Les Conducteurs Quantiques - ENS-phys

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Les Conducteurs Quantiques
Jean-Marc BERROIR
Groupe de Physique Mésoscopique - Laboratoire Pierre Aigrain
Rapporteurs : CALANDRE Thibaut - TOURKINE Piotr
25 novembre 2008
Historiquement, le laboratoire Pierre Aigrain s'intéresse à la physique de la matière condensée, mais depuis
une vingtaine d'année, les sujets d'études se tournent de plus en plus vers les nano-objets (et même l'étude
de systèmes biologiques !). C'est dans cette optique que Jean-Marc BERROIR nous a décrit les conducteur
quantiques, qui sont un bon exemple d'objets mésoscopiques présentant des eets quantiques.
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Nécéssité d'une approche quantique
La conduction dans les métaux et semi conducteurs est très bien décrite par des modèles microscopiques
quantiques. Cependant, pour décrire la conductivité des métaux à l'échelle macroscopique, il n'est pas necessaire,
a priori, de considérer des eets quantiques : des modèles classiques (modèle de Drude, etc) fournissent une très
bonne approximation.
Cependant, avec la diminution de la taille des composants electroniques (cf. g.1) il n'est plus possible de
s'aranchir des phénomènes quantiques de cohérence et d'interférence.
Fig.
1 Réduction de la taille des composants électroniques
En eet, lorsque la taille des conducteurs devient semblable à la longueur de cohérence de phase des électrons,
il faut tenir compte des eets d'interférences. A l'ambiante cette longueur de cohérence de phase vaut environ
30 nm, or les transistors des processeurs récents font environ 10 nm, voire moins. L'électronique moderne
tient évidement compte de cela. Jean Marc Berroir nous a présenté dans son séminaire quelques aspects de la
conduction quantique.
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La conduction quantique
2.1 Les nano-conducteurs
Pour observer une inuence quantique sur la conduction d'un système, il est nécessaire de réduire celui à des
tailles nanométriques. Voici les deux conducteurs qu'on nous a présentés :
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un conducteur plan de largeur très faible (de l'ordre de grandeur de la longueur de Fermi). Ces plans
sont par exemple réalisés à partir d'une hétérostructure de semi-conducteurs (on obtient alors un gaz
bidimensionnel d'électron), ou avec une feuille de graphène. Dans ce guide d'onde, les modes transverses
: on a 1 à 10 modes pour
sont quantiés. Si W est la largeur du guide, le nombre de modes est N = λF2W
ermi
W2
W = 10 nm. Pour un conducteur cylindre 3d, le nombre de modes croit en λ2
: on a 1 à 5000 modes
F emi
Fig.
2 Conducteur quantique plan.
pour W = 10 nm.
Une feuille de graphène enroulée (nanotubes de carbone) peut aussi représenter un conducteur unidimensionnel, possédant exactement 2 modes.
2.2 Résistance d'un conducteur quantique et sa quantication
La propriété la plus étrange des nano-conducteurs est peut-être le fait qu'un nano-conducteur parfait possède
quand même une résistance ! En eet, si on applique une diérence de potentiel entre les deux extremités d'un
tel conducteur, le caractère fermionique des porteurs de charges (les électrons) impose un débit maximum
d'électrons en fonction du potentiel.
Fig. 3 Pour un mode de conduction, le principe de Pauli impose un ux très régulier d'électrons (tous les τ ),
localisées dans la limite de la relation d'Heisenberg.
Cette conduction limite donc le courant à : I = 2e eV
h (2 pour le spin).
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La résistance fondamentale pour un mode donné est alors :
Rh =
h
' 12.9 kΩ
2e2
Pour plusieurs modes, les conductances vont s'ajouter. En contrôlant la largeur du ruban conducteur , on
peut aussi mettre en évidance la quantication (en des multiples de la résistance fondamentale) de la résistance
totale.
Fig.
4 Conductivité en fonction de la largeur minimale du conducteur
2.3 Violations de la loi d'Ohm : non addition des conductances.
La conduction quantique permet aussi d'observer des comportements non conforme à la plus fondamentale
des lois de l'électrocinétique : la loi d'Ohm. Ici nous allons voir qu'on n'a plus l'additivité des conductances.
Prenons deux conducteurs A et B schématisés ci dessous.
Fig.
5 A gauche : A, à droite : B.
Leurs conductances respectives s'expriment en fonction de leur facteur de transmission T :
Gi =
.
2e2
Ti
h
Mais on n'a pas GA+B = GA +GB , il y a interférence pour le facteur de transmission du conducteur parallèle :
TA+B = TA + TB + 2 ∗
p
TA TB cos
2π(lA − lB )
λ
On peut ainsi créer des interféromètres à l'échelles nanométriques. En g.2.3 un interféromètre de Mach
Zender schématisé.
3
Fig.
6 Interféromètre de Mach Zender
2.4 Le bruit des conducteurs quantiques
En 1908 Schottky montre que le caractère discret des électrons induit des uctuations ∆I du courant électrique. Ce bruit est appelé bruit de grenaille, et son spectre est poissonnien. On a alors (∆I)2 = 2eI∆f (où ∆f
est la bande passante de l'appareil de mesure). En revanche, dans un conducteur quantique, le ot d'électrons
est régulé par le principe de Pauli : les électrons n'arrivent plus à des instants aléatoires mais très régulièrement
et on n'a plus de uctuations : (∆I)2 = 0. Un conducteur quantique parfait est non-bruyant.
Le seul bruit d'un conducteur quantique est le bruit de partition : les électrons sont arrêtés par les défauts
cristallins du conducteur, qui constituent des barrières de potentiel.
Fig.
7 Eet d'une barrière de potentiel sur le ux d'électron.
Si D est la probabilité pour un électron incident de passer la barrière, on montre que (∆I)2 = 2eI(1 − D)∆f .
Ceci est très bien vérié expérimentalement. Avec un potentiel électrique (cf g.8 le pont réglable)
on contraint le faisceau d'électrons en largeur. Les résultats de l'expérience gurent en gure 9. On part d'un
faisceau totalement fermé : le premier mode ne passe pas du tout. Puis on ouvre peu à peu : le bruit suit la
droite théorique en 1 − T1 , jusqu'à ce que le premier mode ne soit plus du tout rééchi. Ensuite, le deuxième
(1−T2 )
mode commence à passer, tout en suivant très bien la droite théorique en T21+T
, et ainsi de suite. On vérie
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aussi en regardant la conductance que les sauts de conductance correspondant aux diérents modes coincident
exactement avec les changements de régime.
4
Fig.
8 Eet d'une barrière de potentiel sur le ux d'électron.
Fig.
9 Bruit quantique
5
3
Conclusion - Recherches actuelles
En conclusion, la conduction quantique est un domaine très bien compris et très étudié actuellement. Les lois
de Kircho classiques sont remplacées par leurs analogues quantiques, (on n'a plus additivité des résistances,
etc.). Les nano conducteurs quantiques sont fondamentalement résistifs, très peu bruyant, mais aussi plus rapides ! En eet, un circuit RC a un seul électron se comporte de manière quantique et beaucoup plus rapidement
que son analogue classique.
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