les conducteurs quantiques

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Compte-rendu du séminaire de Jean-Marc Berroir
LES CONDUCTEURS QUANTIQUES
25 Novembre 2008
Rémi PAULIN et Laure BRUHAT
Introduction
La physique mésoscopique est confrontée à des effets quantiques qui
commencent à se manifester à son échelle.
Alors que la mécanique quantique permet d'expliquer l'existence de
conducteurs, d'isolants et de semi-conducteurs, on explique la conduction dans les
circuits de taille macroscopique par des modèles classiques, comme le modèle de
Drude.
Comment donc définir une frontière entre les mondes classique et quantique?
I- Quantification de la conductance
1-Quelques ordres de grandeur.
●
A une particule est associée une longueur d’onde, dite de De Broglie,
Pour les métaux, λ ≈ 0.5 nm
Pour les semi-conducteurs, λ ≈ 50 nm
●
Dans une étude quantique de la conduction, il est utile de définir la longueur
de cohérence de phase des ondes électroniques L : c’est la longueur sur
laquelle la fonction d’onde des électrons garde une phase déterminée. En effet,
l’électron n’est pas monoénergétique et donc pas monochromatique : le train
d’onde est par conséquent de longueur finie.
A titre de comparaison, c’est l’analogue de la longueur de cohérence temporelle
en optique.
Elle dépend de la distribution énergétique des électrons : les collisions entre
électrons la font donc varier.
A température ambiante : L ∼ 30 nm
A 4K (température de l’hélium liquide sous 1 atm) : L ∼ 1 µm
A T < 0.1 K : L >> µm
C’est la longueur de cohérence électronique qui marque la frontière entre
monde classique et monde quantique.
Longueur de
cohérence
électronique
MONDE
QUANTIQUE
MONDE
CLASSIQUE
De nos jours, la taille de processeurs atteint déjà 30 nm, et la loi de Moore prédit
une diminitution de moitié de la taille des composants tous les quatre ans ! D’où la
nécessité d’étudier et de prendre en compte les effets quantiques.
2-Résistance d’un nano-conducteur parfait.
a) Le modèle classique: modèle de Drude
Le calcul de la conductance dans ce modèle s’appuie sur les chocs des électrons contre
les noeuds du réseau cristallin ; elle s’exprime :
2
ne τ
G=
m
avec
m : masse de l’électron
n : densité électronique
τ : temps de libre parcours moyen
e : charge élémentaire
b) Quantification de la conductance
●
Considérons un gaz d’électrons bidimensionnel confiné dans un ruban de faible
largueur (W = 10 nm ; les substrats utilisés sont le Graphène, le GaAs, le
Mosfet,...). Le ruban est un puit de potentiel pour les électrons donc la fonction
d’onde s’annule aux bords. Cette condition aux limites impose une
quantification des modes transverses comme dans le cas des cordes vibrantes.
ψ1
y
e
ψ2
ikx
x
W
W
Fig 1 - Existence de modes transverses de conduction
Il y a : N =
2W
modes.
λ Fermi
Ici, N reste petit (1-10), la conduction est dominée par les effets quantiques. On peut
même obtenir un guide d’onde s’il n’y a qu’un seul mode !
●
●
Dans un conducteur 3D cylindrique de diamètre W, N atteint des valeurs très
supérieures (~1-5 .10³ !). L’existence de modes quantiques ne constitue alors
qu’une correction par rapport au modèle classique.
Les électrons peuvent également être confinés dans des conducteurs
unidimensionnels comme les nano-tubes de carbone (feuille de graphène
enroulée).
W
W
Fig 2 – nanotube de carbone
Pour W~1-3 nm, N=2 !
L’existence de
conductance.
ces
modes
entraîne
la
quantification
de
la
c) Calcul de la conductance pour un conducteur à un seul mode
On modélise les contacts par des réservoirs d’électrons. En tant que fermions, les
électrons suivent la distribution de Fermi-Dirac : à température nulle, tous les niveaux
jusqu’au potentiel chimique sont remplis et tous les niveaux d’énergie supérieure sont
vides. Il y a passage des électrons d’un réservoir à l’autre mais en moyenne, seule la
tranche d’énergie eV due à la différence de potentiel participe au courant électrique.
ε
eV
µL
ε
e
-
µR
V
f L ε 
-
+
τ=
Réservoir
d’électrons=
Corps noir
-> distribution de
Fermi-Dirac.c
2e
h
eV
2e 2e 2e
2e
...
Absorbe tous
les électrons
sans
discrimination
d’énergie
Fig 3 - Modélisation d’un conducteur à un mode
Le principe d’incertitude de Heisenberg nous donne la longueur de chaque paquet
d’onde :
τ=
h
eV
Le principe d’exclusion de Pauli nous dit qu’il y a deux électrons par paquet d’onde.
D’où :
I= 2 e .
2e
G=
h
eV
h
2
R ~ 13 kΩ
Les nano-conducteurs ont une haute impédance.
d) Calcul de la conductance pour un conducteur à N modes
Dans un conducteur parfait, les N modes sont transmis entièrement, donc la
conductance est tout simplement N fois celle calculée pour un mode. En réalité, les
conducteurs ont des défauts et la transmission des modes n’est pas parfaite. On
introduit un coefficient de transmission pour chaque mode n, noté Dn . Il est compris
entre 0 et 1. Dans le cas du conducteur parfait, tous les Dn valent 1.
On aboutit à la formule de Landauer :
2e 2
G= ∑ D n .
h
n=1
La conductance d’un conducteur quantique mesure la transmission de
l’onde électromagnétique.
e) Résultats expérimentaux
couche d’electrons
2D
hétérojonction semi-conducteur III-V AsGa/AsAlGa
Fig 4 – Dispositif expérimental
On considère le dispositif expérimental suivant : on place des grilles au dessus
d’un gaz d’électrons bidimensionnel. Leur forme permet de créer un contact ponctuel
quantique au sein du gaz d’électrons car quand on les polarise , les électrons sont
repoussés et prennent la forme de la grille. Au départ, les grilles sont polarisées très
conductance ( 2e
2
/h)
négativement : le conducteur est dit pincé, la conduction est nulle. Quand on diminue
progressivement la tension appliquée à la grille, on commence par laisser passer un
mode, puis deux...
3
2
1
0
-50
0
Vg
50
100
( mV )
Fig 5 – conductance en fonction de la tension appliquée à la grille
A chaque mode excité, la conduction augmente par sauts de 2e2/h.
3- Non addition des conductances en parrallèle
conducteur A
1
2
Conductance
conducteur B
1
2
2e
GA =
TA
h
2
2
2e
GB =
TB
h
conducteur A+B
1
2
lA
lB
Conductance
Gab ≠ Ga+Gb
Ce phénomène de non-addition des conductances en parallèle vient des
interférences entre ondes électroniques.
En effet, un circuit en parallèle est un interféromètre : le paquet d’onde passe à
la fois par le conducteur A et le conducteur B et en sortie les deux ondes d’amplitudes
différentes (les conducteurs A et B n’ont pas la même conductance) et déphasées (les
conducteurs A et B n’ont pas la même longueur) interfèrent. La conductance totale est
proportionnelle au facteur de transmission global donné par la formule bien connue
des interférences à deux ondes :
T A  B = T A  T B  2  T A T B cos 2π l A−l B / λ
II- Le bruit électronique dans les conducteurs quantique
1- Le bruit de grenaille "classique"
L’aspect corpusculaire des électrons fait que la charge est quantifiée par paquet de e.
Cela entraîne des fluctuations du courant électrique, phénomène appelé bruit de
grenaille, découvert par Schottky en 1908. La statistique de Poisson conduit à :
2
 ΔI  = 2 e I Δf
2- Le nanoconducteur parfait est non bruyant
Dans un nanoconducteur parfait, il n’y a pas de réflexion et pas de collisions donc le
flux d’électrons est uniquement régulé par le principe de Pauli. Il est donc
extrêmement régulier et on a :
2
⟨ ΔI ⟩= 0
On parle de faisceau balistique.
3- Le bruit de partition
On s’intéresse maintenant au cas où il y a une barrière D. L’électron a une probabilité
D de franchir la barrière et une probabilité 1-D d’être réfléchi.
(D)
eV
I incident = e .
h
(r)
eV
2
e V
I= D
h
(i)
(t)
Fig 6 - Conduction électrique dans un conducteur en présence d’une barrière
La loi binomiale conduit à :
2
⟨ ΔI ⟩= 2 e I  1 − D  Δf
4- Réduction quantique du bruit dans un contact ponctuel
quantique
On reprend le dispositif expérimental du I-2-e.
I
V
Gate
2-D
electron
gas
100 nm
λ F ≈ 70 nm
Gate
Fig 7 - Dispositif expérimental : contact quantique ponctuel
2
Quand seul le premier mode est excité : ⟨ ΔI ⟩= 2 e I  1 − D 1  Δf
Quand les deux premiers modes sont excités :
⟨ ΔI 2 ⟩= 2 e I
D2  1 − D2 
Δf
1  D2
Bruit ΔI2/Bruit Schottky
Quand on trace le bruit en fonction de la transmission, on constate qu’il s’annule pour
les valeurs entières de 2e2/h qui correspondent aux modes de conduction. Cela
constitue bien une preuve qu’un flux balistique est non bruyant.
1
D3 = 0  1
1,0
1 −Det)al. PRL (1996)
(Kumar
.8 0,8
1
.6 0,6
D2(1 −D2)
1 + D2
.4 0,4
.2 0,2
0
0,0
0.
0.5
1.
1.5
2.
2.5
Conductance 2e² / h
Fig 8 – Etude du bruit de partition en fonction de la conductance
Pour réduire le bruit, il faut donc régler la tension des grilles de
manière à avoir un contact dont la largeur est un nombre entier de
demie-longueur d’onde.
Conclusion
Jean-Marc Berroir nous a présenté quelques manifestations spectaculaires de la
mécanique quantique dans la conduction.
L’enjeu des recherches actuelles est de passer à une étude dynamique en vue de
contrôler la manipulation d’électrons à des temps inférieurs au temps caractéristique
correspondant à la longueur de cohérence électronique.
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