et promouvoir ce que nous avons obtenu. Jour après jour ! Grâce à la façon dont nous avons pu conjuguer concertation, actions et communication. Grâce à la manière dont la CSC a pris le leadership. Et grâce à vous, notre base, en vous associant constamment à notre stratégie. Jusqu’à cette large 7 consultation sur l’accord social pour 2015-2016. Nous ne craignons pas la participation et la démocratie syndicales. Non, ces actions n’ont pas été infructueuses. La fin de trois ans de blocage salarial. A partir de 2016, 1,2 milliard d’euros de marge pour des négociations dans les secteurs et les entreprises. Ce n’est pas rien ! Plus de 600 millions d’euros pour la liaison au bien-être pour les chômeurs, les malades, les invalides et les pensionnés. Ce n’est pas rien ! Des mesures transitoires pour les chômeurs âgés, les bénéficiaires du RCC, les crédit-temps et les emplois de fin de carrière. Ce n’est pas rien ! La correction de l’exigence de diplôme pour les jeunes en fin de scolarité qui se retrouvent au chômage, que nous avons obtenue ensemble avec les jeunes CSC et les ACV-jongeren. Ce n’est pas rien ! L’accord avec les employeurs sur la disponibilité des chômeurs âgés et des bénéficiaires du RCC. Ce n’est pas rien ! Surtout pour les nombreuses personnes licenciées ces dernières années en vue du RCC que nous avons pu préserver d’une disponibilité stupide jusqu’à 65 ans. Ce n’est pas rien ! 8 La prolongation du RCC à partir de 58 ans pour les travailleurs exerçant des métiers lourds ou comptant 40 ans de carrière. Ou la possibilité de pouvoir bénéficier d’un RCC à partir 60 ans jusqu’en 2017 si nous parvenons à conclure des CCT dans les secteurs et les entreprises. Ce n’est pas rien ! La CSC a saisi toutes les occasions pour arriver à des solutions. Nous n’avons pas peur de nous salir les mains, pour nos affiliés et pour tous les travailleurs. Deuxième mauvais calcul du gouvernement : l’opposition cessera moyennant quelques réparations. C’était également une erreur grossière. Il ne comprend pas à quel point les gens sont fâchés. A quel point ce mécontentement se répand toujours plus dans la société. Maintenant que l’intransigeance de cette politique est de plus en plus manifeste. Maintenant que les citoyens ordinaires commencent à sentir dans leur porte-monnaie ce que signifie concrètement le projet du MR, du VLD et de la NVA. Maintenant que le personnel et les utilisateurs des services publics, de l’enseignement et du non-marchand voient concrètement que cette force de changement est surtout une force négative pour les citoyens ordinaires. Car, chers amies, chers amis, le gouvernement opère une redistribution inverse. Qui enrichit les riches. Qui accroit le patrimoine des nantis. Qui donne plus de pouvoirs aux puissants. 9 Avec une politique qui déroule le tapis rouge aux groupes de lobbying économiques. Qui se détourne du climat, de l’environnement et du développement durable. Qui lève les obstacles pour les chefs d’entreprise et les actionnaires. Qui démantèle et désarticule les services collectifs. Qui vise un appauvrissement des citoyens ordinaires qui doivent vivre d’un salaire ou d’une allocation. Ce n’est pas une politique qui relie mais une politique qui dualise la société. Qui polarise et divise. Qui recourt à tous les trucs possibles pour dresser les groupes de population les uns contre les autres. Opposant ceux qui travaillent à ceux qui ne travaillent pas. Les vieux aux jeunes. Les gens d’ici aux personnes issues de l’immigration. Les travailleurs du secteur privé aux fonctionnaires. Et bien évidemment les Flamands aux Wallons, dans la perspective de la réforme de l’Etat de 2019, pour ensuite scinder le pays. Nous sommes engagés sur une pente dangereusement glissante, celle d’une politique impitoyable, inflexible et insensible. Un Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration qui, dans les heures qui ont suivi ce terrible naufrage en Mer méditerranée, entrainant la mort de centaines de citoyens ordinaires poussés par la quête désespérée d’une vie meilleure, a osé déclarer qu’il serait préférable de ne pas intercepter plus de bateaux parce que ces sauvetages risquent d’attirer de nouveaux migrants. 10 Une vice-Ministre-Présidente flamande qui estime quant à elle que le racisme est relatif. Et qui, en tant que Ministre de la pauvreté, crie sur tous les toits qu’il n’y a pas d’argent à gaspiller pour un accueil coûteux des enfants des chômeurs précarisés, afin d’éviter (je cite) “que ces enfants restent à la maison ou soient entraînés au café”. Un parlementaire fédéral estime que “les chômeurs chercheront davantage un emploi s’ils ne parviennent plus à payer leurs factures”. Le président de leur parti voit un lien évident entre l’origine berbère de certains et le taux de criminalité élevé. Cela ne présage rien de bon lorsque le chef du groupe fédéral annonce qu’ils vont promouvoir encore plus leur programme de parti dans les prochaines semaines. Avec une campagne de un million. Serait-ce pour justifier l’injustifiable ? Ce projet de droite témoigne d’un profond mépris pour les gens dans la pauvreté. Les chômeurs. Les travailleurs qui, épuisés par leur travail, prennent un RCC. Les personnes qui arrivent chez nous pour fuir la misère, les persécutions ou la guerre. Selon la vision du monde défendue par cette nouvelle droite, tout cela n’est que ‘profitariat social’. Les chômeurs sont responsables de leur chômage. Les pauvres sont responsables de leur pauvreté. Les jeunes non diplômés sont responsables d’avoir hypothéqué leur avenir. Même la maladie et l’invalidité sont aujourd’hui 11 devenues suspectes. Même ceux qui travaillent sont toujours plus soumis au feu de la critique. En effet, méritent-ils leur salaire ? Les travailleurs âgés perçoivent des barèmes liés à l’expérience trop onéreux. Les jeunes ont des salaires minimums trop élevés. Il s’en est fallu de peu que le gouvernement réintroduise, en mars dernier, des salaires minimums inférieurs pour les jeunes. Après que nous les ayons supprimés le 1er janvier seulement, en accord avec les employeurs. Si vous laissez ce gouvernement agir, les travailleurs devront subir un net recul. En matière de salaires, d’index et maintenant aussi de protection sociale. Car la dérégulation est la nouvelle norme. C’est ainsi que les employeurs conçoivent les choses. Et donc le gouvernement aussi, exécutant sans broncher les volontés des employeurs. Des flexijobs dans l’horeca, en passant par le travail de nuit bon marché au bénéfice de l’e-commerce, jusqu’à la réduction de la garantie de rendement pour les pensions complémentaires. Cette coalition s’est hissée au pouvoir pour cinq ans. Elle peut donc compter sur cinq ans d’opposition. Sur une base très claire : cessez de polariser et restaurez la redistribution. Notre opposition contre cette politique biaisée devra être large. Avec des procédures juridiques contre des mesures asociales, au cas où nous n’aurions pas seulement l’équité mais également 12 le droit de notre côté. Contre une série de mesures révoltantes en matière de chômage. Mais également contre le saut d’index, qui a été décidé mercredi soir par le Parlement. Nous ne sommes pas parvenus à l’empêcher. Ni par des actions. Ni par la concertation. Par conséquent, nous demandons à la Cour constitutionnelle de l’abolir. Les pouvoirs publics fédéraux sont compétents pour prendre des mesures générales en matière de revenus. Mais c’est tout autre chose que de viser uniquement les travailleurs et les allocataires sociaux de manière sélective et par exemple, pas les bailleurs et tous ces autres groupes de revenus mieux à même de supporter les revers. Nous afficherons également notre opposition en corrigeant les mesures annoncées par ce gouvernement mais qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Prenons par exemple le service à la collectivité pour les chômeurs et les bénéficiaires d’une assistance. Le service à la collectivité est imposé en échange d’une peine de prison. Perdre son emploi n’est pas un crime. Ne pas trouver un emploi est un coup dur. En droit international, le service à la collectivité imposé à ceux qui n’ont pas de travail équivaut au travail forcé. C’est aussi simple que cela. Prenons par exemple l’obligation de décrocher d’abord un diplôme si vous demandez des allocations d’insertion avant 21 ans. Nous avons pu reporter l’application de cette mesure au 1er 13 septembre. Et nous entendons y apporter de nouvelles corrections dans les prochains mois. Car il s’agit d’une discrimination pure et simple à l’égard de ceux qui n’ont pas les moyens ni l’opportunité d’obtenir un diplôme. Prenons l’exemple de la future obligation de s’inscrire comme demandeur d’emploi dès le début du préavis. Prenons l’exemple de la réduction de moitié de l’allocation de garantie de revenus pour les temps partiels involontaires : c’est un appauvrissement pur et simple des travailleurs dont l’employeur refuse d’augmenter le nombre d’heures de leur contrat, essentiellement des femmes qui connaissent déjà des difficultés financières. Troisièmement, nous allons exercer encore plus de pressions sur les gouvernements en matière de justice fiscale. D’emblée, nous avons dénoncé le déséquilibre de cette politique de droite. La manière dont elle fait peser unilatéralement les charges sur les épaules des travailleurs ou des chômeurs, des malades ou des pensionnés. La manière dont elle ne fait que renforcer l’inégalité et la précarité. Pire encore, nous avons dénoncé le transfert de fonds vers les nantis, au détriment des travailleurs. Ce procédé, nous l’avons appelé le tax shift inverse. Les médias nous ont timidement emboîté le pas dans cette position, de même que le CD&V. A la suite de quoi, tous ont été contraints de 14 reconnaître cette “énormité”, la répartition déséquilibrée entre les impôts sur le travail et les impôts sur le capital, de sorte que l’impôt sur les revenus du patrimoine est désormais au cœur de l’agenda politique et social, et que tout le monde parle à présent du tax shift. Enfin ! Car nous enfonçons le clou depuis des années. Mais le chemin est encore long car celui qui se sent acculé est capable du pire. Nous sommes témoins des tentatives désespérées des entreprises et des investisseurs, aidés par leurs relais politiques, d’inverser la tendance. Dans un premier temps, le dossier allait être examiné avant Noël. Puis à Pâques. Puis pour l’été. Il est désormais question de le reporter à l’automne, dans l’espoir, manifestement, que les esprits se calment sans faire trop de vagues. De même, ils entendent déplacer l’enjeu du débat qui ne porterait plus sur les fortunes et les revenus du patrimoine mais davantage sur la consommation, sachant pertinemment que ce type de virage fiscal coûte moins aux riches et est essentiellement supporté par les citoyens ordinaires, surtout les revenus les plus bas. Ce gouvernement se devra au moins d’appliquer la justice fiscale. Les travailleurs ne tolèrent plus que leur salaire obtenu à la sueur de leur front soit lourdement imposé alors que ceux qui s’enrichissent sans effort ne sont pratiquement pas taxés. 15 Les travailleurs ne tolèrent plus de devoir supporter seuls la facture de services collectifs indispensables et de la sécurité sociale, alors que ceux dont les revenus sont beaucoup plus élevés continuent de s’y soustraire. L’époque de la gratuité est révolue. Pour les citoyens ordinaires en tout cas, pas pour les riches qui continuent de renvoyer la note aux autres. La CSC défend bec et ongle la justice fiscale, le tax shift, une fiscalité honnête sur le patrimoine, dans le cadre d’un impôt sur les revenus du patrimoine parfaitement éprouvé. Nous n’abandonnerons pas. Sous aucun prétexte ! Nous n’avons pas la maîtrise du résultat final. Ce gouvernement affirme que cette matière n’est pas sujette à concertation avec les partenaires sociaux. Il ne pourra cependant pas nous empêcher d’en faire une matière syndicale et d’évaluer chaque résultat final à l’aune de quatre critères: - Est-il juste, donc redistributif, des riches vers les moins riches et des revenus du patrimoine vers les revenus du travail ? - Est-il efficace, donc créateur d’emplois, surtout pour ceux qui courent aujourd’hui le plus de risques d’être confrontés au chômage ? - Est-il substantiel et durable et ne s’agit-il pas seulement d’un peu de cosmétique fiscale pour sauver les apparences ? 16 - Et est-il crédible; autrement dit, dépasse-t-on le stade des bonnes intentions ? Avec un simple fil conducteur : un euro est un euro. Le principe selon lequel chaque euro est imposé équitablement, selon votre capacité contributive, que vous gagniez cet euro en tant que salarié, profession libérale, indépendant, dirigeant d’entreprise, investisseur, nantis ou propriétaire. Avec tout au plus des dérogations lorsqu’elles sont vraiment justifiées, comme pour les allocations sociales. Nous voulons donc une base d’imposition plus large reposant sur une contribution équitable de chacun afin de réduire la pression fiscale pour ceux qui assument déjà plus qu’il ne faut. Voilà qui induirait un réel changement ! Chers amies, chers amis, la lutte pour la redistribution est amorcée. Et dans cette lutte, le syndicat, notre CSC, a un rôle irremplaçable. Il n’en est jamais allé autrement. Il n’en va pas autrement ailleurs dans le monde. La participation des travailleurs et la réduction des inégalités vont de pair. Même le Fonds monétaire international reconnaît cet état de fait. Power to the people, comme le chantait John Lennon. Power from the people, comme l’énonce un document de travail que le FMI publiera dans les prochains jours. Ceci prouve à quel point l’influence des syndicats et la redistribution sont intrinsèquement liés. À quel point l’enrichissement des plus riches est lié à la perte 17 d’influence des syndicats. Nous, syndicat, sommes une entrave à l’enrichissement des plus riches. Et comme nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, il faut nous écarter et élaborer une nouvelle offensive antisyndicale. C’est d’abord le gouvernement marxiste et taxatoire qui a dû en faire les frais. Parce qu’il ne trouvait pas normal que des chefs d’entreprise facturent des fêtes privées à leur société. Parce qu’il n’était plus possible de déduire fiscalement des véhicules onéreux sans une contribution personnelle. Et parce qu’il a osé demander de taxer correctement la liquidation des sociétés. Ce gouvernement fait partie du passé. Désormais, le vent a tourné. Il est pinçant et froid. Il gifle le visage des travailleurs et donc aussi celui des syndicats. Voyez comme nous sommes honnis, raillés et vilipendés ! Mis à l’écart parce que nous sommes soi-disant décatis, passéistes, conservateurs, soucieux uniquement de notre propre intérêt, avides de pouvoir ! Certains nous reprochent même de vouloir gouverner le pays. A l’encontre du gouvernement et de la démocratie. Parce que nous avons l’audace de demander le respect d’un accord, conclu avec les employeurs du reste. Pourquoi le syndicat est-il le seul à se voir critiquer de la sorte ? Alors qu’il est manifeste que ce sont les employeurs qui dirigent 18 avec ce gouvernement. De toute évidence, la primauté du politique ne doit servir qu’à remettre les travailleurs à leur place. Voilà qui est très instructif quant à la façon dont ce genre de politicien désire régner en maître. Voilà qui est révélateur de sa conception du syndicat. Nous sommes un élément perturbateur, ce qui est vrai d’ailleurs. C’est vrai, nous dérangeons, nous gênons, nous perturbons, nous sommes “disruptifs” pour employer un nouveau vocable à la mode. Mais nous le faisons à bon droit. Dans un marché libre, un syndicat doit exister comme contre-pouvoir. Dans une société polarisée, de plus en plus inégalitaire, ce syndicat a encore davantage sa place. Pour faire contrepoids au lobbying des riches, face à la domination absolue des nantis. Beaucoup d’hôtes étrangers présents dans cette salle en font l’expérience au quotidien. Une société équitable, qui offre des opportunités aux gens, est impossible sans un syndicat fort. Nous ne sommes pas des parlementaires élus, c’est vrai, mais la CSC représente quelque 1.600.000 de citoyens qui ont des droits. Des droits sociaux; des droits à une conviction; le droit d’exprimer librement leur opinion; le droit de défendre leurs droits; le droit de mener des actions à cet effet et de distribuer des tracts sans risquer des sanctions administratives communales ou de manifester sous la main de Brabo; le droit de faire grève, le cas échéant. Ce sont des droits fondamentaux, 19 reconnus internationalement. Ce sont des droits humains. Ces droits, nous les défendons de toutes nos forces, au besoin jusque devant les Cours de justice européennes et l’Organisation Internationale du Travail. Il ne s’agit pas d’une lutte entre le gouvernement et le syndicat. Il s’agit d’un clash de convictions. Le prix Nobel Paul Krugman l’a encore affirmé la semaine dernière à Bruxelles: “Plus la société est inégale, plus la politique est polarisée et plus on risque de mener une politique défavorable à la population.” Nous en sommes de plus en plus souvent témoins dans notre pays. Le vainqueur est applaudi. Celui qui n’appartient pas à la couche supérieure est enfoncé. Comme si tout le monde avait les mêmes talents. Comme si la ligne de départ était la même pour tous. Ce n’est pas toujours le cas. Celui qui est issu d’un milieu moins aisé ne part pas seulement avec un retard mais suit également un parcours plus chaotique. A la ligne d’arrivée, il sera également pénalisé par les différences énormes en termes d’espérance de vie en bonne santé. Comment allez-vous expliquer cela, Monsieur Bacquelaine ? L’âge légal de la pension doit être porté à 67 ans pour tout le monde, alors qu’actuellement, en Belgique, un travailleur non qualifié âgé de 25 ans risque de ne plus être en bonne santé avant l’âge de 55 ans en moyenne : à l’âge de 53 20 ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes. Quelle intransigeance ! Quel manque total de respect pour les gens qui n’ont pas la vie facile ! Qui ne sont pas épargnés par la vie. Mais si nous en faisons la remarque, on nous reproche de faire l’autruche, de plonger la tête dans le sable. Nous sommes alors des conservateurs crispés, les fossoyeurs de l’avenir de nos enfants. Alors c’est nous qui nous accrochons aux droits acquis. Cela sonne presque comme droits pourris. Mais est-il mauvais de défendre les citoyens ordinaires ? Est-il fautif de miser sur la répartition ? Est-il stupide de miser sur l’égalité des chances et la réduction des inégalités ? Notre pays n’a pas seulement besoin d’entrepreneurs qui ont réussi. Notre pays n’a pas seulement besoin d’hommes politiques qui sont leurs marionnettes. Notre pays n’a pas seulement besoin d’éditorialistes formateurs d’opinion. Notre pays a surtout besoin de beaucoup de citoyens ordinaires. Qui travaillent. Qui travaillent durement. Et qui sont respectés pour ce travail. Non parce qu’ils ont beaucoup mais parce qu’ils font de leur mieux et soutiennent ainsi l’économie et la société. Ces travailleurs méritent mieux. Or, le gouvernement actuel est surtout au service des happy few, de la couche supérieure qui gagne bien sa vie et qui a porté ce 21 gouvernement au pouvoir. Et qui souhaite maintenant être servie au doigt et à l’œil. Avec trois partis gouvernementaux, le VLD, la N-VA et le MR, qui appliquent servilement ce qu’elle dicte. Paul Krugman – que j’ai déjà cité – n’est pas du tout étonné : “Un chef de gouvernement n’est jamais sûr de survivre aux prochaines élections mais souhaite sauvegarder ses projets d’avenir à long terme en étant dans les bonnes grâces des élites fortunées. Il rêve de tenir un grand discours lors du Forum économique mondial de Davos à propos de ses décisions courageuses.” Chers amis, chères amies, moi je préfère le forum social que constitue ce Congrès de la CSC à Ostende. Où les citoyens ordinaires ont eu voix au chapitre. Nous exigeons des gouvernements actuels et de tous les gouvernements futurs qu’ils fassent preuve d’équité. Un traitement équitable, juste, respectueux et égal. Nous sommes capables de beaucoup de choses. Nous pouvons encaisser et supporter beaucoup. Nous sommes des syndicalistes. Nous sommes de la CSC et nous sommes fiers de l’être et de le montrer. Nous sommes la force du changement. Tant qu’il s’agit de changements positifs. Nous voulons garder ce qui est bon. Gardez ce qui est bon. En opérant des changements positifs. C’est ce que défend la CSC. Voilà ce pour quoi nous demandons 22 la participation. Power from the people ! Le pouvoir émane du peuple. Chers amis et amies, chers invités, permettez-moi de clôturer ainsi officiellement ce 35ème congrès statutaire de la CSC. Je vous souhaite à tous un bon retour, un bon week-end et beaucoup de courage. Avec la force de nos convictions. Avec notre engagement pour les citoyens ordinaires. 23