la relation d`aide ponctuelle

publicité
LA RELATION D’AIDE PONCTUELLE
Yves St-Arnaud
Université de Sherbrooke
RÉSUMÉ
La psychologie des relations humaines comprend l’exercice de plusieurs
rôles dont celui d’aidant. La relation d’aide ponctuelle est un mode
d’intervention qui applique, dans le contexte de l’aide qu’on apporte à une
personne, les principes et les particularités de l’intervention en
psychologie des relations humaines. L’accent est mis, en particulier, sur la
coopération et l’utilisation des ressources de la personne qui demande de
l’aide. Deux fonctions servent à décrire les ressources de la personne
aidante : une fonction de suppléance et une fonction d’assistance. Elles
sont mises en relation avec les ressources de la personne aidée pour
définir et illustrer quatre volets de compétences. Celles-ci permettent à la
personne aidante de procéder à des expertises sur le contenu (volet I),
d’utiliser les ressources de la personne aidée pour assurer la qualité de la
suppléance (volet II), de gérer le processus d’intervention (volet III) et
d’activer les ressources de la personne aidée pour qu’elle puisse mieux
recevoir l’information en provenance de son organisme et de son milieu,
faire des choix personnels et agir de façon efficace (volet IV).
INTRODUCTION
L’expression relation d’aide évoque un domaine d’intervention psychologique qui se
caractérise par la diversité des méthodes d’intervention et par la confusion du
vocabulaire utilisé pour le désigner. Trois termes sont utilisés, sans que l’on
parvienne à les définir de façon univoque : relation d’aide, counseling et
psychothérapie. Les deux derniers termes ont servi historiquement à distinguer deux
types de services psychologiques dans le contexte nord-américain, mais au dire de
plusieurs auteurs, cette distinction perd de plus en plus sa signification (Biggs, 1994,
Rickey, L. G. et Christiani, T. S. (1995), Cottone (1992). L’émergence des thérapies
brèves, en particulier, a contribué fortement à remettre en question la pertinence de
distinguer ces deux modalités d’intervention (voir Hoyt, 1995). Un récent symposium
sur le sujet, tenu au Québec, a permis de constater que la distinction est remise en
question par certains (Lecompte, 1997, St-Arnaud, 1997b) et souhaitée par d’autres
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
238
LA RELATION D’AIDE
pour désigner une intervention dans un contexte de croissance, d’apprentissage et de
prévention (Bujold, 1997), ou même pour « radicaliser la différence » (Lhotellier,
1997). Le vocabulaire utilisé dans le présent article adopte la position de Ivey et
Simek-Downing (1980), citée par Biggs (1994) dans son dictionnaire du counseling :
relation d’aide est un terme générique qui désignera le cadre général d’une
intervention auprès d’une personne, alors que les termes counseling (sous un vocable
plus approprié) et psychothérapie désigneront deux modalités d’intervention, deux
façons de faire une relation d’aide.
L’expression relation d’aide ponctuelle a été créée non pas d’abord pour désigner un
nouveau modèle (bien que les innovations n’y soient pas exclues) que pour adapter
au contexte de la psychologie des relations humaines l’approche humanisteexistentielle. Dans le vaste champ de la relation d’aide, les modèles d’intervention
sont très nombreux et souvent on les qualifie en fonction d’une approche: cognitive,
comportementale, éclectique, gestaltiste, humaniste-existentielle, multimodale,
psychanalytique, transthéorique, etc. Bien que les modèles d’intervention foisonnent,
aucun, à lui seul, ne répond aux exigences de la relation d’aide telle qu’elle s’exerce
dans le contexte de la psychologie des relations humaines. Le but du présent article
est de combler cette lacune. Sous le titre relation d’aide ponctuelle, on trouvera un
mode d’intervention qui peut être utilisé autant par des personnes qui pratiquent la
psychologie des relations humaines avec une formation générale dans ce domaine que
par des personnes qui ont, en plus, une formation en psychothérapie.
Dans le contexte où se pratique la psychologie des relations humaines, le format
prend une importance primordiale. Que ce soit dans le cadre d’un programme d’aide
aux employés (PAE) ou dans le cadre d’un service public (CLSC, CSST), le peu de
ressources professionnelles disponibles et les contraintes institutionnelles obligent les
personnes qui interviennent à limiter a priori le nombre de rencontres qu’elles
peuvent offrir. La relation d’aide ponctuelle est un mode d’intervention qui peut
s’adapter à ces contraintes.
En bref, l’expression relation d’aide ponctuelle est utilisée pour désigner un mode
d’intervention de type humaniste-existentiel; un mode d’intervention qui soit en
harmonie avec le profil de compétences pour intervenir en psychologie des relations
humaines (St-Arnaud, Y.,1997a); un mode d’intervention qui prend en considération
le format imposé par les contraintes institutionnelles; un mode d’intervention qui
intègre plusieurs innovations contemporaines comme on le verra au cours de l’article.
Un exemple de demande d’aide servira à illustrer quelques facettes de la relation
d’aide ponctuelle. Un ensemble de compétences sera ensuite proposé pour mener à
bien une telle relation.
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
239
ILLUSTRATION : LE CAS DE MONSIEUR PER
Doris travaille comme psychologue dans un Service d’aide aux employés pour un
établissement de santé. Monsieur PER, un professionnel à l’emploi de cet
établissement, demande une relation d'aide pour traiter d’un problème personnel. Il a
27 ans et sa femme Karine en a 24. Le couple avait décidé d'attendre quelques années
avant d'avoir un enfant. Karine vient d’apprendre qu'elle est enceinte. « C'est un
accident », selon les mots mêmes de Monsieur PER. Celui-ci souhaite que Doris
l'aide à trouver des arguments pour convaincre Karine de se faire avorter. Voici un
résumé du dialogue initial entre Monsieur PER et Doris.
Monsieur PER
Doris 1 Bonjour Monsieur PER, que puis-je faire pour vous?
M.PER Il s’agit d’un problème familial. Ma femme, Karine, m’a appris hier qu’elle est
enceinte et j’aimerais trouver des arguments pour la convaincre de se faire avorter
Doris 2 Je comprends que, vous-même, vous ne voulez pas de cet enfant
M.PER C’est juste. Nous avions décidé, Karine et moi, de ne pas avoir d’enfant avant trois ou
quatre ans. C’est un accident.
Doris 3 Vous me demandez des arguments pour convaincre Karine de se faire avorter; je
serais plus à l’aise si Karine avait son mot à dire. Ce que je peux vous offrir, c’est devous aider
à explorer différentes solutions que vous pourriez discuter avec Karine.
M.PER Il n’y a pas trente-six solutions; il faut que Karine accepte de se faire avorter.
Doris 4 Vous êtes convaincu que c’est la seule solution...; et vous aimeriez que Karine
l’endosse...
M. PER Karine était d’accord, mais elle en a parlé à sa mère qui est une « pro-vie » enragée
et maintenant, elle hésite. Il faut trouver des arguments pour la convaincre.
Doris 5 Je vous sens pressé de trouver de bons arguments, mais cela me semble prématuré.
M.PER J’ai lu qu’un bébé qui n’est pas désiré aura des problèmes psychologiques toute sa
vie.
Doris 6 Avant de passer aux arguments, dans une situation aussi personnelle, il me semble
préférable de se reprendre en main. Est-ce que je me trompe en disant que présentement vous
êtes un peu en état de panique?
M. PER Non; c’est vrai que je me sens affolé.
Doris 7 J’ai l’impression que vous êtes sous le choc de découvrir que Karine est enceinte
malgré vos précautions pour éviter un enfant.
M. PER Si je venais vous voir avec Karine, est-ce que vous pourriez la convaincre de se faire
avorter?
Doris 8 Ce n’est pas mon rôle de convaincre qui que ce soit, mais dans une rencontre à trois,
je pourrais vous aider à résoudre votre divergence et à faire des choix. Pour l’instant ce que je
peux faire pour vous aider c’est de vous inviter à parler de ce que vous vivez personnellement
dans cette situation.
M. PER Je n’ai pas dormi de la nuit; on s’est chicané toute la nuit Karine et moi.
Doris 9 J’ai l’impression que vous avez besoin de temps pour digérer le choc que vous
vivez...
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
240
LA RELATION D’AIDE
[Le dialogue se poursuit pendant 30 minutes.]
M. PER Je ne sais plus quoi penser.
Doris 10 C’est tout le temps dont nous disposons aujourd’hui, mais, si vous le souhaitez, nous
pourrions nous revoir...
M. PER J’aimerais vous revoir. Je sens que j’ai besoin de parler. C’est vrai que j’ai réagi avec
panique, mais déjà, je me sens moins tendu.
LA RELATION D’AIDE PONCTUELLE
La relation d’aide ponctuelle s’établit lorsqu’une personne consulte au sujet d’une
situation qui constitue une menace ou un défi pour son développement psychosocial.
Le mot ponctuel, dans son sens figuré, signifie : « Ce qui ne concerne qu’un point,
qu’un élément d’un ensemble » (Le Petit Robert). Bien qu’une personne puisse
souhaiter à un moment de sa vie entreprendre une démarche de psychothérapie
portant sur l’ensemble de sa personnalité, lorsqu’on lui offre une aide ponctuelle, on
part d’un événement précis ou de circonstances particulières qui ont fait émerger en
elle une difficulté de fonctionnement au plan psychologique. Le modèle
d’intervention présenté ici suppose que l’on puisse identifier « un point » ou « un
élément » que l’on désigne comme la situation à changer. Cette particularité n’exclut
pas cependant que le changement puisse impliquer l’ensemble de la personnalité.
Dans le dialogue entre Doris et Monsieur PER, il est évident que la réaction de celuici face à l’annonce que sa femme est enceinte pourrait faire l’objet d’une demande
d’aide. Monsieur PER pourrait découvrir, par exemple, que des aspects plus ou moins
pathologiques sont à l’origine de son besoin de tout contrôler dans sa vie personnelle
et considérer que ce besoin excessif de contrôle est un handicap dans ses relations
interpersonnelles. Il pourrait alors envisager une psychothérapie visant à modifier cet
aspect de sa personnalité. Dans la demande présentée à Doris, telle n’est pas son
besoin, ni l’objet de sa demande : il demande de l’aide pour changer une situation
sans manifester aucune intention de se changer. Quelle que soit la demande, la
relation d’aide ponctuelle exige que l’on détermine d’abord un point précis qui fera
l’objet d’un contrat d’intervention réalisable dans un nombre très limité de
rencontres. À ce titre, elle bénéficie de tous les travaux de recherche qui se sont faits
autour de ce qu’on a appelé la « psychothérapie brève » (Hoyt, 1995).
L’exemple de Monsieur PER illustre une des caractéristiques de toute intervention en
psychologie des relations humaines, qui consiste à procéder à ce qu’on appelle une
entrée; c’est une étape au cours de laquelle on cherche à définir la situation à changer,
le résultat attendu et les règles du jeu. On observe dans le cas cité un phénomène
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
241
fréquent dans une relation d’aide ponctuelle : la nécessité de recadrer la demande
initiale. Il est évident, en effet, que Doris refuse d’être complice d’une recherche
d’arguments visant à imposer une décision à Karine; celle-ci fait partie du systèmeclient, tel que défini par Doris. Trois possibilités ont été offertes, compatibles avec
une intervention en psychologie des relations humaines : 1) explorer différentes
solutions (intervention 3), 2) aider le couple à faire un choix par mode de consensus,
ce qui aurait amené Doris à exercer davantage un rôle de médiateur, ou 3) aider
Monsieur PER à se ressaisir. À partir de l’intervention 8, Monsieur PER s’engage
dans la relation d’aide qui correspond à cette troisième option; à la fin du dialogue, il
demande de poursuivre cette démarche.
Comme tous les autres rôles12 exercés en psychologie des relations humaines, le rôle
d’aidant exige que l’on structure, dès le point de départ, une relation de coopération.
Par définition, la coopération comporte trois éléments : un but commun, une
définition précise des champs de compétence de chacun des partenaires et un
équilibre du pouvoir en fonction de ces champs de compétence (St-Arnaud, 1995, p.
138-139). Dans la gestion d’une relation d’aide, les premières minutes d’une
rencontre unique, ou la première rencontre d’une intervention qui en comprend de six
à dix, permettent ordinairement de s’entendre rapidement sur un but commun. La
définition des champs de compétence et du type d’influence qu’on exercera de part et
d’autre est une opération plus complexe qui amène les partenaires à clarifier leurs
conceptions respectives du changement personnel. Dans le dialogue avec Monsieur
PER, Doris a limité son champ de compétence, à l’intervention 8, en précisant que
son rôle n’était pas « de convaincre qui que ce soit ». Il reste à définir positivement
les champs de compétence de toutes les personnes impliquées dans l’intervention.
LES CHAMPS DE COMPÉTENCE
Pour comprendre les compétences que l’on met à la disposition d’une personne qui
demande de l’aide, il faut d’abord traiter des ressources de la personne aidée. La
perception que l’on aura de celles-ci influencera le choix que l’on fera des stratégies
d’intervention. Les ressources de la personne aidante seront décrites, quant à elles, à
partir de deux grandes fonctions dites de suppléance et d’assistance. La première
comprend toutes les interventions qui servent à transmettre une expertise sur la
situation ou à gérer le processus même de l’intervention. La seconde comprend toutes
les interventions par lesquelles la personne aidante utilise ou active les ressources de
la personne qui consulte.
12
La liste des rôles varie selon les auteurs, mais on y retrouve, par exemple, les rôles d’agent
de feed-back, d’analyste, d’aidant, d’animateur, de coach, de conseiller, de formateur et de
médiateur.
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
242
LA RELATION D’AIDE
Les ressources de la personne aidée
Lorsqu’une personne demande de l’aide psychologique, elle est implicitement en
difficulté dans un processus de changement13. Il y a plusieurs façons de nommer le
changement qui fait l’objet d’une intervention professionnelle. Le modèle de relation
d’aide ponctuelle proposé ici utilise un continuum dont les deux positions extrêmes
sont 1) le changement d’une situation jugée insatisfaisante en réduisant ou en
éliminant les facteurs pathologiques chez la personne aidée, 2) le changement d’une
situation jugée insatisfaisante en utilisant les structures saines de la personne
concernée. Bien que souvent l’intervention privilégie un de ces deux aspects, on ne
peut les dissocier complètement. On peut considérer chez toute personne adulte deux
facettes de sa personnalité, identifiées ailleurs (St-Arnaud, 1996) comme le « soi
conflictuel » et le « soi intégré »; le premier comprend tout ce qu’il y a de plus ou
moins pathologique chez une personne; le second comprend tout ce qu’il y a de sain.
La psychopathologie est le secteur du savoir disciplinaire qui s’occupe de la première
partie; la psychologie de la personnalité, ou la psychologie de la santé (selon
l’expression introduite par Maslow, 1972), est le secteur du savoir disciplinaire qui
s’occupe de la seconde.
L’importance relative accordée au soi conflictuel et au soi intégré, pendant la relation
d’aide, permet de situer le type de changement visé et, en conséquence, de déterminer
le type de ressources qu’on devra mobiliser pour atteindre les objectifs qu’on se sera
donnés. On peut considérer que les ressources de la personne aidée, par rapport à
l’objet de la consultation, se distribuent sur un continuum qui va du plus faible au
plus fort : les ressources sont faibles lorsque la personne aidée veut modifier les
aspects pathologiques de sa personnalité (soi conflictuel); elles sont fortes lorsque la
personne utilise les parties saines de sa personnalité (soi intégré).
Dans les situations où l’on choisit de réduire le soi conflictuel, la personne aidée
demande de l’aide pour « se modifier ». On se trouve alors dans une situation difficile
car la personne aidée se sent très démunie; on constate que ses ressources actives sont
au plus faible, puisque des éléments pathologiques qui échappent à son contrôle
perturbent son processus naturel de croissance. On verra plus loin qu’il y a deux
façons de réagir à cette situation. On peut faire appel à la suppléance sur le contenu
ou intensifier l’assistance pour activer des ressources latentes chez cette personne.
13
Le modèle proposé ici endosse la position épistémologique de Cottone (1992) qui, dans sa
recherche d’un nouveau paradigme pour le counseling et la psychothérapie, considère que le
changement est la donnée de base, l’individu et la personnalité n’étant qu’un état provisoire
d’un processus de changement continu: « Individuals are not static entities, but rather they are
processes in constant change » (p. 267).
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
243
Dans les situations où le changement visé exige le développement des parties saines
de la personnalité, la personne aidée n’a pas à se modifier; elle demande de l’aide
pour mieux s’utiliser. On se retrouve alors dans une situation où les ressources
associées au processus de croissance de la personne sont au plus fort. En effet, plus
on considère les aspects sains de la personnalité, moins le comportement est
déterminé; il est l’objet d’un processus d’autodétermination qui, par définition, tend à
particulariser le cheminement d’une personne. On verra, en conséquence, comment ce
type de changement peut se produire par l’utilisation et l’activation des ressources de
la personne aidée.
Dans le cas de Monsieur PER, il est évident que celui-ci n’envisage pas de se
modifier; il serait d’ailleurs irréaliste de subordonner la solution du problème qu’il vit
présentement à une modification des aspects pathologiques qui peuvent contribuer à
son problème. Même si on parvenait, par exemple, à établir un diagnostic qui
expliquerait sa réaction de panique ou son attitude contrôlante à l’égard de sa
conjointe, le problème resterait entier. Les trois objectifs proposés par Doris sont tous
centrés sur le changement à court terme de la situation qui menace la santé du couple.
On présume que Monsieur PER peut « s’utiliser » pour résoudre le problème qu’il vit
sans être obligé de « se modifier ».
Plusieurs modèles d’intervention utilisés en psychothérapie fonctionnent dans une
structure de service qu’on associe souvent au « modèle médical » : la personne qui
intervient établit un diagnostic, élabore avec la personne qui fait appel à ses services
un plan de traitement que l’on réalise ensuite. Dans une relation d’aide ponctuelle,
même lorsqu’on cherche à agir sur les facteurs pathologiques, on mise sur les
ressources de la personne aidée. On vise, comme dans toute intervention en
psychologie des relations humaines, à établir et à maintenir une structure de
coopération. On suppose que le changement visé, quel qu’il soit, est possible
uniquement si une personne se voit comme active et responsable de ce changement.
Des verbes d’action servent donc à nommer les deux positions extrêmes du
continuum qui représentent les ressources de la personne aidée : dans chaque
intervention, on doit vérifier si la personne qui demande de l’aide a les ressources et
la motivation pour SE modifier et pour S’utiliser. Que la personne aidée souhaite se
modifier en réduisant les aspects pathologiques de sa personnalité ou qu’elle
entreprenne de s’utiliser pour faire face à une situation difficile, une attitude proactive
est toujours considérée comme une condition de succès14.
14
Les recherches sur les facteurs communs ont démontré qu’un des facteur de succès est
précisément l’implication de chacun des partenaires. Castonguay (1987) analyse ces recherches
et conclut que « l’état actuel de la recherche semble suggérer que l’implication du client
demeure la variable thérapeutique qui prédit le mieux les résultats du traitement » (p. 195); il
précise que « les clients qui bénéficient le plus de leur traitement sont capables de chercher le
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
244
LA RELATION D’AIDE
Contrairement au modèle médical où la personne consultée se voit a priori comme
une ressource pour diagnostiquer et traiter les aspects pathologiques chez la personne
qui consulte, lorsqu’on utilise le modèle de relation d’aide ponctuelle, on présume
que la personne qui consulte peut changer la situation qu’elle juge indésirable sans
être obligée de « se modifier » de sorte que la personne qui intervient se voit d’abord
comme une ressource pour accompagner la personne qui consulte dans son entreprise
de changement. L’initiative de traiter les aspects pathologiques, s’il y a lieu, ne vient
pas de la personne consultée, mais de la personne qui demande de l’aide. Et même si
l’objectif est de se modifier, on misera sur les ressources latentes qu’on cherchera à
activer; c’est toujours la personne aidée qui assumera la responsabilité du
changement.
Dans le cas utilisé ici, Doris part avec le préjugé favorable que Monsieur PER et
Karine, compte tenu de ce qu’ils sont présentement, ont les ressources dont ils ont
besoin pour changer la situation qui vient perturber leur vie de couple. Ce préjugé
favorable repose sur un des postulats de base de l’approche humaniste-existentielle :
la présence dans tout organisme humain d’une tendance à l’actualisation. La théorie
du changement utilisée par la personne qui gère une relation d’aide ponctuelle a été
présentée ailleurs (St-Arnaud, 1999). Si dans une intervention particulière la personne
qui intervient ne parvient pas à croire que la personne aidée a les ressources pour
gérer elle-même son processus de changement, elle sera plus efficace en proposant
une structure traditionnelle de service plutôt que de maintenir l’illusion qu’une
structure de coopération pourra s’établir. Dans un tel cas, le modèle médical serait
plus approprié.
Cette option de maximiser l’utilisation des ressources de la personne aidée n’est pas
nouvelle. Carl Rogers (1951) s’en est fait le champion dès les années 1950, dans son
approche « centrée-sur-la-personne ». C’est une approche encore très présente sur la
scène professionnelle (Lietaer, Rombauts et Van Balen, 1990; Bohart, 1995; Raskin
et Rogers, 1995) . D’autres développements, dans le cadre de la psychothérapie brève
(Cabié et Isebaert, 1997; De Shazer, 1995; Watzlawick, Weekland et Fisch, 1974)
privilégient explicitement l’utilisation des ressources de la personne aidée pour
« s’utiliser ». De Shazer (1988, 1996) est un thérapeute contemporain qui contribue
activement à cette orientation; dans une présentation et une adaptation de son
approche, O’Hanlon et Weiner-Davis (1995) font état d’un changement de
perspective:
Au cours de son histoire, la psychothérapie s’est surtout intéressée à l’étude des
problèmes et de la pathologie des hommes et a tenté de les éliminer. Pourtant, une
soutien de leur thérapeute tout en étant capables de s’affirmer face à celui-ci » (p. 196).
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
245
nouvelle tendance se fait jour en thérapie, l’intérêt cessant de se centrer sur la
pathologie et les limites des sujets, pour se reporter sur leurs points forts, leurs
compétences et leurs ressources (p. 8).
Dans ce qu’ils appellent la thérapie du possible, O’Hanlon et Beadle (1997) précisent
que :
La thérapie du possible s’attache à accepter et à valider
l’expérience vécue par les clients et les idées qu’ils se font de
leur vie, tout en s’assurant de découvrir et d’amplifier les
possibilités de changement (p. 8).
Dans la figure intitulée « Les ressources » (Figure 1), les contributions des partenaires
sont représentées dans un système de coordonnées qui met en relation les ressources
de la personne aidée et les ressources professionnelles offertes par la personne qui
intervient. L’axe horizontal représente les ressources de la personne aidée, ressources
requises pour se modifier et mieux s’utiliser. Plus l’effort de changement porte sur les
aspects pathologiques de la personnalité, le soi conflictuel, plus la séquence se
rapproche de l’extrémité gauche de l’axe horizontal; plus l’effort de changement
implique une meilleure utilisation des parties saines de la personnalité, le soi intégré,
plus la séquence se rapproche de l’extrémité droite de l’axe horizontal.
Le petit cercle, au centre du schéma de la figure, indique qu’une relation de
coopération exige la mise en œuvre des ressources de chacun des partenaires dans la
poursuite d’un but commun. L’axe vertical permettra de situer les compétences de la
personne aidante sur un continuum qui relie les fonctions de suppléance et
d’assistance; puis de définir quatre volets de compétences en mettant en relation ces
compétences avec les ressources de la personne aidée.
Les ressources de la personne aidante : suppléance et assistance
Chez la personne qui intervient, la relation d’aide ponctuelle fait appel à deux grandes
fonctions : une fonction de suppléance et une fonction d’assistance15. La suppléance
regroupe les procédés par lesquels on met à la disposition de la personne aidée le
savoir et une partie du savoir-faire accumulés en psychologie. Dans le dictionnaire
15
Bien que les définitions théoriques ne suffisent pas toujours à bien marquer la différence
entre ces deux fonctions, des recherches empiriques (St-Arnaud, 1978, 1989 et St-Arnaud,
1995) ont permis de vérifier que dans l’analyse d’un dialogue professionnel, 95% des
interventions de la personne qui intervient peuvent être classées sans équivoque dans l’une ou
l’autre de ces catégories.
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
246
LA RELATION D’AIDE
(Le petit Robert), on lit ceci au mot suppléer : « Apporter ce qu’il faut pour remplacer
ou pour fournir (ce qui manque) ».
SUPPLÉANCE
Volet I
Volet III
Expertise :
Gestion :
1. évaluer
2. orienter
3. habiliter
7. structurer
8. encadrer
9. instrumenter
Soi intégré
Soi conflictuel
Ressources d e l a
SE MODIFIER
personne ai dée
S’UTILISER
Volet IV
Volet II
Activation
des ressources :
Utilisation
des ressources :
soutenir
10. la réception
11. le choix
12. l’action
4. recueillir
5. valider
6. adapter
ASSISTANCE
Figure 1. Les ressources
En introduisant dans la relation d’aide les généralisations dont dispose la psychologie
des relations humaines, on apporte de l’extérieur un éclairage nouveau sur la situation
qui fait problème et des pistes de solutions nouvelles; en proposant et en gérant une
méthode d’intervention rigoureuse, on donne à la personne aidée de nouvelles façons
de travailler pour produire le changement souhaité.
L’assistance désigne un ensemble de compétences relationnelles, spécialement
conçues pour permettre à la personne aidée d’être le maître d’œuvre du changement
visé. C’est une fonction qui regroupe les procédés par lesquels on aide une personne à
utiliser et à développer ses propres ressources pour procéder au changement souhaité.
Assister signifie « seconder (qqn) dans ses fonctions, dans sa tâche » (Le petit
Robert). Au cours d’une intervention, c’est la personne aidée qui a la responsabilité
du changement à produire : c’est elle qui décide de rendre disponible l’information
pour définir et produire le changement visé et pour valider les éléments de suppléance
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
247
fournis par la personne qui intervient. L’expérience a montré que l’efficacité d’une
intervention est directement reliée à l’exercice d’une fonction d’assistance. Cette
fonction suppose d’abord une attitude de réception et d’accueil face à toute
l’information qui surgit spontanément chez la personne aidée; mais elle va bien audelà. La personne qui exerce la fonction d’assistance est proactive : elle utilise toutes
sortes de procédés empathiques (accentuation, reflet de sentiment, résumé-synthèse)
qui ont pour effet d’amplifier l’information en provenance de l’organisme de la
personne aidée, de la faire circuler et de rendre la personne aidée créatrice au cours
d’une intervention. Autant la suppléance est requise pour combler les limites de la
personne aidée dans son projet de changement, autant l’assistance est requise pour
combler les limites de la science par rapport à un projet particulier de changement.
Chacune de ces fonctions comprend deux volets. La fonction de suppléance regroupe
tous les comportements qui servent soit à transmettre à la personne aidée le résultat
des expertises que l’on fait sur sa situation (suppléance sur le contenu) soit à gérer
l’intervention elle-même (suppléance sur le processus). Le volet I désigne l’expertise
sur le contenu qu’on utilise surtout pour aider une personne à se modifier. L’expertise
peut servir à évaluer la situation ou la personne elle-même, à orienter l’action de cette
personne ou à l’habiliter pour qu’elle puisse répondre à ses besoins. Le volet III
regroupe les compétences de gestion qui servent à structurer la relation d’aide, à
encadrer la démarche et à instrumenter la personne pour qu’elle puisse mieux
s’utiliser.
La fonction d’assistance regroupe tous les comportements à travers lesquels la
personne qui intervient utilise (assistance de niveau I) ou active (assistance de niveau
II) les ressources de la personne aidée. Dans le volet II, on regroupe les compétences
pour recueillir l’information, valider les orientations proposées et adapter les actions
entreprises. L’assistance de niveau II se particularise par le fait que la personne
aidante se centre exclusivement sur le cadre de référence de la personne aidée, ce qui
exige un degré élevé d’empathie. Les compétences du volet IV servent à soutenir la
personne aidée dans la réception de l’information en provenance de son organisme et
de son environnement, dans les choix qu’elle a à faire et dans l’action dont elle prend
l’initiative.
Lorsqu’une intervention professionnelle vise à réduire le soi conflictuel d’une
personne, on parle d’une modalité de psychothérapie. On peut utiliser le terme
psychodéveloppement pour désigner la modalité de l’intervention qui vise une
meilleure utilisation des ressources de la personne aidée.16 La relation d’aide
16
Les termes psychothérapie et counseling sont parfois associés à ces deux types de
changements, mais le terme counseling est inapproprié parce qu’il désigne uniquement une
activité de la personne qui intervient, contrairement à psychothérapie qui peut désigner
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
248
LA RELATION D’AIDE
ponctuelle peut inclure l’une ou l’autre de ces modalités; c’est dans l’intervention
elle-même que l’on choisit l’orientation la plus appropriée pour modifier la situation
qui est à l’origine de la demande. Le cas de Monsieur PER, par exemple, a été abordé
par Doris dans le registre du psychodéveloppement. Comme on l’a vu plus haut, on
pourrait cependant imaginer qu’après avoir solutionné le problème immédiat,
Monsieur PER s’interroge de façon plus globale sur ses relations interpersonnelles et
commence à remettre en question son attitude contrôlante face aux personnes avec
lesquelles il vit et travaille; il pourrait en résulter un désir d’entreprendre une
démarche pour modifier son mode d’interaction; une telle démarche se situerait
davantage dans le registre de la psychothérapie.
Les deux modalités, psychothérapie ou psychodéveloppement, peuvent se faire selon
différentes approches, chacune déterminant un rapport particulier entre les ressources
de la personne aidée et celles de la personne aidante. Il est facile de concevoir que si
une personne aidée investit pour « se modifier » elle puisse souhaiter une expertise;
comme elle se heurte à des aspects pathologiques et déterminés sur lesquels elle n’a
pas de contrôle, elle se sent facilement démunie. Pour répondre à cette attente,
plusieurs approches (Beck et Weishaar,1995; De Shazer, 1996; Lazarus, 1989;
O’Hanlon et Weiner-Davis, 1995; Persons, 1989; Watzlawick, Weekland et Fisch,
1975). mettent au premier plan les compétences du volet I : la personne qui intervient
offre ses compétences disciplinaires pour évaluer la situation ou le mode de
fonctionnement de la personne aidée (compétence 1), pour orienter l’action de celleci en fonction des critères de santé mentale (compétence 2) et pour habiliter cette
personne en vue d’une action psychologiquement saine. On dira de ces approches
qu’elles sont centrées-sur-le-contenu (situation, problème, solution, fonctionnement
psychologique). D’autres approches (Friedman, 1982; Gendlin, 1992; Greenberg,
Rice et Elliott, 1993; LeBlanc, 1997; Raskin et Rogers, 1989; Rogers, 1951), aussi
bien dans la modalité de psychothérapie que dans la modalité de
psychodéveloppement, mettent au premier plan les compétences du volet IV : la
personne qui intervient aide la personne aidée à recevoir l’information qui provient de
son organisme ou de son environnement, à faire des choix personnels et à agir en vue
de répondre à ses besoins fondamentaux. On dira de ces approches qu’elles sont
centrées-sur-l’autodéveloppement.
Lorsqu’on met en relation les ressources de la personne aidée et celles de la personne
qui intervient dans les approches centrées-sur-le-contenu, on observe
traditionnellement une très forte utilisation de la suppléance sur le contenu; celle-ci se
simultanément l’activité de la personne qui aide (elle fait de la psychothérapie) que la personne
aidée (elle entreprend une psychothérapie). Le terme psychodéveloppement peut lui aussi
désigner l’activité des deux partenaires. De plus, l’introduction de cet article a déjà signalé que
la distinction entre psychothérapie et counseling tend à disparaître aujourd’hui.
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
249
traduit dans une évaluation psychologique (diagnostic, profil psychologique, statut
mental), un plan de traitement approprié à la modification visée et un traitement qui
consiste à réorienter le comportement jugé insatisfaisant par la personne aidée. On
utilise aussi les ressources de cette personne pour documenter la situation à changer,
valider le plan de traitement et adapter le traitement lui-même pour tenir compte des
particularités de la situation. L’ensemble du processus étant basé sur le savoir et le
savoir-faire disciplinaires, le cadre de référence de la personne qui intervient est au
premier plan. Les volets de compétences I et II sont les plus utilisés.
Dans une approche centrée-sur-l’autodéveloppement, la suppléance s’exerce surtout
au plan de la gestion; on considère que la situation traitée sera changée à partir des
ressources de la personne aidée; de sorte que, cette fois, c’est le cadre de référence de
cette personne qui est au premier plan. La structuration de l’intervention,
l’encadrement proposé et l’instrumentation fournie visent essentiellement à soutenir
le processus naturel de croissance de la personne aidée. En conséquence, la personne
qui intervient fait de l’assistance de niveau II; elle contribue ainsi au développement
de ressources latentes chez la personne aidée, lui redonnant les moyens de
s’autoévaluer, de s’autodéterminer et de s’autogérer dans l’action. Les volets de
compétences III et IV sont les plus utilisés.
La relation d’aide ponctuelle privilégie les approches centrées-surl’autodéveloppement. L’importance relative accordée à la suppléance et à l’assistance
au cours d’une relation d’aide n’est pas déterminée par les modalités de
psychothérapie ou de psychodéveloppement. On peut faire appel à l’expertise sur le
contenu dans l’une ou l’autre des modalités et dans tous les cas la suppléance sur le
processus est nécessaire. De plus l’assistance est une fonction indispensable dans
l’une et l’autre des modalités. La pondération des deux fonctions dépend
ordinairement de l’approche utilisée et de la situation traitée, mais, en toute
éventualité, c’est une question qui relève du champ de compétence de la personne qui
intervient. Cette pondération affecte en particulier l’usage que l’on fera de
l’évaluation psychologique. Les personnes ayant une formation poussée dans le
domaine clinique auront spontanément recours aux catégories diagnostiques pour
établir un profil psychologique de la personne aidée et opter pour des techniques
thérapeutiques appropriées. D’autres adopteront davantage l’approche humanisteexistentielle traditionnelles, considérant qu’un diagnostic spécifique n’est pas requis
pour une relation d’aide efficace. On considère, dans cette tradition, que la façon
d’aider une personne est la même, quel que soit son profil psychologique, de sorte
que l’évaluation est réduite à sa plus simple expression : la capacité d’être en contact
avec soi-même et avec la réalité extérieure. En présence d’indices évidents de
pathologie qui imposeraient une limite à leur capacité d’aider telle personne, ces
personnes choisiront de référer à des spécialistes.
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
250
LA RELATION D’AIDE
Le cas de Monsieur PER illustre une approche centrée-sur-l’autodéveloppement. La
demande initiale fait appel à l’expertise : « J’aimerais trouver des arguments pour
convaincre Karine de se faire avorter » (intervention 1); le client revient à la charge à
l’intervention 5 : « J’ai lu qu’un bébé qui n’est pas désiré aura des problèmes
psychologiques toute sa vie ». Ce n’est qu’à la fin du dialogue qu’il accepte
d’explorer ce qu’il vit et de traiter sa panique. Il a fallu d’abord que Doris refuse
l’expertise demandée, qui en l’occurrence ne pouvait résoudre le problème. C’est une
des particularités de la relation d’aide personnelle : souvent la personne qui consulte
espère trouver dans l’expertise les réponses toutes faites à son problème alors que,
dans la majorité des cas, c’est en misant sur ses propres ressources qu’elle peut
modifier la situation pour laquelle elle consulte. C’est ce qui explique l’importance
primordiale de l’assistance pour aider cette personne à chercher en elle-même les
réponses aux questions qu’elle se pose. Paradoxalement, Doris qui a d’abord refusé
l’expertise demandée par Monsieur PER (trouver des arguments pour l’avortement)
utilise plus loin l’expertise à deux reprises : en orientant la démarche de Monsieur
PER (intervention 6a) et en évaluant que celui-ci a besoin de temps pour digérer le
choc qu’il vit (intervention 9). Par rapport aux champs de compétence, la personne
qui intervient porte la responsabilité du recours à l’expertise : quelles que soient les
circonstances, c’est elle qui peut le mieux évaluer la pertinence d’introduire ou non
dans l’intervention le savoir accumulé dans sa discipline et, le cas échéant, selon
quelles modalités.
Les compétences de la personne aidante
Les compétences qui permettent à la personne aidante de contribuer au changement
souhaité par la personne qui fait appel à ses services professionnels seront décrites
brièvement à partir des quatre volets définis par le schéma de la figure utilisée plus
haut. Le schéma rappelle que, dans une structure de coopération, toutes ces
compétences se complètent mutuellement. En conséquence, quelle que soit la
modalité choisie (psychothérapie ou psychodéveloppement), lorsque les éléments
d’expertise (évaluer, orienter et habiliter) du volet I sont utilisés, ils sont toujours
étroitement associées aux compétences relationnelles qui permettent d’utiliser les
ressources de la personne aidée (volet II) de gérer le processus d’intervention (volet
III) et surtout de soutenir la réception, le choix et l’action (volet IV).
LA SUPPLÉANCE SUR LE PROCESSUS : LA GESTION
La gestion de l’intervention entre dans le champ de compétence de la personne
aidante; elle fait partie de la fonction de suppléance qui s’exerce sur le processus
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
251
même de l’intervention. Dans le contexte d’une relation d’aide ponctuelle, la gestion
du processus est d’une importance capitale en raison de la vulnérabilité de la
personne qui, au moment où elle consulte, se sent souvent démunie et incapable de
percevoir ses propres ressources; il y a un danger accru de dépendance et celle-ci peut
empêcher la relation de coopération de s’établir si elle n’est pas traitée adéquatement.
Pour établir et maintenir une relation de coopération et assurer le succès de
l’intervention, la personne aidante doit donc développer des compétences au plan de
la gestion.
Si la fonction de suppléance au plan du contenu peut varier au point d’être quasi
absente lorsqu’on aide une personne à s’utiliser, au plan du processus, la suppléance
est incontournable dans une relation d’aide ponctuelle. Les compétences de gestion
sont nécessaires pour 1) structurer la relation sur une base coopérative dès l’entrée, 2)
encadrer la démarche en maintenant l’équilibre entre la suppléance et l’assistance et
3) instrumenter au besoin la personne aidée pour qu’elle bénéficie davantage de cette
démarche.
Structurer une relation de coopération dès l’entrée
La structuration de l’intervention est une activité qui se fait d’abord au cours de
l’entrée, mais elle peut être reprise à chaque fois que la relation d’aide devient sans
objet apparent au cours du processus. Toute relation d’aide demande de la part de la
personne aidante une formulation de la situation qui soit compatible avec son cadre
d’analyse disciplinaire. L’entrée a pour but de définir la situation à changer, le
résultat visé et les règles du jeu; elle peut parfois durer quelques minutes, dans le cas,
par exemple, où l’intervention ne comprend qu’une rencontre; elle peut aussi occuper
une rencontre complète. Au terme de l’entrée, la personne aidante formule un projet
de contrat de travail. Idéalement, ce projet est présenté à la personne aidée; on en
discute et, si nécessaire, on le modifie jusqu’à ce qu’on arrive à un consensus. Il
arrive cependant qu’en raison de l’intensité de l’expérience vécue par la personne qui
consulte, on s’en tienne au début de l’intervention à un contrat implicite, quitte à le
reprendre plus tard pour le préciser et le discuter.
Dans le dialogue entre Doris et Monsieur PER, l’entrée porte surtout sur la définition
de la situation à changer. Cela est attribuable au fait que le dialogue reproduit ici est
un résumé d’une interaction dont le compte-rendu complet aurait nécessité plusieurs
pages de texte. On peut noter que l’entrée débute par une question ouverte dès la
première intervention : « Que puis-je faire pour vous? » Plusieurs interventions sont
en rapport avec la première cible, en raison surtout du recadrage qui s’impose. En 2,
Doris vérifie un élément important de la réaction de Monsieur PER : « Je comprends
que, vous-même, vous ne voulez pas de cet enfant ». La confirmation vient nette et
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
252
LA RELATION D’AIDE
claire : « C’est juste ». Aucune ambivalence ne semble présente. S’il y avait eu une
hésitation, on aurait pu s’engager dans une démarche tout à fait différente de celle qui
s’est amorcée; on aurait pu se centrer sur le choix à faire alors que, dans le cas
présenté, on s’est centré sur la réaction de panique de Monsieur PER et sur la
divergence dans le couple. On verra plus loin comment l’expertise exercée par Doris
sur le processus psychologique de Monsieur PER (intervention 9) a contribué au
succès du recadrage. La dernière réplique de Monsieur PER confirme que le
recadrage est accepté : « J’aimerais vous revoir. Je sens que j’ai besoin de parler ». La
situation à changer est d’abord l’état émotionnel de Monsieur PER par rapport au fait
de se retrouver père d’un enfant non voulu. Conformément au principe selon lequel
on peut réintroduire au besoin les cibles de l’entrée, il n’est pas nécessaire de
déterminer à cette étape ce qu’on fera par la suite, mais il est évident que la situation
comprend aussi la divergence des conjoints sur la décision à prendre.
Pour ce qui est de la deuxième cible, en raison de l’état d’effervescence dans lequel
se trouve Monsieur PER, il est sans doute prématuré de déterminer précisément le
résultat attendu de l’ensemble de l’intervention. Implicitement on peut déduire que le
résultat immédiatement visé par l’intervention est que Monsieur PER « se reprenne en
main » selon l’expression utilisée par Doris à l’intervention 6. Par la suite, on suppose
que le résultat visé sera que le couple en arrive à prendre une décision satisfaisante.
La deuxième cible de l’entrée pourra être réintroduite plus tard, lorsque Monsieur
PER aura retrouvé un mode de fonctionnement moins perturbé. C’est à partir des
attentes de Monsieur PER, ou du couple si ce dernier devient le client, que l’on
pourra préciser un autre résultat. Il est possible aussi qu’après s’être « repris en
main », Monsieur PER considère qu’il n’a plus besoin d’une aide professionnelle
pour résoudre le problème avec sa conjointe.
La troisième cible de l’entrée a été poursuivie explicitement à travers deux
interventions où Doris clarifie son rôle. Dès l’intervention 3, après avoir exprimé son
malaise face au rôle que Monsieur PER veut lui faire jouer, Doris fait une première
clarification : « Ce que je peux vous offrir, c’est de vous aider à explorer différentes
solutions... ». À l’intervention 8, deux autres possibilités sont énoncées, après un
nouveau refus du mandat que Monsieur PER persiste à vouloir confier à Doris : « Ce
n’est pas mon rôle de convaincre qui que ce soit, mais dans une rencontre à trois, je
pourrais vous aider à résoudre votre divergence et à faire des choix. Pour l’instant ce
que je peux faire pour vous aider c’est de vous inviter à parler de ce que vous vivez
personnellement dans cette situation ».
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
253
Encadrer la démarche
L’encadrement de la démarche est la deuxième compétence au volet III (gestion du
processus). La démarche a commencé avec la structuration faite au cours de l’entrée;
elle se poursuit à travers les différents étapes qui auront fait l’objet du contrat de
travail établi au terme de l’entrée. Elle se termine par un bilan et un examen des suites
à donner. Le dialogue entre Doris et Monsieur PER contient peu de données pour
déterminer les étapes de la démarche entreprise; on peut présumer cependant que les
termes du contrat seront précisés au début de la prochaine rencontre.
Le contrat d’intervention permet d’établir ce qu’on appelle une trajectoire. La notion
de trajectoire est prise au sens figuré : de la même façon qu’on peut prédire la courbe
que suivra un mobile qu’on lance dans l’espace en fonction de la force utilisée et des
conditions de l’environnement, on peut prédire le trajet que suivront les partenaires
d’une relation en fonction du contrat de travail qu’ils se donnent au point de départ.
On peut se donner une trajectoire à forte suppléance ou une trajectoire à forte
assistance selon qu’on privilégie l’une ou l’autre des deux fonctions de base.
Dans certains cas, les difficultés sont attribuées à des déficiences de l’organisme, ce
qui favorise une trajectoire à forte suppléance. La modalité de psychothérapie, définie
plus haut, favorise aussi ce type de trajectoire. On peut utiliser la suppléance sur le
contenu en offrant à la personne aidée de procéder à une évaluation, d’orienter son
action par des conseils ou de l’habiliter pour mieux répondre à ses besoins. La
formulation du changement visé, dans la figure proposée plus haut, souligne que la
suppléance ne vise aucunement à remplacer le processus naturel de croissance; il ne
s’agit pas uniquement d’évaluer, d’orienter et d’habiliter la personne aidée, comme
on le ferait dans un modèle médical, mais de l’aider, par la suppléance, à s’évaluer, à
s’orienter et à s’habiliter. Cette nuance explique la nécessité d’une complémentarité
entre la suppléance et l’assistance.
La notion de trajectoire ne préjuge pas de l’approche utilisée par la personne aidante.
Certaines approches privilégient la suppléance sur le contenu; d’autres se limitent à la
suppléance sur le processus; d’autres se limitent presque exclusivement à de
l’assistance. On observe des trajectoires à forte suppléance dans la modalité de
psychodéveloppement; mais on observe aussi des trajectoires à forte assistance dans
la modalité de psychothérapie. Dans ce dernier cas, la personne aidante n’introduit
aucune évaluation externe, ne donne aucun conseil et ne procède à aucune
habilitation; elle présume que la personne aidée a les ressources suffisantes pour
s’évaluer, s’orienter et s’habiliter; et cela, malgré les déficiences observées dans le
processus naturel de croissance. Dans ces approches, la personne aidante limite la
suppléance à la gestion du processus d’intervention : elle contribue au changement
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
254
LA RELATION D’AIDE
visé en structurant et en encadrant une démarche au cours de laquelle la personne
aidée restera en charge du processus de changement. Elle se limitera à instrumenter la
personne aidée pour qu’elle puisse elle-même s’évaluer, s’orienter ou s’habiliter.
C’est par une assistance de niveau II que la personne aidante contribue au
changement visé.
Dans tous les cas, quelle que soit la trajectoire choisie et quelle que soit l’approche
utilisée, on présume qu’une bonne alternance entre la fonction de suppléance et la
fonction d’assistance est un facteur d’efficacité; autant dans une modalité de
psychothérapie que dans une modalité de psychodéveloppement. Dans le contexte de
la relation d’aide ponctuelle, la compétence de gestion de la personne aidante se
manifeste donc dans sa capacité de maintenir un équilibre entre, d’une part, les
ressources qu’elle apporte et, d’autre part, les ressources de la personne aidée. Une
condition d’efficacité est la détermination chez celle-ci à se modifier ou à s’utiliser en
fonction de la situation qui fait l’objet d’une demande d’aide. De la part de la
personne aidante, l’équilibre des compétences suppose que toute expertise soit
présentée comme un point à vérifier et à valider dans la situation particulière qui fait
l’objet de l’intervention. La science psychologique, comme toute science, ne dispose
d’aucune vérité. De plus, en raison du caractère unique de chaque situation, elle ne
permet presque jamais de prescrire; on ne peut que proposer des pistes de réflexion et
de recherche lorsqu’on répond à une demande particulière. C’est donc par la gestion
d’un processus qui favorise la synergie des ressources en présence que les résultats
visés peuvent être obtenus.
Dans le cas de Monsieur PER, si Doris rejette le recours à l’expertise pour « trouver
des arguments en faveur de l’avortement », c’est d’abord pour éviter d’être complice
de la décision que Monsieur PER veut imposer à sa conjointe; mais c’est aussi parce
que le savoir homologué dans sa discipline ne peut régler le problème particulier de
ce couple. On trouvera dans les résultats de recherche sur cette question des
arguments en faveur et en défaveur des deux positions; la science psychologique
renseigne, mais elle ne permet pas de prescrire des solutions aux questions
existentielles que les personnes aidées se posent. Pour que le client puisse utiliser à
bon escient le savoir homologué, il est important qu’il n’y cherche pas la vérité, mais
des pistes de réflexion; de là l’insistance de Doris pour que Monsieur PER se
« reprenne en main » avant de se tourner vers les connaissances dont dispose la
psychologie.
INSTRUMENTER LA PERSONNE
MEILLEURE RELATION D’AIDE
INTERACTIONS
AIDÉE
POUR
UNE
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
255
Au cours de la relation d’aide ponctuelle, le jeu de la suppléance et de l’assistance
permet l’utilisation et l’activation des ressources de la personne aidée en vue de
produire le changement souhaité. Une dernière forme de suppléance, au plan de la
gestion, consiste à instrumenter la personne aidée pour qu’elle profite davantage de la
relation d’aide. L’instrumentation consiste à proposer certaines techniques et à les
enseigner, si la personne aidée le souhaite, pour que celle-ci profite davantage de
l’intervention. À titre d’exemple, on peut citer le procédé de focusing.
Le focusing est une méthode que Gendlin (1992), collaborateur de Carl Rogers, a
développée après avoir constaté que certaines personnes ne profitaient pas des
procédés habituels d’assistance (accentuation, reflet de sentiment, reformulation) en
raison d’une déficience du processus naturel de réception. Pour apprendre à ces
personnes à se mettre en état de réception face à leur propre organisme, Gendlin a
créé un manuel de focusing; c’est une démarche structurée au cours de laquelle la
personne aidante guide la personne aidée par des directives précises qui dirigent son
attention de façon à franchir progressivement les différentes étapes de la réception.
Pour aider Monsieur PER à mieux saisir la nature de sa réaction de panique, Doris
pourrait, par exemple, l’inviter à fermer les yeux, puis à diriger son attention vers
l’endroit, à l’intérieur de lui, où il ressent les choses, puis à laisser émerger, sans
aucune analyse, tout ce qui surgit de son organisme en rapport avec sa situation
actuelle.
La suppléance sur le contenu : l’expertise
Toute intervention suppose une référence implicite ou explicite à une théorie du
changement. La théorie utilisée ici est présentée dans un livre intitulé : S’actualiser
par des choix éclairés et une action efficace (St-Arnaud, 1996). Selon les postulats de
la psychologie humaniste-existentielle, on considère que chaque être humain est
guidé dans son développement personnel par une tendance à l’actualisation qui se
manifeste dans un besoin d’autodétermination. Ce besoin d’autodétermination a été
analysé dans les études expérimentales de Deci et Ryan (1985).
La théorie du changement se résume dans trois mots clés : recevoir, choisir et agir. En
supposant que la personne est la manifestation d’un changement continuel, celui-ci se
fait de façon harmonieuse lorsque la personne s’applique à recevoir, sans la déformer,
l’information qui vient de son propre organisme et de son environnement
(disponibilité), à choisir sa propre ligne de conduite (autonomie) et à agir de façon à
répondre aux besoins de son organisme (efficacité).
Lorsqu’une personne demande de l’aide psychologique, on peut présumer qu’une ou
plusieurs de ces trois opérations lui font problème en raison soit d’une déficience
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
256
LA RELATION D’AIDE
permanente, soit d’un blocage temporaire. Idéalement, si tout fonctionnait
normalement, la personne serait en mesure de faire face à n’importe quelle situation
et de s’autodéterminer. Si elle demande de l’aide, c’est que, au cours de son histoire
personnelle ou à la suite d’un événement précis, le processus naturel de croissance est
perturbé. Si les perturbations sont majeures, au point d’entraîner une déficience
permanente, il peut être pertinent que la personne aidante supplée temporairement
aux lacunes de la personne aidée en utilisant le savoir et le savoir-faire
psychologiques pour évaluer la personnalité de celle-ci, orienter son action ou
l’habiliter pour répondre à ses besoins. Mais que l’on choisisse de suppléer ou non,
l’objectif ultime d’une relation d’aide ponctuelle est de redonner à la personne aidée
l’usage de son processus naturel de croissance. La relation d’aide ponctuelle consiste
donc à créer un environnement provisoire – la durée de la relation d’aide – dans
lequel une assistance est apportée à la personne aidée pour qu’elle utilise ses propres
ressources. On retrouve ici la complémentarité entre les deux fonctions de base de
toute intervention : la suppléance et l’assistance. Dans le cas de Monsieur PER, par
exemple, l’annonce qu’il est le père d’un enfant malgré lui entraîne un état de
panique; il est envahi par ses émotions et devient incapable de faire un choix éclairé.
Doris présume que son client a les ressources pour faire face à la situation et lui offre
une aide pour recevoir l’information de son organisme (« Je peux vous aider à parler
de ce que vous vivez personnellement dans cette situation ») et faire un choix qui
prenne en considération toutes les informations disponibles (« Je peux vous aider à
explorer différentes solutions »).
Le dialogue professionnel typique d’une relation d’aide contient un certain nombre
d’expertises (interprétations) soit sur la situation, soit sur les processus
psychologiques de la personne aidée. Par ailleurs, on met souvent en garde les
personnes qui interviennent contre le danger de la dépendance chez la personne aidée.
Ce n’est pas la présence d’expertise qui crée la dépendance mais la façon de
l’introduire et de l’utiliser. On revient toujours à la question de l’équilibre; le succès
d’une relation d’aide ponctuelle dépend de l’équilibre que la personne aidante réussit
à établir entre les deux grandes fonctions que sont la suppléance et l’assistance.
Pour faciliter l’intégration de l’assistance et de la suppléance dans la gestion d’une
relation d’aide ponctuelle, les expertises seront présentées en utilisant trois catégories
qui correspondent aux trois phases du processus naturel de croissance : évaluer est
une expertise associée à l’élément « recevoir », orienter est une expertise associée à
l’élément « choisir » et habiliter est une expertise associée à l’élément « agir ».
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
257
L’expertise d’évaluation
Au plan de la réception, une déficience peut être à l’origine de la difficulté qui amène
la personne à consulter. Elle peut se manifester par une anxiété sans cause apparente,
des réactions émotives inexplicables, un sentiment de vide ou une incapacité de
donner un sens à sa vie. La personne aidante pourra donc décider que l’utilisation
d’un cadre de référence professionnel est utile pour suppléer aux déficiences du
processus naturel d’autoévaluation. L’expertise d’évaluation peut se faire à travers
des procédés variés qui parfois impliquent l’utilisation de grilles diagnostiques
complexes (American Psychiatric Association - DSM-IV, 1995; Delisle, 1993;
Hersen et Turner, Édit., 1991; Lazarus, 1989). Elle prend aussi des formes plus
simples lorsque la personne aidante propose une simple interprétation.
L’interprétation est une évaluation qui porte non pas sur l’ensemble de la personnalité
ou d’une situation mais sur un point particulier du comportement ou d’un processus
psychologique de la personne aidée; elle consiste à soumettre ce point particulier à
une analyse basée sur le savoir disciplinaire. Dans son dictionnaire du counseling,
Biggs (1994) définit l’interprétation comme « un processus par lequel on suggère des
possibilités de significations des comportements du client » (p. 133, traduction libre).
Dans une relation d’aide comme celle qui s’amorce entre Doris et Monsieur PER, il
serait disproportionné d’entreprendre une évaluation systématique de la personnalité
de celui-ci; on trouve cependant dans le dialogue un exemple d’évaluation sommaire
qui porte sur un processus psychologique spécifique : « J’ai l’impression que vous
avez besoin de temps pour digérer le choc que vous vivez » (intervention 9). Par
rapport à l’alternance entre les fonctions de suppléance et d’assistance, il est
intéressant de noter le mot « possibilité » utilisé par Biggs; ce dernier cite d’ailleurs
deux auteurs (Brammer et Shostrom, 1977) pour qui l’interprétation consiste à
présenter au client des hypothèses concernant la signification de son comportement;
c’est donc en interaction avec l’expérience du client que l’interprétation sera retenue
ou rejetée.
L’expertise d’orientation
Au plan du processus décisionnel, une déficience peut être à l’origine de la difficulté
qui amène une personne à consulter. Elle peut se manifester par une forte dépendance
affective, une indécision chronique, un manque de contrôle de soi, etc. L’expertise
d’orientation consiste à fournir à la personne aidée des informations qui ont pour effet
d’orienter son processus décisionnel. Une telle expertise ne signifie en aucune façon
qu’on décide à la place de la personne aidée; mais on peut considérer, en raison de
lacunes manifestes dans le processus naturel de croissance, qu’une orientation est
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
258
LA RELATION D’AIDE
pertinente. Parmi les nombreux procédés qui servent à transmettre une expertise
d’orientation, le conseil est sans doute le plus connu.
Le conseil est un procédé pour orienter le processus décisionnel; il peut porter sur des
actions à entreprendre ou sur la façon de gérer une situation. Cette dernière modalité
est illustrée dans le dialogue entre Doris et Monsieur PER, dans l’intervention 6 :
« Avant de passer aux arguments, dans une situation aussi personnelle, il me semble
préférable de se reprendre en main ». Cette généralisation est basée sur le principe
généralement admis qu’une personne risque de faire de mauvais choix si elle agit de
façon impulsive, sous le coup d’une émotion forte. En l’introduisant dans le dialogue
à ce moment, Doris rend plus explicite la structuration amorcée précédemment : « Je
vous sens pressé de trouver de bons arguments, mais cela me semble prématuré ».
L’expertise d’habilitation
Au plan de l’action, une déficience peut être à l’origine de la difficulté qui amène la
personne à consulter. Elle peut se manifester par une incapacité d’effectuer les tâches
habituelles ou par différentes lacunes au plan du savoir-faire. La suppléance peut
alors prendre la forme d’une habilitation. La personne aidante favorise des
apprentissages nouveaux reliés aux actions que la personne aidée veut entreprendre
de façon à augmenter l’efficacité de celles-ci. L’action efficace, dans ce contexte, est
une action qui permet à la personne de répondre adéquatement à ses besoins de base
(St-Arnaud 1996, chap. 4). Il faut noter cependant que ce type de suppléance est
ordinairement sans effet, si la personne aidée n’a pas d’abord fait le choix de passer à
l’action, de s’utiliser ou de se modifier pour répondre à ses besoins.
Le modeling est un exemple de procédé utilisé pour transmettre une expertise
d’habilitation : dans le cadre d’un jeu de rôle, la personne aidante prend le rôle de la
personne aidée qui, elle, prend le rôle de l’interlocuteur. En jouant le rôle de la
personne aidée, on peut illustrer de nouvelles façons d’agir reconnues comme
efficaces dans le cadre du savoir disciplinaire. Dans la documentation
professionnelle, on trouve plusieurs procédés de suppléance visant des entraînements
spécifiques : entraînement à l’amitié, entraînement à l’autocontrôle, entraînement à la
communication, entraînement aux habiletés sociales et à l’affirmation; O’Donohue, et
Krasner (1995), ont mis à contribution une vingtaine d’auteurs qui présentent, dans
un livre de plus de 400 pages, les procédés les plus utilisés.
L’ASSISTANCE
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
259
L’assistance, comme on l’a vu plus haut, comporte deux niveaux : le premier sert à
augmenter la qualité de la suppléance (sur le contenu et sur le processus) en utilisant
les ressources de la personne aidée; le second sert à activer les ressources de cette
personne. Dans une relation d’aide ponctuelle, on retrouve ces deux niveaux, mais le
deuxième est au premier plan puisque le modèle d’intervention vise précisément à
redonner à la personne aidée les moyens de réactiver son processus naturel de
croissance et de s’autodéterminer.
L’utilisation des ressources de la personne aidée pour fin de
suppléance
Le niveau I d’assistance ne nécessite pas une compréhension empathique globale du
cadre de référence de la personne aidée, car la cueillette d’informations à laquelle on
procède est au service de la suppléance et celle-ci se fait en fonction d’un cadre de
référence professionnel dont la personne aidante est l’interprète. Ce premier niveau
d’assistance demande des compétences pour 1) recueillir de l’information auprès de
la personne aidée, 2) valider les orientations proposées et 3) adapter, le cas échéant,
les habilitations entreprises. Cette assistance de niveau I peut s’exercer à travers
différents procédés dont le plus utilisé est sans doute la question.
L’utilisation des ressources de la personne aidée suppose les compétences habituelles
d’un bon interviewer qui réussit à créer un climat de confiance et à s’assurer de la
précision et de la justesse des informations recueillies. La question peut alors servir à
recueillir l’information qui servira à l’évaluation, à valider une orientation ou à
adapter une action. On peut choisir des questions fermées pour obtenir une réponse
brève et précise; par exemple, Doris demande à Monsieur PER de confirmer sa
perception : « Est-ce que je me trompe en disant que présentement vous êtes un peu
en état de panique? » On peut utiliser des questions ouvertes pour permettre à la
personne aidée de s’exprimer plus librement; par exemple, Doris commence son
dialogue par une question ouverte : « Bonjour Monsieur PER, que puis-je faire pour
vous? » La question guide se situe entre les deux; sans être fermée, elle dirige
l’attention de la personne aidée sur un aspect de son expérience lié à un processus
psychologique particulier : on peut lui demander de donner des faits pour illustrer un
malaise ou une difficulté présentée en termes généraux; on peut lui demander ce
qu’elle ressent; on peut lui demander de décrire ses raisonnements; on peut lui
demander quelles sont ses intentions. La question guide est ouverte par rapport au
contenu, mais elle est fermée par rapport à la dimension de l’expérience sur laquelle
on sollicite de l’information. Dans l’intervention 10, Doris offre la possibilité d’une
autre rencontre; on aurait pu utiliser une question fermée en disant : « voulez-vous
que l’on se revoit? »; on aurait pu utiliser une question ouverte en disant : « ou en
êtes-vous présentement? »; on aurait pu utiliser une question guide en dirigeant
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
260
LA RELATION D’AIDE
l’attention de Monsieur PER sur sa motivation : « Quelles sont vos intentions
présentement? »
L’activation du processus d’actualisation
L’assistance de niveau II exige que l’on mette de côté le cadre de référence
professionnel pour se familiariser avec le cadre de référence de la personne aidée et
se l’approprier. Elle permet, bien sûr, d’aider une personne à recevoir l’information
qu’on lui apporte dans le cadre d’une évaluation ou à réagir aux orientations
proposées, mais elle vise surtout à activer le processus naturel de croissance.
Différents procédés permettent 1) de soutenir la réception en faisant émerger de
nouvelles informations en provenance de l’organisme de la personne, 2) de soutenir
la personne dans sa recherche d’autonomie pour qu’elle procède à des choix
personnels, et 3) de soutenir l’action par laquelle la personne peut répondre à ses
besoins.
Dans le contexte d’une relation d’aide, on peut comparer l’assistance de niveau II à
l’aide que l’on apporte à une personne qui a de la difficulté à respirer après avoir été
exposée trop longtemps à la fumée lors d’un incendie. L’aide qu’on lui apporte
consiste à créer un environnement paisible et particulièrement riche en oxygène (la
tente à oxygène) pour permettre à son organisme de récupérer : c’est l’organisme qui
fait le travail, le personnel professionnel ayant pour tâche d’assister les processus
naturels. L’image a ses limites car, contrairement à l’environnement de la tente à
oxygène qui est matériel et statique, l’environnement que l’on crée dans une relation
d’aide est psychologique et interactif.
Lorsque la personne aidante gère une trajectoire à forte assistance, elle crée un
environnement psychologique particulièrement riche : ses attitudes d’écoute
empathique, de considération positive inconditionnelle et de congruence, pour
reprendre les termes classiques de Carl Rogers (1957), ont pour effet d’activer le
processus naturel de croissance17. Le traitement de la demande initiale permet parfois
de préciser un type particulier d’assistance dont la personne aidée a surtout besoin,
mais l’exercice ordinaire de la relation d’aide ponctuelle suppose des habiletés pour
assister la personne aidée dans chacune de ces opérations. Il est évident, par exemple,
17
Dans sa revue de la recherche sur les facteurs communs, Castonguay (1987) établit que la
qualité de la relation est soulignée dans toutes les approches: “Tous les auteurs qui ont étudié
les facteurs communs l’ont identifiée comme une condition sine qua non à toute intervention ”
(p. 194). Il précise que les trois conditions rogériennes d’une bonne intervention sont
reconnues par l’ensemble des intervenants: “ La nécessité clinique de ces habiletés
interpersonnelles est aussi reconnue par les thérapeutes béhavioristes qui accordent de plus en
plus d’importance à la relation dans l’application de leurs techniques thérapeutiques ” (p 194).
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
261
que Monsieur PER a besoin d’assistance pour une trajectoire de réception; à travers
ce qu’il a reconnu comme de la panique, son organisme proteste contre un événement
qui bouscule son plan de développement personnel et familial. Il formule une
demande d’aide au plan de l’action (trouver des arguments pour convaincre Karine de
se faire avorter) mais la fébrilité qu’il manifeste indique que cette action n’est pas
entreprise à la suite d’un choix éclairé. Il n’est même pas en mesure de peser le pour
et le contre d’un avortement. Lorsque Doris lui propose cette trajectoire (intervention
3), il rejette l’idée même d’une alternative à l’avortement. Doris lui suggère alors de
ralentir le processus et lui offre une trajectoire de réception en nommant l’état de
panique (intervention 6). Cette trajectoire semble avoir été poursuivie pendant les 30
minutes mentionnées après l’intervention 9. À la fin du dialogue, Monsieur PER
demande de poursuivre dans cette direction en donnant déjà des signes qu’il
commence à recevoir l’information perturbante sans panique : « J’aimerais vous
revoir. Je sens que j’ai besoin de parler. C’est vrai que j’ai réagi avec panique, mais
déjà, je me sens moins tendu ».
L’assistance à la réception
Au plan de la réception, plusieurs facteurs peuvent être à l’origine d’un blocage
temporaire du processus naturel de croissance. Quelle qu’en soit la cause, ce blocage
se manifeste chez la personne qui demande de l’aide par une difficulté à voir clair en
elle-même, à nommer ce qu’elle vit, à accepter un événement, à intégrer un feedback, etc.
Plusieurs procédés peuvent aider une personne à contourner le blocage du processus
naturel sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre une expertise d’évaluation formelle.
Dans une trajectoire qui vise à augmenter la qualité de la réception, on utilise des
procédés qui n’introduisent aucun cadre de référence externe. Même les questions
sont évitées parce qu’elles sont le plus souvent associées à un cadre de référence
professionnel et maintiennent l’organisme dans un état de passivité alors que
l’assistance à la réception vise à ce que la personne aidée soit active et en recherche
de ce qui se passe dans les zones obscures de son organisme. Les questions et les
interprétations font place à des procédés davantage conçus pour favoriser cette
recherche active. Le reflet de sentiment est un procédé privilégié dans une trajectoire
à forte assistance.
Le reflet de sentiment est une forme d’assistance qui porte spécifiquement sur le
mode affectif de la personne aidée : ce qu’elle vit, ce qu’elle ressent, ses besoins etc.;
au lieu de poser une question sur ce vécu, la personne aidante cherche à répondre
elle-même à sa question de façon empathique; elle soumet ensuite son décodage
empathique sur un ton qui invite la personne aidée à confirmer ou à infirmer ce
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
262
LA RELATION D’AIDE
décodage. Le reflet résulte d’une interprétation empathique qui peut être basée aussi
bien sur le comportement non verbal (par exemple, le ton de la voix) de la personne
aidée que sur ce qu’elle a dit. Le comportement verbal et non verbal de la personne
aidante contribue également à transmettre une attitude de considération et
d’acceptation inconditionnelle : l’intervention ne contient ni jugement de valeur ni
jugement professionnel basé sur un cadre de référence autre que celui de la personne
aidée. Dans son dialogue avec Monsieur PER, Doris utilise ce procédé à
l’intervention 7 : « J’ai l’impression que vous êtes sous le choc de découvrir que
Karine est enceinte malgré vos précautions pour éviter un enfant ».
L’assistance au choix personnel
Au plan du choix personnel, le blocage se manifeste ordinairement par une difficulté
à faire des choix, à résister aux pressions de son milieu, à s’affirmer, etc. Un des
obstacles courants de la relation d’aide professionnelle est la dépendance de la
personne aidée qui demande soit une solution à son problème, soit des directives
précises sur la façon de procéder pour arriver à une solution. Il peut être pertinent de
répondre à une telle demande par des activités de suppléance, mais souvent
l’assistance de niveau II permet de contourner le blocage du processus naturel et de
redonner à la personne aidée la capacité de faire des choix personnels. L’assistance de
niveau II est la fonction qui favorise le plus l’autonomie de la personne aidée. Pour
éviter la dépendance, la personne aidante peut utiliser toute la gamme des procédés
d’assistance, dont le reflet de sentiment déjà décrit pour favoriser le processus de
réception; mais certaines formes sont plus spécifiquement conçues pour assister la
personne aidée à faire des choix personnels; telle est, par exemple, l’alternance
figure-fond.
L’alternance figure-fond est un procédé qui consiste à déceler et à favoriser le
mouvement spontané de l’organisme lorsqu’une personne vit une ambivalence.
Lorsque la personne aidée hésite entre deux options bien identifiées, on amplifie les
éléments affectifs (goût) ou rationnels (motif) que la personne évoque en faveur de
chacune des options. Après avoir « accroché » pour ainsi dire les deux options à deux
mots clés fournis par la personne aidée (partir ou rester; dire oui ou dire non; parler
ou ne pas parler), on laisse l’organisme de celle-ci déterminer lequel des deux côtés
mobilise d’abord son attention : on dit de cet élément qu’il est en figure et qu’il se
dégage de l’ensemble de l’expérience qui constitue le fond de scène. On aide la
personne à nommer tous les éléments qui orientent le choix de ce côté jusqu’à ce
qu’apparaisse un renversement figure-fond : les éléments associés à l’autre pôle de
l’ambivalence deviennent alors la figure, alors que les premiers disparaissent dans le
fond de scène. C’est souvent une phrase débutant par « oui, mais... » qui indique un
déplacement de l’attention vers l’autre côté, un changement dans le rapport figure-
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
263
fond. Lorsque le mouvement se produit en sens inverse, on revient à l’exploration du
premier élément de l’ambivalence. On oscille ainsi jusqu’à ce qu’un côté devienne
plus stable ou jusqu’à ce qu’il devienne évident que l’on ne progresse plus. Lorsque
la personne aidante utilise ce procédé, il est important qu’elle reste neutre par rapport
au contenu des deux pôles de l’alternance; c’est un peu comme s’il fallait assister à un
combat entre deux parties de l’organisme de la personne aidée sans savoir laquelle va
gagner. Il faut avoir la patience d’attendre la fin de ce combat très personnel et
surtout résister à la tentation de parier sur la victoire de l’un ou l’autre des
combattants.
L’assistance à l’action
Lorsqu’un blocage se produit au plan de l’action, la personne aidée peut avoir de la
difficulté à passer à l’action, à trouver des moyens pour être efficace, à répondre à ses
besoins, etc. Le sentiment d’impuissance vécu par la personne aidée peut révéler des
déficiences qui justifieraient le recours à l’expertise d’habilitation, comme on l’a vu
plus haut; mais une assistance à l’action peut souvent réussir à contourner le blocage
qui amène la personne aidée à consulter. Lorsque la personne aidée se demande
comment agir pour répondre à ses besoins de façon efficace, toute la gamme des
procédés d’assistance peut être utilisée, mais des procédés spécifiques, comme la
chaise vise, mobilisent davantage les ressources de la personne aidée lorsque le
blocage de l’action se manifeste en présence d’un interlocuteur.
La chaise vide est un procédé qu’on utilise comme suit : la personne aidée s’assoit en
face d’une chaise vide sur laquelle elle place, en imagination, l’interlocuteur (parent,
membre de la famille, connaissance, ami, employeur ou même un groupe) en face
duquel le blocage de l’action se produit. L’utilisation du mode imaginaire permet à la
personne aidée de minimiser les sentiments négatifs qui, dans l’action réelle, bloquent
l’accès à son répertoire habituel de stratégies; dans l’environnement protégé de la
relation d’aide, elle peut découvrir que des moyens qu’elle prend habituellement pour
répondre à ses besoins peuvent s’appliquer même lorsque le défi est élevé.
CONCLUSION
La relation d’aide ponctuelle décrite dans ce texte tente de dépasser la distinction de
plus en plus fragile que l’on faisait traditionnellement entre la psychothérapie et le
counseling. Elle applique, dans le champ de la relation d’aide, les caractéristiques de
l’intervention en psychologie des relations humaines. En mettant en synergie les
ressources d’une personne qui demande de l’aide avec celles d’une personne qui a
accès au savoir et au savoir-faire dont dispose la psychologie, on s’efforce de
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
264
LA RELATION D’AIDE
déterminer le type de changement qui est souhaité et souhaitable en fonction d’une
situation que la personne aidée veut changer. Pour atteindre les résultats visés, doit-on
se modifier, au moins en partie, ou au contraire s’accepter tel qu’on est et s’utiliser
pour faire face à la situation qu’on veut changer? C’est là une question qui est reprise
dans chaque nouvelle relation d’aide; il appartient aux partenaires impliqués d’y
répondre.
C’est au terme de l’entrée, au moment d’établir une sorte de contrat d’intervention
que l’on pourra préciser le type de trajectoire qu’on suivra au cours de l’intervention.
Selon l’évaluation sommaire faite au cours de l’entrée et l’approche privilégiée par la
personne aidante, on peut anticiper une trajectoire à forte suppléance (expertises
d’évaluation, expertises d’orientation ou expertise d’habilitation) ou une trajectoire à
forte assistance qui visera surtout à soutenir la réception, le choix ou l’action de la
personne aidée.
Toute intervention étant une recherche où deux personnes doivent s’ajuster
continuellement, des déséquilibres momentanés entre les ressources sont à prévoir;
mais, dans la mesure où une relation de coopération est maintenue entre les
partenaires, on peut espérer retrouver l’équilibre, le cas échéant, et produire un
changement significatif qui tiendra compte de toutes les contraintes de chaque
situation.
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
265
RÉFÉRENCES
American Psychiatric Association. (1996). DSM-IV : Manuel diagnostique et statistique
des troubles mentaux, 4e édition. Traduction française par J.D. Guelfi et al. Paris: Masson.
Beck, A.T. et Weishaar, M. (1995). Cognitive Therapy. Dans Corsini, R. & Wedding, D.
(Éds). Current psychotherapies (5th ed., chap. 8, p. 229-261). Itaska, Ill. : Peacock Publishers,
chap. 8, p. 229 à 261.
Bohart, A. C. (1995). The Person-Centered Psychotherapies. Dans Gurman A. S. et
Messer S. B. (Éds). Essential Psychotherapies; Theory and Practice (chap. 12, p. 85-127).
New York : The Guilford Press.
Brammer, L.M. (1988), The Helping Relationship, Process and Skills (Fourth Edition).
Englewood Cliffs, N. J.: Prentice-Hall.
Brammer, L. et Shostrom, E. (1977). Therapeutic psychology (3rd ed.). Englewood Cliffs,
N.J. : Prentice Hall.
Biggs, D. A. (1994). Dictionary of counseling. Westport, Conn. : Greenwood Press
Bujold, C. (1997). L’identité du counseling : Une tentative de définition. Science et
comportement, vol 26, supplément.
Castonguay, L.-G. (1987). Facteurs communs : vers un modèle transthéorique de la
psychothérapie. Dans Lecompte, C. et Castonguay, L.-G. (Éds). Rapprochement et intégration
en psychothérapie; psychanalyse, behaviorisme et humanisme (chap. 12). Boucherville :
Gaëtan Morin éditeur.
Cottone, R. R. (1992). Theories and Paradigms of Counseling and Psychotherapy.
Boston : Allyn and Bacon.
Deci E.L. et Ryan, R.M. (1985). Intrinsic Motivation and Self-Determination in Human
Behavior. New York : Plenum Press.
Delisle, G. (1993). Les troubles de la personnalité; perspective gestaltiste, (3ième
édition). Montréal : Les Éditions du Reflet.
De Shazer, S. (1988). Clues, Investigating Solutions in Brief Therapy. New York : Norton.
De Shazer, S. (1996). Différence. Bruxelles : Le Germer - SATAS.
Friedman, N. (1982). Experiential therapy and focusing. New York : Half Court Press.
Gendlin, E. (1984, 1992). Focusing : Au centre de soi. Montréal, Le Jour, Actualisation.
Greenberg, L., Rice, L.et Elliott, R. (1993). Facilitating emotional change : The moment
by moment process. New York : Guilford.
Hersen, M. et Turner, S. M. (Éds). (1991). Adult Psychopathology and Diagnosis,
(Second Edition). New York : John Wiley & Sons.
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
266
LA RELATION D’AIDE
Hoyt, M. F. (1995). Brief Psychotherapies. Dans Gurman, A. S. et Messer, S. B. (Éds).
Essential Psychotherapies; Theory and Practice (chap. 12, p. 441 à 487). New York : The
Guilford Press;.
Lazarus, A. A. (1989). The Practice of Multimodal Therapy, Systematic, Comprehensive,
and Effective Psychotherapy. Baltimore : The John Hopkins University Press.
LeBlanc, J. (1997). Le choix assisté : une relation d’aide axée sur la responsabilisation.
Interactions, vol. 1, no. 1.
Lecompte, C. (1997). Counseling et psychothérapie : Distinctions, ressemblances et
paradoxes. Science et comportement, vol 26, supplément.
Lhotellier, A., (1997), Conseil et thérapie : radicaliser la différence. Science et
comportement, vol 26, supplément.
Lietaer, G., Rombauts, J. et Van Balen, R. (Eds). (1990). Client-centered and experiential
psychotherapy in the nineties. Leuven, Belgium : Leuven University Press.
Maslow, A.H. (1972). Vers une psychologie de l’être. Paris: Fayard.
O’Donohue, W. et Krasner, L. (Edit.). (1995). Handbook of Psychological Skills
Training : Clinical Techniques and Applications. Boston : Allyn and Bacon.
O’Hanlon, W. H. et Beadle, S. (1997). Guide du thérapeute au pays du possible.
Bruxelles: Édition SATAS.
O’Hanlon, W. H. et Weiner-Davis, M. (1995). L’orientation vers les solutions, une
approche nouvelle en psychothérapie. Bruxelles: Édition SATAS.
Persons, J. B. (1989). Cognitive therapy in practice, a case formulation approach.
Markham, Ont.: Penguin Books Canada Ltd.
Raskin, N.J., et Rogers, C.R. (1989). Person-centered therapy, in Corsini, R. & Wedding,
D. (Éds). (1995). Current psychotherapies (5th ed.). Itaska, Ill. : Peacock Publishers.
Rickey, L. G. et Christiani, T.S. (1995). Counseling, Theory and Practice. Boston : Allyn
and Bacon.
Rogers, C.R. (1951). Client Centered Therapy: Its current practice. Boston: Houghton
Mifflin.
Rogers, C. R. (1957). The Necessary and Sufficient Conditions of Therapeutic Personality
Change. Journal of Consulting Psychology, 21, 95-103.
St-Arnaud, Y. (1978, 1989). Les petits groupes: participation et communication.
Montréal: Les Presses de l'Université de Montréal.
St-Arnaud, Y. (1995). L’interaction professionnelle : efficacité et coopération. Montréal :
P.U.M.
St-Arnaud, Y. (1996). S’actualiser par des choix éclairés et une action efficace.
Boucherville : Gaëtan Morin éditeur.
INTERACTIONS
Vol.2 no 2, Automne 1998
LA RELATION D’AIDE
267
St-Arnaud, Y. (1997a), Quelques compétences pour intervenir en psychologie des
relations humaines. Interactions, vol. 1, no 1.
St-Arnaud, Y. (1997b), Counseling ou psychothérapie? Une polarité à l’intérieur de toute
intervention. Science et comportement, vol 26, supplément.
St-Arnaud, Y. (1999). Le changement assisté : compétences pour intervenir en relations
humaines. Boucherville : Gaëtan Morin, Éditeur.
Watzlawick, P., Weekland, J. et Fisch, R. (1974). Change : Principles of Problem
Formation and Problem Resolution. New York, Norton and Co. (traduit en français sous le titre
de : Changements : paradoxe et psychothérapie, Paris, Seuil, 1975).
Vol. 2 no 2, Automne 1998
INTERACTIONS
Téléchargement