Découvrir le discours de clôture du Président de la CSC, Marc

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Congrès de participation CSC, 2015
Discours de clôture de Marc Leemans, Président de la CSC
Chers amies, chers amis,
Chers invités,
Au terme de notre Congrès – notre congrès de participation –
vous avez droit à un discours du président que je prononcerai
dans un instant. Mais permettez-moi d’abord d’adresser des
remerciements.
D’abord et surtout à ceux qui ont fait de ce congrès ce qu’il est :
les militants ici présents et ceux qui ont apporté leurs
contributions en amont. Sans ces discussions, sans leur
participation, ce congrès n’aurait pas été possible. Ce sont eux et
vous qui faites la CSC. Merci.
Merci à nos invités, nationaux et internationaux, pour l’intérêt que
vous portez à la CSC.
Un grand ‘merci’ à ceux qui ont permis l’organisation de ce
congrès :
- Le Bureau journalier, avec une mention spéciale pour
Mathieu Verjans qui a joué le rôle de locomotive.
- Toutes les personnes qui ont contribué aux sessions de
septembre.
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- Tous les collaborateurs qui se sont déplacés pour fournir des
informations et dispenser des formations.
- Chris Serroyen et Herman Fonck qui ont traité toutes les
contributions et qui, sur cette base, ont rédigé les textes et
les lignes de force pour ensuite les adapter et les remanier.
Leurs nuits ont été écourtées.
- Patrick Wirix et Chris Venstermans qui ont assuré
l’organisation pratique de ce congrès. Eux n’ont pas dormi.
- Toutes les personnes qui ont contribué aux préparatifs, dans
les sections et les ateliers, le secrétariat, les présentateurs et
surtout les traducteurs et interprètes. Sans eux, pas de
rapport, pas de textes, pas d’adaptations,…Eux aussi ont
subi quelques nuits courtes ou de longues journées, c’est
selon.
- Ceux qui ont conçu les images, le son, les films et la
décoration, sans qui cet endroit aurait été très ennuyeux.
- Certainement aussi les collaborateurs de Vayamundo, des
hôtels et du service de restauration, de la technique, du
Kursaal. Sans eux, nous aurions été dans l’obscurité, sans lit
ou pire … sans nourriture ni boisson.
Si j’ai oublié quelqu’un, je le prie de recevoir mes excuses ainsi
que mes remerciements. Bedankt allemaal ! Un grand merci à
vous tous !
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Chers amies, chers amis,
Ce Congrès constitue le point d’orgue d’un parcours beaucoup
plus long. Il aura un impact sur nos actions et aspirations futures.
Partant du désir de participation des travailleurs.
Les syndicats sont nés de cette aspiration. La CSC est née de
cette aspiration. Et les syndicats continuent d’exister dans ce but.
Au grand dam de ceux qui nous envient. Parce que les syndicats
sont un des seuls leviers permettant aux travailleurs de faire
entendre leur voix, sur le terrain et dans l’arène politique.
A condition que les syndicats se renouvellent parce que le
groupe des travailleurs évolue. Parce que de nouveaux
problèmes et de nouveaux dangers apparaissent. Et parce que le
monde change autour de nous, à un rythme accéléré.
Autant de raisons de procéder au grand entretien de notre vision
de la démocratie socioéconomique. Nous y sommes parvenus de
façon remarquable. Avec de nouvelles idées. Avec des réponses
aux nouveaux défis. Après nos ‘faiseurs’ d’égalité de 2002, nos
‘faiseurs’ de solidarité de 2006 et nos ‘faiseurs’ d’avenir de 2010,
permettez-moi de fusionner ces idées en 10 ‘faiseurs’ de
participation.
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Un, davantage de participation dans les entreprises et
institutions, quel que soit leur type. Nous disposons d’un modèle
de concertation très élaboré. Mais encore largement insuffisant.
Par conséquent, nous entendons d’abord poursuivre son
renforcement. Le congrès ne demande pas la participation de
représentants dans les conseils d’administration. Certains disent
aujourd’hui que si les travailleurs veulent plus de pouvoir, ils
doivent engager leur patrimoine, à l’instar des nantis. Les
travailleurs n’ont qu’à acheter les actions de leur entreprise pour
ainsi la codiriger.
Ce n’est pas notre approche. La participation des travailleurs doit
reposer sur l’apport de leur travail, pas celui de leur capital.
Deux, nous revendiquons le droit pour les travailleurs de solliciter
une expertise externe dans les entreprises. Pour pouvoir, en
toute connaissance de cause, avec toutes les informations,
entamer le dialogue sur l’avenir de l’entreprise.
Trois, nous mettons notre modèle de participation en adéquation
avec l’harmonisation des statuts. Pour mi-2018, nous voulons
finaliser la refonte des structures de la CSC. A partir de cette
date, il n’y aura donc plus qu’une seule centrale par secteur ou
entreprise. Et pour les élections de 2020, nous voulons
également des organes de concertation réformés dans les
entreprises et les institutions.
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Quatre, la participation des travailleurs et la concertation sociale
sont des droits fondamentaux. Et les droits fondamentaux
s’appliquent partout, y compris dans les PME.
Cinq, nous étendons notre action aux faux indépendants et aux
indépendants sans personnel parce que leurs problèmes
diffèrent peu de ceux des travailleurs salariés.
Six, nous voulons évoluer vers de nouvelles formes
d’organisation du travail, telle que le travail sans contrainte de
lieu ni de temps. Nous en percevons les avantages mais
également les risques. C’est pourquoi il est nécessaire qu’elles
soient bien encadrées et fassent l’objet d’une bonne
concertation, avec des accords clairs.
Sept, dans le cadre de la concertation, nous portons encore plus
fortement les intérêts de ceux qui sont faibles sur le marché de
l’emploi : les jeunes, les demandeurs d’emploi, les femmes, les
travailleurs sous contrat précaire et les travailleurs en soustraitance. Avec un test du genre et un test des générations.
Huit, nous élargissons la concertation à ce qui est essentiel pour
l’avenir de l’entreprise. Plus la vision des actionnaires et des top
managers, soumis à la pression du cours des actions et des
bonus, est réductrice, plus les travailleurs doivent se préoccuper
eux-mêmes de l’avenir de l’entreprise, à travers l’innovation, la
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diversité, la formation, la qualité du travail, le climat et
l’environnement aussi.
Neuf, nous voulons avoir voix au chapitre dans les chaînes
d’approvisionnement. Avec plus de CCT européennes et
mondiales, qui ne se limitent pas à dépoussiérer l’image de
l’entreprise à travers de vagues engagements.
Nous commémorons aujourd’hui le catastrophique incendie
survenus il y a tout juste deux ans dans les ateliers de confection
du Rana Plaza et ses nombreuses victimes. Aujourd’hui encore,
les enseignes de vêtements internationales multiplient les faux
semblants et les engagements hypocrites.
Et dix, nous voulons sécuriser nos moyens d’action, mais
également les renouveler. Devenir médiagéniques. Car nous
voulons avoir un impact sur la politique. Nous restons le syndicat
des propositions constructives.
10 faiseurs de participation, 10 “snapshots” d’une palette de
lignes de force beaucoup plus riche. Lignes et Force, cela fait
deux mots. Des lignes qui définissent les orientations et pour
lesquelles nous nous engageons de toutes nos forces.
Dans chaque entreprise, chaque région et chaque secteur.
Et également sur le plan interprofessionnel. Au niveau européen
et mondial. Ensemble avec d’autres syndicats, en Belgique et à
l’étranger. Avec la CES et la CSI. Ensemble, toujours plus
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ensemble, avec ceux qui, même en dehors du syndicat,
défendent les mêmes valeurs que nous, de 11.11.11. au Réseau
de justice fiscale. Pour construire une société où le cœur
l’emporte sur une politique de rigueur. Pour tout autre chose et
en mieux !
L’an dernier, avec la mise en place des nouveaux
gouvernements, certains espéraient écraser rapidement les
travailleurs. Ils avaient bien envisagé quelques échauffourées.
Avant le retour au calme. Quelle erreur de calcul ! Le scénario a
été tout autre. Le syndicat est toujours là. Rejoint dans l’intervalle
par d’autres organisations. Avec 120.000 manifestants le 6
novembre. Avec des actions et des grèves provinciales et
nationales. Avec 20.000 participants à la Grande Parade de Hart
boven Hard et Tout autre chose le 29 mars, sous une pluie
battante. La CSC y était, vous y étiez !
Mais ces actions sont-elles bien utiles ? Cette question nous est
posée quotidiennement. Même ici au Congrès. J’admets
volontiers que c’est largement insuffisant. Mais autorisons-nous à
reconnaître et promouvoir ce que nous avons obtenu.
Jour après jour ! Grâce à la façon dont nous avons pu conjuguer
concertation, actions et communication. Grâce à la manière dont
la CSC a pris le leadership. Et grâce à vous, notre base, en vous
associant constamment à notre stratégie. Jusqu’à cette large
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consultation sur l’accord social pour 2015-2016. Nous ne
craignons pas la participation et la démocratie syndicales. Non,
ces actions n’ont pas été infructueuses.
La fin de trois ans de blocage salarial. A partir de 2016, 1,2
milliard d’euros de marge pour des négociations dans les
secteurs et les entreprises. Ce n’est pas rien !
Plus de 600 millions d’euros pour la liaison au bien-être pour les
chômeurs, les malades, les invalides et les pensionnés. Ce n’est
pas rien !
Des mesures transitoires pour les chômeurs âgés, les
bénéficiaires du RCC, les crédit-temps et les emplois de fin de
carrière. Ce n’est pas rien !
La correction de l’exigence de diplôme pour les jeunes en fin de
scolarité qui se retrouvent au chômage, que nous avons obtenue
ensemble avec les jeunes CSC et les ACV-jongeren. Ce n’est
pas rien !
L’accord avec les employeurs sur la disponibilité des chômeurs
âgés et des bénéficiaires du RCC. Ce n’est pas rien !
Surtout pour les nombreuses personnes licenciées ces dernières
années en vue du RCC que nous avons pu préserver d’une
disponibilité stupide jusqu’à 65 ans. Ce n’est pas rien !
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La prolongation du RCC à partir de 58 ans pour les travailleurs
exerçant des métiers lourds ou comptant 40 ans de carrière.
Ou la possibilité de pouvoir bénéficier d’un RCC à partir 60 ans
jusqu’en 2017 si nous parvenons à conclure des CCT dans les
secteurs et les entreprises. Ce n’est pas rien !
La CSC a saisi toutes les occasions pour arriver à des solutions.
Nous n’avons pas peur de nous salir les mains, pour nos affiliés
et pour tous les travailleurs.
Deuxième mauvais calcul du gouvernement : l’opposition cessera
moyennant quelques réparations. C’était également une erreur
grossière. Il ne comprend pas à quel point les gens sont fâchés.
A quel point ce mécontentement se répand toujours plus dans la
société. Maintenant que l’intransigeance de cette politique est de
plus en plus manifeste. Maintenant que les citoyens ordinaires
commencent à sentir dans leur porte-monnaie ce que signifie
concrètement le projet du MR, du VLD et de la NVA. Maintenant
que le personnel et les utilisateurs des services publics, de
l’enseignement et du non-marchand voient concrètement que
cette force de changement est surtout une force négative pour
les citoyens ordinaires.
Car, chers amies, chers amis, le gouvernement opère une
redistribution inverse. Qui enrichit les riches. Qui accroit le
patrimoine des nantis. Qui donne plus de pouvoirs aux puissants.
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Avec une politique qui déroule le tapis rouge aux groupes de
lobbying économiques. Qui se détourne du climat, de
l’environnement et du développement durable. Qui lève les
obstacles pour les chefs d’entreprise et les actionnaires.
Qui démantèle et désarticule les services collectifs. Qui vise un
appauvrissement des citoyens ordinaires qui doivent vivre d’un
salaire ou d’une allocation. Ce n’est pas une politique qui relie
mais une politique qui dualise la société. Qui polarise et divise.
Qui recourt à tous les trucs possibles pour dresser les groupes
de population les uns contre les autres. Opposant ceux qui
travaillent à ceux qui ne travaillent pas. Les vieux aux jeunes.
Les gens d’ici aux personnes issues de l’immigration.
Les travailleurs du secteur privé aux fonctionnaires. Et bien
évidemment les Flamands aux Wallons, dans la perspective de la
réforme de l’Etat de 2019, pour ensuite scinder le pays.
Nous sommes engagés sur une pente dangereusement
glissante, celle d’une politique impitoyable, inflexible et
insensible. Un Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration qui, dans
les heures qui ont suivi ce terrible naufrage en Mer méditerranée,
entrainant la mort de centaines de citoyens ordinaires poussés
par la quête désespérée d’une vie meilleure, a osé déclarer qu’il
serait préférable de ne pas intercepter plus de bateaux parce que
ces sauvetages risquent d’attirer de nouveaux migrants.
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Une vice-Ministre-Présidente flamande qui estime quant à elle
que le racisme est relatif. Et qui, en tant que Ministre de la
pauvreté, crie sur tous les toits qu’il n’y a pas d’argent à gaspiller
pour un accueil coûteux des enfants des chômeurs précarisés,
afin d’éviter (je cite) “que ces enfants restent à la maison ou
soient entraînés au café”. Un parlementaire fédéral estime que
“les chômeurs chercheront davantage un emploi s’ils ne
parviennent plus à payer leurs factures”. Le président de leur
parti voit un lien évident entre l’origine berbère de certains et le
taux de criminalité élevé. Cela ne présage rien de bon lorsque le
chef du groupe fédéral annonce qu’ils vont promouvoir encore
plus leur programme de parti dans les prochaines semaines.
Avec une campagne de un million. Serait-ce pour justifier
l’injustifiable ?
Ce projet de droite témoigne d’un profond mépris pour les gens
dans la pauvreté. Les chômeurs. Les travailleurs qui, épuisés par
leur travail, prennent un RCC. Les personnes qui arrivent chez
nous pour fuir la misère, les persécutions ou la guerre. Selon la
vision du monde défendue par cette nouvelle droite, tout cela
n’est que ‘profitariat social’. Les chômeurs sont responsables de
leur chômage. Les pauvres sont responsables de leur pauvreté.
Les jeunes non diplômés sont responsables d’avoir hypothéqué
leur avenir. Même la maladie et l’invalidité sont aujourd’hui
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devenues suspectes. Même ceux qui travaillent sont toujours
plus soumis au feu de la critique. En effet, méritent-ils leur
salaire ? Les travailleurs âgés perçoivent des barèmes liés à
l’expérience trop onéreux.
Les jeunes ont des salaires minimums trop élevés. Il s’en est fallu
de peu que le gouvernement réintroduise, en mars dernier, des
salaires minimums inférieurs pour les jeunes. Après que nous les
ayons supprimés le 1er janvier seulement, en accord avec les
employeurs. Si vous laissez ce gouvernement agir, les
travailleurs devront subir un net recul. En matière de salaires,
d’index et maintenant aussi de protection sociale. Car la
dérégulation est la nouvelle norme. C’est ainsi que les
employeurs conçoivent les choses. Et donc le gouvernement
aussi, exécutant sans broncher les volontés des employeurs.
Des flexijobs dans l’horeca, en passant par le travail de nuit bon
marché au bénéfice de l’e-commerce, jusqu’à la réduction de la
garantie de rendement pour les pensions complémentaires.
Cette coalition s’est hissée au pouvoir pour cinq ans. Elle peut
donc compter sur cinq ans d’opposition. Sur une base très claire :
cessez de polariser et restaurez la redistribution.
Notre opposition contre cette politique biaisée devra être large.
Avec des procédures juridiques contre des mesures asociales,
au cas où nous n’aurions pas seulement l’équité mais également
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le droit de notre côté. Contre une série de mesures révoltantes
en matière de chômage. Mais également contre le saut d’index,
qui a été décidé mercredi soir par le Parlement. Nous ne sommes
pas parvenus à l’empêcher. Ni par des actions. Ni par la
concertation. Par conséquent, nous demandons à la Cour
constitutionnelle de l’abolir. Les pouvoirs publics fédéraux sont
compétents pour prendre des mesures générales en matière de
revenus. Mais c’est tout autre chose que de viser uniquement les
travailleurs et les allocataires sociaux de manière sélective et par
exemple, pas les bailleurs et tous ces autres groupes de revenus
mieux à même de supporter les revers.
Nous afficherons également notre opposition en corrigeant les
mesures annoncées par ce gouvernement mais qui ne sont pas
encore entrées en vigueur. Prenons par exemple le service à la
collectivité pour les chômeurs et les bénéficiaires d’une
assistance. Le service à la collectivité est imposé en échange
d’une peine de prison. Perdre son emploi n’est pas un crime.
Ne pas trouver un emploi est un coup dur. En droit international,
le service à la collectivité imposé à ceux qui n’ont pas de travail
équivaut au travail forcé. C’est aussi simple que cela.
Prenons par exemple l’obligation de décrocher d’abord un
diplôme si vous demandez des allocations d’insertion avant 21
ans. Nous avons pu reporter l’application de cette mesure au 1er
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septembre. Et nous entendons y apporter de nouvelles
corrections dans les prochains mois. Car il s’agit d’une
discrimination pure et simple à l’égard de ceux qui n’ont pas les
moyens ni l’opportunité d’obtenir un diplôme.
Prenons l’exemple de la future obligation de s’inscrire comme
demandeur d’emploi dès le début du préavis.
Prenons l’exemple de la réduction de moitié de l’allocation de
garantie de revenus pour les temps partiels involontaires : c’est
un appauvrissement pur et simple des travailleurs dont
l’employeur refuse d’augmenter le nombre d’heures de leur
contrat, essentiellement des femmes qui connaissent déjà des
difficultés financières.
Troisièmement, nous allons exercer encore plus de pressions sur
les gouvernements en matière de justice fiscale. D’emblée, nous
avons dénoncé le déséquilibre de cette politique de droite.
La manière dont elle fait peser unilatéralement les charges sur
les épaules des travailleurs ou des chômeurs, des malades ou
des pensionnés. La manière dont elle ne fait que renforcer
l’inégalité et la précarité. Pire encore, nous avons dénoncé le
transfert de fonds vers les nantis, au détriment des travailleurs.
Ce procédé, nous l’avons appelé le tax shift inverse. Les médias
nous ont timidement emboîté le pas dans cette position, de
même que le CD&V. A la suite de quoi, tous ont été contraints de
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reconnaître cette “énormité”, la répartition déséquilibrée entre les
impôts sur le travail et les impôts sur le capital, de sorte que
l’impôt sur les revenus du patrimoine est désormais au cœur de
l’agenda politique et social, et que tout le monde parle à présent
du tax shift. Enfin ! Car nous enfonçons le clou depuis des
années. Mais le chemin est encore long car celui qui se sent
acculé est capable du pire.
Nous sommes témoins des tentatives désespérées des
entreprises et des investisseurs, aidés par leurs relais politiques,
d’inverser la tendance. Dans un premier temps, le dossier allait
être examiné avant Noël. Puis à Pâques. Puis pour l’été. Il est
désormais question de le reporter à l’automne, dans l’espoir,
manifestement, que les esprits se calment sans faire trop de
vagues. De même, ils entendent déplacer l’enjeu du débat qui ne
porterait plus sur les fortunes et les revenus du patrimoine mais
davantage sur la consommation, sachant pertinemment que ce
type de virage fiscal coûte moins aux riches et est
essentiellement supporté par les citoyens ordinaires, surtout les
revenus les plus bas.
Ce gouvernement se devra au moins d’appliquer la justice
fiscale. Les travailleurs ne tolèrent plus que leur salaire obtenu à
la sueur de leur front soit lourdement imposé alors que ceux qui
s’enrichissent sans effort ne sont pratiquement pas taxés.
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Les travailleurs ne tolèrent plus de devoir supporter seuls la
facture de services collectifs indispensables et de la sécurité
sociale, alors que ceux dont les revenus sont beaucoup plus
élevés continuent de s’y soustraire. L’époque de la gratuité est
révolue. Pour les citoyens ordinaires en tout cas, pas pour les
riches qui continuent de renvoyer la note aux autres.
La CSC défend bec et ongle la justice fiscale, le tax shift, une
fiscalité honnête sur le patrimoine, dans le cadre d’un impôt sur
les revenus du patrimoine parfaitement éprouvé.
Nous n’abandonnerons pas. Sous aucun prétexte ! Nous n’avons
pas la maîtrise du résultat final. Ce gouvernement affirme que
cette matière n’est pas sujette à concertation avec les partenaires
sociaux. Il ne pourra cependant pas nous empêcher d’en faire
une matière syndicale et d’évaluer chaque résultat final à l’aune
de quatre critères:
- Est-il juste, donc redistributif, des riches vers les moins
riches et des revenus du patrimoine vers les revenus du
travail ?
- Est-il efficace, donc créateur d’emplois, surtout pour ceux qui
courent aujourd’hui le plus de risques d’être confrontés au
chômage ?
- Est-il substantiel et durable et ne s’agit-il pas seulement d’un
peu de cosmétique fiscale pour sauver les apparences ?
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- Et est-il crédible; autrement dit, dépasse-t-on le stade des
bonnes intentions ?
Avec un simple fil conducteur : un euro est un euro. Le principe
selon lequel chaque euro est imposé équitablement, selon votre
capacité contributive, que vous gagniez cet euro en tant que
salarié, profession libérale, indépendant, dirigeant d’entreprise,
investisseur, nantis ou propriétaire. Avec tout au plus des
dérogations lorsqu’elles sont vraiment justifiées, comme pour les
allocations sociales. Nous voulons donc une base d’imposition
plus large reposant sur une contribution équitable de chacun afin
de réduire la pression fiscale pour ceux qui assument déjà plus
qu’il ne faut. Voilà qui induirait un réel changement !
Chers amies, chers amis, la lutte pour la redistribution est
amorcée. Et dans cette lutte, le syndicat, notre CSC, a un rôle
irremplaçable. Il n’en est jamais allé autrement. Il n’en va pas
autrement ailleurs dans le monde. La participation des
travailleurs et la réduction des inégalités vont de pair. Même le
Fonds monétaire international reconnaît cet état de fait. Power to
the people, comme le chantait John Lennon. Power from the
people, comme l’énonce un document de travail que le FMI
publiera dans les prochains jours. Ceci prouve à quel point
l’influence des syndicats et la redistribution sont intrinsèquement
liés. À quel point l’enrichissement des plus riches est lié à la perte
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d’influence des syndicats. Nous, syndicat, sommes une entrave à
l’enrichissement des plus riches. Et comme nous sommes des
empêcheurs de tourner en rond, il faut nous écarter et élaborer
une nouvelle offensive antisyndicale.
C’est d’abord le gouvernement marxiste et taxatoire qui a dû en
faire les frais. Parce qu’il ne trouvait pas normal que des chefs
d’entreprise facturent des fêtes privées à leur société. Parce qu’il
n’était plus possible de déduire fiscalement des véhicules
onéreux sans une contribution personnelle. Et parce qu’il a osé
demander de taxer correctement la liquidation des sociétés. Ce
gouvernement fait partie du passé. Désormais, le vent a tourné. Il
est pinçant et froid. Il gifle le visage des travailleurs et donc aussi
celui des syndicats.
Voyez comme nous sommes honnis, raillés et vilipendés !
Mis à l’écart parce que nous sommes soi-disant décatis,
passéistes, conservateurs, soucieux uniquement de notre propre
intérêt, avides de pouvoir ! Certains nous reprochent même de
vouloir gouverner le pays. A l’encontre du gouvernement et de la
démocratie. Parce que nous avons l’audace de demander le
respect d’un accord, conclu avec les employeurs du reste.
Pourquoi le syndicat est-il le seul à se voir critiquer de la sorte ?
Alors qu’il est manifeste que ce sont les employeurs qui dirigent
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avec ce gouvernement. De toute évidence, la primauté du
politique ne doit servir qu’à remettre les travailleurs à leur place.
Voilà qui est très instructif quant à la façon dont ce genre de
politicien désire régner en maître. Voilà qui est révélateur de sa
conception du syndicat. Nous sommes un élément perturbateur,
ce qui est vrai d’ailleurs. C’est vrai, nous dérangeons, nous
gênons, nous perturbons, nous sommes “disruptifs” pour
employer un nouveau vocable à la mode. Mais nous le faisons à
bon droit. Dans un marché libre, un syndicat doit exister comme
contre-pouvoir. Dans une société polarisée, de plus en plus
inégalitaire, ce syndicat a encore davantage sa place. Pour faire
contrepoids au lobbying des riches, face à la domination absolue
des nantis. Beaucoup d’hôtes étrangers présents dans cette salle
en font l’expérience au quotidien. Une société équitable, qui offre
des opportunités aux gens, est impossible sans un syndicat fort.
Nous ne sommes pas des parlementaires élus, c’est vrai, mais la
CSC représente quelque 1.600.000 de citoyens qui ont des
droits. Des droits sociaux; des droits à une conviction; le droit
d’exprimer librement leur opinion; le droit de défendre leurs
droits; le droit de mener des actions à cet effet et de distribuer
des tracts sans risquer des sanctions administratives
communales ou de manifester sous la main de Brabo; le droit de
faire grève, le cas échéant. Ce sont des droits fondamentaux,
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reconnus internationalement. Ce sont des droits humains.
Ces droits, nous les défendons de toutes nos forces, au besoin
jusque devant les Cours de justice européennes et l’Organisation
Internationale du Travail.
Il ne s’agit pas d’une lutte entre le gouvernement et le syndicat.
Il s’agit d’un clash de convictions. Le prix Nobel Paul Krugman l’a
encore affirmé la semaine dernière à Bruxelles: “Plus la société
est inégale, plus la politique est polarisée et plus on risque de
mener une politique défavorable à la population.” Nous en
sommes de plus en plus souvent témoins dans notre pays.
Le vainqueur est applaudi. Celui qui n’appartient pas à la couche
supérieure est enfoncé.
Comme si tout le monde avait les mêmes talents. Comme si la
ligne de départ était la même pour tous. Ce n’est pas toujours le
cas. Celui qui est issu d’un milieu moins aisé ne part pas
seulement avec un retard mais suit également un parcours plus
chaotique. A la ligne d’arrivée, il sera également pénalisé par les
différences énormes en termes d’espérance de vie en bonne
santé. Comment allez-vous expliquer cela, Monsieur
Bacquelaine ? L’âge légal de la pension doit être porté à 67 ans
pour tout le monde, alors qu’actuellement, en Belgique, un
travailleur non qualifié âgé de 25 ans risque de ne plus être en
bonne santé avant l’âge de 55 ans en moyenne : à l’âge de 53
20
ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes. Quelle
intransigeance ! Quel manque total de respect pour les gens qui
n’ont pas la vie facile ! Qui ne sont pas épargnés par la vie.
Mais si nous en faisons la remarque, on nous reproche de faire
l’autruche, de plonger la tête dans le sable. Nous sommes alors
des conservateurs crispés, les fossoyeurs de l’avenir de nos
enfants.
Alors c’est nous qui nous accrochons aux droits acquis.
Cela sonne presque comme droits pourris. Mais est-il mauvais de
défendre les citoyens ordinaires ? Est-il fautif de miser sur la
répartition ? Est-il stupide de miser sur l’égalité des chances et la
réduction des inégalités ? Notre pays n’a pas seulement besoin
d’entrepreneurs qui ont réussi. Notre pays n’a pas seulement
besoin d’hommes politiques qui sont leurs marionnettes. Notre
pays n’a pas seulement besoin d’éditorialistes formateurs
d’opinion. Notre pays a surtout besoin de beaucoup de citoyens
ordinaires. Qui travaillent. Qui travaillent durement. Et qui sont
respectés pour ce travail.
Non parce qu’ils ont beaucoup mais parce qu’ils font de leur
mieux et soutiennent ainsi l’économie et la société.
Ces travailleurs méritent mieux.
Or, le gouvernement actuel est surtout au service des happy few,
de la couche supérieure qui gagne bien sa vie et qui a porté ce
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gouvernement au pouvoir. Et qui souhaite maintenant être servie
au doigt et à l’œil. Avec trois partis gouvernementaux, le VLD, la
N-VA et le MR, qui appliquent servilement ce qu’elle dicte.
Paul Krugman – que j’ai déjà cité – n’est pas du tout étonné :
“Un chef de gouvernement n’est jamais sûr de survivre aux
prochaines élections mais souhaite sauvegarder ses projets
d’avenir à long terme en étant dans les bonnes grâces des élites
fortunées. Il rêve de tenir un grand discours lors du Forum
économique mondial de Davos à propos de ses décisions
courageuses.”
Chers amis, chères amies, moi je préfère le forum social que
constitue ce Congrès de la CSC à Ostende. Où les citoyens
ordinaires ont eu voix au chapitre. Nous exigeons des
gouvernements actuels et de tous les gouvernements futurs qu’ils
fassent preuve d’équité. Un traitement équitable, juste,
respectueux et égal. Nous sommes capables de beaucoup de
choses. Nous pouvons encaisser et supporter beaucoup.
Nous sommes des syndicalistes. Nous sommes de la CSC et
nous sommes fiers de l’être et de le montrer. Nous sommes la
force du changement. Tant qu’il s’agit de changements positifs.
Nous voulons garder ce qui est bon.
Gardez ce qui est bon. En opérant des changements positifs.
C’est ce que défend la CSC. Voilà ce pour quoi nous demandons
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la participation. Power from the people ! Le pouvoir émane du
peuple. Chers amis et amies, chers invités, permettez-moi de
clôturer ainsi officiellement ce 35ème congrès statutaire de la
CSC.
Je vous souhaite à tous un bon retour, un bon week-end et
beaucoup de courage. Avec la force de nos convictions.
Avec notre engagement pour les citoyens ordinaires.
23
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