!Les accès douloureux intenses d’une
arthrose rebelle et/ou inopérable et/ou en
attente d’une opération.
!Les rhumatismes inflammatoires en
poussée aiguë, non ou mal soulagés par
les traitements usuels.
COMMENT PRESCRIRE EN PRATIQUE ?
1. Instauration du traitement
Envisageons deux situations de prescription :
a. Le malade n’a reçu aucun traitement
antalgique, la douleur est 70 mm sur
l’EVA, la morphine orale est prescrite
d’emblée
!Commencer par 30 mg toutes les
12 heures de morphine à libération pro-
longée (LP).
!Chez les personnes âgées, il est
conseillé de commencer soit par de plus
faibles doses de morphine LP (10 mg x
2/j), soit par de la morphine à libération
immédiate LI (exemple : 5 mg toutes les
4 à 6 heures), car la fonction rénale peut
être amoindrie.
!Il est possible de rajouter des inter-
doses de morphine à LI toutes les 1 à
4heures si l’EVA ne s’améliore pas.
b. Le malade a déjà reçu un antalgique
de niveau 2 et n’est pas soulagé :
–Prescrire de la morphine LP en respec-
tant un intervalle d’environ 3 à 6 heures
après la dernière prise de l’antalgique de
niveau 2. Rappelons que donner un antal-
gique de niveau 2, c’est déjà prescrire un
opioïde, et donc un dérivé de la morphine.
Le tableau suivant rappelle à ce propos les
équivalences (8) :
2. Réévaluation de la douleur du
patient
En début de traitement, évaluation toutes
les 24 à 48 heures de la symptomatologie
douloureuse. Si le patient est insuffisam-
ment soulagé, augmenter les doses de mor-
phine LP d’environ 50 % (3) (soit 30 mg
+ 10 mg de morphine LP toutes les
12 heures).
3. Adaptation
En cas de douleur d’intensité fluctuante
au cours du nycthémère, il est possible de
prescrire des dosages asymétriques de
morphine (3) ; à titre indicatif :
–si les douleurs sont plus intenses le
matin, prescrire 30 mg le matin et 10 mg
le soir (soit au total 40 mg par jour) ;
–si les douleurs sont plus intenses le soir,
prescrire 10 mg le matin et 30 mg le soir.
En cas de situations douloureuses prévi-
sibles (kinésithérapie, marche, etc.), on
peut ajouter des interdoses de 10 mg de
morphine LI, 45 minutes environ avant
l’acte douloureux. Sur la base de la pra-
tique dans la douleur cancéreuse, les inter-
doses de morphine LI doivent être d’envi-
ron 1/6ede la dose quotidienne de
morphine LP (8).
LES REQUIS POUR UNE PRES-
CRIPTION DE MORPHINE RÉUSSIE
!S’assurer de l’adhésion des patients
par une information adaptée (3),ce qui, par
expérience, s’obtient aisément, soit parce
que l’intensité de la douleur les conduit à
s’en remettre à la sagesse ou à l’initiative
du praticien, soit parce que les traitements
précédents, comme un antalgique d’une
autre classe ou un anti-inflammatoire non
stéroïdien, ont conduit à un échec.
!Connaître et anticiper les événements
indésirables :
*Assurer une prévention de la constipa-
tion (surtout si le malade est alité) par la
prescription systématique d’un laxatif
associé à des mesures hygiéno-diététiques.
*Les nausées et les vomissements sont
inconstants, ils apparaissent essentielle-
ment en début de traitement et sont géné-
ralement transitoires. Ils peuvent être
gênants et compromettre la thérapeutique
antalgique ; une prise en charge avec un
antiémétique est alors possible (9).
*La somnolence peut survenir essentiel-
lement en début de traitement et disparaître
en quelques jours. Elle peut être en rapport
avec une dette de sommeil.
*La confusion est rare en cas de cure
courte. En cas d’apparition, il faut soit
réduire la dose de morphine, soit l’arrêter
et rechercher la prise concomitante d’un
médicament dépresseur du système ner-
veux central.
!Savoir arrêter le traitement : dans le
cadre de la cure courte de morphine, l’ar-
rêt peut se faire rapidement sans craindre
un risque de syndrome de sevrage. Il est
toujours possible d’assister à la reprise,
même atténuée, des symptômes doulou-
reux, ce qui peut rendre nécessaire pendant
quelques jours la prolongation de la cure
de morphine ou bien la prescription d’un
antalgique de palier 2, comme le paracé-
tamol-codéine, ou de palier 1, comme le
paracétamol.
CONCLUSION
La disparition des réticences dans l’utili-
sation des antalgiques de palier 3 dans les
pathologies douloureuses chroniques doit
inciter à élargir maintenant leur champ
d’action. La morphine en cure courte dans
les douleurs aiguës intenses rhumatolo-
giques a désormais sa place selon le
schéma suivant :
Vouloir prescrire en fonction de l’intensité
de la douleur est plus louable que s’escri-
mer à suivre une graduation progressive
des antalgiques en fonction des réponses
au traitement : il convient, par souci d’ef-
ficacité, de choisir plutôt d’emblée un
palier 3 pour revenir à un palier inférieur.
L’enjeu de la cure courte est double : être
rapidement efficace, donc soulager au plus
vite (ce que nos patients nous réclament),
et éviter le passage à la chronicité. "
Voir bibliographie, p. 36 #
DOULEUR
La Lettre du Rhumatologue - n° 289 - février 2003
35
30 mg de codéine ~5 mg de morphine
30 mg de dextropropoxyphène ~5 mg de morphine
50 mg de tramadol ~10 mg de morphine
Cure courte de morphine :
–d’emblée ou après essai des autres antal-
giques de niveau plus faible
–pour une période de 7 jours en moyenne
–posologie : 30 mg matin et soir
R. Trèves, P. Bertin, P. Vergne-Salle*
*Service de rhumatologie,
CHU Dupuytren, 87042 Limoges Cedex